jeudi 28 mai 2015

Grand-Père fantôme

Le grand-père inconnu,
personne d’autre que
sa fonction
dans ma lignée,
un petit corps
sans de vrai visage.
Je l’ai effacé
ou
il s’effaçait ?
S’effacer pour ne
pas être regardé
parce que
qui sait…
La vie immobile
à l’affût du
prédateur.
Toute la vie
à débusquer les pièges à
con
dans les plus minces
tranches
de savon.
La vie sans visage
pour ne pas alerter
pour ne pas indigner
par rectitude et
prudence.
C’est ce qu’on a vu.
Le mur
derrière
était bien trop
étanche et
inviolable,
pour qu’on y distingue
rien.

Mais dis-moi,
Grand-père fantôme,
où t’es-tu donc caché
des décennies entières ?
es-tu un jour apparu
quelque part ?
La vieille Méline,
un jour jeune,
t’a-t-elle aperçu
toi en vrai
au détour d’un chambranle
ou de l’oreiller partagé ?

Je serre les yeux fort
comme pour tout ce qui nous échappe
immanquablement.
Je serre comme si
c’était tellement précieux !
Je serre si fort
parce qu’encore
aujourd’hui,
tu es indéchiffrable.
Un pur soldat jusqu’à la fin.
Tu as daigné sourire,
aux plus jeunes,
aux femmes de préférence,
les derniers temps.
Celles qui venaient te chercher dans ton
trou
et t’empoignaient la main
comme n’importe
qui
d’autre.
Comme si tu avais voulu
être
absolument comme il faut,
comme le monde,
sur la ligne parfaite
du funambule,
toute une vie,
sur la seconde exacte
du loup
en chasse,
et que tu t’étais
finalement
retrouvé
au contraire
à n’être
comme personne.
Parfaitement
hermétique,
gris
sans nuances,
unifié
au buvard,
sans erreur
aucune.

Les souvenirs,
le peu,
s’étiolent,
le flou
s’embue
encore.
Je sais qu’aucun de nous
n’a compris
qui était
terré là.
Si la terreur,
si la glace,
si la violence,
si la tristesse,
ont manigancé
toute cette inertie
pâle.
On dit et redit
que comme père,
déplorable.
Je n’étais pas là,
je l’entends.
Tu as blessé
profondément
et définitivement
tes rejetons.
Moi,
tu ne m’as rien fait.
Ni bien ni mal.
Rien qui ne me glisse
des mains
et des yeux.
Tu n’as
donc
jamais
chaussé
ton visage ?
Tu es resté
informe,
unique édicteur de règles
sans âme.
Je n’y crois pas.
Cela n’existe pas.
Tu n’aurais pas
vécu.
Tu n’aurais plus trouvé
ton souffle,
vite.

Où tu t’es-tu
donc
muré,
petit Grand-Père fantôme ?
Je suis les bras ballants,
l’imagination morte.

vendredi 22 mai 2015

La douce vieille

La douce vieille
tendre
comme Nova.
La mamie
sans gâteaux
mais aux mains
chaudes.

La douce vieille
impotente,
qui ne voit
ni n’entend,
ne marche qu’à
tâtons.
J’ai longtemps cru
que l’âge la para
lysait

la douce vieille
folle
comme Jeanne.
Mais non,
« Elle a toujours été comme ça ! »
Pas vraiment,
je l’ai su
depuis le début.
Pas vraiment
comme ça.

La douce grand-mère,
si douce,
tellement douce
qu’elle en glisse
des mains.
Mais au moins,
ne saigne pas
sa progéniture.

La douce grand-mère
à la peau si rugueuse
d’avoir raclé
mille et une fois
ce jour
celui d’avant
depuis des lustres
au savon doux.

La douce
qui nous jetterait
à peine arrivés
au lavabo
pour que
comme elle
on se râpe
les menottes.

La tendre grand-mère
aux yeux délavés
de douleur.
Elle a fermé
les écoutilles,
on ne peut plus
rien
lui demander.
Elle n’a plus
de réponse.
« Elle n’en a jamais eu ! »
Mais c’est seulement
ma grand-mère
et elle est douce
et ça suffit.

