samedi 30 septembre 2017

Fakir de l'existence

Des années,
elle a traversé les 7 cercles de
l'Enfer.
Presque 2 tours entiers.
Elle a tourné
tourné
sur la roue
écartelante,
plusieurs fois acculée à la
guillotine,
parvenant à s'échapper de
justesse,
artiste de l'esquive,
artiste fugitive.
Elle a connu par cœur les coups de
fouet,
les coups de
bois branchus,
écorcheurs,
les coups de planche à
clous,
elle aurait pu devenir fakir
ou
bête de foire.
Fakir de l'existence,
elle l'est devenue,
sous un visage de petite
fille,
encore et encore.
Capable non de marcher sur
les eaux
mais de marcher sans heurts
sur les pointes les plus
affûtées
des armes les
tranchantes
de la vie.
Elle n'a plus mal,
elle ne sent pas,
comme si de rien n'était,
elle ne saigne même plus,
et même si !
Elle ne s'arrêterait pas,
elle ne comprendrait
pas
le signal,
sans peur,
sans dommages,
elle se laisserait
sanguinoler
jusqu'à tomber
inconsciente,
tout à fait,
surprise de
cette chute.
Elle en reviendrait
comme une fleur,
souriante,
et debout d'un coup
de fesses,
crapahutant
sur d'autres clous
à peine remise sur
pieds.
On ne la comprend pas.
On doit la suivre,
nous capitonnés
pas elle
sur des chemins impraticables.
Et l'aider à voir les routes
herbeuses.

Elle est une impossible
survivante.
Improbable cœur battant.

mercredi 27 septembre 2017

Le passé me déchaîne

Le passé jeté à la figure,
lettres au sol,
mots à terre,
mais les mots ne sont jamais à terre,
a corrida n'en finit pas avec eux,
il s'étale,
le passé se répand,
il est partout dans la petite chambre,
il se glisse sous les meubles,
on dirait un tapis de feuilles mortes
à l'automne,
mais les feuilles sont vivantes
et ne craquent pas sous les pas.
Je ne marche
sûrement pas
dessus,
ce tapis-trésor.
Ce passé
que j'ignore,
dont on m'assure que j'ignore
tout,
me remonte à la gorge.
Quelqu'un en moi le
connaît,
le vit et le revit peut-être
sans cesse.
Le passé,
comme une énorme vague,
un splendide rouleau
qui conduit
seul
la barque,
sûr,
fort,
qui glisse vers l'avenir.
Je contemple
le spectacle du passé triomphant,
enfin libre
et bavard,
la vague,
l'énorme et splendide rouleau
de mots
qui me déchaîne
et
m'emmène
comme une évidence
sur ma route.

mardi 26 septembre 2017

Ogresse gitane : danse de l'angoisse

La folle gitane poursuit
son ascension
en moi,
fière et dense.
Elle est là,
chaque jour,
elle danse jusqu'à plus soif.
Bientôt,
peut-être,
n'aura-t-elle plus
de frontières.
Elle est libre comme l'air
mais lourde comme le
bitume,
dans mon ventre.
Elle est libre comme jamais
je ne l'ai été.
La gitane sans filtres
qui danse
encore et encore,
devient une star,
redevient,
retrouve sa place au soleil,
et s'emballe
jusqu'à ce que l'après-midi
la prenne
et la couche.
Pas comme toutes les gitanes
flamenca,
celle-là est du matin,
virevoltante
papillonnante
dès les 6 heures
tapantes.
Ce n'est pas une folle de la nuit.
Elle m'obstrue
de jour,
pendant la vie,
la vraie vie,
elle me force à la suivre,
sur scène,
devant des juges implacables,
droits comme des i,
et je ne sais pas
danser.
Je suis sous les feux de la rampe
et je suis comme éléphant en pleine
porcelaine,
je sens le ridicule m'envelopper,
mon corps se raidir,
il s'immobilisera bientôt,
et l'humiliation sera ma
rançon.
La gitane continuera
sans façons
à mes côtés,
sans foi ni loi,
elle me poussera du pied,
autant qu'il le faudra
pour que je tombe
de scène,
sa scène,
roulée en boule,
au pied des juges,
qui souffleront de mépris.
On ne meurt pas du ridicule ?
Bien sûr qu'on meurt de honte
et que le ridicule tue.
Bien sûr qu'il est un terrible danger,
et non,
pas d'histoire stupide comme ce qui ne nous tue
pas
nous rend plus
fort !
Conneries d'optimiste sans gitane.
Vous ignorez la gitane vous qui osez !
Vous ignorez sa danse infernale !
Du matin au presque soir,
au réveil,
au saut du lit.
La gitane est sans limites.
Infinie.
Grandit toute sa vie.
Comme les kangourous roux géants.
Oui exactement pareil.
Elle bondit et boxe
en soi-disant
dansant.
La gitane pourrait me tuer.
Si seulement je restais seule.
Mais j'amènerai mon propre
ballet.
Et elle n'aura qu'à sortir
par les coulisses,
se glisser discrètement
loin des juges
avant qu'ils ne sifflent pour elle.
Mon ballet,
mes partenaires,
loyaux,
et même pas peur de ta Gitane
folle.

