Aksel démarre et repart sur la route. Il ne sait pas où il va mais il avance, il tourne, il bouge. S’il le pouvait, il irait courir dans une forêt sans âme. Mais il est bien trop faible pour. Aksel est à bout de forces. Il continue de respirer régulièrement parce qu’il sait combien cela peut le regonfler. Mais aujourd’hui, cela ne fonctionne pas. Il commence à s’impatienter. Il est sous contrôle et sous extrême tension aussi, la bombe peut exploser à tout instant. Et il ne peut plus se garder de rien alors. Aksel sait. Il n’est plus question de vouloir ou non. Il est question de respirer ou non et voilà tout. Le problème est très devenu très basique. Les jambes tremblent encore en appuyant sur les pédales. Aksel sent la nausée monter et la rage reprendre ses droits. Il respire bruyamment, il se force. Mais les sons de l’air entrant et sortant de son corps allume la mèche. Aksel est à point. Alors petit con, tu vois bien que tu n’aurais pas dû en rester là. Qui est-ce qui paye l’addition maintenant ? Toi ! Comme toujours. On dirait que t’aimes ça hein ! Tu sers maso en plus d’être lâche ? Le pompon ! Le mec qui ne sert à rien en somme. Celui dont personne ne veut sauf une mère aveugle qui n’aime que ses enfants, gaga débile, ça te rappelle quelque chose hein !? Te voila bien dans la merde hein ! T es au volant de ta voiture, comme un bon p’tit bourgeois coincé, et tu fais tes exercices de yoga là. Mets-toi à la méditation pendant que tu y es ! Pauvre mec ! T’es plus celui que j’ai connu. Ca t’a pas fait du bien hier soir ? Ca t’a pas soulagé ? Réponds pas, je sais déjà ce que tu vas dire. Mais y a pas de Mais qui tienne. Les Mais sont pour les faibles. Tu es encore un faible alors. Encore un gamin victime, bouc-émissaire, qui ferme sa gueule en attendant que ça passe. Rien n’a changé. Tu passes à l’action et enfin tu es libre, tous les quinze ans et le reste du temps, tu refoules, tu refoules. Et quand tu y vas, tu fais les choses bien mon pote ! T’es un artiste. Mais tu refoules, tu ravales. Freud se retournerait dans sa tombe. Putain ! Dépêche-toi de vivre ! Tu es comme ça et c’est tout ! Accepte-le et respecte ta nature putain !
Arrête avec tes Putain !
Aksel a hurlé. Aksel n’a jamais hurlé de sa vie. Aksel n’a jamais levé le ton. Aksel ne peut pas. Son coeur se met à battre à tout rompre. Il va mourir. Sa voix lui a planté trente lances d’un coup, sorties de nulle part, fichées dans son crâne. Il pourrait peut être encore hurler de douleur. Mais il s’évanouit avant.
Aksel ne s’est jamais évanoui. Le monde s’arrête un instant. Il ne tourne pas rond du tout.
Zoé, au bout de trente minutes salvatrices de marche, arrive devant chez elle. Elle lâche la poussette et cherche ses clefs dans son sac aussi bien rangé qu’une poubelle. Elle a un moment de stress, elle ne les trouve pas. Et personne n’en a les doubles. Elle ne veut pas. Elle n’a pas besoin d’aide, sous son joli sourire d’ange. Elle ne se laisse pas approcher comme ça. C’en est terminé. Elle relève la tête de l’intérieur hasardeux de son sac de femme et introduit la clef dans la serrure. Axelle s’est endormie. Elle la regarde quelques secondes, étonnée comme toujours de voir son enfant vivre comme tous les autres. Elle ouvre le petit portillon et le referme derrière elle. En se retournant, elle aperçoit une voiture garée étrangement, sur le trottoir d’en face. Le pare-choc avant est appuyé à un gros arbre que Zoé affectionne particulièrement. Il l’apaise. Mais elle s’inquiète de cette configuration anormale. Elle traverse rapidement la route déserte et vérifie l’intérieur du véhicule. La buée a envahi les vitres mais elle parvient à ouvrir la porte passager. Elle reste interdite : un homme, la tête tombée contre le volant, les bras ballants, dort. Elle ne sait pas si elle doit le réveiller. Il respire doucement. Elle s’apprête à sortir et laisser les choses telles quelles quand elle reconnaît le drôle de grand homme du centre commercial. Elle reconnaît ses vêtements. Car à part ça, il est méconnaissable. Il a l’air malade. Son coeur lui dit de sauter de joie et remercie le hasard. Sa raison la sort de la voiture et lui fait doucement refermer la porte. Elle retourne sur ses pas et rentre chez elle. Comme si de rien n’était.
Mais tout est différent désormais.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire