mardi 31 octobre 2017

Lâchez les mains et embrassez !

On dit souvent que
le monde nous échappe.
On entend que
le temps s'évapore.
On voit
les chances filer.
On se croit innocent
dans
ces infernales glissades.
On se croit impuissant
face à
ces inéluctables faits.
Tout cela est
plus fort que nous ;
bien plus vaste que nous ;
bien plus dieu que nous ;
n'est-ce pas ce qui se
dessine,
souvent ?
(Mis à part dieu qui ne concerne pas tout le
monde,
du moins pas sous ce nom
d'emprunt.
Mais toutes les fois
conviennent,
toutes,
jusqu'aux plus
rationnelles.)

J'ai souscrit corps et âme à
cette philosophie.
Ecoeurée mais
douillette dans mon
impuissance.
La grosse couette qui
protège
mais qui cache.
Et la vie,
bizarrement passe devant
les yeux
sans que j'en pêche les
richesses.
C'est vite dit.
C'est grossier.
Caricatural.
Oui mais !
Oui mais !!
le jour où l'on lâche sa couette,
où l'on quitte l'abri,
et que l'on se rend compte,
que,
les bras attrapent
tant et plus,
que les jambes courent
au long de tous les pays
de l'univers,
on rouvre les yeux pour
la première fois.
Pas vraiment les yeux,
façon de dire,
les yeux ont toujours été très
ouverts,
précisément.
Mais les neurones non,
ils frémissent et
s'excitent.
Ils pourraient s'égayer
un peu n'importe où.
Il faut les rassembler et
nouvel ordre de bataille.
« Le monde est à nous,
mes chers frères !
Demain nous appartient ! 
Tendez les mains et
embrassez ! 
Vous êtes les acteurs de
ce film. »



