lundi 13 novembre 2017

L'homme qui ne flamboyait jamais

C'est un grand calme,
un toujours aimable.
Ce collègue que personne n'a jamais
vu ni
entendu
hausser le ton.
Cet ami qui ne juge pas,
ne s'emballe pas,
s'enthousiasme oui,
ce n'est pas un barbifiant
robinet d'eau tiède.
N'essayez pas de ce côté-là !
Vous vous méprenez.
Il n'ennuie pas,
il ne se tait pas.
Collègue sûr,
fiable,
imperturbable,
même quand
la rage souffle fort tout
autour de lui.
L'ami qui apaise,
soupèse le pour,
mmmmh,
le contre,
mmmh,
qui énerve parfois de tant de
tranquil-
lité et
d'impartialité.
Cet homme-là
est souriant,
attentif,
trop lisse disent les coléreux,
inutile disent les révolutionnaires,
collabo disent les victimes.
Cet homme-là
suscite à peu près toutes les
sym- ou anti-
pathies
possibles et
imaginables.
Tout et rien,
on ne saurait dire.

Sauf qu'arrive le jour où,
une banale phrase,
un mot de l'ordinaire,
et il mute.
Il blanchit.
Ses joues se creusent.
Il se tait avec violence.
Il fait le vide autour de
lui.
Les gens s'écartent,
reculent.
C'est animal.
C'est tripal.
C'est sans raison,
sans les mains.
Et il dit que
« c'est intolérable »,
que
« c'est honteux »,
qu'
« il n'a jamais entendu une aussi grosse connerie, putain ! »,
qu'
« il a honte pour celui qui ose »,
qu'
« on doit se taire quand on ne sait pas réfléchir pour ne pas dire plus.
-eh ben vas-y !
-Mais tu es con mon pauvre gars ! Complètement con ! »
et tout le monde
bouche bée.
Il est blanc de
rage,
blanc comme un
linge,
blanc comme la
mort.
Et il pourrait tout dire.
Toute la vérité,
rien que la vérité.
Toutes les vérités pas bonnes à
dire.
Peut-être que cet homme-là,
pour chacun en son for
intérieur ou
claironnant,
pour les révoltés notamment,
pour presque tous en
réalité
était un lâche,
un
trop facile.
Une petite pute qui
bouffe à tous les
râteliers,
auront même dit
les plus chauds.
Mais les voilà tous réunis devant
cet homme-là qui
là,
hausse le ton,
grossi de haine,
face au big boss qui coud
à plates coutures
même les bouches les plus
hardies.
Cet homme-là n'est pas
ce qu'on croit.
Et les plus philosophes voient
leur vérité
s'effondrer
sans les formes,
ni courtoisie.
Personne n'est ce qu'on croit.


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