lundi 25 septembre 2017

Solitude

Le soir, je me promène avant de rentrer chez moi. Pur plaisir, découverte de la promenade sans but, sans exigence, sans arrivée chronométrée. Juste les pieds qui avancent l'un après l'autre tout en douceur, au rythme absolument mien que e ne me connaissais pas. Je disais « je n'aime pas marcher ». Pas par paresse, certainement pas. Patate disait. Patate était tout sauf paresseuse. Un peu de paresse lui aurait sans doute évité tous ses tracas, la mise à mort certainement. Je rentre après des tours sans queue ni tête qui probablement formeraient de belles arabesques sur la carte de la ville.
Je rentre et le silence s'abat sur moi. Je suis plus solide que Patate mais ce silence-là est toujours le plus fort. Les parents ne sont pas encore là. Ils ne vont pas tarder. J'ai traîné donc moins de temps à attendre seule. Je ne déteste pas cette solitude. Je l'aime plutôt. Elle sent la liberté. Je pense ce que je veux, je parle tout haut parfois pour dire ce que jamais je n'oserais dire dans cette maison. Patate adorait cette solitude. Elle s'y jetait à corps perdu dès qu'elle rentrait de cours. Pour se sentir enfin sans entraves. Mais les entraves de Patate étaient bien plus prégnantes que les miennes. Elles la faisaient saigner tous les jours, sans pouvoir rien faire contre, immobilisée. Menottée à son impuissance. Mais une fois chez elle sans aucun regard porté sur elle, Patate se libérait, en partie du moins. Elle pouvait chanter, jouer, dire n'importe quoi, insulter ceux qu'elle haïssait sans jamais se l'avouer pour autant. Elle croyait au pouvoir libérateur de l'insulte proférée haute voix, même non adressée. Le principal pour Patate était de savoir, elle de son côté, à qui elle s'adressait. Le lendemain, elle avait moins peur. Rien ne changeait bien sûr mais elle était moins terrifiée quand même. Moi, j'y trouve le calme que j'espère mais aussi la solitude. Patate se foutait complètement de la solitude. Elle la chérissait même. Je ne suis pas capable de cela. Je l'aime et je la déteste. Elle me rappelle combien je suis seule et le resterai, comme tout un chacun, ni plus ni moins. Seule au creux de moi avec mes poids et mes joies dans la poitrine, incommunicables, nécessairement incommunicables. Je dois bien être la seule conne de 15 bientôt 16 ans à penser à des choses comme ça. C'est à cause de Patate.
C'est à cause d'eux aussi. Je n'ai pas hâte qu'ils rentrent. J'ai hâte d'avoir un interlocuteur. Je ne me contente pas de parler seule. Je ne m'en nourris pas, je ne m'en rassasie pas. J'ai besoin, moi Pitayak, d'un quelqu'un en face de moi et pas n'importe lequel. Je ne suis pas Patate. Je ne m'accommode pas d'un mot en l'air, fort et clair mais sans oreilles ni cerveau pour le recevoir et y répondre. J'ai besoin de réponses. Pas seulement de calme et de solitude. J'ai besoin de réponses et de ces gens qui me doivent des explications. Mais je ne sais toujours pas leur demander. Les entraves de Patate mutent sur moi à ce moment où il s'agit de demander. Je ne sais pas demander.
Ils rentrent. Ils ne viennent pas me chercher dans mes hauteurs, tout là-haut. Ils ont dû chercher des indices de ma présence et s'en rassurer. Ils ne veulent plus me parler. Je m'en réjouis et je m'en offusque. Je les méprise de cette fuite, de cette réaction d'enfant gâté. Qui sont les adultes ici ? Où sont-ils passés ? Excusez-moi !? Excusez-moi !? J'ai une petite réclamation : pourrais-je disposer de vrais adultes ? … Non, je dois faire avec ceux-là c'est déjà bien. Ok. On va s'amuser. Encore des années à tirer à leurs côtés. Je vais devoir foutre une bombe. Je croyais déjà l'avoir fait avec mon histoire de prénom. Mais l'arme a fait long feu. Et le silence de mort s'est installé encore plus profondément.
Je les entends préparer à manger. J'ai mangé avant qu'ils n'arrivent. Ils ont vérifié sûrement. Chaque repas est tellement important. Alors que les explications, les mots, pas tant que ça hein !
Du temps passe. Je lis par intermittence. J'ai la tête pleine, me concentrer est difficile. Tiens je ne pensais même plus à Poisse. Elle doit être à l'hôpital non ? Ou rentrée chez elle mais elle, entravée dans des plâtres ou autres bandages. De toute façon, bouger doit être un supplice. Ca ne me fait pas plaisir. Ca ne me fait rien. Elle paye. D'un coup, la porte de ma chambre s'ouvre et sans faire un pas à l'intérieur, mon père me jette une enveloppe pleine à craquer. « Tiens Madame la nouvelle Pitayak ! Lis-ça et tu vas vite changer d'avis sur ce nom maudit. Très vite. » Je saute de mon lit et me saisis de l'enveloppe avec avidité. Des lettres, des lettres et encore des lettres. Des vieilles lettres. La tante Pitayak.