Grand-père grand frère

Tu sais mon grand ce qu'est d'avoir une petite sœur, ce qu'est ce sentiment d'être malgré soi, toutes les raisons du monde n'y faisant rien, responsable et protecteur du plus petit que soi. Je ne sais la différence qui existe entre un petit frère et une petite sœur. Je sais seulement que les grands frères veulent que rien, moins que rien, ne blesse leur petite sœur. Tu me diras peut-être que je suis sexiste, que ce n'est pas parce que l'on est un homme que l'on peut mieux protéger et qu'une fille, une femme en a davantage besoin. Peut-être que je le suis. Peut-être que je suis désuet, vieilli, suranné. Peut-être. Mais mes pairs de génération et moi avons toujours porté notre ombre sur nos petites sœurs. Par réflexe. Sans trop y réfléchir. J'ai eu le temps, des nuits entières pour y penser...
-Mais, Papa, tu n'as pas de petite sœur !
-Si, bien sûr que si j'ai une petite sœur. Je ne sais pas si je l'ai encore. J'en ai eu une. Tu ne la connais pas. Tu ne la verras sans doute jamais. Tu vas comprendre... J'ai toujours vu les frères épargner leur sœur. C'était comme ça. On avait beau se battre à la maison, enfants, s'insulter en chuchotant, adolescents, une fois dehors, l'ordre des choses était tout autre. Elles étaient sous notre regard. J'ai couvé ma petite sœur, aussi longtemps, aussi fort que je le pouvais. Elle, Pitayak, je savais qu'elle comptait sur moi. Elle attendait toujours mon regard pour s'éloigner, pour être sûre. Pour ne pas être seule. Nous n'en parlions jamais. Elle parlait très peu. Elle me faisait une entière confiance. Et à moi et à moi seul. Je l'ai su très tôt. Sans motif apparent. J'ai pourtant cherché sans relâche pendant des années ce qui me faisait penser ça. Je n'en disais rien et j'avais peine à le penser car je me sentais usurper une place de parent qui n'était pas la mienne. Mais il n'en allait pas autrement et je devais en avoir un minimum conscience pour pouvoir mener ma mission à bien. C'est sans doute le premier et le plus grand devoir qu'il m'ait été donné d'accomplir. Je ne sais pas où elle est, je ne sais pas ce qu'elle fait. Je ne peux plus la regarder. Encore moins la protéger. Pourtant, chaque jour que Dieu fait, chaque jour, je la préserve des dangers, par la pensée, une pensée folle ou magique, qui voyagerait jusqu'à elle, là où je ne sais pas qu'elle est. Chaque jour, elle est l'une de mes premières pensées. Je m'endors en priant pour elle. Je prie parce que ; que pourrais-je faire d'autre ? De quel autre arme disposé-je ? Je ne suis qu'un humain démuni, face à cette absence, sans mains, sans même pieds pour avancer vers elle. Je ne suis qu'une absence moi aussi. On n'est absent qu'à deux. Je suis un fantôme qui ne peux plus que prier aussi loin que son esprit le mène. Je ne m'y suis pas résolu, tu m'entends bien. Je n'accepte rien de tout cela. On n'accepte pas de perdre plus fragile que soi. On ne l'accepte jamais.
Pesait sur mes épaules une lourde charge. Je n'ai jamais vraiment essayé de m'en défaire. Elle me donnait corps à moi aussi. Quelque chose pour quoi me battre et non contre, en impuissant, comme je l'étais contre mon père. Il tait le pharaon omniscient, intouchable, sacré. Il était froid et dangereux. Je le haïssais. Et ma mère l'adorait. Tout le monde lui vouait une véritable adoration. Stupide, moutonne. Nous, les trois mioches, savions à qui nous avions à faire. Juste un fou mégalomane et paranoïaque dont il fallait esquiver les coups bas, ou plus hauts. Elle ne pouvait évidemment pas lui faire confiance. Et ma mère ne lui montrait pas plus de considération que cela. Bien plus à moi qu'à Pitayak qu'elle a toujours tenue à distance, comme une malade contagieuse. Pas de manière évidente, pas avec dégoût. Avec hauteur. Là encore, je me suis torturé l'âme pour comprendre ce qui se passait. Je n'en savais pas assez pour comprendre leur rivalité. Cette immonde rivalité d'une mère et d'une fille, d'une mère jalouse de sa petite fille, pas même encore pubère, jalouse à crever de son enfant dernier né, sa deuxième fille, sans doute présent promis au pharaon qu'elle-même ne désirait pas. Elle était la fille de son père. Pas celle de sa mère. Mais personne ne faisait confiance à notre père. Personne. Un instinct animal qui dictait à chacun de se contenter de l'admirer et d'être courtois. Surtout pas de l'aimer ou de s'en approcher. Jamais ne s'approcher des flammes.
Il ne lui restait que notre sœur et moi. Autant dire seulement moi, l'autre ayant hérité de l'insupportable tempérament de notre père. Moi, à qui, par défaut, elle ne pouvait que faire confiance.
Et bien que j'aie mis du temps à l'admettre, elle, à qui , par défaut, je ne pouvais que faire confiance.

lundi 30 octobre 2017

Liberté

Tout l'hémicorps gauche
lancine,
ahane,
bat
et brûle.
Rien d'insupportable,
rien de fou,
rien de nouveau non plus.
L’hémicorps gauche pourrait mourir,
je pourrais le laisser sur le bord du
chemin,
je pourrais vivre sans lui,
je voudrais,
après avoir habilement déplacer le cœur,
pour quand même ne pas rendre les choses
plus compliquées qu'elles ne sont
déjà.
Je ne suis pas folle.
Rien d'atroce dans cette gaucherie
qui tape,
gueularde,
jamais confortable,
jamais détendue.
Rien d'atroce mais l'envie rigolarde
de la jeter aux orties
et d'avancer
légère,
sans ce boulet historique.
Cet hémicorps gauche est mon histoire,
mon passé,
mes années noirs,
les enfers.
Domptée,
admis,
mais parfois brutale,
l'envie d'amputer toute la gauche,
n'être que l'avenir et le nouveau, l'à-construire libre et fou d'espoirs.
Amputer toute la gauche,
contrite,
nouée,
geignarde,
blessée à vie,
pesante
et ennuyeuse.
Mais non !
Je ne serais plus rien sans elle.
Malgré tous mes rêves de liberté.
La liberté n'existe pas.
Sauf peut-être dans gauche et droite
de conserve.
Droite doit cesser de fanfaronner et frapper tout
ce qui freine.
Droite sera plus libre,
quand elle aura,
droit dans les yeux,
regardé
Gauche et ses gaucheries.
Préjugés,
chère Droite.
Tourne ta langue 7 fois avant de
frapper.
Tu ne seras que
plus forte.
Je.

