Nos siamois intérieurs

Il y a

depuis l'enfance,

depuis toujours,

ces gens

bien plus que des gens,

qui resurgissent

brillants,

furieusement brillants,

chaque fois qu'on les revoit,

aussi quotidien que cela soit.

Ils ne font que,

comme tous les congénères de la masse

parler et se tenir,

travailler et aimer,

se cacher et rire.

Rien d'exceptionnel.

Pas d'étoile d'or ni en pochette de veste

ni en diadème.

Ils traversent

invisibles.

Pour la plupart invisibles.

Pour la majorité.

Une aiguille dans une botte de foin.

Rien de plus

quand on en parle.

Mais mieux vaut ne pas en parler.

Ce sont de ces aventures minuscules qui

épuisent les mots.

Savoir alors seulement le vivre

et ne rien attraper

et laisser l'étoile briller

en secret.

Vous avez tous

ces gens qui brillent,

ces stars du quotidien

et que vous dites souvent

que vous aimez,

vous kiffez,

adorez,

chéris,

doudous,

peut-être insatisfaits

intimement

de tous ces mots

qui n'en disent pas

assez.

La question n'est pas celle-

là,

pas l'amour,

pas le cœur,

pas le cul non plus.

L'énigme est bien davantage ;

tout en même temps.

Un précipité de tout ce que vous attendez.

Une alchimie encore bien plus magique.

Et purement réelle.

Alchimie de ?

De ce que vous espérez ?

Des autres ?

Du monde ?

De vous-même ?

De la vie ?

Mon Dieu, tout ça prend un tour grave.

Bien sûr !

Grave jusqu'à la garde,

jusqu'au point G,

jusqu'à la source,

méconnue,

c'est notre lot à tous.

C'est une étoile

tissu de toutes nos fibres,

texte de toutes les poussières

de notre noyau vif.

C'est une étoile qui

parle la langue singulière,

absolument minoritaire

de notre mélodie intérieure.

Ils sont là, un par un,

parfois deux en même temps

dans nos vies.

Parfois la chance sourit.

Il faut ne jamais les laisser

glisser.

Pas forcément qu'ils sachent

qu'ils brillent

autant

pour nous.

On pourrait s'y méprendre

et tout dégringolerait.

Pas tous,

mais certains l'entendent

et le disent.

Certains sont réciproques.

Les étoiles s'entrebrillent.

Et peut-être que cela

suffit.

Peut-être qu'on peut remercier

quelqu'un,

quelque chose.

Ou peut-être seulement jouir

de cet orgasme

de l'être

tout entier,

qui a trouvé un nouveau

membre

de sa constellation.

Un siamois intérieur

qu'on n'oubliera jamais.

Même si

même si.

Un de ceux qui

pulvérisent

l'exil.