vendredi 31 juillet 2015

Impuissance en péril

Les diables
domptés
bannis
révolus
ont ployé
sous l'attaque
des remèdes.
Toutes les guérisons,
des plus humaines
aux plus chimiques,
des pragmatiques
aux conceptuelles.
Les diables
n'ont plus pu
résister.

Elle a arboré
un sourire sardonique.
A son tour.

Aujourd'hui,
les diables rient
De nouveau.
Ils se rient d'elle
et de ses guérisons.
Ils rient aux éclats.
Ils en brisent son cœur.
Les intestins gonFlent
de Rancœur
de Haine
et d'Impuissance.
Cette salope d'Impuissance
avec sa majuscule,
fière comme un pou.
Traînée
que tu es,
saleté de mégère.
Toujours
Tu trouves
à te venger
et à récupérer
Ton I de majesté.

Elle,
a perdu toutes
et tous.
Elle affiche
son sourire écœuré,
éculé
toujours vif
pourtant.
Ses narines se retroussent.
Ses lèvres s'avancent
loin devant.
Elles n'ont plus rien à
perdre.
Les yeux noircissent
sans maquillage
ni artifices.
Les yeux noircissent
et ils pourraient
assassiner.
Bien sûr,
les joues se creusent
pour laisser Place
au Regard Noir
prodigue.
Les mâchoires
se serrent
à traverser la peau.
Seules ne bougent pas les
oreilles,
qui ne peuvent plus
Entendre.

Elle,
est retombée
au Gouffre.
Il y a quelque temps,
elle a dit :
"Jamais plus je n'éprouverai
cette prison
Aveugle.
Je ne laisserai
Plus
Jamais
Quelqu'un
m'y pousser, jeter ou laisser
Pourrir.
Plus jamais
le Gouffre
et l'être en miettes.
En Miettes !
Entendez-vous ?
Vous les Costauds
aux gros muscles
invisibles !
Vous les Cestpasmafauteàmoi !
Vous qui les mains en l'air
doigts écartés
vous croyez
les Immaculés.
Vous êtes tout aussi
Impuissants
mais vous,
les yeux fermés.

Elle,
imbécile émérite,
laisse se rejouer
le Gouffre
et l'être en miettes.
Elle croit qu'elle
pourra cette fois
remonter
Fière.
Qu'elle comprendra
la remontée
et n'aura
Plus jamais
peur.

Elle,
s'est trompée.

Pas seulement.

Elle,
a une arme
en plus.
Aujourd'hui,
au Gouffre,
l'être n'est pas
Absolument
en miettes.
Elle a les mots
à dire
et à écrire.
Qui permettent
de hurler
du fond
du trou.
Qui permettent
d'attraper
les malins
et les mains
qui écoutent.
Qui permettent,
sans provoquer
ni
menottes
ni
HP,
de haïr
ceux qui
découpent
et charcutent
ses boyaux
palpitants.

Elle,
idiote oui
Impuissante
et aussi
ambitieuse
d'une carrière
d'Humaine
sans vergogne.


