Quand
on lit, souvent, beaucoup, nécessairement, autant qu'on lit on
entend ceci : « Super de lire comme ça ! J'aimerais y
arriver aussi mais je n'ai pas le temps. »
ou
plus responsable : « Je ne prends pas le temps. » ou
parfaitement honnête : « Je n'aime pas lire mais (oui il
y a ces drôles de désirs indésirés, propres à notre drôle
d'espèce) j'aimerais aimer ça. » Que répondre à ces
réflexions ? Sourire est encore ce que j'ai trouvé de mieux.
Non par condescendance, il n'en est pas question ici, chacun lit ou
non comme il veut, mais il est question de bien plus que de lire et
l'on ne s'étend pas ainsi sur le sujet en société, hors intimes.
Ce que j'aimerais répondre mais que, bien entendu, je m'interdis car
les tripes sur la table en plein boulot ou au café du coin, ça ne
se fait pas. Maman a dit et heureusement encore ! Seulement,
souvent, pour les interlocuteurs, ce n'est pas un sujet si brûlant.
Ils n'ont pas fourré toutes leurs entrailles là-dedans. Alors ils
s'étonnent du silence de ce qu'on appelle le grand lecteur. Mais
c'est simple pudeur. Aussi savoir-vivre et respect du gentil code
social,
Ne
parle que de ce qui ne te touche pas vraiment !
Donne
ton avis mais pas ton sentiment !
Ta
vie n'intéresse personne alors réfléchis et dis on !
Ne
dégueule pas ton cœur en public !
On
a tous bien appris la leçon. On dit on, comme ça, zou ! On est
tranquille. Il mériterait un livre ce On. L'encyclopédie du On.
Tout un programme... Bref, quand on écrit, quand j'écris avec un
Je, mais je ne suis pas sûre d'être seule dans ce cas, m'est avis,
comme disent les plus âgés (le bonheur des expressions ringardes,
désuètes, bondies des temps anciens, une seconde et retour à
l'actuel, à l'immédiat que l'on aime tant, qui nous rassure parce
qu'il nous fait croire vivant alors qu'il est le plus instable des
déséquilibrés de ce monde (attention il ne faut plus dire « fou »,
remarquez, j'aime autant car le fou est un artiste de la vie, sportif
de l'extrême, le vrai héros méconnu, alors « le fou »
comme « le débile, non merci ! Autant le laisser au
placard, oui et se rabattre scrupuleusement sur « le
déséquilibré ».), que , donc, l'on dit ce que l'on
pense au fond des intestins. Et je peux par conséquent avouer sans
crainte de négliger une sacro-sainte règle sociale, que lire n'est
pas un « j'aimerais », « comme il serait... !»,
un vœu pieux. Ce n'est pas davantage un travail, une torture si l'on
s'en remet au sens latin du terme. Non, certainement pas. Le travail
l'est peut-être, parfois, souvent pour certains, même si l'on y
cherche le plaisir, rêveurs. Lire est un besoin, une nécessité,
vitale, j'ose le mot. Il n'est pas question de loisir ou de bonne
conduite, de bonne éducation ou de plaisir, simple. Lire peut être
cette nécessité absolument tripale, totem indétrônable, repère
quand l'être se perd. Un énorme livre autour duquel pousse ma vie.
Pas parce que je l'ai choisi. Certainement pas. Ou alors, je le
découvrirai bien plus tard, une fois sage. Mais un énorme livre
auquel une artère aussi fémorale ou jugulaire que les autres qui
mène au palpitant. C'est une image bien sûr ! C'est pour faire
comprendre. Une métaphore comme on dit. Oui mais non ! Le livre
peut sauver une vie, la préserver, même fragile, la tenir à bout
de bras contre la vraie mort, pas la métaphore de la mort. La vraie
mort qui ne respire plus.
Alors
non, je ne peux pas parler du lire sur un bout de table ou de
trottoir. Autant me foutre à poil et danser sur le bitume et les
voitures comme une folle !
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