jeudi 7 septembre 2017

L'homme sans peur et l'homme intègre

L'on vit, n'est-ce pas, dans un monde où la peur est une honte, où l'on ne la dit pas, où dépassé l'âge de 5 ans, on ne peut plus dire « J'ai peur », à moins d'être en grande intimité avec la personne et qu'elle soit, qui plus est, d'une exceptionnelle bienveillance. Il faut choisir avec minutie et subtilité les gens auxquels on avoue sa peur. Il ne faut pas, est la réponse la plus fréquente quand on a jeté malencontreusement son dévolu sur la mauvaise personne. Il ne faut pas... Ah bon ? Il ne faut pas ? Et comment fait-on pour ne pas falloir ? Mais en réalité, il ne sait pas quoi dire, il ignore la peur. L'on vit dans cet univers où l'on loue insatiablement la force, les compétences, le bonheur. Mais la peur n'a pas belle, pas digne. Elle est humiliante. Alors nombreux ignorent leurs peurs comme si elles n'existaient pas, comme s'ils en étaient exempts, comme si un humain pouvait l'être. Et la plupart des gens y croient. Ils osent avoir peur le jour de leur mariage, ça c'est admissible, mais c'est une peur heureuse. Et encore quel mot entend-on sinon « stress » ? Le stress est une réaction physiologique, est un mot pour ainsi dire médical et ainsi, il nous arrange, il est pudique. Il est pudique, sans aucun doute, mais il ment. Nous mentons tous à nous convaincre que nous n'avons pas peur. Que nous sommes stressés, fatigués, harcelés etc. Nous avons peur comme n'importe quel animal. N'allons pas chercher plus loin ! Nous sommes des animaux, des prédateurs impitoyables oui mais des animaux qui ont peur aussi, comme tous leurs pairs sur cette planète. L'on se soumet à cette tyrannie du sans-peur. L'on se soumet parce que la honte et l'impuissance que nous renvoient en boomerang la peur dite ou même admise et profondément solitaire, nous fracassant la gueule, est trop insupportable. On fait semblant. Et l'on y croit. Même pas peur, qui fait rire chez le petit enfant qui s'essaye au monde. Les adultes n'ont jamais cessé de le penser et de s'en convaincre. De ne même plus sentir la peur, la honte suprême. Et personne ne rit, parce que plus personne ne perçoit le ridicule de la situation, l'improbable de cette conviction. Une traîtresse. Traîtres à nous-mêmes.
Il y a un lieu, un seul, hormis le cabinet du psy, où la peur est une réalité et ne peut être oblitérée aussi facilement que dans le reste du quotidien : l'hôpital psychiatrique. A l'HP, on ne ment pas. Ils racontent n'importe quoi, ils délirent ? Oui et eux au moins déposent leurs peurs, là-dedans. On la sent, elle fuite de partout, de chaque patient. Et presque personne, il y a des cons partout, ne la méprise. On ne peut pas la détourner, louvoyer, lui faire la danse du soleil pour lui faire croire qu'elle n'existe pas et la faire fondre ou penser qu'on le peut. On est face à la peur. Elle prend à la gorge, peut-être. Mais là, l'on est absolument authentique si l'on est assez fort pour ne pas se barricader derrière son savoir et son pouvoir médical. Là, il n'y a plus de mensonge. Là, on peut être parfaitement honnête avec soi-même. Là, l'humain est au plus vrai, sans fard, sans masque plus honteux que toutes les peurs, répugnants de folie mégalo. Les fous dit-on ? Les fous sont bien les plus honnêtes face à leurs peurs. L'HP Mon Dieu quelle horreur ? L'HP où l'on ne plus se cacher. Nu comme un ver. Et enfin intègre. Intègre. Rarissime homme intègre.

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