Au
collège, les regards ont changé, mais tout a changé. Je ne me
pavane pas. Je n'en ai pas besoin. J'ai les pieds au sol, et l'on
peut me pousser, me bousculer, je ne bougerai pas sauf pour sauter
sur celui qui m'insulte. Mais drôlement, plus personne n'a envie de
m'insulter. Plus personne n'a envie de jouer avec moi. Fidèle à une
chose, une chose vitale et qu'on n'efface pas comme ça, d'un coup de
changement radical légumescent : les livres. Je ne cherche plus
la compagnie des miens, je n'ai plus d'amis. Patate en désirait, en
avait même. La preuve sans doute qu'elle n'était pas si
dégueulasse, bref, je me fous des autres désormais. Je ne les
déteste pas. Je n'en veux plus dans mon espace vital. Je ne deviens
pas néo-nazi, que personne ne s'inquiète. Mais ceci dit, je me
rends compte que ces conneries-là sont bien légumescentes. Que ces
fous furieux ne sont pas des adultes, pas des vrais. Ils ne sont pas
finis ou mal finis. A la pisse peut-être. Tout ça pour dire que je
n'en suis pas et que je deviens ermite. Que je vois clair. Que je ne
poursuis plus l'amitié et encore moins l'amour. Patate était,
écœurant à avouer, romantique, amoureuse, toujours amoureuse. Elle
avait toujours un amour fou au cœur pour se retenir j'imagine. Non
je sais, j'exagère, je sais très bien pour quoi. Pour combler
l'immonde vide intérieur, pour se donner du courage sur le pas de la
porte, juste avant de se jeter dans le monde, chaque matin. Elle
tenait debout, comme ça. Moi, je n'en veux plus. Je n'ai plus de
douceur qui aime ou de passion qui désire. Je crois bien que la
colère et la haine ont pris la main. Et je me sens bien moins seule
que Patate. Je me sens enfin être sans les autres. Je n'ai plus
besoin des autres. Ils ne me servent de rien, ils ne font que du mal.
Je les approche à distance raisonnable et les interpelle si besoin
est. Pragmatique. Encore une fois, de toute façon, ils restent sur
leurs gardes. Ils ne comprennent pas. Ils se demandent où est
Patate. Personne n'a encore posé la question Personne n'ose ?
Quoi qu'il en soit, personne n'aura de réponse. Un sourire en coin
et tout mon mépris. Piment n'est pas différente sinon qu'elle me
salue ostensiblement. Nous ne sommes qu’acolytes, collèges. Nous
sommes claires sur ce point sans avoir eu besoin d'un contrat en
bonne et due forme pour le comprendre elle et moi. Je suis calme,
enfin.
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