samedi 28 octobre 2017

Je danse avec le réel

Écrits,
Couchés sur papier,
Les mots ont parlé.
Et une énergie
Hors d’haleine,
Un peu folle
Me prend.
Une excitation
Presque trop vivante,
Et presque effrayante
M’emplit.
Je pourrais soulever des montagnes.
Je pourrais bâtir des empires.
Je pourrais tout accomplir.
Non !
Je ne suis pas
Complètement,
Quand même,
Alors,
Presque tout !
Accomplir.
Mais presque tout c’est déjà
Formidable.
Je m’agite,
Je fais tout ce que je dois,
Ici maintenant.
Je danse avec le
Réel.
Rien ne se dresse
Contre
Et
Envers.
Les mots
Une fois écrits
Et
En voie d’être,
En train de,
Déjà même
Lus,
Sentis,
Regardés,
Partagés,
Aimés,
Haïs.
L’excitation du
Spectacle des
Mots.
L’énergie du
Lire-écrire.
Et je ne sors plus du
Cadre,
Je ne suis plus simple
Observante.
Je suis dans le bain.
Je suis auprès des choses
Et avec elles.
Je ne suis plus
Étrangère
Dans mon pays.
Les mots écrits
M’ancrent.
Mon empreinte dans
Mon réel.
La joie de
Vraiment vivre.

vendredi 27 octobre 2017

Grand-père papa

C'était un homme aussi grave et brisé que sa voix. Il parlait comme il était. Il s'était étrangement senti libéré sans en dire quoi que ce soit bien évidemment, après son cancer. Il avait l'air plus serein, comme si la maladie était venue l'exprimer malgré toutes ses barricades. Il continuait d'être cet homme aux yeux bleus enfoncés dans le visage, disparaissant derrière sa douleur, régulièrement. Quand il s'assombrissait, ses yeux tournaient au marine, pétrole, cela dépendait des saisons. Il n'en disait jamais rien. Question d'époque. Question de pudeur. Saloperie de pudeur ! Il nous regardait toujours avec une bienveillance torturée. Je savais qu'il avait vécu et je croyais que je ne saurais jamais. Je m'étais fait une raison. Je me contentais de le rendre aussi fier de moi que je le pouvais. De lui donner autant de baume au cœur qu'un enfant peut pour son parent. Et combien il le peut en effet ! Peut-être malheureusement. Mais c'est aussi grâce à ça que mon père s'est adressé à moi pour raconter cette histoire et transmettre le trésor familial empoisonné. Il le disait empoisonné. Je ne l'ai toujours trouvé que magique, apaisant les interrogations. Oui rouvrant des blessures, mais pas les miennes, même si tout comme toi je les porte. Lui, rouvrait une plaie encore sanguinolente, encore vive et pour toujours. Pourtant, il était apparemment, mis à part les yeux que la plupart des gens ne regardent pas, joyeux et drôle. Un humour pince sans rire, des clins d’œil aux enfants et l'élégant amuseur des soirées. Il «était très aimé et il faisait tout pour. Il voulait plaire. Je le soupçonne de ne pas avoir supporté ne pas être aimé. Il essayait toujours de rallier les exclus, d'ignorer les conflits, sans être idiot pour autant mais en intimant aux gens d'être ensemble et conciliant. Une sorte de nécessité interne que les gens se rapprochent, quitte pour sa part à s'épuiser en bonne humeur. Tout le monde disait qu'il était formidable, qu'il était increvable. Mais ils ne savaient pas qu'il payait cher son rôle d'amuseur philanthrope. Il s'épuisait mais il ne pouvait pas agir autrement. Ma mère lui avait dit plus d'une fois de se ménager mais il avait beau admettre qu'il en avait besoin, il prenait toujours cette place inhumainement énergivore de berger saltimbanque. Ma mère l'aimait aussi pour cela, elle ne pouvait décemment pas lui en vouloir mais elle s'inquiétait. Le cancer est arrivé et ne l'a pas surprise. Bref. Il était cet homme-là pour le monde. Pour Maman et moi, les autres je ne sais pas, je crois qu'ils comptaient sur lui comme sur un père solide et presque infaillible, ne cherchaient pas plus loin ; au moins pour nous, sans aucun doute, il était aussi l'homme à terre, qui demeure sur ses deux pieds mais dont les yeux disent que la mort le hante, la violence et la mort. Cela ne faisait pas peur, cela tordait les boyaux. Je le regardais dans ces moments-là, compatissant, et il me souriait doucement, entendant mais ne s'emparant pas de mon désir de fils de le sauver. Il nous protégeait coûte que coûte de ce qui l'habitait. J'en enrageais mais je sais aujourd'hui combien je lui dois d'avoir su nous préserver. Le père qu'il n'avait jamais eu.