dimanche 24 septembre 2017

Ecrire

Réinventer le cours
de la vie,
reconstruire son
passé,
redorer ses
souvenirs,
être celle que j'aurais
rêvée de
sentir battre en moi.
Donner vie à toutes
celles
qui auraient pu,
qui auraient dû (quand la colère bout),
toutes celles qui étaient
là,
à attendre
et qui finirent
sans doute par s'endormir,
de désespoir,
de rancœur.
Elles qui n'attendaient que
de
se montrer,
prouver,
spectacle,
vie au grand jour,
amis,
fêtes,
danser.
Dans le kaléidoscope de mes
êtres potentiels,
faire jaillir les plus
folles,
les plus
osées,
les plus
entêtées.
Celles qui auraient couru
à toutes jambes,
ou crié gueulé beuglé
libérées,
ou même dansé comme des déesses
sans honte,
sans peur,
sans lunettes de taupe
maladroite
et grossière.
Dans ce kaléidoscope,
les trois quarts qui ont
finalement
se résigner,
malgré leur fougue
et
leur feu,
qui m'ont brûlée de l'intérieur,
non par vengeance,
parce qu'elles sont
telles
et que je ne les ai pas
laissés
s'écouler,
traverser la paroi du
secret.
Je les ai laissés
périr,
du moins se flétrir
mais je cours à la recherche
du temps
perdu.
Faire vivre enfin
ces morceaux de moi
omis,
réprimés,
emprisonnés
sans jugement
et annoncé
« ad vitam eternam ».
Mais elles sont là
toutes ces filles et femmes
en geôle,
elle respirent à peine
mais jamais elles ne sont
mortes.
Les réveiller et les faire danser
sous mes doigts
écrivains.

