mercredi 6 septembre 2017

Même pas peur !

Je ne me cache plus de rien, je n'ai plus peur. La peur, mon assistante de toujours, a disparu, la peur s'est éclipsée, sans réellement me prévenir. Bien sûr que je m'attendais à toujours être prévenue par elle. C'est une belle pute mais elle a la courtoisie de prévenir la tête. Pas comme cette gitane folle. Mais voilà que la peur même s'échappe de moi. Je me sens libre ? Pas encore. Je me sens vide pour l'instant. Je ne sais pas comment faire sans elle. J'ai toujours dû compter avec elle et louvoyer autour de ses obstacles. J'ai peut-être aussi toujours pu compter sur elle. Peut-être que je comptais sur elle. Nous parlons là de Patate bien sûr, celle d'avant. Elle rendait la vie impossible et Patate la maudissait pour cela. Mais je m'aperçois bien malgré moi qu'elle m'emplissait de substance aussi. Pour l'amadouer, Patate l'a-t-elle intégrée comme chair vivante ? Je constate que oui. Que je suis perdue sans elle, même si cela m'arrache les lèvres de laisser sortir ces mots. Je mesure en Pitayak l'étendue de son royaume. La gitane est sans filtre, on ne eut être qu'au clair avec ce qu'elle embue et détruit à petits feux. La peur est reptilienne. Et encore faut-il avoir le courage de la regarder dans les yeux fendus de leur pupille froide et de se mettre au sol pour l'évaluer. Ce courage est presque une folie. Il n'arrive pas à 15 ans. Jamais. Plus tard parfois. Parfois. Mais ce courage est un peu fou. Alors on ne s'y jette pas sans appréhension. On ne sait pas si le serpent attaquera, si l'on pourra se relever, s'il est venimeux ou constrictor, si l'on sera secouru. On ne sait rien. A l'aveugle. Mais toujours la sonnette de la peur résonne et l'on s'y attend. Pas de surgissement improbable qui laisse les gros yeux idiots et la bouche baveuse. Jamais. Alors, on peut l'apprivoiser ; On peut s'en servir. On peut en faire son miel. On peut jouer avec la bête. On ne la regarde pas, on ne se met pas à terre. Mais l'on joue avec elle. Patate en était une prodige. Moi j'ai les mains vides, libres mais vides. Je vais réapprendre à vivre sans elle, sans lui qui siffle et sonne à la moindre occasion. Je suis prête.
Au collège, les regards ont changé. Je ne suis plus la pestiférée que Patate se sentait être. Je suis digne, aussi digne que les autres. Je suis leur égale, pour la première fois de ma vie. Je désapprouve, je me tais pour exprimer ma réticence, je récuse, j'argumente, je plaisante, acide, je fais rire. Je suis droite et fière en terre. Les autres ne se rapprochent pas de moi. Ils sont suspicieux. Ils ne comprennent pas. Ils ont ri sous cape du changement de style. Mais déjà ils étaient inquiets. Patate m'a au moins appris cela : je flaire l'inquiétude la plus subtile du plus profond qu'elle naît. Aujourd'hui, ils ne rient pas. Ils se reculent. Plus parce que Patate est contagieuse dans sa faiblesse. Parce que moi Pitayak je n'ai plus peur, plus assez peur pour eux. Plus assez peur pour personne.

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