Et alors ? : passe-partout de la paix


Ne pas être comme il faut,
être comme ça,
pas je suis comme ça et démerde-toi mon pote !
Jamais ça !
Mais être un peu comme ça et
devoir l'admettre.
Tu n'étais pas tranquille.
Pas silencieuse.
Pas discrète.
Pas confiante.
Sûre de rien.
Comme depuis le début de la vie.
Comme depuis toujours.
Sauf quand le cheitan a pris le
contrôle
et a fermé toutes les
issues
à clef double tour double nœud et
le passe et tous ses doubles à la première bouche d’égout
venue.
Aucun mot de plus
ou alors tu payes cher,
très cher.
Alors tu fermes la bouche aussi fort que toutes les autres.
Mais ce temps-là est révolu.
Revenue l'excitée,
regardez-moi !
Je l'ai haïe.
Je l'ai massacrée à la tronçonneuse
mais la mise à mort de la nature
est un jeu sans fin.
Elle est là.
Pas silencieuse.
Pas discrète.
Pas confiante.
Sûre de rien.
Trop sensible aux
regards.
Attendant l'autre à chaque
recoin.
Vigilante.
Rien sans l'autre.
Mais si !
Ok, tu es tout ça ma grande et après ?
C'est je.
Et voilà.
Jouis du moment.
Et s'il faut accepter d'être
Pas silencieuse.
Pas discrète.
Pas confiante.
Sûre de rien.
Trop sensible aux
regards.
Attendant l'autre à chaque
recoin.
Vigilante.
Rien sans l'autre.
Et alors ?

« Et alors ? » ?
Voilà qui sauve.
Voilà qui fait cesser au moins une des innombrables batailles
vaines
contre soi-même.

J'ai pensé
bien pour la première des premières,
après des milliers de répétitions générales ratées,
Et alors ?
Pas silencieuse.
Pas discrète.
Pas confiante.
Sûre de rien.
Trop sensible aux
regards.
Attendant l'autre à chaque
recoin.
Vigilante.
Rien sans l'autre.
Et alors ?
Pas parce que me voilà et acceptez-moi comme ça
ou pas.
Non pas ça !
Ne marche que lorsqu'on
aime
la solitude
et
le martyre.
Il y en a qui aime !
Mais oui mais oui !
Beaucoup beaucoup beaucoup plus qu'on
ne sait.
« Et alors ? » qui dit je ne fais de mal à
personne,
j'ai droit,
à la mesure de ma place et de
celle des autres.
« Et alors ? » qui dit aussi j'accepte de ne pas te
plaire
à tout moments,
j'accepte bien plus encore d'être visiblement
fragile,
faillible,
inachevée.
« Et alors ? » où je ne m'effondrerai pas de
t'entendre me
faire taire,
t'impatienter,
souffler,
peut-être même lever les yeux au ciel.
Même si ce dernier-là...
« Et alors ? » qui dit que je ne suis pas une
erreur de la nature,
pas une handicapée à vie,
pas une folle, non qui s'ignore,
mais qui fait ignorer,
fait croire.
« Et alors ? » qui a retrouvé
la clef,
dans le bouge des égouts,
rien à foutre !
J'ai pris ma place
et j'ai ri.

jeudi 26 octobre 2017

Les Vifs

Vous les connaissez tous,
tous sûr et certain,
sûre et certaine vous les croisez,
vous les aimez,
vous les haïssez.
Peu importe,
vous les connaissez.
Ces congénères qui,
malgré vous,
ou avec l'humilité de
l'admiration,
forcent votre respect.
Peut-être en êtes-vous d'ailleurs,
vous qui lisez...
peut-être.
Peut-être est-ce donc de vous que
je parle.
Si c'est,
écoutez bien votre beauté
et faites-en bon usage
encore et encore,
car vous êtes de ceux qui mènent le monde,
qui le nourrissent,
même si vous êtes
un chieur invétéré.