Pitayak contre Dieu

La journée se passe sans aucune nouvelle de Petite Poisse. Ses amis, ses amies, c'est une puritaine, soi-disant, fausse bonne sœur, prête à trahir la meilleure de ses amie pour le mec qu'elle veut mais qui ne voudra jamais d'elle. Patate avait de l'empathie, et pour cause, pour cet aspect de la vie de Petite Poisse. Elle se sentait un peu lui ressembler sur ce point et elle s'y était fait prendre plus d'une fois. L'empathie en légumescence est un poison. Moi Pitayak, en dragon digne de son nom, ne laisse plus place à l'empathie.
Elle se disait que l'autre n'avait que ce qu'elle méritait et qu'une furie pareille se cachant aussi honteusement sous des airs d'innocente réfléchie, presque sage, ne récolterait pas d'amour de sitôt. Pour l'instant, elle était surtout bien amochée, mais ça, personne ne la savait mise à part Pitayak. Pitayak ne perdrait plus son temps, le précieux de vie qui nous est imparti, dont on ne connaît rien, elle ne s'imaginait pas vivre très longtemps, elle se sentait être un de ces humains voués à mourir jeune, pas assez adaptés à la vraie vie. Elle n'en était que plus déterminée à ne plus perdre son temps. Son empathie précisément, celle de Patate plutôt, son désir d'observer les situations sous tous les angles avant d'en juger, voire suspendre son jugement pour ne pas être injuste, pour ne pas être cruelle. Et rester elle-même dans cette sorte d'entre-deux parfaitement inconfortable où l'on se dit neutre, où m'on ne cesse de chercher une solution plus idoine, plus satisfaisante, mais ça n'en finit jamais, une solution en amène une autre et on continue ainsi de solution en solution, d'idée en idée, de conception en conception sans jamais parvenir à s'ancrer. Voilà à quoi Patate a perdu tout son temps, suspendue en tout, jamais les pieds au sol, toujours un peu flottante, beaucoup, à la folie. Certainement pas passionnément. Ce n'était pas un choix, c'était un fait, elle se pliait à une nécessité interne d'être au plus près du juste, pas de la vérité qu'elle savait depuis bien longtemps ne pas exister, n'être qu'un leurre et une croyance d'adulte étroit d'esprit. Vous vous dites qu'à cet âge-là, ce n'est pas possible, on ne sait pas tout ça déjà ? Comme vous voulez. Il y a des légumescents qui savent déjà cela. Des Patates et autres qui n'ont pas le choix que de comprendre ça rapidement pour ne pas s'égorger vif dans l'instant. Relativiser pour survivre. Sauf qu'on n'est jamais quelqu'un à ce rythme-là. Alors oui, le cerveau bosse comme un fou mais la vie passe et l'on rate tout le palpable, et tout le plaisir. Patate a tout raté de cela durant toutes ces années. 15 années à perdre son temps de vie, à se suspendre pour être sûre. Pour finalement ne jamais l'être. Pitayak n'en peut plus, n'en veut plus. Ce n'est pas ainsi qu'elle agira désormais. Qu'elle a agi déjà depuis qu'elle est Pitayak. Elle compte bien toucher le réel de ses mains véritables, pas seulement de ses neurones invisibles dont elle doute souvent d'ailleurs. Elle veut en découdre, elle veut se battre, elle veut faire justice. Non plus trouver l'idée la plus juste, la représentation la plus adéquate. Non ! Elle veut s'encastrer dans le réel, quitte à s'y meurtrir. Au moins, elle en aura été l'actrice et elle saura pourquoi elle en est là au lieu de rester comme en lévitation, comme une Patate stupide qui reste en recul de tout, en retard sur tout et que les autres regardent en se retournant de temps à autre, quand ça leur prend, elle subissant le temps et le lieu, et en riant. Pitayak n'est plus cette débile. Elle l'a assassinée. Elle lui en veut jusqu'à la fin de ses jours. Elle le sait, elle ne supporte pas qu'elle lui ait fait perdre toute cette vie, 15 ans de non-existence, 15 ans pour rien, 15 ans putain ! Pitayak est dans une rage terrible contre Patate. Elle la refrène, elle pense ses autres colères et ses vengeances. Plus simple, plus facile. Mais la rage contre Patate remonte à la gorge régulièrement, l'étouffe, elle se déteste alors, et se taperait la tête contre les murs, prie de toutes ses forces avec hargne, insultant Dieu, de faire disparaître ce passé, changer de vie, changer de tout, devenir une autre. Parce qu'elle dit que Patate n'est plus de ce monde. Elle le crie tellement fort qu'elle sait au fond et que tout le monde saura finalement que Patate ne mourra jamais, que Patate est inscrite en elle, que c'est elle durant 15 ans et qu'elle ne pourra jamais, malgré tous ses efforts et tous ses dénis faire sans elle. Elle prie de n'être plus une fille, d'être comme Kiwi, d'être un garçon, pas une connasse de fille qui ne sert à rien, qui doit faire la vaisselle et des enfants, qui doit être belle et polie. Elle l'a toujours fait. Elle a toujours suivi cette route, comme un gentil toutou, Patate. S'astreignant à y croire. Elle n'y a jamais vraiment cru. Pitayak le beugle enfin, seule dans son cœur, seule face à Dieu, elle lui hurle son incompétence et son injustice, sa cruauté et sa nullité. Elle lui hurle qu'il se trompe, qu'il est faillible, pas mieux que les autres, ceux qu'on voit et qui se pavanent en se croyant de fiers humains. Elle le prie d'être enfin à la hauteur de ce qu'elle attend de lui, de lui prouver qu'il répare les horreurs, les douleurs, les meurtres. Qu'il est là pour. Qu'il va l'aider. Elle le déteste et elle attend tout de lui. Il ne répond jamais. Il est comme tous les autres, ceux qu'elle a toujours connus, qui se taisent, qui ferment leur gueule oui ! Qui jettent tout ce qui n'est pas joli dans la poubelle Silence. Dieu n'est pas mieux. La seule honnêteté qu'il a est de ne se prononcer sur rien. Il ne choisit pas le joli, poli, correct. Il ne choisit rien. Il se tait et il laisse Pitayak se débattre avec sa haine et son impuissance. Elle le provoque, elle lui jure que plus jamais elle sera clémente, compatissante, indulgente. Elle a fini d'être cette jolie personne. Patate a essayé, elle en est morte. ELLE EN EST MORTE ESPECE DE DIEU DE MES DEUX ! Morte pour avoir suivi les conseils des grands et des immensément puissants, comme lui. Et maintenant que reste-t-il ? Pitayak, bouillonnante, fumante, écumante, qui se venge et se vengera, finira par se haïr encore plus loin que Patate, s'adorer et se haïr comme une folle à enfermer. Voilà ce que tu as fait Dieu de mes deux ! Voilà !
Pitayak est enfin quelqu'un, enfin vivante. Pitayak n'est pas moins malheureuse. Mais elle ne le dit pas encore. Elle commence tout juste à jouir.

samedi 23 septembre 2017

Double face

Les jours se suivent et se
contrent.
Les uns à l'appui des autres,
dirait-on,
comme pour assurer l'équilibre de
l'édifice.

