samedi 29 avril 2017

La mise à mort (6)

Elle garde en tête,
devant les yeux,
toujours,
que
le pire est passé,
que
la honte est crevée.
Elle se berce
de cette tendre
vérité.
Elle en sourit,
sans exception.
Mais les rides,
les fissures,
s'infiltrent
et
haussent le ton.
Elles font entendre
toujours plus
leur voix.
Elle sent
intimement
qu'elles hurleront
s'il le faut
pour se faire
entendre
d'elle.
Alors,
un jour,
éclate,
l'autre vérité.
Elle a cédé.
Elle a poussé ses
savoirs rassurants
de devant ses grands yeux
curieux
angoissés.
Elle a fait de la place
à ces voix
crissantes.
Et elle a vu
l'envers
du nid douillet.
Elle aurait
sinon
risqué
l'avenir en psychose et pilules bleues
écœurantes.
Elle s'approche
dangereusement
de la folie
qui frappe
et s'accroche
à tout jamais.
Elle a vu
donc
sa prison
contraire.
Elle a vu
que sa volonté
l'avait piégée.
Elle était renée,
seule,
enfin les rênes en
main.
Mais qui commandaient
davantage
des rênes ou des mains ?
Prisonnière de
sa volonté.
Prisonnière de
la mise à mort
de chaque jour,
encore et encore,
inachevée,
des monstres oui,
et de tout l'être
de désir,
d'émotions,
qui osait,
naguère,
essayer de vivre.
Devenue dès lors
machine de guerre
emballée
dans le mécanisme
qu'elle se croyait
absolument
propre.
Prisonnière de son
arme
de liberté.

La mise à mort
devant ses yeux,
pas seulement
des démons.
Aussi
de tout une âme,
de tout un être.
Un suicide
en bonne et due
forme
sous des airs
de révolution.
Et alors,
les vérités
s'annulent.
Et surgit la
théorie
de la
relativité.
Où est le sens ?
Les grands yeux
curieux
angoissés
s'emplissent de
larmes.
Le monde est mort.





jeudi 27 avril 2017

Reine des glaces

Elle se tient
loin du monde,
loin de tout,
loin pour être sûre.
Elle s'est construit son monde
tout autour d'elle.
Elle y tourne,
retourne,
à l'aise,
professionnelle.
Elle connaît le vrai monde,
celui des autres,
celui de la plupart,
elle n'en fait rien.
Elle dit
'pas intéressée'.
On se dit qu'elle ne pourra pas
demeurer
dans son univers
solo
un peu fou,
mais elle y tient.
Elle ne rompt jamais.
Elle est solide comme un roc.
Solide ?
Eh bien c'est une bonne nouvelle
n'est-ce pas ?
Pas du tout
en réalité.
C'est la pire des nouvelles.
Elle n'a plus besoin
du monde,
du vrai monde.
Elle n'en veut pas
et n'en voudra pas.
Elle a un petit sourire
ironique
sans méchanceté,
c'est inutile et
'Pourquoi faire ?'

En fait,
l'implacable solo
dans son monde
insaisissable
a peur.
Elle a peur
de ce monde que les
autres maîtrisent
et dans lequel
elle se ferait manger
toute crue,
s'imagine-t-elle.
Dans lequel
elle n'est pas
puissante,
dans lequel elle devra
recommencer de
zéro.
Intolérable pensée.
Intolérable chute.
Mortelle.
Brisée,
elle ne pourrait se relever
qu'au prix d'une lutte
pour la vie.
Encore une.
C'est trop.
Elle ne sera plus
jamais
une enfant soldat.
Elle se plaît
dans son château
de glace,
à sa guise,
sans douleurs,
exactement
comme elle veut.
Parce qu'elle y vit
et non seulement
survit
comme une paumée.
Elle y est reine
des glaces.