Ce sont ces congénères qui nous embarquent
sur un navire
devant lequel on reculait,
qu'on était sûr de ne jamais
même entrevoir.
Ils y sautent
avec fermeté,
ils ne tombent pas,
la réception est parfaite.

Nous sommes cinq dans une pièce, six
ou plus,
ou moins aussi
bien sûr.
Et ce congénère-là est celui
qui
allume tous nos
brasiers.
Les chauds,
les brûlants,
les bouillants.
Il allume et la pièce morte
n'existe plus.
Ce seul-là,
ou cette,
remplit l'espace,
le temps,
son et lumière gratuit
et sans crânerie,
sans orgueil
mal placé.
Il elle ils elles vous
ne fait font faites
pas ça pour la gloire.
Même pas exprès,
même pas conscients.
Ce ne sont pas des anges,
loin de là !
Vous n'êtes pas des anges !
Ca shoote joyeusement
dans la fourmilière.
Ca pourrait exploser,
mais ça rit de tout
et ça fait vivre
le plus enfoui,
ça réveille les six personnes de la pièce
froide,
ça entraîne,
ça fait marrer,
jouer,
debouts les plus
engourdis
et se mettent à
vivre,
avançant moins
masqués,
moins
cachés,
moins
secrets.
Ces amis,
ces ennemis,
ces chieurs,
ces emmerdeurs,
empêcheurs de tourner en
rond,
exaspérants,
indispensables,
boules de feu,
boule de vie.
Les Vifs,
je vous rends 
tous mes
reconnaissants
hommages.





Incroyable talent : le don du quotidien

Je m'aperçois,
cela fait cinq bonnes minutes que c'est fini,
passé,
accompli,
je m'aperçois,
que
fastoche !
Easy !
Doigts dans le nez mains dans les poches,
sans les mains en fait.
Suis-je fière ?
Suis-je heureuse ?
Suis-je satisfaite ?
Un peu de tout mais
c'est la
légèreté qui danse,
virevolte,
pas sous mon nez,
pas pour les autres,
pas de nananèreetpastoi,
et s'enfuit vers des mondes
plus accueillants.
C'est ma légèreté,
elle est là pour
moi,
moi seule,
je suis seule.
J'ai agi sans peur,
sans réfléchir,
et hop pourquoi pas ?
Et plié en moins de 2 minutes
chrono.
Mon diable,
mon faiseur d'énormes
idées,
de murs d'idées,
d'images à la loupe qui
écrasent et
me font
ployer,
a disparu,
le temps de l'action.
Rien,
un petit acte simple,
du quotidien,
rien pour personne,
mais une montagne pour
moi,
avec force concours de mon
diable fidèle.
Légère,
simple,
rapide.
Tout ce que je ne suis pas.
Tout ce que je ne crois pas
pouvoir.
Comme une petite magie.
Mais mon diable a perdu de
sa superbe et ne
me fera pas
encore
accroire
à une
magie
fugace.
C'est la vraie vie.
La vie des gens.
Des normaux.
Des tous les jours.
La vie
est parfois si
facile.
Incroyable mais vrai.

mardi 24 octobre 2017

Fais chier donc je suis

« T'es chiante ! »
un sourire qui évite
le duel.
Je n'étais
de toute façon
pas prête
à descendre dans
l'arène.
Je ne souris pas.
Important.
Je passe,
j'avance vers les suivants.
J'entends
pourtant ce mot,
il résonne fort,
il résonne avec ses pairs
récents,
plusieurs.
Ils forment un petit tas
mais
celui-là
active la poulie
et déclenche
le méca-
nisme.
Pas vraiment un réveil
mais un rouage vieilli
ou tout neuf,
je n'en sais encore
rien,
recyclé,
c'est possible,
qui se remet à tourner et cranter.
D'heures en heures,
le mot roule dans
l'engrenage
et finit par
trouver la fin du
parcours :
clac,
calé dans la case
lumineuse.
Je souris
enfin,
trop tard,
mais mieux vaut tard que
jamais.
Je découvre mon cadeau
sous ses airs de
râleur.
« T'es chiante »
donc fait chier,
donc on doit compter avec,
donc on sait que t'es là,
donc je suis bel et bien
existante,
unique,
peut-être coupable
mais surtout
pas victime,
quelqu'un.
Je suis sûre
désormais.
Chiante donc vivante.