Jour hideux,
j'ai peur,
je tremble de partout,
je bous aussi de
colère,
quand la peur disparaît,
si la fatigue n'a pas pris le
pas.
Jour odieux,
sourire tiré,
cernes creusés,
œil sombre,
nul ne compte.
Nul fait le compte.
Nul est son nom.
Nulle est mon nom.
Blanc,
noir,
vide,
sidéral,
désaimante,
partir,
s'enfuir loin
de tout,
ne surtout pas
être seule,
pourtant.
Jour terreux,
jour de cave,
jour sous terre,
jour de geôle.

S'ensuit
son endroit,
son envers,
son reflet,
son mirage,
son modèle ;
tout n'est qu'une question de
point de vue.

Jour radieux,
primesautière,
je crapahute sur les
obstacles,
j'en joue,
je me joue du reste,
des tours,
moi-même,
aux autres.
Jour joyeux,
foufou,
froufrous de sortie,
les codes aux orties,
la norme aux poubelles,
je ris,
je clowne,
la peur est remise à demain.
« Je suis amour »
clamé-je
théâtralement,
la main au cœur,
ridicule Sarah Bernardt.
Rions ! Plus loin !

Ils se connaissent,
ils se passent le relais,
ils font que l'autre existe tel,
et non autre.
Ils se disputent
le bâton de parole,
de temps en temps.
Mais souvent,
ils s'imposent
l'un à l'autre,
et
jour hideux ou jour radieux
se laisse échouer,
repos,
sans être vaincu,
vivant
doucettement
en sous-marin.
Jusqu'à la prochaine.





jeudi 21 septembre 2017

Je ris et vis

Non je ne me sens pas coupable. Non je n'en ai pas l'intention. Peut-être cela viendra-t-il. Il sera temps alors. Pour l'instant, je me sens m'être allégée d'un énorme poids. J'ai l'impression d'avoir enfin fait le choses comme il fallait. Cela ne fait pas longtemps que je suis arrivée. Mais je suis là pour sauver Patate. Et j'ai aujourd'hui accompli ma mission. Je suis une héroïne et je sens Patate et sa reconnaissance. Elles me donnent chaud. Il fait moins de 0°. J'ai chaud. J'ouvre mon manteau, j'enlève mon écharpe, je lâche ma capuche. Je crève de chaud. Je n'ai pas de fièvre. J'ai chaud de bonheur, comme lorsque Patate était amoureuse. J'ai chaud, pas douillet non, chaud vivant, fourmillante, tournoyante. J'arrive au collège. Je ne vois pas, je n'entends pas les autres. Je suis seule au monde. Je me fous de tout et tout le monde. Je suis en plein orgasme. Du moins j'imagine, je ne le connais pas, Patate n'a rien appris de ce côté-là. Arrivée dans la cour, je n'ai tout de même pas complètement perdu l'esprit et je vais me laver les mains. Je n'ai pas eu à les sortir de mes poches à l'entrée, contrairement à d'habitude, il faut faire acte de sa légitimité. J'ai souri, tellement bien que Mme Pamplemousse m'a laissée passer sans problème. Elle a juste dit : « Ca fait plaisir de te voir comme ça Patate ! »
  • Pitayak, Mme Pamplemousse, y a eu du changement. Plus de Patate qui vaille !
Elle a souri avec bienveillance, sans condescendance mais incrédule, mettant sans doute cette lubie sous le coup d'un caprice d'adolescente mal dans sa peau. Elle était surprise quand même. Je crois qu'elle n'était pas mécontente, elle aimait bien Patate et elle l'encourageait souvent. Bref, j'entre dans les toilettes pour me laver les mains. Il n'y a personne, bien sûr à cette heure. Tout le monde a fait son pipi avant de partir pour l'école, à la maison. Le sang coule dans le lavabo. Je n'en pense rien. Je suis juste contente d'avoir enfin les mains propres. Ce que ça colle le sang ! En tout cas, son sang à elle. C'est une Poisse, son sang en va de même.
Je sors des toilettes et me dirige vers la salle de classe : la prof est prête à fermer la porte mais j'arrive juste à temps. « Alors Patate ? Mal réveillée ? On traîne. »
Je la regarde de haut en bas avec mépris.
Avec mépris.
« Très bien réveillée Mme grosse Tomate. Et je suis Pitayak. Oubliez Patate. »
Elle devient rouge de colère, la caïd de bac à sable. Elle ne sait même pas comment réagir. Elle s'emmêle les pinceaux. Et je passe devant elle balbutiante pour aller m'installer à ma place. Les autres me regardent stupéfaits. Ils ne disent rien. Je souris à Piment en passant à côté d'elle. Et je m'assois sans discrétion. Mme Tomate, Beaucoup trop tard, se lance dans une tirade sur le respect. Elle est pathétique. La classe reste calme mais on la regarde avec incompréhension. On se retourne vers moi. Et on cherche sur mon visage une explication. On ne trouve rien. Piment ne me regarde pas. Elle a déjà compris. Mme Tomate se met à l'appel. La litanie des noms me berce. Je suis en queue de peloton, je peux attendre tranquillement. Petite Poisse est appelée. Personne ne l'a vue, personne ne sait où elle est. C'est étonnant elle qui est si assidue ! Je me tais. Personne ne s'inquiète vraiment. C'est ça qui me fait sourire secrètement. Tout le monde s'en fout. Chacun son tour ma p'tite !
« Patate ?
- Oui, Mais c'est Pitayak, Madame...
  • Tais-toi et ne me provoque pas à nouveau.
  • Bien Madame Tomate.
Les autre rient de ma politesse exagérée. Elle s'empourpre à nouveau. Elle pourrait exploser. Mais elle poursuit. Elle est comme les autres. Elle n'y comprend rien.
Messieurs Dames, vous n'êtes pas au bout de vos surprises.