mercredi 26 avril 2017

Bébé cassé se répare

Le bébé est cassé,
une hache dans la tête,
le corps de guingois,
rachitique.
Il n'est
pas
même
sorti
au jour.
Il n'est
pas
même
encore
un bébé.
Il est déjà
en forme
de monstre.
Les yeux
entre lesquels
brise la hache
ne sont
pas
même
égaux.
L'un gros globuleux,
prêt à tomber.
L'autre petit,
plutôt chinois
enfoncé.
Pas
même
symétriques.
Rien n'est symétrique.
Les épaules
cahin-caha.
Déjà trop maigres.
Les jambes repliés
sur la poitrine
bloquant
le cœur
et ses battements.
Qui pourtant
pompe.
Pas si régulier que ça.
Les jambes trop près,
trop longues aussi,
déjà
dégingandées.
Les pieds en l'air,
ridicules.
Pas
même
sorti à l'air
et déjà
débilos.
Le corps en appui,
pas confortablement,
sur les fesses
douillettes.
Sur la pointe d'un
coxis
équilibriste.
Il ne peut
pas
tomber
de haut.
Mais basculer
n'importe comment
et pire encore
bloqué
contre la paroi
comme une
mouche
sur le pare-brise
autoroutier.

Alors,
petit bébé,
étends,
d'abord,
tes jambes.
Appuie-toi au
bout de tes pieds
et
redresse-toi.
Prends place
dans le giron.
Il est pour toi.
Il n'est pour personne d'autre
ici et maintenant.
Arrondis-toi
doucement
contre le ventre
cyclique.
Débloque ton cœur.
Et installe-toi
cette fois.
Ça y est,
tu reprends du poil de la bête !
Tu ressembles
à
un beau bébé.
Et enfin,
m'enfin !,
arrache-moi cette
hache
infernale !
Tu retrouves
forme humaine.
Et la douleur disparaît,
peu à peu.
Le temps que tu te rendes compte
comme ça
crevait.
Et commence
ta vraie vie
dans l'antre
de ta mère.


lundi 24 avril 2017

La mise à mort (5)

Quelques mois de paradis,
pas même une année.
Très vite,
elle sent qu'elle
va
douiller,
payer,
ramer ,
cher.
La souffrance,
si elle n'est plus celle d'avant,
elle en fait son affaire,
rien n'importe plus que
la mort de ces atroces
fantômes.
C'est vrai.
Rien n'importe
plus.
Elle s'y tient.
S'y tiendra
jusqu'au bout.
Sinon,
rien n'aura servi.
Mais le paradis,
jungle parfaite,
se fissure.
S'assombrit plutôt.
La lumière idéale
jaune poussin sans nuage
se ternit.
Elle-même se sent
ternir.
Elle se ride,
vieillit.
Vite, elle ferme les yeux
et fixe sa réussite :
la mort des monstres.
La mise à mort qu'elle
pensait jamais ne pouvoir,
est accomplie.
Elle u trouve son bonheur.
Cela suffit pour l'instant.
L'inconfort,
les ombres au tableau
ne peuvent pas
lui voler
ça.
C'est un fait,
désormais.
Elle s'est débarrassée d'eux.
Et si … ?
Non,
ce qui arrive après
n'a plus rien
à voir.
C'est compris ?
Compris !?
Personne ne répond vraiment à cette question.
Elle ne la pose qu'à
elle,
d'ailleurs.
Et l'on n'est jamais mieux servi
que
par soi-même.
Mais elle sait
au fond
que le paradis
est perdu
et qu'elle a eu bien raison
d'en jouir
alors.
Elle sent confusément
et très loin derrière les mots
qu'elle n'y touchera plus
jamais.

dimanche 23 avril 2017

Le grand sac magique

En Merlin l'Enchanteur,
grand sac magique sous le bras,
il faut rapetisser
chaque cœur en corps
qui m'aime
que j'aime
pour les fourrer
dans le fameux cabas.
Impossible de quitter
le nid douillet
vraiment seule.
Impossible où alors
tout peut arriver,
et je ne garantis plus rien.
Il faut les avoir là,
tout près,
dans le grand sac magique,
tous tout petits
minuscules
mais puissants
comme des poupées vaudous.
Ils resteront à mes côtés
du matin au soir,
je les redéposerai,
leur donnerai leur congé,
une fois rentrée
au foyer,
une fois en sécurité.
Mais avant cela,
ils ne me quitteront pas,
du moins ne seront jamais loin
dans mon grand sac magique.
Ils disent qu'ils sont là,
avec moi,
et qu'il faut que je les garde à
l'intérieur de moi.
Mais j'ai peur de les manger
tout crus,
de ne plus savoir les aimer
et respecter.
De toute façon,
tout est verrouillé
du dedans.
Ils ont beau toquer
tenter d'amadouer
ou tabasser
cette lourde porte,
rien n'y fait.
Ils restent dehors,
derrière les douves,
le pont-levis
sans appel
et rouillé
qui plus est.
Alors, c'est un bras armé d'une baguette qui
s'allonge monstrueusement,
au-dessus des murailles,
de la porte,
du pont-levis,
des douves,
et
se charge d'aller
enchanter,
rétrécir,
entasser
et porter,
toujours,
(très pratique!),
par-dessus tout l'attirail guerrier,
les cœurs en corps
qui m'aiment et que j'aime
pour me protéger.
Heureusement qu'on a deux bras !
dirais-je.
La pirouette qu'on doit
pour ne pas chialer
sur son sort.