lundi 23 octobre 2017

Jour de neige : l'Histoire se réveille

En ce lendemain, je plane, je suis embuée au-dessus du monde, nébuleuse, nébulée, je cotonne. Je sens que c'est ainsi que passera le jour, comme un brutal jour de neige, magique et étranger, qu'on ne tente pas de maîtriser, qui échappe et qui tout doucement tournoie. Brutal, inattendu mais sans amertume et sans cruauté. Un arrêt de toutes les vociférations, de toutes les célérités, le monde ralenti, atténué. Je ne suis pas fiévreuse, je pourrais l'être, je ne suis pas malade. Il neige. C'est tout.
Je passe la journée, sans exceptions, plus que banale apparemment, à glisser sur le temps et les lieux. Je les connais pour la première fois. Je redécouvre tout le connu en inconnu. Je ne parle pas. Je suis absolument muette. Papa a argué d'une extinction de voix dans un mot d'excuse que je présente aux enseignants à chaque nouveau cours, incapable de prononcer une parole. Là encore, Papa a su que je ne pourrais pas aujourd'hui. Il m'a dit bonjour. Nous nous sommes regardés et il m'a serrée contre lui. Il a souri et il m'a demandé mon carnet de correspondance. Papa savait déjà, encore ! Comment ? Papa n'est pas un papa poule ni un véritable papa renard, du moins je l'ignorais. Il ne s'est jamais montré tel. Peut-être est-ce ce qu'il est au fond, bridé par d'ancestrales peurs et corrections. Je ne parle à personne. Je ne mange pas. Je ne ressens aucune faim, aucune soif. Je ne bouge qu'avec une lenteur empêtrée sans maladresse pourtant. Cela peut sans doute passer pour de fatigue ou un apaisement soudain de la nervosité habituelle. Les autres ne s'en formalisent pas. Je dois être malade. Je traverse ainsi cette journée surréaliste. Aucun heurt, aucune vague. Seulement une énorme journée enneigée.
Le soir, je rentre lentement mais directement à la maison. Papa est là. Je le regarde bouche bée : il est 17h30. Papa n'est jamais là à 17h30. Il rit car je dois avoir l'air bête. Je crois que j'ai passé ma journée à avoir l'air stupide. Je m'en contrefiche strictement. Nous nous asseyons tous les deux dans la cuisine derrière lui un café, moi un thé. Il raconte. Il commence enfin toute l'histoire.
« La grand-tante Pitayak... Mon père, Kaki, ton grand-père bine sûr me raconta tout un jour qu'il avait trop bu. Cela ne lui arrivait jamais. J'étais surpris et effrayé. Je me demandais ce qui se passait. Ma mère était partie se coucher, prise d'une migraine, comme si souvent. Lui restait calme, malgré son ivresse. Mais il se montra plus tendre. Mon père n'était pas tendre. Il n'était pas injuste ni déraisonnablement strict. Mais il n'était pas tendre. Cela ne se faisait pas à l'époque et cela l'arrangeait bien. Il me demanda de m'asseoir dans un confortable fauteuil, de m'installer et d'écouter : « Mon fils, jamais tu n'as entendu cette histoire mais tu dois aujourd'hui la connaître car elle a fait de cette famille ce qu'elle est, de moi ce que je suis, tout comme de toi et tes futurs enfants. N'oublie jamais ce que tu vas entendre dans les heures à venir, la longue histoire de Pitayak car tu devras l'affronter toi aussi, un jour. Ni toi ni personne ne sera en paix sans compter avec elle. » Cette solennité me fit d'abord rire mais je compris rapidement que l'histoire ne serait pas une drôle et que mon père s'engageait là dans une véritable mission qu'en effet je ne risquais pas d'oublier. Il se mit à parler de sa voix grave, brisé par son précoce cancer de la gorge. On était dans un film.

dimanche 22 octobre 2017

Devancer l'ombre


Devancer l'ombre,

ne jamais la laisser ,

ne jamais

surtout

la laisser.

