Je suis enferrée avec les fous. Au-dessus, en-dessous, je vous le dis tout net, ils sont partout.
De qui dois-je en premier parler ? Anna, la fille tant attendue. Je ne l’ai jamais avoué, je ne l’ai dit ni écrit, mais voilà, quelle déception que d’échouer encore cette relation de mère en fille ! Nous ne nous entendons pas si mal mais enfin ! elle est siphonnée elle aussi, comme toutes les précédentes. Et c’est désespérant cette fatalité. Cela ne touche que les femmes dans cette famille, toutes les générations, il y en a une qui trinque. Je dois les attirer parce franchement, elles se sont bien rapprochées de moi. La famille est grande pourtant, très grande. La mère, la sœur, la fille. C ’en est presque drôle, on se dit, moi-même je me dis, elle le fait exprès celle-là ou quoi ? ou alors elle est maudite ! Au bout de maints raisonnements, je suis bien obligée de me dire qu’il y a un truc déglingos.
Alors il y a les jours où je suis d’humeur lyrique et je ne trouve pas ça si laid d’être entourée de mes toquées :
Il pleut il neige, on est rincé du temps et de ses acolytes
on est tout mou tout limaçon
soupe à la grimace dans les flaques
qui envahissent notre route.
Tout est gribouille.
Une des trois sirènes se met à chanter
parce qu’elle, le temps et l’amertume ne la tirent pas
par le bout du nez.
Les autres rappliquent sur le champ
de loin même !
J’en ai vu une à peine atterrie de Mexico
se presser de finir de s’encostumer pour le chœur qui l’attendait
en urgence.
Elles s’alignent harmonieusement
la plus petite et plus vieille au milieu,
maître du jeu,
en aïeule digne de ce nom.
Elle rattrape l’incrédulité
heurtante
de sa progéniture
méconnaissante.
Les deux autres l’encadrent,
tableau de famille en gargouilles
chanteuses
perchées sur une journée d’hiver
maussade.
Et, je me rappelle de ce jour-là,
celui de Mexico, Meeeex, cocorico,
et j’avais ri
de tout bon cœur
mélancolique
qui commençait d’ailleurs à m’agacer à se lamenter comme un chien mouillé
devant la porte de ses pôpa môman perdus partis, sont oùwouwouwou ?
Quand elles brandissent leur joie
et leurs vocalises
on est toujours surpris,
et d’ailleurs, tout le monde n’entend pas.
Il y en a même qui iraient croire que j’hallucine.
C’est vrai, avec elles trois,
j’ai bien appris à détourner le regard
et boucher les écoutilles.
Quand c’est moi qui leur parle,
je les égorgerai.
Quand elles animent un jour de deuil,
je les bénis.
Elles sont trois et fortes,
Imperméables à l’extérieur et à ses lois.
Exaspérant et fabuleux.
Ces jours-là, ça m’enchante.
Je les chéris
les folles de ma vie,
qui surgissent de partout,
en haut en bas au flanc.
Je suis toujours la bienvenue
Et quand je suis confuse et trouble,
elles pivotent
décalent
déboîtent
et si j’accepte la révolution,
le monde est fou
et moi plus sage.
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