dimanche 28 janvier 2018

Etouffe salope !

Zoé finit sa cigarette et l'écrase dans son cendrier rempli à ras-bord. Elle ne le vide que lorsqu'il est complètement plein. Sinon, elle ne peut pas. Tout simplement, cela lui est impossible. Cela lui semble tellement ridicule et vain, qu'elle n'a pas même un mouvement vers l'objet pour le libérer de ses ordures fumantes. C'est comme ça. De toute façon, dans la vie, Zoé réfléchit, elle attend que la coupe soit pleine. Avant, elle regarde le niveau de l'eau monter et ne ressent pas le sens d'une quelconque réaction. Certains en disent que c'est une impulsive. Ça lui convient. Mieux que petite femme inoffensive. Elle pose la main sur la poignet de la porte. Elle est prise d'un frisson d'excitation à l'idée d'aller voir l'homme dans son lit, juste vérifier, mais le regarder avec son visage d'ange. Les longs cils. Elle a remarqué ça tout de suite. Blonds encore. Disproportionnés. Beaucoup trop longs et beaucoup trop blonds. Elle monte jusqu'à la chambre d'ami et rentre tout doucement. Elle s'approche du lit. Il marmonne, les sourcils se froncent et se lèvent alternativement lui donnant l'air d'un guerrier sans pitié ou d'un gosse acculé. Elle s'amuse de ce spectacle sans essayer de comprendre le charabia qu'il prononce. Elle finit par se pencher sur lui et ne eut s'empêcher de lui caresser les cheveux. Leur contact duveteux et leur couleur si claire la fascinent.
Zoé n'a le temps d'être fascinée qu'une seconde. Il se lève d'un bond. Le yeux révulsés. Il la regarde avec violence. Elle n'a pas peur. Elle tente de saisir. Elle lève haut les mains en signe de paix. Mais cela n'est pas suffisant. Il se raidit et plaque ses mains sur la gorge de Zoé. Elle voit la haine dans ses yeux avant de sentir l'air cesser de lui parvenir. Il serre de toutes ses forces. Il ne fait aucun bruit. Le silence est la mort. Elle sent qu'elle va mourir. Elle le griffe et tente de libérer son cou. Elle frappe ses mains et tente d'atteindre son visage, lui plante ses ongles profondément dans les phalanges. Elle voit du sang. Elle ne peut pas crier. Elle voudrait putain pour une fois ! Elle déteste les cris mais là putain de merde, elle va crever ! Je vais crever ! Je vais crever ! Putain je suis en train de mourir ! Elle s'entend râler. Il accentue sa pression. Plus aucune molécule ne vibre dans l'air. Elle n'a plus la force. Mourir d'un coup. C'est mieux q...Elle ramollit d'un coup et...
Quand il sent la jeune femme cesser de lutter et s'attendrir entre ses doigts, il sent une douleur puissante sur sa joue. Il est comme brûlé au fer à repasser sur toute la joue gauche. Il lâche la petite femme et la laisse tomber bruyamment par terre. A ses pieds. Il souffre le martyre. Il se prend la joue dans les mains. Il souffle de douleur. Il se met à se taper la cuisse, puissamment, régulièrement. De tous ses muscles. Et la douleur commence à diminuer. Il respire au rythme de ses percussions. Il a la peau à vif. L'épiderme a été arraché. Il voit sa mâchoire. Il sait. Il frappe comme un damné, les yeux vides fixés sur le corps inerte qui gît devant lui. Il ne voit que son squelette apparent, sa peau définitivement décollée. Putain mais t'es un vrai connard mon pauvre Aksel ! Quand est-ce que tu apprendras à ne faire confiance à personne. Elle t'a défigurée.tu as baissé la garde quelques minutes et voilà où tu en es. Tout ce pour quoi tu t'es battu est perdu. Tu n'es qu'une chair à vif maintenant ! Un monstre détruit par une petite pute ! Achève-la ! Finis-la ! Qu'elle paye pour sa faute ! Toutes les mêmes ! Toutes des sorcières aux caresses de mère ! Dépouille-la ! Émonde-la ! Elle ne sera plus qu'un tas de viande crue ! Elle ne mérite que ça. La jeune femme siffle. Elle est prise de spasmes. Aksel la voit. Il hésite. Il a envie de vomir. Il l'allonge correctement et lui fait du bouche à bouche. Il la secoue. Il se tait. Les lèvres serrées. Il la regarde, débile.
Elle respire.
Elle tousse.
Longtemps.
Elle va vomir ?
Pas ça non non pas ça !
Elle soulève les paupières sur des yeux de loup-garou. Verts et rouges. Bien accordés. Elle n'a pas peur. Toujours pas. Elle lui intime du regard de ne pas bouger. Il n'en a pas l'intention quoi qu'il en soit. Elle se relève, elle en a juste la force, sur les avants-bras. Elle le fusille d'une moue de dégoût. Et lui crache au visage. Il ne cille pas. Il n'entend rien. Le silence est de plomb. Elle se traîne jusqu'au téléphone et appelle le 15. Et « Casse-toi connard ! ». Il se lève avec diligence. Comme un automate. Il sort de la chambre. Il descend l'escalier et se voit passer dans le miroir. Egal à lui-même. Peut-être un peu décoiffée. Il a un peigne dans la voiture. Il sort de la maison. Il a un haut-le-cœur à la vue du cendrier presque plein. Il descend les quelques marches extérieures. Il se dirige vers sa voiture. Il ouvre la portière. Il s’assoit au volant. Il démarre. Sans savoir.
Zoé a le cou bleui, elle a très mal. Elle attend le SAMU. Elle s'est rallongée. Par terre. Lovée dans sa bulle de coton. Celle qui répare tout. Elle est vivante. Elle sourit. Elle comprendra. Sans aucun doute, elle comprendra.

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