vendredi 16 février 2018

et la toute petite porte s'ouvre enfin

Et son clin d’œil tombe sur lui comme une petite magie qu'il n'aurait jamais crue.
Flo prend son temps pour se relever et sortir des toilettes. Il se met finalement sur ses jambes, il tient dessus, il branle un peu mais il s'y attendait. Il a l'impression d'être encore alcoolisé ou plutôt défoncé. Concrètement il est encore alcoolisé. Il transpire Parce qu'il se sent comme un nuage. Il a d'ailleurs la tête de l'emploi. Il n' pas l'air vraiment là, pas vraiment loin non plus. Un peu volant. Un peu rêveur. Pas du tout son genre, c'est vrai. Pas besoin de la remarque de Marc pour s'apercevoir que le visage qu'il a devant lui dans la glace ne ressemble en rien à ce qu'il est d'habitude. Marc a encore plus raison quand il se voit aujourd'hui, aussi flottant. Il se rend réellement compte. Il peut maintenant que le choc est passé, le boomerang vomi. Il a les yeux comme cataractés, des yeux passés de vieux bonhomme. Il a les orbites creusés, profonds jusqu'au cul de la bouteille. Il a le nez de travers. Bon, là, rien de changé. La bagarre qui a mal tourné mais il s'en est bien tiré. Un nez cassé certes mais l'autre à terre. Il devient fou quand on attaque ceux qu'on appelle communément « les faibles », qu'il appelle les vulnérables. Il n regrettera jamais ça et recommencera dès demain s'il le faut. Certains l'avaient surnommé Robin des Bois au collège. Bien sûr qu'il aimait ce nom de guerre. Il s'y sentait comme un poisson dans l'eau. Le costume qu'il faut. Celui qui t'attend. Le nez cassé égal à lui-même. S'il y a en a bien un qui ne change pas, quelle que soit l'humeur et le temps, c'est bien lui. Ceci dit, quand il est bronzé, pour peu qu'il soit long, il peut surprendre son monde. A ce moment-là, rien de neuf sous le néon des toilettes. Il est cassé, tordu, pas bien beau. Rien à dire, ni petit ni grand. Mais guerrier ça oui. Le reste accuse le coup en revanche. Les joues sont flasques et pâles mais souples, pas flasques tombées presque mortes. Flasques prêtes à rebondir aux pommettes. Très étrange. La bouche par contre...a fait une chute vertigineuse. Il lui faudra au moins la journée pour remonter la pente. La lèvre inférieure s'enroule sur elle-même et se cache derrière elle-même. Elle est en grande armure et elle repousse l'attaquant en général. Peut-être n'est-ce qu'une coïncidence. Peut-être que la boudeuse n'a rien à voir. Mais il en doute. Il s'arrête dans ces considérations par trop féminines tout de même. Il craint comme tout le monde de devenir ce qu'il n'est pas. Le pouvoir de la pensée magique... Les cheveux sont hirsutes mais en réalité, la différence n'est pas flagrante. Les cheveux bien rangés mettent Flo dans un état de démangeaison intense. Il se gratte et s’ébouriffe jusqu'à temps que le bazar soit revenu s'installer. Les cheveux bien peignés, lisses, en rang, militaires le rendent tout simplement dingue. Depuis qu'il est tout petit et sa mère n'a jamais pu le coiffer correctement. A son grand dam. Et puis, ils ont fini par en rire après maints conflits vains. A l'adolescence, la crise du cheveu était déjà close. Bien heureusement ou alors elle aurait pris des proportions intersidérales.
Une fois cet inventaire terminé, il se mouille un peu le visage et repars, si ce n'est frais comme un gardon, du moins, plus rose que vert, comme il l'était lors de son entrée dans ces lieux. « Alors bien vomi ton whisky ?
  • Ouep ! Ca va mieux après dites donc.
  • Tu m'étonnes.
Et Franck se lance dans la narration d'une de ses anecdotes de jeunesse. On l'écoute d'une oreille. Jana a rechaussé ses écouteurs, sûre d'échapper à ce genre de phénomènes ennuyeux de la vie de tous les jours. Il lui sourit. Elle aussi, sans même tourner la tête. Elle l'observe du coin de l’œil. Elle fait souvent ça. Il faudra qu'il lui demande pourquoi et surtout comment. Parfois on dirait qu'elle a la vision d'une mouche. Il faut être derrière elle pour lui échapper vraiment. On préfère, parce que tout le monde le sait, carrément changer de pièce. Des fois qu'elle aurait des yeux dans le dos. Avec les femmes, on ne sait jamais... Sûrement celles-là dirait Franck avec son élégance habituelle.
La journée se passe relativement bien. Quelques petits passages aux toilettes pour Flo. Cette fois, les restes du week-end, réellement. Ce n'est pas un plaisir mais il paye la note. Il accepte cette justice-là. Il en rit même. Enfin, c'est de lui qu'il rit. Jana ne vient pas le rejoindre les 3 ou 4 fois suivantes. Elle sait de quoi il retourne alors. Aurait-elle des antennes en plus de ses globes de mouche ? Une mouche chauve-souris... dans un corps de déesse aux yeux de chat. Il pourrait être en train de délirer un peu.
La fin de journée arrive enfin. Flo n'est pas mécontent de sentir qu'approche l'heure où il va pouvoir aller s'affaler sur son canapé et somnoler jusqu'à s'endormir jusqu'au lendemain. Il ne va même pas manger. Le plaisir de la diète apaisée.
Il range ses affaires entre le départ de James et celui de Jana. Les gestes tout à fait habituels. Il lance un Au revoir sympathique et sent quelque chose le tirer vers l'arrière. Avec beaucoup de force. Il ne pense pas tout de suite à Jana. Pourtant c'est bien elle. « Attends-moi fuyard ! 
  • Ben je m'enfuis pas !
  • Tu n'as pas d'humour aujourd'hui dis donc ! Vraiment fatigué.
  • Oui. Et puis je t'avoue que je m'attendais pas à ton intervention.
  • Et ouais ! Comme quoi, tout arrive.
Elle le regarde goguenarde. Elle a l'air heureuse. C'est la première fois. Elle termine :
« Tu viens chez moi ? »
Flo manque de retomber à terre une seconde fois dans la journée. Il ouvre les yeux comme des soucoupes et il grogne un « Hein !? » poitrinaire.
« Tu viens chez moi alors ? Oui ou non ? 
- Ben bien sûr que je viens ! T'es folle toi !

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