mercredi 20 septembre 2017

L'heure de la vengeance

Poisse sort enfin, je suis sur les dents. Non je n'ai pas mangé depuis quelques 20 heures, c'est vrai et cela nourrit sans doute mes faim et soif de vengeance. Mon corps s'est mis au diapason de mon esprit. Ils agissent de conserve. Moi qui ai toujours cru qu'ils n'avaient aucun atome crochu... Je me rends compte aujourd'hui combien ils jouent en paire. Je m'en rends compte mieux que jamais. Je suis une et entière. Pas de sans queue ni tête ni de trinité judéo-chrétienne. Il n'y a qu'un être et un mouvement. Tout ce qui m'appartient en propre y participe. Je ne respire pas bien. Je suis trop excitée pour respirer calmement. La méditation n'est pas pour tout de suite. Je suis Poisse sur quelques rues. Je ne lui saute pas dessus d'emblée. Je ne sais pas pourquoi. Je dois d'abord la suivre. Elle sentira ma présence et moi la sienne. Je me prépare. L'appréhension ? Je n'en suis plus là. Une question de rythme.
Je finis par l'alpaguer. Elle se retourne surprise de me voir moi. Non qu'elle ait bien senti une présence depuis quelques minutes mais sûrement n'était-ce pas moi qu'elle attendait. Elle est rassurée un instant puis perçoit quelque chose que moi-même je ne contrôle pas et qui la fait écarquiller les yeux. Je ne cherche pas à comprendre. Encore une fois : je n'en suis plus là. Je me fous de comprendre.
Je la regarde une mini-seconde. Je ne peux plus me retenir. Je la frappe de toutes es forces en plein visage. Une énorme patate que la prénommée telle n'aurait jamais, ô grand jamais même supposé possible. Poisse branle sur ses jambes et tombe à genoux. A genoux ! Je ris de cette ironie du sort. A genoux, sans un mot. Poisse est sidérée. Ses yeux sont d'immenses soucoupes d'héroïne de dessin animé japonais. Mais Sailor Moon a oublié ses pouvoirs à la maison. Elle ne voit rien d'autre venir à l'horizon, elle se relève péniblement. J'ai un peu reculé. Je ne pensais pas avoir autant de force mais Poisse est un petit gabarit. Moi pas. Et la haine donne toutes les forces du monde. Elle ne pleure pas la garce. Je veux qu'elle pleure, je veux qu'elle supplie, je veux qu'elle n'y comprenne rien. Elle est sûre désormais que je vais en rester là. Je la sens relâcher sa vigilance. Je souris méchamment. Elle n'a pas le temps de reprendre les armes (lesquelles remarquez?) que je lui saute dessus sans autre forme de procès cette fois. Je la tiens par les cheveux, tire et la frappe au visage, pour la honte, pour qu'elle voit encore et encore, puis elle s'écroule. Elle essaye de se débattre tant bien que mal mais elle ne fait que des moulinets inutiles dans l'air. Si j'avais l'esprit à, j'aurais ri. Elle est ridicule, vaine et stupide. Elle est à terre et peu m'importe. Elle se protège la tête enfin. Mais elle oublie le ventre et la poitrine. Je la piétine, la fait rouler avec des coups de pied en plein torse. Elle a le souffle coupé. Je vise le foie pour finir, il paraît que c'est un bon coup.
Je m'arrête.
Elle ne bouge plus.
Elle pleure.
Elle ne bouge plus du tout.
Je l'observe.
Elle ouvre un œil encore valide.
Elle ne demande plus rien.
Elle supplie.
J'ai ce que je voulais.
J'appelle le 15 avec son téléphone. Je donne les infos. Je prends une voix éteinte, souffreteuse. Je leur raccroche au nez.
Je pars.
J'ai les mains sales. Il faudra que je pense à me les laver aux toilettes où personne ne va , dans mes toilettes. Derrière le clan de Piment. D'ici là, je marche tranquillement, satisfaite jusqu'au collège, les pognes fourrées au fond de mes poches, enveloppées de mouchoirs. Je reste précautionneuse. Trop de saleté me débecte.
Je respire enfin à pleins poumons.

