dimanche 10 novembre 2013

Panorama d'une folle ; fraternité (2)

-       Et comment ça se passe avec votre sœur actuellement ?
-       Pas mieux.
-       Pas mieux, c’est-à-dire ?
-       Ben toujours pareil. Elle me désole.
-       D’accord elle vous désole. Savez-vous pourquoi elle suscite cela chez vous ?
-       Bien sûr que je sais pourquoi elle suscite CELA chez moi. Pas la peine de prendre des gants Môsieur le psychiatre. C’est une folle, elle devrait être enfermée à l’asile. Elle emmerde tout le monde, sa famille, ses collègues, même les gens dans la rue je suis sûr. Elle est tarée je vous dis. Elle s’arrêtera jamais de nous emmerder. J’en rêve toutes les nuits et je me réveille en sueurs tellement elle est flippante cette nana ! Je ne peux même pas dire que c’est ma sœur. C’est une sale alien envahisseuse sans états d’âme, une salope qui plus est.
-       … pourriez-vous m’expliquer ce que vous entendez par tarée et alien ?
-       Ben tarée et alien.
-      
-       Tarée et alien.
-      
-       Elle voit des petits hommes verts et elle a des écailles sous la peau.
-       Hmmm.
-       Elle a jamais été comme les autres. Et on se ressemble comme deux gouttes d’eau, la conne !  … J’aurais tellement aimé avoir une vraie sœur. J’étais prêt à l’aimer. J’étais enfant unique, je m’ennuyais comme un rat mort et elle est arrivée. C’était un miracle. Je me souviens encore, j’étais tout content. Je n’allais plus être seule. En fait, j’ai jamais été moins seule avec elle. C’était pire. Elle était déjà folle à 6 mois, j’avais déjà envie de l’étriper.
-       Vous l’auriez fait ? Peut-être que vos parents vous en ont parlé ou que vous vous en rappelez vous-même ?
-       A votre avis, je l’ai fait ? Qu’est-ce que vous croyez ! Vous les connaissez les dingos vous. Vous en voyez tous les jours. Bien sûr que je lui ai collé l’oreiller sur la gueule et que j’ai voulu lui faire manger du savon. Mais elle résiste, c’est un roc. A croire que ça vous immunise la folie.  
Elle a sauté de la fenêtre de sa chambre, le jour de ses 7 ans parce qu’on lui avait dit que c’était l’âge de raison et elle a cru qu’on lui couperait la tête si elle se trompait dorénavant, si elle faisait la moindre erreur à partir de ce jour. Elle savait qu’elle était infernale, mon père lui hurlait dessus assez souvent. Ma mère en prenait des cachets. Remarquez, je dis ça mais je crois qu’elle en prenait déjà avant. Et mon père, je l’ai découvert à sa mort mais il en a toujours eu. Et c’était pas pour la tension, ça je peux vous le dire. J’en ai donné un au chien pour voir, il a titubé 30 secondes et il a dormi 36h de suite en ronflant comme un sonneur. C’est une plaie. Elle n’est même pas stérilisée.
-       Vous êtes visiblement très en colère contre votre sœur.
-       Je suis pas en colère, elle m’enrage, elle ne devrait pas exister. C’est une plaie.
-       Une plaie purulente ? Ouverte ? sanguinolente ?
-       Une plaie en métaphore. Vous me faites chier avec vos images à deux balles !
-       Ce n’est pas moi qui ai utilisé cette image, je vous ferais remarquer, c’est votre expr…
-       Oui, c’est moi qui ai dit le mot, oui vous avez raison Môsieur le Psychiatre. En attendant, vous n’avez pas l’air de trouver tout ce que je vous dis très émouvant. Cela vous laisse froid comme d’habitude. Sauf que d’habitude, cela ne me gêne pas, d’habitude, moins vous en dites et mieux je me porte. Mais quand il s’agit d’Anna la Folle, j’aimerais bien vous entendre un peu compatir. Sûr que vous prenez son parti à elle parce que la pauvre elle est malade, elle peut rien faire de sa vie et tout le tralala. Vous la connaissez même pas et puis vous êtes mon thérapeute à moi. Quand je parle d’elle, vous ne m’écoutez plus. Alors oui je sais, vous en voyez tous les jours des dingos, vous êtes rôdé et finalement ils sont sympas. Ben non ! ils sont pas sympas bordel ! je vous la collerais moi Anna la Folle rien qu’une journée. Vous me supplierez à genoux de vous l’enlever dès la 2ème heure avec elle. Hypocrite ! Et vous changerez de métier, ni vu ni connu.
-       En effet, je ne vis pas avec votre sœur Anna et je ne sais pas ce que représente vivre avec elle
-       Représente mes fesses ! représente rien du tout ! c’est une tarée et voilà. C’est concret, pas besoin de représenter.
-       Je continue donc ma phrase : en effet, je ne vis pas avec votre sœur Anna et je ne sais pas ce que représente vivre avec elle. Et je m’intéresse à ce que vous ressentez et non je ne participerais pas à votre colère et haine, si je ne m’abuse.
-       Vous ne vous abusez point, je vous mettrais bien mon poing dans la gueule d’ailleurs. Et puis je vous cracherai dessus, je vous mettrai tous les deux sur le même bûcher, vous êtes des parasites, vous êtes aussi dingue qu’elle, vous êtes infecté ! Brûlez en enfer  sale charlatan !
-       Bien, il est l’heure Monsieur Z.
-       Bien. C’est l’heure.
Il se lève, frotte ses habits consciencieusement et vérifie dans la glace. Il se tourne vers le médecin et lui sourit chaleureusement.
-       Merci Docteur. Votre aide m’est toujours précieuse.


















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