Poisse
sort enfin, je suis sur les dents. Non je n'ai pas mangé depuis
quelques 20 heures, c'est vrai et cela nourrit sans doute mes faim et
soif de vengeance. Mon corps s'est mis au diapason de mon esprit. Ils
agissent de conserve. Moi qui ai toujours cru qu'ils n'avaient aucun
atome crochu... Je me rends compte aujourd'hui combien ils jouent en
paire. Je m'en rends compte mieux que jamais. Je suis une et entière.
Pas de sans queue ni tête ni de trinité judéo-chrétienne. Il n'y
a qu'un être et un mouvement. Tout ce qui m'appartient en propre y
participe. Je ne respire pas bien. Je suis trop excitée pour
respirer calmement. La méditation n'est pas pour tout de suite. Je
suis Poisse sur quelques rues. Je ne lui saute pas dessus d'emblée.
Je ne sais pas pourquoi. Je dois d'abord la suivre. Elle sentira ma
présence et moi la sienne. Je me prépare. L'appréhension ? Je
n'en suis plus là. Une question de rythme.
Je
finis par l'alpaguer. Elle se retourne surprise de me voir moi. Non
qu'elle ait bien senti une présence depuis quelques minutes mais
sûrement n'était-ce pas moi qu'elle attendait. Elle est rassurée
un instant puis perçoit quelque chose que moi-même je ne contrôle
pas et qui la fait écarquiller les yeux. Je ne cherche pas à
comprendre. Encore une fois : je n'en suis plus là. Je me fous
de comprendre.
Je
la regarde une mini-seconde. Je ne peux plus me retenir. Je la frappe
de toutes es forces en plein visage. Une énorme patate que la
prénommée telle n'aurait jamais, ô grand jamais même supposé
possible. Poisse branle sur ses jambes et tombe à genoux. A genoux !
Je ris de cette ironie du sort. A genoux, sans un mot. Poisse est
sidérée. Ses yeux sont d'immenses soucoupes d'héroïne de dessin
animé japonais. Mais Sailor Moon a oublié ses pouvoirs à la
maison. Elle ne voit rien d'autre venir à l'horizon, elle se relève
péniblement. J'ai un peu reculé. Je ne pensais pas avoir autant de
force mais Poisse est un petit gabarit. Moi pas. Et la haine donne
toutes les forces du monde. Elle ne pleure pas la garce. Je veux
qu'elle pleure, je veux qu'elle supplie, je veux qu'elle n'y
comprenne rien. Elle est sûre désormais que je vais en rester là.
Je la sens relâcher sa vigilance. Je souris méchamment. Elle n'a
pas le temps de reprendre les armes (lesquelles remarquez?) que je
lui saute dessus sans autre forme de procès cette fois. Je la tiens
par les cheveux, tire et la frappe au visage, pour la honte, pour
qu'elle voit encore et encore, puis elle s'écroule. Elle essaye de
se débattre tant bien que mal mais elle ne fait que des moulinets
inutiles dans l'air. Si j'avais l'esprit à, j'aurais ri. Elle est
ridicule, vaine et stupide. Elle est à terre et peu m'importe. Elle
se protège la tête enfin. Mais elle oublie le ventre et la
poitrine. Je la piétine, la fait rouler avec des coups de pied en
plein torse. Elle a le souffle coupé. Je vise le foie pour finir, il
paraît que c'est un bon coup.
Je
m'arrête.
Elle
ne bouge plus.
Elle
pleure.
Elle
ne bouge plus du tout.
Je
l'observe.
Elle
ouvre un œil encore valide.
Elle
ne demande plus rien.
Elle
supplie.
J'ai
ce que je voulais.
J'appelle
le 15 avec son téléphone. Je donne les infos. Je prends une voix
éteinte, souffreteuse. Je leur raccroche au nez.
Je
pars.
J'ai
les mains sales. Il faudra que je pense à me les laver aux toilettes
où personne ne va , dans mes toilettes. Derrière le clan de
Piment. D'ici là, je marche tranquillement, satisfaite jusqu'au
collège, les pognes fourrées au fond de mes poches, enveloppées de
mouchoirs. Je reste précautionneuse. Trop de saleté me débecte.
Je
respire enfin à pleins poumons.
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