mardi 19 septembre 2017

Le rêve

Je me réveille
et les yeux clos
la conscience au repos
j'ai été celle que
jamais
je ne suis.
J'ai été l'attaquante,
j'ai frappé
la première.
J'ai été celle que
je rêve d'être,
les yeux grand ouverts
et la conscience claire.
Colère,
provoc'
(injustifiée bien sûr mais nécessité de service)
enragée,
sans appel,
je porte le premier
coup,
le vrai,
je laisse les mots
en lieu et place du consensus,
je ne négocie plus,
diminue
sciemment
la distance de sécurité.
Ce n'est plus la mienne.
La mienne est désormais
à l'intérieur.
Je me réveille,
sourire aux lèvres.
Qu'en sera-t-il aujourd'hui ?

Qui je veux dans mes rêves.
Qui je veux dans mes livres.
Je m'invente tous les possibles
auxquels j'aspire,
toutes les vies
que je n'ose pas.
Peut-être prête à l'essayer...
Peut-être folle de ne pas pouvoir...
Peut-être révoltée à point.

lundi 18 septembre 2017

Les yeux qui parlent

Elle a le regard droit,
planté dans le vôtre,
elle sourit,
elle sourit toujours,
malgré les circonstances.
Elle a appris à sourire.
Mais ce n'est pas cela qu'on
voit.
Elle s'éclaire bien sûr,
mais aussi elle a ce fameux regard droit.
Ses yeux attendent,
espèrent,
ils se lovent déjà
contre votre poitrine.
Les pupilles câlinent
et roucoulent,
sans arrière-pensée,
sans même rien savoir
de ce qu'elles disent,
sans doute.
Elle appelle
plus fort que tout,
que vous et qu'elle,
personne ne fait plus ce qu'il
veut,
le tourbillon des bras qui
l'enveloppent
et la protègent.
Elle sourit encore,
doucement,
avec soulagement
cette fois,
comme enfin nourrie,
après ses cris alarmés de
famine.
Elle a les yeux qui parlent.