La tendre grand-mère
une fois qu’elle
t’a trouvé,
serre fort
dans ses bras
et sourit
à l’aveugle.
Elle serre fort
juste comme il faut.
Elle pleurniche
parfois.
Mais moi,
je veux bien
entendre.
Parce qu’elle
turbine qu’à l’eau
et ne se moque
jamais.
Elle ne saigne personne.
Elle les a tous saignés,
mais je mettrai
bien plus
longtemps
à voir cela.

C’est elle
la douce et tendre
qui se cache derrière
un visage
crochu
de fabuleuse
sorcière.
C’est pourtant
elle
qui a renoncé
à tous ses pouvoirs.
Aussi depuis
des lustres.

La douce grand-mère
qui n’a servi à rien,
qui n’a pas
assuré
les arrières
ni
les devants.
Trop douce
et
fondue
pour porter
même une plume.

Elle a un grand
mérite :
elle a gardé son
marasme
dans son cœur.
Elle l’a confié
à Dieu
et ses enfants.
Les petits en ont
réchappé.
Son sang fragile
coule dans mes
veines.
Mais je l’aime encore
mieux
qu’aviné.

La douce et folle,
l’hallucinée percluse
d’angoisses,
n’a pas brisé ma
solitude.
Elle était
sans les mains.
Déjà périlleuse.
Elle a
ouvert
mes yeux d’enfant
à l’immense
horizon
des fracassés
tremblants
ou
envolés.
Ceux ,
les,
pas comme il faut.

mercredi 20 mai 2015

L'ennemie

A l’instant où je m’aperçois e la métamorphose invisible, la traître, tu deviens mon ennemie. Je dois plaquer le masque et fixer le sourire. Mais je suis aux aguets. Je suis en chasse car tu es désormais le prédateur. Il n’est alors plus question de confiance ni d’affection. Il s’agit de simple survie. Je n’ai plus d’énergie pour aimer. C’est devenu un luxe. Je suis toute à prévoir les coups d’en haut ou bas. Tu approches et je recule. Tu ne pourras m’attraper que par surprise. En fourbe. Dans le dos. Si tu me touches, je serai prise d’un immense frisson et tu riras comme une folle, « ben amlors », n’aie pas peur ! Je ne bougerai pas mais j’ai toujours une envie presque irrépressible de te gifler quand tu ricanes à mes dépens, toi, l’ivrogne ridicule. Tu as bercé mon enfance
d’angoisses
tremblantes.
De haine aussi.
Je ne crains
pas
de cracher
sur ton souvenir,
de clamer haut et
fort
que tu n’avais
rien de bon
à m’apporter.
Beaucoup d’humour.
Jamais assez pour
balancer
la peur au ventre,
les nœuds de boyaux,
et la haine.
Qui ne s’éteint pas.
J’écris pour toi
de toi.
De toi à moi,
mais non !
De moi à moi,
seule dans mes
récriminations.
Je creuse pour expliquer. Car on dit, en haut lieu, que tout s’apaise quand on comprend. Quand on endosse la peau de l’ennemi. Que les choses sont moins brutes. Les émotions moins vives. Que l’œsophage s’arrête alors de brûler.
Qu’on peut rouvrir les yeux.
Accueillir.
Se tromper.
Avouer.
Je prends ta vie
dans mes doigts.
Et je pense
fort
à la magie
qui pointe
parfois.
Mais je suis incapable
de
pardonner.
Tu titubes.
Tu fais honte.
Tu es honte.
Tu nous embarques
et tu nous emprisonnes.
Dans ta cellule
puante.
Tous.
Jamais,
je n’oublierai
les heures passées
asphyxiée
à te fuir
et à te le cacher.
A ménager la bête.
A faire la guerre
sans jamais grogner.
Je n’oublierai
pas
cet enfer.
Sans doute,
toute ma vie,
je te haïrai.
Pour le mal
que tu as transmis.
Empoisonneuse !
Qui ne s’excusa pas.
Qui n’y vit pas nécessité.
Si ta mort au moins !
en p^lus de soulager
avait envolé
mon dégoût,
ma rage,
ma peur.
Ma peur reste,
a élu domicile
et alimente
ma rage
qui bout
jusqu’à m’écœurer.
Les nausées
me lancent
quand,
comme toi,
mes amies,
mes amants,
ceux que j’aime
jusqu’aux limites
du supportable,
s’imbibent
et se roulent dans
leur boue
répugnante.
Je les déteste.
je suis en chasse,
comme autrefois,
comme l’enfant à bord
du gouffre.
Je surveille
toutes les entrées.
je prends toutes
les précautions
paranoïaques
que j’ai apprises à tes
côtés.
Joli savoir
que tu m’as suggéré.
A t’observer
sombrer
et me laisser seule.
Je me barricade.
Je m’éloigne
au plus prfond
de moi,
là où personne,
absolument aucun être,
sauf imaginaire,
ne peut m’atteindre.
A moins d’une arme à
lame.
Une vraie qui
ferait pisser
le sang.
En quelques minutes,
je suis en sécurité
dans mon bunker
sans fortune.
Le bunker amer
et efficace.
Errigé en ton honneur.
Tu n’es pas la seule,
je te l’accorde.
Si trop je mange,
l’édifice grossira,
percera
l’enveloppe.
Et plus rien
ne protègera
des fous et folles avinés.
Je mesure les denrées
qui circulent.
En sentinelle.
La guerre ne s’arrête
jamais
quand on l’a avalée au
biberon.
Je mesure tous les
mouvements et
échanges.
Car rien n’est
radicalement fiable.
A tout moment
peut surgir
l’ennemi
que la sale aïeule
a initié
dans mes tripes.
Alors,
je sais,
tout est possible.
Les plus chers
virent
aux monstres.
Et je serrerai
les lèvres.
Mais je n’excuserai
rien.
Je serai calme
et sage.
Je mâcherai mes mots
à mettre mes gencives
à vif.
Je ne hurlerai pas.
Je n’excuserai
rien
pourtant.
Plus rien
alors
n’est gratuit.
Le combat
jusqu’à
crever.