Voyage au centre de la tête


Auto-trépanation
de découverte,
on scie le cou,
il cède facilement,
on doit bien viser pour que
la tête ne branle pas
une fois posée
sur la table chirurgicale.
Pas trop haut ni surtout trop bas.
La suite de la manœuvre,
ouvrir en deux,
comme un avocat mûr,
depuis le temps qu'on vit
il doit l'être,
et observer tout cela.
On aura,
bien entendu auparavant,
pris soin de raser
toute la chevelure
inutile.
Cette façon-là donne à
voir
peu de choses,
on croyait que c'était
la meilleure.
Mais le crâne
et le cerveau
ne sont pas
un gros avocat mûr et sa peau.
On en profite
tout de même
pour admirer
toutes ces circonvolutions
incompréhensibles.
Elles forment de sacrées
ou satanées
arabesques.
Qui sait …
On est un peu
embêté
alors
parce que comment faire
sans tout foutre en l'air ?
Et puis,
cette fois-ci,
comme un melon aux tranches
prédécoupées,
les pointillés sautent aux yeux.
On va avoir de beaux quartiers
huitièmes,
seizièmes,
on n'en sait rien,
ce n'est pas scientifique
notre histoire,
c'est de le pure découverte
de néophyte.
Parce que cette tête commence
à casser
les pieds,
pour être poli.
Bref,
le melon découpé,
ça n'entache en rien notre humilité
bien sûr,
c'est juste une image,
personne ici ne s'est pris pour
un melon.
On précise,
il est trop vite fait de juger.

Apparaissent là
les torsades neuronales
et tous les clignotants
intracrâniens.
Une multitudes de voies,
qui se coupent et se recoupent,
comme ces images des axes
à grande vitesse
des mégalopoles
surcirculantes.
Dans tous les sens,
bien plus qu'un stroboscope,
bien plus que toute la terre
tous feux en marche.

Ca rayonne dans toute la pièce,
ça danse et ça chante,
parce que
oui
il y a aussi du bruit.
Ça fourmille,
ça frétille,
ça turbine
à tout va.
Ça fascine.
Ça force le respect.
Ça fait peur aussi.
C'est un univers
incontrôlable.
Bien trop.

Il y a
enfin,
tout au cœur
de cette folie,
un petit feu follet.
Un tout petit
feu
june éclatant,
brûlant presque comme
le soleil.
On s'approche
et il parle.
Il dit :
« Je ne suis rien sans mon corps.
J'ai l'air si fort
si formidable...
Mais je ne suis rien sans mon corps.
Que personne ne nous sépare ! »
On regarde cette force-là
qu'on croyait
autonome,
c'est vrai.
Mais c'est évident,
elle sait
ce que l'on sait aussi
et qu'on n'a pas toujours envie
d'admettre.
Elle remet les pendules à l'heure
la petite boule de feu.
Et on jette un dernier coup d’œil émerveillée
avant de refermer
le tout,
qui n'est rien sans le reste,
finalement.

samedi 22 avril 2017

La mise à mort (4)