En laisse ?

Elle s'en glisse.

Devancer avec toutes les forces,

même celles que l'on n'a pas,

jusqu'au-delà des

ressources,

pour que l'ombre ne

soit pas la

première marche.

Parfois,

baisser les bras,

mais l'ombre ne fait que

rentrer

en-dedans.

Elle ne s'évade pas,

ne prends aucune avance,

elle s'effondre avec moi.

Je dois fuir moi,

en avant,

oui,

pour ne pas me faire

attraper.

Plus vite que la musique,

Tous les obstacles 

bien plus forts que

moi, pas prête,

pas préparée,

mais fuir à tout prix.

Jamais,

je ne l'ai pas prise à bras le corps,

entre quatre zyeux,

plantée face à moi et

mise à l'amende.

Je sais qu'elle doit rester

en deçà,

protéger mes arrières,

dois bien l'avouer,

ne pas courir

comme une folle

et la panique à bord !

Mais 

je sais je sais.

Que sais-je au juste ?

Papa renard

Je reste pantoise, je reste coite, les bras m'en tombent. Je regarde Papa. Je l'appelle au secours sans un mot. Je ne veux pas comprendre. Ma tête a lu, enregistré et tourne en boucle comme un disque rayé. Mon corps, mon cœur, ne sont plus reliés à ma tête, ils ne peuvent sentir ça. Ils ne peuvent supporter ça. Ils voient le monde se renverser. Ils ne sont pas capables de supporter ça. La tête supporte tous les changements de gravité. Les deux autres se perdent, s'accrochent à leur terre. Ils ne se déracineront pas. Ils se battent contre une immense tempête. Et la tête qui fanfaronne « moi je peux, moi je vois, moi j'ose. » Je suis coupée, disloquée, en deux parties, deux corps distincts. Je suis écartelée. Je m'effondre.
La rage.
La douleur insoutenable.
Cette histoire est la mienne. Je ne sais pas pourquoi mais cette histoire est la mienne. Elle m'appartient plus qu'à n'importe qui. Cette femme, cette grand-tante n'est autre que moi-même.
Papa le sait.
Il le sait déjà.
Depuis combien de temps le sait-il ?
Comment a-t-il compris ?
Il me regarde tendrement. Il m'enveloppe, encore et encore et me berce.
Je m'aperçois que je pleure à ne plus rien voir.
La marée a inondé mes yeux.
Je n'ai rien senti, moi que les larmes ont désertée. Je suis trempée de sueur et de larmes.
Je me déverse.
Je finis par me pisser dessus.
Je suis interloquée.
Père ne s'étonne de rien. Il me prend comme une toute petite fille. Je sens qu'il connaît tout ce qui me traverse.
Et je cesse de penser, enfin, pour la première fois de ma vie.
Je ne fais que vivre, sentir, je suis un animal. Je suis enfin l'animal terré au fond de moi. Papa est le renard qui couve sa toute-petite. Maman dort et je n'ai besoin que de lui, lui seul et il me dénoie, dénoue, me déniche pour me libérer de mes chaînes. Il sait que la vie commence aujourd'hui