dimanche 17 septembre 2017

Pitayak s'échauffe pour le bouquet fnal

Elle dormira, je ne dormirai pas. Je ne pourrai certainement pas dormir. Je me rends compte de ce que Patate n'a jamais voulu admettre, je la hais de toute mon âme. Je peux lui, j'ai pu lui trouver des circonstances atténuantes, on peut toujours. Mais un jour, l'on décide d'arrêter et d'avoir son avis, quoi que puisse nous rétorquer les meilleurs avocats du monde, on finit par haïr ou mépriser suivant son sentiment dans sa plus pure crudité, celle qu'on a restreinte, bridée encore et encore, pour ne pas juger trop vite. Patate ni moi n'avons jugé trop vite. Nous avons attendu toutes ces années avant qu'aujourd'hui je la haïsse sans remords et sans barrière. Petite Poisse est une plaie, est un de ces êtres qu'on éradiquerait si on était sans merci, sans interdit aucun, sans foi ni loi, vraiment, sans que rien sauf la haine ne fasse sens. Elle mérite de crever seule, cette sale petite conne. Avec ses manières de sage petite fille. Pire que ceux qui ne se cachent pas. Bien pire. Je ne dormirai pas cette nuit, la haine est plus forte que toutes les fatigues. Je tourne en rond dans ma chambre. Je suis rentrée, dans le froid glacial de ce qu'on appelle mon foyer, qui évoque me semble-t-il une certaine chaleur. Je ne parle pas. Personne ne me parle non plus. On ne me demande pas pourquoi je rentre si tard. On ne me nomme plus. Je suis une traître à la nation pour eux. Ils attendent de moi que je fasse marche arrière. Ils attendent de moi que je me soumette. Ils attendent toujours Patate. Encore. Ils croient que Patate n'est pas morte. Ils croient. Qu'ils croient ! Ils s'épuiseront bien avant moi. Je suis comme un lion en cage dans ma chambre, tout en haut de la maison. J'ai essayé de me coucher. Ca ne sert absolument à rien. Je suis de lave et de flammes. Et puis, au fond, je ne veux pas dormir. Je n'en ai aucune envie. Je n'ai qu'une seule envie. Je suis obsédée par cette envie de punir. Petite Poisse va payer. Pour tout. Pour sa sœur, bien sûr, pour Patate, pour les autres à qui elle lance ces regards humiliants et à qui elle n'a pas peur, malgré sa petite tête d'ange, « ce que t'es bête, c'est fou ! ».
La nuit est longue. Je ne me fatigue pas. Je n'éprouve aucun signe de fatigue.
Je me prépare bien avant l'heure, je n'ai envie de croiser personne. Je suis discrète comme un chat. Je garde cela de Patate. Je me fais invisible mais non pour prendre moins de place. Invisible pour mieux bondir et frapper.
Je sors. Il est 6h30. L'air pique le nez, le menton, les yeux pleurent. Mais j'ai chaud de haine. Je suis seule. Je n'ai besoin de personne. C'est cette fois mon combat. Piment ne sera pas de la partie. Une autre fois peut-être. Ma haine est bien trop personnelle pour la partager avec quiconque. J'arrive en bas de chez Petite Poisse Chiche. Je me poste là. Cachée bien entendu. Et j'attends encore. Plus qu'une petite heure avant l'action. Plus qu'une petite heure avant de réparer toutes ces bassesses. Elle n'oubliera jamais.

Parfois, en jours d'angoisse et dissonances, accord parfait et sa magie

Jours d'angoisse :
montagnes russes,
projetée d'un coup au fond du canyon,
remontée en une phrase pleine de cœur
sur le banc des vivants ;
Poitrine creuse serrée sans le moindre besoin de
corset pour étouffer tout cela,
l'étouffement se fait seul ;
le palpitant prend toute la place
et les poumons halètent en courant derrière le convoi déjà
loin.
Jours d'angoisse :
beaucoup de silences,
beaucoup de retenue,
malgré l'envie prégnante
de vomir des tas de mots,
d'expliquer tous les détails,
de parler parler parler
jusqu'à plus soif,
de se dégager les bronches embourbées.
Mais ce serait un peu fou,
ce serait aussi
indécent
ou
inutile.
Le plus souvent.
La vie normale n'est pas d'un flot de paroles qui soulage.

Arrivent le bon moment et la bonne personne et
les langues se délient.
La sienne d'abord parce que la mienne est
nouée,
pour ne pas se répandre
et tournoyer dans tous les sens,
tout révéler,
tout avouer.
Elle ne doit pas et je la maîtrise
coûte que coûte.
Le prix est cher.
Mais il n'y a pas le choix.
J'en ai fait mon affaire.
La bonne personne amorce l'échange,
le même langage,
d'un coup,
celui qu'on retient depuis des jours
pour ne pas déborder
et ressembler à une grosse larve geignarde,
comme les ancêtres
auxquels on
est si semblable
parfois.
L'atavisme a ses lois.
Je m'y plie,
mais je ne les laisserai pas me terrasser.
Je les accepte pour mieux en faire mon miel.
Le jour viendra.
La bonne personne au même langage,
aucune traduction à opérer,
aucun masque à chausser.
Atteint directement le vif.
Je suis surprise,
je reste coite.
Je ne sais pas quoi dire.
C'est rare
désormais.
Je virevolte et pirouette
habilement
avec les années.
Là, me voilà silencieuse,
gênée,
et je n'attendais que cela,
ce langage-là.
La bonne personne au bon moment
ne s'arrête pas.
Elle sait,
elle a vu dans mes yeux et mon sourire,
je lui ai dit
que c'était exactement cela
dont j'avais besoin.
Elle aussi,
la rencontre pure.
Alors on parle, on parle,
et on s'écoute.
Tous les deux,
dans un confort total, douillet
et la douleur s'apaise car l'angoisse cède sa place aux mots,
aux sentiments,
aux phrases qui n'en finissent pas,
aux émotions sans fard sans défense.
L'on partage,
là à ce bon moment avec cette bonne personne
exactement
le même univers,
là,
peut-être pour une seule fois,
peut-être pas,
mais l'on ressort nourri,
les yeux brillants
ni d'amour ni de larmes,
les yeux brillants de
vie retrouvée,
inattendue,
au coin d'un soir.