lundi 11 septembre 2017

Miroir, mon beau miroir, dis-moi


Devant le miroir,
des années,
une étrangère.
Je me regardais
parfois
de longues minutes
avant de
me détourner
de la réflexion de mon être,
en miettes
Vivante et entière,
mais toujours
méconnaissable face au
portrait
propre.
Pas d'écho en lui
de toutes ces
saletés intestines,
pas de traces,
pas de brûlures,
pas de témoins,
faux,
menteur,
immuable dans ses profondeurs,
inatteignable.
J'aurais pu le
perforer, le
trancher, le
blesser,
pour que la gueule
cassée
ressemble au moins
un peu.
Mais non, je me suis toujours contentée de regarder.
D'attendre l'illumination,
en bonne croyante,
en humaine espéreuse.
Des décennies,
disons-le.
Des éclairs
non de génie
parfois.
Des éclairs de
reconnaissance,
brutaux,
silencieux
et fugaces,
en cavale,
car aussitôt vus
aussitôt fuis.
Rien de plus.

Puis un jour,
premier tonnerre :
je vois ma mère.
Je m'ébroue et recommence.
Je vois la mère,
la grand-mère,
je vois les gènes,
mais
je
je
suis
devant
ce putain de
miroir.
J'envie Blanche-Neige
qui ne se confond
pas.
Je m'appuie sur le lavabo.
Je tombe des
nues.
Je ne comprends pas.
Les jours passent
et revient la correspondance
sans cesse.
Je me fige
encore et encore.
Et je finis par
m'habituer,
non sans regrets
et rage.
Je ne ressemble à personne,
ai-je toujours affirmé fièrement.
La fille, petite-fille, sœur de ?
Je ne voyais personne.
Perdue mais comblée de cet
original.
Juste cela,
de n'être que moi-même
sans révéler d'où je vienne
à quiconque.
Sans attaches,
auto-engendrée,
détestée mais fière,
pour le moins.

L'habitude s'est accrochée,
le reflet ne m'a
plus gelée.
J'ai admis,
j'ai surmonté ma
déception, mon
dégoût,
d'être
moins unique,
de ne pas être mon œuvre,
non redevable,
à personne.
Idée cachée
mais fixe,
adolescente,
immature,
et indécrottable.
L'habitude m'a fait
sourire
au final.
Bonjour Maman.
La surprise maintes fois
répétée
s'est adoucie.
Et puis,
Ok je suis la fille, petite-fille, sœur de.
Ok je suis un des maillons
de la chaîne.

Et survient,
encore plus imprévisible,
improbable,
attendu depuis toujours,
soyons honnête,
le jour où je me regarde
et je me reconnais.
C'est bien moi,
tu n'es as trompé,
cher miroir.
Il ne répond rien,
il a compris qu'il ne servait de
rien de
me secouer
les puces.
Il est patient.
Il tient sa position
coûte que coûte.
Il me résiste,
ne cède pas,
et ne trahit jamais.
Quand surgit la reconnaissance,
la concordance,
le ton sur ton
tant désirés,
sûrement que le miroir sourit
en son for intérieur.
Moi aussi.
Je me reconnais
et j'aime ce qui me fait
face.
Sûrement pas mais comme par
magie.
Petit miracle
pourtant tremblé
aux tripes,
quelques secondes
en retard.
Il n'y en a qu'une,
c'est bien moi,
qui ressemble à ma mère,
même à l'exécrée grand-mère
et non celle
que j'aurais voulue,
absolue,
inconditionnelle,
souveraine et pure,
et qui n'est qu'une
sublime torture.

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