jeudi 30 août 2012

Pourquoi VS Belles Personnes

Un de ces jours où je ne comprends pas.

Un de ces jours où revient lancinante la question, toujours la même : et pourquoi donc tout cela ? Cette question, quand elle est là, elle reste et on ne peut plus la déloger. Elle prend au piège. Elle se transforme. Se métamorphose. C'est un caméléon. Et je me demande alors :
Pourquoi travailler ? Pourquoi tous ces efforts si le soir je suis trop fatiguée pour aimer et sourire ?
Pourquoi expliquer ? Pourquoi se faire comprendre ? Ma vie comme celle des autres repose sur des centaines, des milliers de malentendus et je m'émerveille exceptionnellement, lors d'une discussion prévue, longue et sérieuse, d'un accordage d'une fugacité bouleversante et exaspérante. Pourquoi cela n'est-il pas plus souvent ? Pourquoi ? Quelle en est l'utilité, le bénéfice pour l'espèce ? En quoi cela nous aide-t-il à croire dominer le monde ?
Pourquoi apprendre ? Cela ne me fera ni vivre plus longtemps ni gagner en bien-être ? Une démence sénile, un AVC, me feront tout désapprendre en si peu de temps ? J'apprends tous les jours et je ne comprends toujours pas. J'apprends que je ne suis pas seule à ne pas comprendre.
Mais pourquoi personne ne dit-il qu'il ne comprend pas ? Pourquoi sommes-nous si nombreux à brandir nos compétences fiers de ce que nous savons et qui avec un peu de recul s'avère si ridicule ?
C'est l'un de ces jours où j'ai en tête l'immense tas de savoirs que j'ignore côtoyant les quelques feuillets de ce que j'ai appris, de l'immensité des mondes que je connaîtrai jamais, de toutes ces heures que je perds à 'ne rien faire' et dont l'humain a besoin paraît-il, de toutes ces vies que j'aurais voulu connaître juste pour savoir. Mais je suis là dans mon canapé à me demander pourquoi et à ne pas en faire davantage.
Pourquoi aimer ces gens qui m'ont fait du mal et ne pas arriver à aimer ceux-là qui me paraissent si bons ? Pourquoi ma tête et mon cœur ne se concertent-ils pas ? Un minimum de cohérence et on avancerait plus vite ! Oui mais pourquoi ? Gagner en pseudo suprématie intelligente ?
Et puis tous les pourquoi les plus banals s'ensuivent : pourquoi moi ici et maintenant telle que je suis ? Pourquoi comme ça ? Pourquoi la vie sur terre ? Pourquoi tout cela pour finalement mourir ?

Noyée dans tous ces pourquoi qui tourbillonnent et me blessent, je me raccroche aux belles personnes, celles qui me font oublier pourquoi, celles qui me font rire, celles qui me regardent dans les yeux, celles qui me demandent si ça va, celles qui me serrent dans leurs bras, celles qui aiment la vie et évincent les pourquoi parce qu'elles savent bien que les parce que n'existent pas, ces personnes qui brillent et auxquelles on pense très fort ou dont on dit le prénom pour se rassurer et se consoler quand on pleure seul dans son lit, celles qui convainquent qu'on en vaut la peine, celles qui prennent leur place dans ce monde et m'en donne le droit à mon tour, celles qui sourient même sans raison, celles qui regardent et rient sans se moquer, celles qui admettent qu'elles ne sont pas grand-chose, qui osent le dire et ne pas s'effondrer.

Les pourquoi sont là tout le temps, plus ou moins puissants, plus ou moins menaçants. Ces belles personnes aussi, partout où je suis passée, j'en ai trouvé de ces perles rares qui tout d'un coup éclairent une pièce et avec qui, parfois, on ne s'adresse jamais la parole. Mais je me rappelle face aux pourquoi que toujours il y aura ces personnes-là qui me protégeront de la terreur de mon incompréhension.

   

mardi 28 août 2012

Et la langue parla jusqu'à la mort

Ah ne rien dire !
Quitte à mourir.
Non non sans rire !

Ne pas moufter.
Et étouffer.
Nous protéger.

Se taire, se taire.
Rester amer.
Rester sous terre.