Lettre 14 : cloture

Je ne sais plus même comment t'appeler, je préfère ne rien écrire pour commencer cette lettre. Tout serait faux. Peut-être que c'est ce rien que tu es désormais et je m'en réjouis. Mauvaise sœur ? Cela m'est aujourd'hui complètement égal, Père est mort et ma famille avec.
Ce que tu me racontes ne me surprend en rien. Je sais tout ce que tu me dis là. Je sais depuis très longtemps ce que tu crois me claquer au visage. Tu ne me fais tomber d'aucune illusion, d'aucun mensonge enjoliveur. Je savais qu'il venait et qu'il t'aimait plus que personne. Voilà la vérité. Tu étais son enfant chérie, au détriment de tous les autres, et tu ne t'en défendais même pas. Tu n'as jamais essayé de nous remettre dans la course Kaki et moi, tu nous as laissés être distancés de loin par ta préférence. Tu as profité de ta position. Tu as joui de tes prérogatives. Tu as eu la vie facile de l'enfant gâtée, de la petite dernière choyée. Tu crois donc aujourd'hui encore que je vais te plaindre ? Que je vais pleurer sur ton sort ? Tu n'es depuis la nuit des temps qu'une petite pute, tu avais ça dans le sang à peine née. Tu l'es intrinsèquement. J'ai su dès ta naissance que les problèmes commençaient et en effet, ton arrivée a signé le début des tourments de tous les membres de cette famille. Tu as précisément démembré cette famille. Tu as volé le noyau dur, le noyau précieux. Tu as tout pris, tu as tout mangé, tu as tout avalé et nous nous sommes retrouvés dénudés, juste parce que tu exister telle que tu es. Honnêtement, je t'ai haïe dès le premier regard. Je n'ai pas voulu me l'avouer et on m'a ordonné de t'aimer. J'ai essayé encore et encore mais je dois l'avouer enfin, moi aussi : je n'ai jamais rien aimé de toi. Tu as attiré toute l'attention, tout l'amour sur toi et tu nous as laissé essuyer les pots cassés, être l'éponge des exigences folles de Père. C'est toi qui l'as changé en bête, qui l'as rendu fou. Avant toi, tout était calme. C'est toi qui as pris tout l'amour, tout l'amour, un amour immense. Je t'ai enviée, jalousée. Je l'ai regardé se glisser, comme tu dis, dans ta chambre. Je l'ai regardé la mort dans l'âme te préférer à nous tous, sans pitié, sans égards et toi ne pas hurler que cet amour était aussi notre droit. Tu t'es tue, en effet. Comme une petite pute profiteuse que tu as toujours été. Restons-en là.

jeudi 19 octobre 2017

double je


Je sens le poids des souvenirs m'alourdir.

Je sens les souvenirs d'une autre être les miens.

Je sens que je me regarde être

aussi une autre et son histoire.

Je suis retournée sur moi-même comme une paire de

chaussettes propres,

prêtes à ranger.

Pourtant,

je me sens sale,

plus sale que jamais Patate ne s'est sentie.

Mon cœur va se décrocher,

impuissant,

insensé

désormais,

et il

me sortira par tous les trous.

Je serai une sans-coeur,

je vivrai ?

Je vivrai,

tout est possible.

No future pour l'instant.

Obèse d'une tonne de nouveaux souvenirs,

je revois la vieille dame,

inconnue,

une photo,

une histoire abracadabrante,

je m'y vois,

je suis aussi vieille qu'elle,

peut-être aussi morte.

Je dégueule d'images et de bruits,

un vrai son et lumière

de la tête aux pieds.

Je suis une autre,

que j'ai toujours été.

Je deviens une inconnue

que je réincarne.

Je suis double ou doublement la même.

Je suis deux pour un seul corps,

siamoises déguisées.

Je suis un agent

double.

Je me sens me liquéfier,

Je dois me vider

mais je ne suis déjà plus

qu'un tas.

Un monceau d'histoires à devenir

folle,

encore plus folle.

Je regrette presque Patate,

sur terre,

au moins,

mais non !

Conneries !

Bullshit !

Patate était déjà double, triple, myriade

insupportable,

grouillante,

indomptable.

Je suis figée en ce moment,

sans retour possible,

sans avenir imaginable.

Figée en ce point du monde

de l'Histoire,

entre tous les temps,

impossible

et plus réelle que jamais.

Je tourne dans une spirale

intersidérale,

je hais l'espace et les astronautes,

je comprends désormais

pourquoi.

Je suis recroquevillée sur moi-même,

je sens absolument tout,

et suis parfaitement vide.

Énorme et creuse.

Papa entre dans la chambre. Comme par magie. Il se précipite vers moi. Me serre aussi fort qu'il le peut dans ses longs bras d'habitude timides et pudiques. J'ai l'impression d'être une autiste qu'on sort de crise. Je me réintègre lovée dans ce grand corps qui sait déjà, sans doute, depuis longtemps. Je redeviens la petite fille, une autre petite fille, la nouvelle petite fille. Toute l'histoire est à refaire.