mercredi 13 mai 2015

La grande erreur

L’erreur,
la grande erreur.
le bec dans l’eau.
La nuque à découvert.
Les bras ballants.
Bossue d’hébétude.
Idiote.
Ecarquillée.
Les pieds en coin
fermés.
Les orteils agrippés
au sol.
Les poings serrés
cachés.
Parce qu’on n’a plus le droit
que de grincer des dents
de rage,
frappée
à même la gorge.

Recroquevillage
parfaitement rond.
Pour être quelque part
entier.
Les mains derrière
le cœur.
Tout enfoncé.
Tout en foncé.
Enveloppé
d’une cape des origines.
La cape du cycle
originaire.
La cape
hermaphrodite.
Plus de trous.
Plus d’impasses.

La planète
à soi seul.
Entière.
Complète.
Qui roule,
qui roule.
Qui oublie
au roulis.
Et toutes les écoutilles
se replient.
Vers le nerf,
l’épicentre.
Tournent le dos.
s’effacent
de la surface.
Qui sera
absolument
ronde et
lisse.

Parce que l’erreur
a percé
jusqu’à la cote
de maille.
L’erreur
n’a tué personne.
Le cœur a été
piqué.
Pas d’éperon
violenteur.
Un petit clac.
Un petit paf.
Qui résonne comme
un énorme
gong
jusqu’à l’esprit
prénatal ;
dans les nuages.
La physique
mystérieuse
des émotions.
En quatre dimensions.
En cinq ou six
même
inconnues encore.
Le temps et l’espace
prennent
perdent
forme
métamorpent
et mutent.

Deux jous,
trois jours,
l’erreur bée
bave
encore.
La planète
autogène
se consolide.
le cœur se rabougrit.
On croit le réparer,
à l’isolement,
au confinement.
Il n’en chiale
que plus,
le cogneur.

« Un peu d’air
Bon Dieu !
Sortez-moi donc de
cette satanée
chambre capitonnée !
Je ne suis pas en sucre.
Fais chier avec tes états d’âme ! »
a dit alors
le cœur
exaspéré.