Fermer la bouche.
Ah non pas touche !
Comme ça ça marche.

Et puis un jour,
Un trop d'amour ?
Un trait d'humour ?
Et la langue parle
Elle se délie et déroule tout, sur un tapis, devant tout le monde, et on a honte, mais rien ne l'arrête, elle est partie, elle court elle court, personne contre elle, elle est plus forte, vomit les mots et égaillés autour du monde, enfin libres les mots, jusqu'à la mort.

samedi 25 août 2012

Hors de ses gonds

     En colère contre qui ? me demandes-tu. Contre qui, contre personne ! Tu ne comprends rien ! Mais il faut bien être en colère contre quelque chose à défaut de quelqu'un tout de même. Arrête de raisonner, ça ne sert à rien. En colère et c'est tout. Mais non, ce n'est pas tout, ce n'est pas possible. Si ! C'est possible et c'est même toujours comme ça. En colère contre tout et contre rien, à se battre contre le vent et le néant. Ça te convient comme réponse ? ... C'est une réponse oui mais je n'y comprends rien. Je sais que tu ne piges rien, tu es bouché, tu ne sais pas et tu veux comprendre avec ta tête. Lâche-la, pose-la à côté de toi et regarde moi m'agiter comme une hystérique en proie avec le diable. Non, je n'aime pas quand tu es comme ça. Ah ! Tu n'aimes pas quand je suis comme ça... Le voilà le vrai problème. Eh bien pourtant je suis comme ça et très souvent comme ça, la plupart de temps comme ça. Tu veux des exemples ? Tu veux comprendre ? Tu vas seulement imaginer : j'ai envie de te cracher dessus, j'ai envie de faire violemment tomber la vieille qui arrive triomphante, qui se croit tout permis et donne des leçons aux pauvres petits ignorants que nous sommes, j'ai envie de lui dire à ce connard qui prend deux places dans le bus qu'il n'est pas tout seul et de sauter sur ses pieds et de les lui écraser jusqu'à ce qu'il me supplie d'arrêter, j'ai envie de lui serrer la gorge à cette collègue qui jamais n'a répondu à mon salut, jusqu'à ce qu'elle devienne bleue, j'ai envie de la revoir cette petite peste et de lui demander si elle aime elle aussi être humiliée, j'ai envie de demander à Dieu ce qu'il fout à laisser des gens se traîner par terre dans la rue, mourant de ne plus être considérés comme humains, j'ai envie de lui dire qu'il ne sert à rien, j'ai envie de trouver ce putain de sens à ce foutoir que vous acceptez comme le quotidien, je me déteste de ne pas avoir l'énergie pour changer, de n'avoir aucun pouvoir, je voudrais être autre chose, un super héros, quelqu'un où quelque chose d'utile. Tu comprends mieux ? avec ton misérable cerveau ? C'est bien comme ça ? Hein ?! C'est ça que tu voulais ?

     J'essaye de la calmer mais elle gesticule en tout sens. Je comprends très bien ce qu'elle me dit, bien sûr, mais elle n'entend plus personne. Je peux à peine la toucher. Je sais pourtant que c'est la seule solution. Je l'attrape dans un mouvement reptilien alors qu'elle exécute dans l'espace une de ses fascinantes figures rageuses et je la serre contre moi aussi fort que je le peux. Elle est fluette mais quelle force dans ces moments-là ! J'en suis toujours stupéfait. Je la serre de tous mes bras et de toute mon âme. Elle crie et me tape autant qu'elle puisse bouger, c'est à dire très peu. Devant son impuissance, elle lève sur moi ses yeux de tueuse. Elle croise mon regard sûr et déterminé. J'ai l'habitude désormais mais j'ai eu peur les premiers fois : est-elle psychopathe ? Malade ? Elle éclate tout d'un coup en sanglots et se blottit contre moi et son corps se détend brusquement. Il est celui d'une agonisante, elle a tout perdu.

