mardi 10 octobre 2017

Lettre 9

Fille de joie !
Fille de rien !
Mauvaise vie !
Fille salie !
Fille finie !
La honte de ses parents.
La honte sur son nom.
L'alcool aidant, quand les langues se délient, je suis une salope. Une vraie pute dans la bouche de ceux qui osent. Les plus honnêtes sans doute. Parce que tout le monde ou presque le pense.
Et toi sais-tu pourquoi ? Sais-tu ce qui fait de moi cette fille-là ? Cette femme de plaisir ? Cette jouisseuse ? Pécheresse galeuse ! Intouchable. Sais-tu pourquoi ? Que tu l'aies pensé ou non, tu l'as entendu de toutes les bouches familiales et vénéneuses . Sais-tu pourquoi ou j'ai choisi cette vie de débauche ? Question stupide ! Tu m'as déjà demandé pourquoi. Parce que tu savais que j'étais aussi quelqu'un d'autre. Mais tu n'as jamais eu de réponse. J'ai toujours éludé. Parce qu'il aurait fallu tout raconter et que j'avais trop envie de tout te dire pour pouvoir commencer sans achever l'histoire jusqu'aux origines du mal.
Je cherche. Je pousse les limites. Non le plus loin possible mais afin de toucher le plaisir, même du bout du doigt, d'un seul. Mais cela ne fonctionne pas ainsi. Je ne le connais toujours pas. Pas une miette. Oui, on parle de mes plaisirs à l'envi. Il n'y a pas de plaisirs pour moi dans cette vie. Je n'éprouve rien de ce genre. Je suis froide comme la glace. Même ivre morte, le plaisir ne m'atteint pas. La fille de joie sans plaisirs. Rien, tu entends ?, rien ne me satisfait. Je ne sais pas ce qu'est le plaisir, la jouissance, de quelque ordre qu'ils soient. Je les ignore absolument. Ils me fuient. Je les fuis malgré moi. Ma tête les repousse et les remplace par d'autres idées, triviales et terriblement quotidiennes. Je ne ressens rien. Je ne suis qu'une planche inerte. Je vivote et fais semblant de jouir à longueur de temps. Pour me le faire croire, pour encore essayer aussi. Parfois, j'y crois un peu. Je me mens gentiment, pour me bercer. Les illusions ne tiennent pas longtemps mais elles adoucissent. Je les nourris, régulièrement. Même si je sais au fond de moi. Parce que je ne peux pas abandonner cette lutte-là. Je ne peux pas baisser les bras, là. Je ne eux absolument pas. Ou je signerais ma perte. C'est vrai, je continue d'espérer. Mais je sais désormais qu'il faudra une vraie personne, un vrai ami, une âme sœur pour y parvenir. Seule, je n'y peux rien. Il faudra que je raconte mon histoire, une nouvelle fois. Il faudra que je vomisse toutes ces saletés, de ma bouche à cette âme sœur. Il faudra aussi beaucoup d'autres choses que je ne sais sans doute pas.
Peut-être que je te semble geindre, me conforter dans mes jérémiades, croire être la plus malheureuse. Certainement pas, soi-en sûr ! Je ne transcris que ce qui est et que désormais toi seul partage avec moi. Ma vie est une pierre glacée enroulée de merveilleux froufrous, magnifiques, oniriques, mais monstrueux menteurs.

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