De
dos, on dirait une Asiatique exotique. De face, elle a les yeux
beaucoup trop bleus et le diagnostic s'avère erroné. Il y a alors
perturbation inévitable, palpable, bouche souvent bée, regard vide
et pour les plus honnêtes, la tête un peu penchée. On pense à
l'albinisme, à toutes les spécialités capillaires et dermiques. On
cherche et on ne trouve pas. Juste qu'elle est inimitable et qu'elle
ne ressemble à vraiment personne au monde. C'est une beauté qui
fait dire des choses comme celles-là, des choses qu'on ne dit pas,
qu'on ne dit que quand on est fou d'amour ou qu'on lit un roman tout
aussi fou d'amour. C'est une beauté qui fait dire des choses
niaises, naïves, puériles. En apparence. Quand l'autre ne sait pas
de qui on parle. Ces beautés dont il vaut mieux ne rien dire tant
les mots leur sont impuissants, des amazones que le viril langage ne
peut jamais faire jouir. Qui est réduit à l'orgasme passif, soumis
est encore le mieux. C'est vrai, souvent, il vaut mieux faire fermer
sa grande gueule au langage qui se croit omniscient, tout pouvoir,
tout devoir dire même depuis quelques décennies. Le langage qui se
délecte de la transparence ambiante sur les agirs des uns et des
autres mais qui ne sait pas, depuis la nuit des temps qu'il y sue,
parler de ces beautés-là. Il continue d'essayer, pauvre bougre...
C'est attristant. Mais on ne peut pas empêcher la poule de becquer
dans le mur. Navrant ? Peut-être même oui.
Jana
sait parfaitement qu'elle cloue le bec puis derrière son dos fait
dire le spires banalités. Elle fait se dérouler un dialogue de
roman à l'eau de rose. Elle sait parce qu'elle voit. La seule chose
qu'elle puisse apprécier est ce terme qui revient parfois, sur les
lèvres de celui ou celle qui a pris le temps de sentir l'animal :
« féline ». Et, étonnamment, il fait toujours
l'unanimité. Elle l'aime, non de s'y reconnaître. Elle l'aime parce
qu'elle rêverait d'être une panthère. Elle rêverait de cette
beauté fatale et non de sa condition humaine qui chaque jour
pourrait la faire hurler de rire ou pleurer de rage. Ridicule.
Parfois drôle à s'en pisser dessus. Parfois méprisable à l'en
déchiqueter. Elle serait alors juste digne et ses yeux seraient
verts. Elle n'y voit pas d'inconvénient.
Bien
sûr qu'elle s'en sert ! Pourquoi s'en priverait-elle ?
Elle use parfois abuse de cette arme. Elle n'en éprouve aucune
honte. Les autres n'ont qu'à pas se laisser faire. Même les
aveugles tombent dans le panneau. De fait,, elle l'était déjà,
mais sa relation aux aveugles est d'autant plus étrange. Il y en a
quand même qui lui sourient en coin, l'air de dire qu'ils ne sont
pas dupes, quand ils la rencontrent pour la première fois. Plus que
les sains oculaires, qui voient face à elle leur santé mentale
tragiquement affectée d'un coup.
Jana
a aussi des mains. Oui, comme tout le monde, elle a des mains, merci
du détail. Mais la suite n'est pas aussi attendue. Jana a des mains
qui, quand elles se meuvent, affectent tout autant la santé mentale
du quidam ordinaire. Certains se mettent à les fixer sans pouvoir
s'en détacher. Ces moments-là sont en général anthologiques.
Jana, comme tout un chacun, parle et bouge en même temps. Peut-être
qu'elle agite un peu plus ses mimines que la plupart des gens mais
rien d'extraordinaire. Et pourtant, certains, certaines hein !
Tout cela n'a pas de genre ! Et les voilà les yeux rivés aux
mains, le visage scotomisé, elle les rappelle à sa hauteur mais ils
se courbent vers ses doigts comme s'ils allaient les manger. Non, ça
c'est elle qui en a peur quelquefois. C'est flippant quand même ces
effets-là ! On ne s'y habitue pas. Elle ne s'en plaint pas mais
admettons que c'est un peu délirant. Et Avec tout le respect que
Jana a pour les personnes atteintes de maladie psychiatrique, elle na
aucune intention d'en faire une vocation. Faiseuse de psychoses !
Quel honneur !
Elle
en a déjà vue la nommer « sorcière » aussi. Ce rang
l'a fait rire et elle l'a accepté également avec entrain. Une
sorcière féline. Donc le nez crochu en moins et un beau petit
museau rond et tacheté à souhait de petits points de beauté à la
place, chaudron en main ok, zou ! La sorcière panthère.
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