Ca s’assombrit au front, le pare-brise devient myope. On s’agace de son inconscience professionnelle. Il est payé pour être clair, c’est pas vrai quand même ça alors ! Enfin, de nos jours, la valeur du travail se perd. Même les plus honnêtes d’autrefois, se fourvoient dans les grèves et le bâclage.
C’est quoi ce monde !
Il en ressort que l’on commence à paniquer. La vue se floute, les lignes louvoient et se caressent sur la route. Arrêtez ce cinéma toutes là ! Il faut vous prendre une chambre alors ! On est au boulot, tenez-vous !
Je crois que je perds les pédales. Mon cœur se met à tirer et cogner la paroi avec des cris stridents. Je bouche mes oreilles mais je capte de l’intérieur la détresse du palpitant. Je voudrais l’apaiser et lui dire des mots doux mais je ne m’entends pas moi-même. Je me tais et je dois supporter sa douleur sans broncher.
C’est pire qu’un nourrisson, ça vibre dans toutes les fibres,
ma moelle serpente dans sa colonne, incapable de rester en place.
l’estomac rentre la tête dans la coquille comme une tortue craintive, il remonte dans l’œsophage embouteillé. Ca rentre de partout ! En haut, en bas, sur les côtés ! De l’air, du pain, de l’eau et de la bouillie ! Pourquoi sont-ils tous tassés là ? Il ne va pas s’en sortir le pauvre Zozo !
l’intestin s’éparpille, il rate le trou !
la vessie se noie
les muscles flageolent
les orteils trépignent, ça tourne la tête aux chevilles
les oreilles sont sens dessus dessous, elles entendent à l’envers, un brouhaha du diable !
les orbites tiraillent, les yeux veulent s’échapper, pour voir de plus près sans doute
les sourcils s’arc-boutent et foncent vers
les narines rotondes multipliées râlent
la langue papillonne, dit-elle vraiment quelque chose à quelqu’un ?
C’est le chaos, une chance d’être encore solidaire, il faudra quand même rafistoler ce soir.
Pour le moment, je dois encapsuler ma peur : après il s’agira de la secouer jusqu’à ce qu’elle détortille et que chacun reprenne sa vie.
Les mains sur le volant, je continue mon chemin, je ne peux pas m’arrêter.
Je vois deux, trois voitures, pas plus ou je m’évanouis carambolée ;
deux trois voitures tranquilles ;
l’une d’entre elles décompense et éclabousse ;
ça pisse l’essence ;
elle se rapproche de sa voisine, elle est très énervée, elle se gigote et s’empatouille ;
elle tourneboule, se prend les pieds dans le tapis ;
elle finit dans les bras de l’autre toute étonnée et choquée ;
elles sont emboîtées l’une dans l’autre, pas très correctes ;
en vérité la folle-dingue n°1 a foncé droit dans sa rivale et lui a éclaté la citrouille ;
je suis le co-pilote spectatrice sur un pont ;
en tout cas, catastrophe ;
les ailes brisées, plus personne ne vole
et c’est la grande moisson.
Les lignes blanches se décoincent, reviennent sagement droites à leur place.
Le bitume refait surface.
Pas de pont à l’horizon ?
Les minutes glissent sans heurts
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