Je suis une qu'il ne faut pas être

En secret, tout au fond, Janusa a retrouvé son revers, son vieux démon. Flo l'a réveillé de son sommeil de bois dormant. Flo a réveillé la bête. C'est ça qu'il regrettera. C'est surtout elle qui le regrette. Quand le démon est là, un flot de pensées qui serre les dents et tous les muscles se met à tourbillonner et à vrombir, comme de gros frelons dont on ne pourrait s'éloigner, au cœur de l'essaim duquel on serait forcé de rester, debout qui plus est, et digne.

Mon corps me brûle

me tire

craque

il se déchire

je le déchire

je suis une qu'il ne faut pas être,

je suis une qui n'aurait pas dû,

une que la sélection naturelle a,

vous savez bien !

Une de ceux-là !

Une de ceux que la nature a

laissé passer

entre les mailles du filet,

laissé couler

alors qu'elle aurait dû les !

Je suis une de ceux qui

ne savent pas vivre,

une de ceux qui

instaurent des strictes

règles

une deux une deux

tout en haïssant l'armée qui les

montrent du

doigt,

les faux-vivants,

pas toutes les cases,

des règles

aussi cruelles tendues

pour ne pas

laisser voir,

pour masquer

les coquilles du beau texte,

la pourrissure des peaux,

la folie des neurones,

le monstre sous les jolis cœurs.

Pourquoi ne pas être

l'autre qui

court la vie parfois en douceur ?

Parfois c'est tout !

Pourquoi être ça ?

Pourquoi devoir supporter ce corps et cette âme

qui ne s'emboîtent pas ?

Faite n'importe comment !

Les restants

deux derniers

allez bon ils iront bien ensemble !

Mais non bordel de merde !

Ils ne vont pas de paire.

Chacun de son côté et

l'être est de guingois.

Je suis une poupée désarticulée.

Je suis ce que je ne devrais pas,

qui ne devrait pas être,

qui aurait dû,

bien avant cela.

Je voudrais être une autre.

Je m'endormais chaque soir,

en rêvant d'être unetelle

ou encore mieux,

untel...

Je me réveillais

déçue aux larmes

d'être encore dans le miroir

celle-là,

la même.

Le Père Noël n'a jamais

rien compris.

Et puis,

à mon tour j'ai compris.

Alors,

j'ai été soulagée,

soulagée des mois et des mois,

de savoir qu'il n'était

pas mieux

pas magique,

qu'il était

des miens

pas plus réel,

pas plus viable,

juste obligé.

Je l'ai aimé encore plus,

rien que pour ça.

J'en ai fait mon ami secret.

L'ai-je vraiment

abandonné ?

Jamais vraiment non.

Le Père Noël est mon ami secret.

Le doudou invisible qu'on porte en soi

et qui fait tenir droit.

Je me tiens raide comme la justice,

ou sinon

s'il vous plaît !

Transformez-moi !

Faites de moi une autre !

A genoux si vous voulez,

je peux m'écorcher vive.

Je peux tout pourvu que

demain

soit une autre.

Je t'ai tant priée

litanie vaine.

J'ai trop prié.

Pourquoi reviens-tu me hanter ?

Change-moi en pierre !

Change-moi en chien !

Change-moi en rien !

Sors-moi de là !

Jana est toujours appuyée sur son radiateur. Et les mots plantent leur dard dans tous les coins de son être.