jeudi 2 août 2018

"La forme de l'eau", film de Guillermo del Toro, 2018

    Il est de ces films dont les images surgissent d'un coup, au détour d'une pensée anodine. Ceci dit, quelle pensée est anodine, quelle ne l'est pas ? Nous nous leurrons sans doute lourdement sur ce point. Quand l'image presque brutale d'un film, puis d'autres lui succèdent dans la tête, cela laisse à penser que rien de tout cela n'est anodin. Et surtout pas ce film. 
     "La forme de l'eau" est réapparue lors d'une réflexion que je savais essentielle, elle, sur la sexualité, le corps et le poids de l'histoire de chacun. Une de ces réflexions qui courent dans la tête comme une eau précisément et qu'on n'arrête plus. Celles qui ont trouvé la brèche, à un moment rêveur et qui s'y sont engouffrées pour se dérouler dans toute leur intensité. Alors tous les rapprochements sont possibles. Et il ne sert de rien de lutter. 
L'image de cette femme dans son bain, d'abord seule, se masturbant dans une sorte de souci d'hygiène semble-t-il. Non sans plaisir mais sans histoire. Corps à corps propre, bien rôdé, minuté et exact, quotidien. Et puis, cette même salle de bain qui accueille finalement l'amour et le corps à corps mutuel de cette même jeune femme et de l'être-poisson. Ils se sont apprivoisés. Ils ont parlé le même langage. Sans une parole. Et leur corps qui les trahit, qui les exclut, celui qui fit d'eux des parias, se mêlent. Les deux corps monstrueux, interdits par conséquent, qui doivent ne pas vivre, se faire oublier, se retrouvent. Et finissent par trouver leur élément, commun et autre. Ils s'aident à survivre l'un l'autre dans ces corps inadaptés, mis au ban, elle puis lui. Ils se sauvent de l'impossibilité à respirer dans un monde puis l'autre. Ils entendent qu'ils ne sont pas ceux que l'on attend. Ils ne sont pas comme il faut. Ils doivent se taire. Ils ne savent rien faire d'autre de toute façon. Pour la plus grande tranquillité de tous. Et ce sont leur corps qui finalement les réunissent. Dans leur monstruosité poétique.
     Car la danse aquatique qui depuis des jours se joue dans ma tête, accouplement au rythme lourd et lent de l'eau de deux corps inédits. La compréhension absolue, celle dont on rêve et qui n'existe pas. L'adéquation stricte où la contrainte d'adaptation n'a plus cours. Celle dont rêve tous les humains. Mais que seuls ceux que l'on appelle monstres atteignent. Qui sont les monstres dans l'histoire ? 
Trouver celui ou celle qui entend la langue de son corps et toute l'histoire qu'il parle. Qui se tait et écoute la respiration du plus profond.

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