L'on
vit, n'est-ce pas, dans un monde où la peur est une honte, où l'on
ne la dit pas, où dépassé l'âge de 5 ans, on ne peut plus dire
« J'ai peur », à moins d'être en grande intimité avec
la personne et qu'elle soit, qui plus est, d'une exceptionnelle
bienveillance. Il faut choisir avec minutie et subtilité les gens
auxquels on avoue sa peur. Il ne faut pas, est la réponse la plus
fréquente quand on a jeté malencontreusement son dévolu sur la
mauvaise personne. Il ne faut pas... Ah bon ? Il ne faut pas ?
Et comment fait-on pour ne pas falloir ? Mais en réalité, il
ne sait pas quoi dire, il ignore la peur. L'on vit dans cet univers
où l'on loue insatiablement la force, les compétences, le bonheur.
Mais la peur n'a pas belle, pas digne. Elle est humiliante. Alors
nombreux ignorent leurs peurs comme si elles n'existaient pas, comme
s'ils en étaient exempts, comme si un humain pouvait l'être. Et la
plupart des gens y croient. Ils osent avoir peur le jour de leur
mariage, ça c'est admissible, mais c'est une peur heureuse. Et
encore quel mot entend-on sinon « stress » ? Le
stress est une réaction physiologique, est un mot pour ainsi dire
médical et ainsi, il nous arrange, il est pudique. Il est pudique,
sans aucun doute, mais il ment. Nous mentons tous à nous convaincre
que nous n'avons pas peur. Que nous sommes stressés, fatigués,
harcelés etc. Nous avons peur comme n'importe quel animal. N'allons
pas chercher plus loin ! Nous sommes des animaux, des prédateurs
impitoyables oui mais des animaux qui ont peur aussi, comme tous
leurs pairs sur cette planète. L'on se soumet à cette tyrannie du
sans-peur. L'on se soumet parce que la honte et l'impuissance que
nous renvoient en boomerang la peur dite ou même admise et
profondément solitaire, nous fracassant la gueule, est trop
insupportable. On fait semblant. Et l'on y croit. Même pas peur, qui
fait rire chez le petit enfant qui s'essaye au monde. Les adultes
n'ont jamais cessé de le penser et de s'en convaincre. De ne même
plus sentir la peur, la honte suprême. Et personne ne rit, parce que
plus personne ne perçoit le ridicule de la situation, l'improbable
de cette conviction. Une traîtresse. Traîtres à nous-mêmes.
Il
y a un lieu, un seul, hormis le cabinet du psy, où la peur est une
réalité et ne peut être oblitérée aussi facilement que dans le
reste du quotidien : l'hôpital psychiatrique. A l'HP, on ne
ment pas. Ils racontent n'importe quoi, ils délirent ? Oui et
eux au moins déposent leurs peurs, là-dedans. On la sent, elle
fuite de partout, de chaque patient. Et presque personne, il y a des
cons partout, ne la méprise. On ne peut pas la détourner, louvoyer,
lui faire la danse du soleil pour lui faire croire qu'elle n'existe
pas et la faire fondre ou penser qu'on le peut. On est face à la
peur. Elle prend à la gorge, peut-être. Mais là, l'on est
absolument authentique si l'on est assez fort pour ne pas se
barricader derrière son savoir et son pouvoir médical. Là, il n'y
a plus de mensonge. Là, on peut être parfaitement honnête avec
soi-même. Là, l'humain est au plus vrai, sans fard, sans masque
plus honteux que toutes les peurs, répugnants de folie mégalo. Les
fous dit-on ? Les fous sont bien les plus honnêtes face à
leurs peurs. L'HP Mon Dieu quelle horreur ? L'HP où l'on ne
plus se cacher. Nu comme un ver. Et enfin intègre. Intègre.
Rarissime homme intègre.
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