Elle se meut
au Nouveau Monde
comme un poisson dans l'eau.
C'est ce qu'elle
attendait.
Elle est un peu tout
à la fois.
Tout le monde
et personne.
Elle n'est plus
forcenée,
cadenassée
à cette fille qu'elle déteste
et que les autres prennent
pour elle.
Elle est ce qu'elle veut,
les autres voient
eux aussi
ce qu'ils veulent,
toutes différentes.
Chacun la leur.
Chacun selon ce qui les anime.
Elle n'est plus que miroir,
pure surface de réflexion.
Elle découvre.
Elle jubile.
Les autres se révèlent
à son contact
de toutes les couleurs
possibles
et imaginables.
Elle ne s'extasie
pas encore.
Elle ne peut
ps encore.
Elle a d'abord besoin
de sentir son pouvoir.
Elle pourra admirer
plus tard,
beaucoup
plus tard.
Cependant,
elle comprend mieux.
Elle est
enfin
dans son milieu naturel,
elle ne se préoccupe plus du
moindre de ses
mouvements,
même imperceptible.
Elle est en jungle
mais elle est agile.
Elle se fait confiance
et elle peut largement
longuement
observer les autres
et ce qu'ils sont sûrs de voir,
qui n'est que ce qu'ils croient.
Elle est perturbée
parfois.
Une image ou l'autre la dérange.
Vite, elle en fait fi.
Elle passe à la suivante.
Balaye.
Vous vous dites,
peut-être,
que c'est terrible,
ô terrible,
de n'être personne
ou tout le monde,
tout pareil.
Vous vous trompez.
C'est la libération
absolue.
Elle construit ce nouvel être.
Elle en fait ce qu'elle veut.
Elle dispose d'elle-même
et des autres.
Ah oui c'est un monde sans cœur.
Sans aucun doute.
C'est bien le but,
vous répondrait-elle.
Plus de cœur
et la vie commence enfin.
Plus de sourires
et de plaqué or.
L'intelligence,
la pertinence,
la réflexion.
Voilà tout.
Et la jungle est parfaite.

jeudi 20 avril 2017

Le juste bord de ma falaise

Au juste bord
de la falaise,
j'ai toujours cru
à la limite à
pas franchir,
sous peine de
suicide.

Tout juste au bord
de la falaise,
je me suis souvent
approchée,
penchée,
puis redressée
pleine de haut-le-cœur
protecteurs.

Quelques années durant,
je n'ai plus senti
la falaise,
ni son bord,
ni l'à-pic
et le grand canyon au fond.
Plus rien senti en fait.
Tout était plat.
L'encéphalogramme presque.

J'ai longtemps cru
m'être alors
jetée courageuse
du haut de ma falaise.
Ce n'est pas ce que j'ai fait.
J'ai détruit la falaise
et sa raison d'être.
J'ai détruit toute dénivellation
pour une plaine parfaite.
Je n'ai pas vu
que je n'avais pas résolu
le bord de ma falaise.

La falaise s'est refait
une beauté,
avec les hauts et les bas
de la vraie vie.
La plaine parfaite a rendu les
armes,
épuisée de
platitudes.
La falaise
bien sûr,
n'était plus tout à fait la même.
Mais elle avait gardé
son juste bord
et son terrible précipice.

J'ai recommencé à craindre
la béance,
l'espace du trou,
l'ombre d'en-dessous.
Mais je savais,
si besoin était,
réaplatir mon monde.
Jusqu'au jour où
cela n'a plus eu
assez
de sens.
Jusqu'au jour où
j'ai pensé que
peut-être sait-on jamais,
le bord n'était pas
la limite fatale.
En tout cas,
plus.
Que le bord était
peut-être sait-on jamais,
la limite
à franchir.

L'idée qui revient comme un boomerang.
L'idée qui se retourne comme une chaussette.

C'est quand j'ai dit :
« Arrête tout et écoute. »
les bras ballants,
une immense vague de la douleur
s'abattant sur moi
sans que je bouge,
mais que je la regarde
droit dans les yeux
et que j'écoute
ses battements,
véritablement courageuse,
cette fois,
que j'ai vu le tout juste bord
ne plus être
si fatal
ni si
vertigineux.

Je pense
en deltaplane,
en montgolfière,
en parachute,
ou à mains nues le long de
la paroi
si familière
et parfaitement
méconnue.
Jamais à l'élastique
Mon Dieu !
Ca fait peur.
Ca casse les bras et les jambes de peur.
Ca donne envie de dormir toujours.
Mais l'espoir aussi
d'être droite dans ses bottes,
la tête sur les épaules,
les sourcils apaisés,
les lèvres claires et nettes,
avec les vrais mots
et
les vrais sourires.
Que la fuite insensée cesse !
Je ne suis plus la proie
du bord de ma falaise.
Elle est désormais
mon tremplin
et zou triple salto
et jusqu'au bout du monde !