La rage, dernier rempart contre le désespoir.

mercredi 22 août 2012

Ma place

          La place est bondée, elle est grouillante de gens, de gens comme moi. C'est ce qu'il faut que je pense. Ils sont comme moi, ils sont comme moi, ILS SONT COMME MOI. Oui, je commence à m'agacer intérieurement. Je maintiens ce faux sourire absurde mais nécessaire puisque je ne peux pas faire confiance. Ils plaisantent à côté de moi, ils sont à l'aise. Ils sont inconscients. Cette foule va peut être se mettre à hurler, à ruer, à cavaler comme un troupeau de gnous et à écraser tout ce qui sera sur son chemin. Je sais que je ne ferai pas partie de ceux qui courent. J'aurais été congelée en une seconde à la vue de la catastrophe imminente. Et mon corps ne m'appartiendrait plus. Nous n'en sommes pas encore là et ces gens se comportent comme un groupe d'individus plutôt calmes, paissant tranquillement autour du buffet et partageant des signes d'affection ou de tolérance teintée d'une agressivité contrôlée. Pas de combat de chefs ici et maintenant ; il faut se plier aux règles, et tous les compromis sont de circonstance. Ce rassemblement me pétrifie. De quoi sont-ils capables, en aucun cas je ne ferai confiance ! Je n'oublie pas le troupeau de gnous qui dort en eux. Je ne me sens pas un de ces gens, je ne me sens pas un gnou en puissance ni un dominant soumis aux lois de la jungle. Je suis une dominée, une de ces bêtes que les autres agressent en premier, d'abord parce que je me laisse faire, et qui ont même du mal à trouver où se tenir et comment, debout, assise, allongée, à côté de qui, dans quel coin de la pièce... Je me sens illégitime, mon corps le leur dit, ils me pensent illégitimes et le clan s'unit dans cette pensée. S'il faut faire un sacrifice, je sais qui sera la victime et je sais que je ne lutterai pas. Les antilopes ont bien plus de courage que moi. Elles se battent jusqu'au bout, alors qu'elles sont cuites et recuites depuis déjà cinq minutes les belles. J'essaye de me frayer un chemin, et je ne suis pas même seule, nous sommes quatre, la route devrait s'ouvrir naturellement devant nous. Devant eux oui mais elle pourrait se refermer contre moi. On ne sait jamais de quoi les gens sont capables. Finalement, nous atteignons le buffet et parvenons à nous faire un trou. Moi y compris, pas moins que les autres, c'est surprenant. Mais après, il faudra trouver un siège ou une place dans un groupe, s'intégrer. Ou rester seule. Outre le mur à contempler le groupe. Je ne sais pas encore. Je me rassure déjà d'être arrivée à la nourriture et de ne pas avoir subi une seule agression. Pas un coup de dent, pas une griffure, même pas une bousculade, ou alors un petit coup d'épaule accompagné d'un aimable "excusez-moi". Je n'ai pas ouvert la bouche depuis que je suis entrée dans cette énorme salle, je pense et j'assure mes arrières, je ne peux pas tout faire en même temps. D'ailleurs, je ne pense pas que les gnous ou les antilopes dans la savane se prennent à parler pour le plaisir de la conversation alors qu'ils doivent échapper au lion. Ce serait aussi absurde que si je me mettais à être spontanée. Le faux sourire rassure tout le monde et le tour est joué. Je n'ai pas ma place non, mais je ne suis pas honnie. J'ai même pu me sustenter ! Je sais que je me répète mais c'est un peu miraculeux. Mes acolytes m'ont bien aidée sans doute. Je n'y ai pas vraiment prête attention. Ils font tout autant partie du troupeau imprévisible. Eux, ils sont spontanés et ils pourraient d'un coup partir au galop, tête baissée, sans états d'âme. Je me dirige vers une chaise libre à côté d'un gens connu. Il est sympathique et calme. Tout ce qu'il me faut. Ce n'est pas le chef, il ne me protégera pas mais tant mieux. Je n'y crois pas de toute façon. Et puis je ne veux pas avoir à faire de révérence. Je m'assieds. Il parle avec son autre voisin et n'a pas fini sa conversation. Je m'en doutais, il ne me sera d'aucun secours non plus lui. Je veux m'en aller, sortir d'ici. Mais je ne peux pas. Je dois attendre encore au moins 1h, c'est le temps réglementaire. Je me vois déjà compter les minutes, tremblotante et ridicule. Je les garde, ils se meuvent, rient, réfléchissent ensemble. Mon Dieu, je ne suis pas eux.

