Et
son clin d’œil tombe sur lui comme une petite magie qu'il n'aurait
jamais crue.
Flo
prend son temps pour se relever et sortir des toilettes. Il se met
finalement sur ses jambes, il tient dessus, il branle un peu mais il
s'y attendait. Il a l'impression d'être encore alcoolisé ou plutôt
défoncé. Concrètement il est encore alcoolisé. Il transpire Parce
qu'il se sent comme un nuage. Il a d'ailleurs la tête de l'emploi.
Il n' pas l'air vraiment là, pas vraiment loin non plus. Un peu
volant. Un peu rêveur. Pas du tout son genre, c'est vrai. Pas besoin
de la remarque de Marc pour s'apercevoir que le visage qu'il a devant
lui dans la glace ne ressemble en rien à ce qu'il est d'habitude.
Marc a encore plus raison quand il se voit aujourd'hui, aussi
flottant. Il se rend réellement compte. Il peut maintenant que le
choc est passé, le boomerang vomi. Il a les yeux comme cataractés,
des yeux passés de vieux bonhomme. Il a les orbites creusés,
profonds jusqu'au cul de la bouteille. Il a le nez de travers. Bon,
là, rien de changé. La bagarre qui a mal tourné mais il s'en est
bien tiré. Un nez cassé certes mais l'autre à terre. Il devient
fou quand on attaque ceux qu'on appelle communément « les
faibles », qu'il appelle les vulnérables. Il n regrettera
jamais ça et recommencera dès demain s'il le faut. Certains
l'avaient surnommé Robin des Bois au collège. Bien sûr qu'il
aimait ce nom de guerre. Il s'y sentait comme un poisson dans l'eau.
Le costume qu'il faut. Celui qui t'attend. Le nez cassé égal à
lui-même. S'il y a en a bien un qui ne change pas, quelle que soit
l'humeur et le temps, c'est bien lui. Ceci dit, quand il est bronzé,
pour peu qu'il soit long, il peut surprendre son monde. A ce
moment-là, rien de neuf sous le néon des toilettes. Il est cassé,
tordu, pas bien beau. Rien à dire, ni petit ni grand. Mais guerrier
ça oui. Le reste accuse le coup en revanche. Les joues sont flasques
et pâles mais souples, pas flasques tombées presque mortes.
Flasques prêtes à rebondir aux pommettes. Très étrange. La bouche
par contre...a fait une chute vertigineuse. Il lui faudra au moins la
journée pour remonter la pente. La lèvre inférieure s'enroule sur
elle-même et se cache derrière elle-même. Elle est en grande
armure et elle repousse l'attaquant en général. Peut-être n'est-ce
qu'une coïncidence. Peut-être que la boudeuse n'a rien à voir.
Mais il en doute. Il s'arrête dans ces considérations par trop
féminines tout de même. Il craint comme tout le monde de devenir ce
qu'il n'est pas. Le pouvoir de la pensée magique... Les cheveux sont
hirsutes mais en réalité, la différence n'est pas flagrante. Les
cheveux bien rangés mettent Flo dans un état de démangeaison
intense. Il se gratte et s’ébouriffe jusqu'à temps que le bazar
soit revenu s'installer. Les cheveux bien peignés, lisses, en rang,
militaires le rendent tout simplement dingue. Depuis qu'il est tout
petit et sa mère n'a jamais pu le coiffer correctement. A son grand
dam. Et puis, ils ont fini par en rire après maints conflits vains.
A l'adolescence, la crise du cheveu était déjà close. Bien
heureusement ou alors elle aurait pris des proportions
intersidérales.
Une
fois cet inventaire terminé, il se mouille un peu le visage et
repars, si ce n'est frais comme un gardon, du moins, plus rose que
vert, comme il l'était lors de son entrée dans ces lieux. « Alors
bien vomi ton whisky ?
- Ouep ! Ca va mieux après dites donc.
- Tu m'étonnes.
Et
Franck se lance dans la narration d'une de ses anecdotes de jeunesse.
On l'écoute d'une oreille. Jana a rechaussé ses écouteurs, sûre
d'échapper à ce genre de phénomènes ennuyeux de la vie de tous
les jours. Il lui sourit. Elle aussi, sans même tourner la tête.
Elle l'observe du coin de l’œil. Elle fait souvent ça. Il faudra
qu'il lui demande pourquoi et surtout comment. Parfois on dirait
qu'elle a la vision d'une mouche. Il faut être derrière elle pour
lui échapper vraiment. On préfère, parce que tout le monde le
sait, carrément changer de pièce. Des fois qu'elle aurait des yeux
dans le dos. Avec les femmes, on ne sait jamais... Sûrement
celles-là dirait Franck avec son élégance habituelle.
La
journée se passe relativement bien. Quelques petits passages aux
toilettes pour Flo. Cette fois, les restes du week-end, réellement.
Ce n'est pas un plaisir mais il paye la note. Il accepte cette
justice-là. Il en rit même. Enfin, c'est de lui qu'il rit. Jana ne
vient pas le rejoindre les 3 ou 4 fois suivantes. Elle sait de quoi
il retourne alors. Aurait-elle des antennes en plus de ses globes de
mouche ? Une mouche chauve-souris... dans un corps de déesse
aux yeux de chat. Il pourrait être en train de délirer un peu.
La
fin de journée arrive enfin. Flo n'est pas mécontent de sentir
qu'approche l'heure où il va pouvoir aller s'affaler sur son canapé
et somnoler jusqu'à s'endormir jusqu'au lendemain. Il ne va même
pas manger. Le plaisir de la diète apaisée.
Il
range ses affaires entre le départ de James et celui de Jana. Les
gestes tout à fait habituels. Il lance un Au revoir sympathique et
sent quelque chose le tirer vers l'arrière. Avec beaucoup de force.
Il ne pense pas tout de suite à Jana. Pourtant c'est bien elle.
« Attends-moi fuyard !
- Ben je m'enfuis pas !
- Tu n'as pas d'humour aujourd'hui dis donc ! Vraiment fatigué.
- Oui. Et puis je t'avoue que je m'attendais pas à ton intervention.
- Et ouais ! Comme quoi, tout arrive.
Elle
le regarde goguenarde. Elle a l'air heureuse. C'est la première
fois. Elle termine :
« Tu
viens chez moi ? »
Flo
manque de retomber à terre une seconde fois dans la journée. Il
ouvre les yeux comme des soucoupes et il grogne un « Hein !? »
poitrinaire.
« Tu
viens chez moi alors ? Oui ou non ?
-
Ben bien sûr que je viens ! T'es folle toi !
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