Je
reste pantoise, je reste coite, les bras m'en tombent. Je regarde
Papa. Je l'appelle au secours sans un mot. Je ne veux pas comprendre.
Ma tête a lu, enregistré et tourne en boucle comme un disque rayé.
Mon corps, mon cœur, ne sont plus reliés à ma tête, ils ne
peuvent sentir ça. Ils ne peuvent supporter ça. Ils voient le monde
se renverser. Ils ne sont pas capables de supporter ça. La tête
supporte tous les changements de gravité. Les deux autres se
perdent, s'accrochent à leur terre. Ils ne se déracineront pas. Ils
se battent contre une immense tempête. Et la tête qui fanfaronne
« moi je peux, moi je vois, moi j'ose. » Je suis coupée,
disloquée, en deux parties, deux corps distincts. Je suis écartelée.
Je m'effondre.
La
rage.
La
douleur insoutenable.
Cette
histoire est la mienne. Je ne sais pas pourquoi mais cette histoire
est la mienne. Elle m'appartient plus qu'à n'importe qui. Cette
femme, cette grand-tante n'est autre que moi-même.
Papa
le sait.
Il
le sait déjà.
Depuis
combien de temps le sait-il ?
Comment
a-t-il compris ?
Il
me regarde tendrement. Il m'enveloppe, encore et encore et me berce.
Je
m'aperçois que je pleure à ne plus rien voir.
La
marée a inondé mes yeux.
Je
n'ai rien senti, moi que les larmes ont désertée. Je suis trempée
de sueur et de larmes.
Je
me déverse.
Je
finis par me pisser dessus.
Je
suis interloquée.
Père
ne s'étonne de rien. Il me prend comme une toute petite fille. Je
sens qu'il connaît tout ce qui me traverse.
Et
je cesse de penser, enfin, pour la première fois de ma vie.
Je
ne fais que vivre, sentir, je suis un animal. Je suis enfin l'animal
terré au fond de moi. Papa est le renard qui couve sa toute-petite.
Maman dort et je n'ai besoin que de lui, lui seul et il me dénoie,
dénoue, me déniche pour me libérer de mes chaînes. Il sait que la
vie commence aujourd'hui
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