"Alors, comment vas-tu ? Excuse-moi, je n'arrivais pas a me défaire de ce gentil monsieur extrêmement bavard. Je t'avoue que je t'attendais. J'ai pris ces places pour toi et pour moi  comme observatoire. On va voir ce qui se passe ce soir, hein ma jolie ? Dis donc ! Je n'avais pas fait attention, tu es magnifique ce soir !"
Je suis magnifique ce soir... Ca alors !


mardi 21 août 2012

Rêver ?

     Pleine d'envies, de désirs et d'amour.
     Rêve de toutes ces vies imaginaires.
Doux voyage vers le Pourquoi Pas ?

     Une vague de doutes, charme brisé.
     Implacable comparaison avec le réel.
Angoissant voyage face au Jamais.

     Et puis un cœur qui bouillonne, des entrailles supplient,
     Une âme en feu qui harcèle.
 Inacceptable voyage contre l'Impossible.

     Le corps qui se lasse, se laisse perdre.
     L'esprit essaye encore, valeureux.
Voyage dans le Désespoir.

      Une rencontre, des yeux qui touchent.
      Une vraie personne, une vraie vivante.
Reprendrait-on le voyage vers le Pourquoi Pas ?

      Rêves, pays imaginés, aventures projetées.
      On ose refaire ce chemin à deux, doutes et feu apaisés.
Doux voyage vers le Futur.

   
   

jeudi 16 août 2012

Le mur

          Elle se réveille, un peu groggy, elle ne sait pas très bien où elle est. C'est qu'elle n'est pas chez elle, non. Elle a beau chercher des objets familiers, aucun ne vient à son secours. Elle tourne son regard de tout côté, pour l'instant calmement, mais elle sent que la fébrilité la rattrape et qu'elle va sentir monter en elle la terrible vague qui asphyxie et son acolyte à l'extérieur, le mur qui interdit et empêche. Elle se connaît, elle veut absolument éviter la noyade. Elle se lève. Elle n'en avait pas encore fait cas mais il y a bien quelqu'un qui dort dans le même lit, un homme, une femme, peu importe, elle doit sortir d'ici. Elle trouve ses affaires entassées dans un coin juste à côté du lit. Heureusement qu'elle n'a pas la fâcheuse habitude de lancer voluptueusement dans les airs son soutien gorge et sa culotte avant l'amour. Et elle sort aussi discrètement et doucement que possible. Elle s'habille en hâte. Elle ne veut qu'une chose, rentrer chez elle immédiatement ! Retrouver son univers, des choses qui lui parlent, une clef qui cliquète comme elle aime, un chat mécontent de son absence inopinée, un café dans sa vieille et laide cafetière prête à crever d'un jour à l'autre mais qu'elle n'euthanasierait pour rien au monde.
Elle est sortie, elle a réussi. Elle a bien entendu un petit bruit et quelques paroles venant de la chambre, elle en a été pétrifiée. Et puis plus rien. Elle a attendu, prudente, puis s'est faufilé jusqu'à la porte et s'est envolée le pus vite possible. Une fois dehors, c'est une autre histoire : elle ne reconnaît rien, elle ne sait pas où elle est, elle n'a pas de voiture, en somme elle est perdue. Elle court à tout hasard. Elle ne cache pas le bus qui pourrait la