jeudi 21 septembre 2017

Je ris et vis

Non je ne me sens pas coupable. Non je n'en ai pas l'intention. Peut-être cela viendra-t-il. Il sera temps alors. Pour l'instant, je me sens m'être allégée d'un énorme poids. J'ai l'impression d'avoir enfin fait le choses comme il fallait. Cela ne fait pas longtemps que je suis arrivée. Mais je suis là pour sauver Patate. Et j'ai aujourd'hui accompli ma mission. Je suis une héroïne et je sens Patate et sa reconnaissance. Elles me donnent chaud. Il fait moins de 0°. J'ai chaud. J'ouvre mon manteau, j'enlève mon écharpe, je lâche ma capuche. Je crève de chaud. Je n'ai pas de fièvre. J'ai chaud de bonheur, comme lorsque Patate était amoureuse. J'ai chaud, pas douillet non, chaud vivant, fourmillante, tournoyante. J'arrive au collège. Je ne vois pas, je n'entends pas les autres. Je suis seule au monde. Je me fous de tout et tout le monde. Je suis en plein orgasme. Du moins j'imagine, je ne le connais pas, Patate n'a rien appris de ce côté-là. Arrivée dans la cour, je n'ai tout de même pas complètement perdu l'esprit et je vais me laver les mains. Je n'ai pas eu à les sortir de mes poches à l'entrée, contrairement à d'habitude, il faut faire acte de sa légitimité. J'ai souri, tellement bien que Mme Pamplemousse m'a laissée passer sans problème. Elle a juste dit : « Ca fait plaisir de te voir comme ça Patate ! »
  • Pitayak, Mme Pamplemousse, y a eu du changement. Plus de Patate qui vaille !
Elle a souri avec bienveillance, sans condescendance mais incrédule, mettant sans doute cette lubie sous le coup d'un caprice d'adolescente mal dans sa peau. Elle était surprise quand même. Je crois qu'elle n'était pas mécontente, elle aimait bien Patate et elle l'encourageait souvent. Bref, j'entre dans les toilettes pour me laver les mains. Il n'y a personne, bien sûr à cette heure. Tout le monde a fait son pipi avant de partir pour l'école, à la maison. Le sang coule dans le lavabo. Je n'en pense rien. Je suis juste contente d'avoir enfin les mains propres. Ce que ça colle le sang ! En tout cas, son sang à elle. C'est une Poisse, son sang en va de même.
Je sors des toilettes et me dirige vers la salle de classe : la prof est prête à fermer la porte mais j'arrive juste à temps. « Alors Patate ? Mal réveillée ? On traîne. »
Je la regarde de haut en bas avec mépris.
Avec mépris.
« Très bien réveillée Mme grosse Tomate. Et je suis Pitayak. Oubliez Patate. »
Elle devient rouge de colère, la caïd de bac à sable. Elle ne sait même pas comment réagir. Elle s'emmêle les pinceaux. Et je passe devant elle balbutiante pour aller m'installer à ma place. Les autres me regardent stupéfaits. Ils ne disent rien. Je souris à Piment en passant à côté d'elle. Et je m'assois sans discrétion. Mme Tomate, Beaucoup trop tard, se lance dans une tirade sur le respect. Elle est pathétique. La classe reste calme mais on la regarde avec incompréhension. On se retourne vers moi. Et on cherche sur mon visage une explication. On ne trouve rien. Piment ne me regarde pas. Elle a déjà compris. Mme Tomate se met à l'appel. La litanie des noms me berce. Je suis en queue de peloton, je peux attendre tranquillement. Petite Poisse est appelée. Personne ne l'a vue, personne ne sait où elle est. C'est étonnant elle qui est si assidue ! Je me tais. Personne ne s'inquiète vraiment. C'est ça qui me fait sourire secrètement. Tout le monde s'en fout. Chacun son tour ma p'tite !
« Patate ?
- Oui, Mais c'est Pitayak, Madame...
  • Tais-toi et ne me provoque pas à nouveau.
  • Bien Madame Tomate.
Les autre rient de ma politesse exagérée. Elle s'empourpre à nouveau. Elle pourrait exploser. Mais elle poursuit. Elle est comme les autres. Elle n'y comprend rien.
Messieurs Dames, vous n'êtes pas au bout de vos surprises.

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