ramener près de chez elle, elle n'est sûrement pas si loin que cela. Elle court parce qu'elle ne peut pas faire ces choses inconnues que les gens font tous les jours. Courir elle sait, un bus au trajet inconnu, un chauffeur de mauvais poil, des passagers méfiants voire agressifs, elle ne sait pas faire. Un mur se dresse devant elle, elle n'a de choix que courir jusqu'à ce que ses forces l'abandonnent. Mais elle sait que l'angoisse qui sort, pour le moment, qui la menace de se répandre en elle, la ferait courir des heures durant. Elle court, elle ne sait pas combien de temps. Elle reconnaît peu à peu quelques rues, ça y est, elle peut se repérer. Peut-être qu'elle pourra sauter dans un bus habituel si elle en croise un et si le mur ne se dresse pas devant elle encore une fois pour l'empêcher d'agir. Ce mur contre lequel elle se bat depuis toujours et qu'elle fait tant d'efforts pour contourner pour avancer quand même. À force de stratagèmes ridicules parfois et honteux qu'elle se garde bien d'expliquer à un que ce soit.
       Elle arrive en bas de chez elle, un peu incrédule. Déjà ! Elle a couru très vite aujourd'hui. Elle monte et s'effondre dans son canapé. Qu'a-t-elle encore fait hier soir ? Elle se pose à elle-même cette question absurde dont elle connaît parfaitement la réponse : elle était à bout de lutter, le mur était plus fort que jamais, même dans ce qu'elle sait faire et à l'habitude de faire, il s'opposait à elle et elle se trouvait bloquée dans ses actions à chaque instant. Passer la journée au travail à faire semblant qu'on accomplit tranquillement le travail quotidien, on a l'expérience maintenant ! Mais non, une de ces journées où elle a dû louvoyer, contourner, sauter, courir, grimper pour exécuter les plus simples des tâches. Et ses collègues de s'émerveiller de sa régularité dans le travail... Elle les regarde en souriant ; triste ? dégoûtée ? méprisante ? agacée ? Un peu de tout cela oui.  Elle a puisé au fond du ballon d'énergie, elle a dû racler les bords jusqu'à se nourrir des miettes qui restaient pour l'aider à finir la journée sans imploser.  Et le soir, elle a passé les portes coulissantes du bureau et ça s'est mis à papillonner et virevolter dans sa tête et elle est partie pour son bar de consolation. Elle a bu, un peu. Elle était plus calme et le mur commençait à s'effriter. Mais ça n'était pas suffisant. Elle voulait la vraie sérénité, la mer d'huile. Alors elle a continué à boire jusqu'à sentir le monde s'étendre à perte de vue devant elle, accessible et accueillant. Puis, elle ne sait plus, elle a probablement perdu pied diront certains. C'est à dire que pour une fois elle a parlé sans peur à ceux qui lui semblaient sympathiques, elle s'est avancée vers eux naturellement, a échangé quelques phrases simples mais directes. Et puis, elle a oublié la suite. Elle a sans doute suivi l'un d'eux ou l'une d'elles sans s'imaginer que le plaisir et la douceur.


Elle s'est réveillée ce matin. Et voilà. Une énième fois la même histoire de mur, d'épuisement, de papillons dans la tête, d'alcool, de sexe et d'oubli.

dimanche 12 août 2012

Prise d'otage

  Je suis enceinte, comment ? pourquoi ? Je suis pleine d'un bébé qui n'est pas le mien, je suis prise d'assaut, je suis envahie par ce bébé. Je n'ai jamais demandé de bébé, rien a l'intérieur de moi, je n'ai jamais demandé. Je n'en veux pas, c'est une erreur, je ne suis pas la bonne femme. On s'est trompé sur la personne. À qui est ce bébé ? Aidez-moi à en retrouver la ou le propriétaire ! Je ne suis rien pour lui et il n'est rien pour moi. C'est un intrus, un importun qui se sert de moi. Je vous jure sur la Bible, je n'ai jamais voulu de Ça. Je n'ai jamais prié pour, toujours contre. Je continues de prier contre lui mais il grandit toujours davantage et prend possession de moi. Je sens qu'il me prend tout le corps ! Il est puissant et il me grignote. Il commence à atteindre les membres. Vous ne me croyez pas, vous avez besoin de le voir pour le croire ? C'est un bébé dans un corps, comment voulez-vous ? Vous ne pouvez pas le voir, c'est votre travail d'imaginer ces bébés qui se forment dans les ventres et qui sortent en hurlant. À moi de vous crier, de vous hurler que ce bébé est là et qu'il n'est pas mien. Vous êtes calmes, tranquilles, vous me voyez me débattre avec ce monstre et vous vous en entretenez, réfléchissant intensément à mon problème. Vous prenez des airs d'un sérieux déconcertants. Il vous suffirait de vous exciter, de paniquer un peu. Pas besoin de réfléchir ou de faire semblant. J'ai un bébé qui n'est pas a moi dans le corps et je. Oui conjure de me le retirer tout de suite, tout de suite. Aidez-moi ! Ne me parlez pas ! Je ne comprends pas, ça m'est égal ! ARRÊTEZ DE PARLER ! TAISEZ VOUS SOMBRES IDIOTS ! On vous a bercé trop près du mur ? On vous fini à la pisse ? Ouvrez-moi et enlevez-moi ce poulpe qui me tue ! Vous ne réagissez pas, vous croyez que votre calme me gagnera. Vous êtes attardés et reconnus comme supérieurs. Je n'y comprends rien. Vous n'êtes pas des hommes, je n'appartiens pas a votre espèce, vous êtes faux, vous vous masquez. Je vous dévoilerai, je vous désignerai. Vous pouvez en être sûrs, je ne vous oublierai pas. Vous êtes aussi monstres que celui qui m'habite. Il jouit de ce moment de victoire où vous l'approuvez et me diminuer. Il avance en moi, il prend mes membres. Je ne serai plus et il vous assaillira à votre tour. Vous serez sa proie. Retrouvez son propriétaire ! Sinon, je disparaitrai devant vos yeux hébétés de grands scientifiques, de médecins mille fois récompensés, d'infirmières si expérimentées et fières de l'être. ANIMAUX ! Ah ! Vous avez peur enfin. Enfin, mais peur de mes cris. De mes cris, non de ma douleur, non du vrai danger. Vous êtes absurdes.
MAMAN, OU ES-TU  ? MAMAN ! Tu es là, tu te montres derrière la vitre, tu étais là tout de temps ? Tu étais là ? Tu me souris... Tu oses me sourire. Me sourire... Tu ne me regardes même pas vraiment, juste en passant, comme si j'étais folle. C'est une mère ça ? Tu n'as plus de fille, Maman. Tu me dégoûtes. Tu n'es plus ma mère, je te renie, tu es aussi fausse qu'eux. Je ne suis pas de toi. Je n'ai plus rien, je suis perdue. Je vais mourir, bientôt, maintenant. Mon heure est venue.
Des yeux, des vrais qui me regardent, qui ne s'évadent pas, qui ne me fuient pas. Tu me parles mais je ne comprend rien de ce que tu me dis. Quel langage baragouines-tu ? Arrête ces sons et ces bruits sans queue ni tête, tu ne sers à rien en me parlant. Regarde-moi, c'est tout. Pourquoi continues-tu de me parler ? Tu es comme eux, tu fais partie des tortionnaires, tu es pire puisque tu me regardes en me faisant croire que nous sommes du même univers. Honte à toi ! ... Tu t'es tue. Tu as donc compris ? Pour combien de temps ? Tu me regardes toujours. Tu me regardes mieux que ma mère. Mais tu n'es pas ma mère. Je peux te faire confiance ? Je dois te faire confiance ?
Et eux, ils se sont écartés un peu, ils sont effrayés par ma vérité, ça y est. Quels couards ? Et ce sont des soignants comme on dit ? Des soignants ? Qui soignent-ils ? Eux-mêmes peut-être. Visiblement pas moi en tout cas. Il y a des gens qu'on soigne et d'autres non ? C'est cela que je n'avais pas encore compris ?
Il se passe quelque chose d'anormal. Je sens mon sang ralentir et mes jambes reposer sur le drap malgré quelques spasmes. J'ai cessé de frapper l'air, j'ai arrêté de hurler. Qu'est-ce que c'est ? Ils n'ont pas bougé. C'est Toi qui me regardes. Tu t'es approchée. Que me veux-tu ? Je peux encore crier tu sais. Il me reste des forces. Mais je me calme même si le bébé est toujours là. Il ne bouge plus. C'est moi qui me bouge. Tu me prends la main et nous me passons les doigts dans les cheveux, doucement mais fermement. Tu m'amènes à ma nuque. Nous la massons ensemble et nous m'apaisons peu à peu. Nos mains se fondent et ma tête redescend, tu me redonnes à moi-même, nous me redonnons à moi-même. Je redevenons humaine. 'Et le bébé ? Il est toujours là, je le sens.'
'Je sais, on va s'occuper de vous ma belle et vous guérirez de ce bébé.'