lundi 27 juillet 2015

Pica, BOULE A Z

C’est la fille en blouson de cuir. C’est celle qui se rase les tifs, la boule à zéro, complet. Elle a commencé quand elle détestait trop le monde. Elle voulait exhiber le crâne nu, sa laideur et son authenticité. Et puis aussi, elle voulait faire chier. Sa mère, son père, ses profs et les flics qui n’aiment pas les gamines en boule à Z. On en parlé ensemble un jour où je m’étais encore fait arrêtée pour boule à Z. Ils ont dit que c’était les junkies qui ressemblaient à cela et les néo-nazis. Que donc ils étaient prudents. Enfin, c’est un seul qui m’a dit ça. Peut-être que tous les autres s’en foutent d’une fille de bonne famille qui prend l’air d’une asociale.
Elle sait qu’elle fait beaucoup plus d’effet avec les lunettes noires. Pourquoi ? Parce que derrière, elle a les yeux bleus. Les yeux bleus … ? D’amoureux. Et son bazar ne fonctionne plus avec ses grands yeux bleus de princesse aux longs cils. Elle a déjà pensé à mettre des lentilles noires mais le bleu est trop fort. C’est impensable et exaspérant pourtant c’est bien vrai. Cette douceur, cette liquidité qui suinte de là-haut. Tout le reste a beau être dur et froid comme l’acier, il y a ce bleu mièvre et gentil.
On ne peut pas dire que les gens rient quand elle découvre ses yeux. Cela ne fait pas rire en général. Les gens se figent. Parce que bien sûr, et c’est ce qu’elle cherche, voient le crâne chauve et ils pensent à la violence et la maladie, mais ils voient en même temps les satanés yeux bleus de poney trottineur. Les gens ne comprennent pas ce qu’ils sont en train de voir. Cela défie leur logique. Elle le sait. Elle défie la logique. Elle déteste la logique et les résultats sûrs. Elle n’aime que les chiffres à virgule sans fin ni loi. Pi, elle l’aime plus que tout, Pika la fausse junk. En plus, Pi c’est son prénom, c’est le début de ce qu’elle est. Vous rétorquerez que pipi et caca ne sont pas loin non plus. Elle y a déjà pensé et ça la fait bien rire ça. Parce que ses parents l’ont élevée comme l’immense victoire de leur vie, la jolie petite princesse aux yeux bleus. Mais ils l’ont tout de même appelée Pipicaca sans les répétitions. Paradoxal n’est-ce pas ? C’est la base du parent : il est paradoxal. Elle méprisait tout ça avant. Maintenant, elle échafaude des théories. Elle s’amuse avec les infinis et les contradictions.
Bon, elle ne le nie pas, l’avantage des yeux bleus, c’est qu’ils aident à l’embauche. Parce que Pica garde les cheveux ras. Comme sa chienne, elle a le poil ras. Elle n’aime ni les froufrous ni les chichis. Vous vous en seriez douté sans qu’on le précise. Mais elle, elle veut qu’on le dise. Elle aime le noyau dur. Remarquez qu’un jour, une personne qu’elle n’a jamais remerciée mais qu’elle n’a jamais oubliée, lui a dit : « vos yeux sont purs comme la glace. » Elle n’a jamais réussi, du moins pas encore, a prendre en elle cette idée qui lui convient si bien. Mais elle y repense souvent, quand elle se sent chien battu débile. 
Revenons donc à l’embauche. Pica est une énorme fan de BD. Et elle l’a dit depuis qu’elle a eu 4 ans : je vendrai des BD. Pica était précoce. Elle parlait parfaitement à 3 ans. Et elle avait déjà pas mal engrangé de BD justement. Maman a voulu lui faire lire des Martine mais elle s’est vite fait rembarrer. Elle a demandé pourquoi ; Pica lui a répondu : « C’est une conne Martine. Et Martine c’est moche comme une vieille toute ridée… » Elle aurait poursuivi son laïus si sa mère exaspérée ne l’avait pas arrêtée à temps. A temps pour Pica qui n’était pas loin de se prendre une bonne paire de gifles. Elle aurait dit qu’elle n’avait que 3 ans et qu’elle avait toute la vie pur s’emmerder avec le vieux et les nunuches. Sa mère n’aurait pas compris. La vie est parfois bien faite. Elle a été forcée de se taire au bon moment. Parce que, figurez-vous, Maman s’est mise à hurler. Comme un veau. Comme une truie. Une vraie fada. Pica a penché la tête, pour essayer de comprendre d’un autre point de vue ce qui était aussi révoltant dans ce qu’elle avait osé dire. Elle a un peu écarquillé les yeux. Elle ne peut pas plus qu’un peu car elle les a déjà très grands, comme dans les mangas. Et elle, elle n’arrive pas à les faire sortir des orbites pour s’effarer. Bref, Maman, à ce moment-là, a dû avoir un coup de jus. Martine, apparemment, pas touche ! La gamine ne s’est pourtant pas pliée au désir de découverte de notre fameuse Martine par sa fille. La mère savait déjà à quoi s’en tenir mais elle a prévenu le doigt inquisiteur : « Si tu t’avises de redire de telles choses, tu auras des étoiles plein les yeux ! c’est compris ? Et si tu penses ces choses-là, tu les penses, je m’en fous ! Mais ne les dis pas, petite ingrate ! » La mère qui « s’en foutait », c’était l’une des seules fois où elle aurait à entendre ça dans sa bouche. La mère de Pica est quelqu’un de correct. Bien élevée, même dans la colère. En fait, normalement, la colère est même interdite de séjour dans la demeure. Mais bon, quand on touche à des points si sensibles que Martine et ses clébards lèche-cul…
Tout cela pour en revenir à la passion de Pica pour les BD. C’est venu comme ça. Comme quelque chose qui doit arriver. Pica a toujours vécu avec. Elle rêve souvent depuis la tendre enfance, comme on dit (pas comme on vit) qu’elle nage dans une immense piscine de BD. Les coins sont bien rembourrés donc pas de blessures à l’horizon. Et elle peut tout choisir, tout avoir. Elle en rêve régulièrement. Souvent la veille de ses règles. Allez comprendre cette histoire-là ! Elle l’aime pourtant parce qu’elle la trouve saugrenue. D’ailleurs, sur le bord de la piscine de BD, siège en général une grosse grenouille comme un bœuf. Elle est rouge et pustuleuse. Elle est magnifique. D’ailleurs, si elle devait avoir des cheveux, Pica les aurait rouge, acajou, orange, peu importe. Dans le genre. Ca serait sensationnel avec les yeux glacés. Mais elle n’est pas encore prête à se remplumer. On verra quand elle aura l’âge à l’intérieur.
Aujourd’hui, elle travaille dans un joli vieux magasin de BD. Atypique mais pas bobo. Vraiment atypique, pas pratique avec son escalier en colimaçon qui craque, à la limite dangereux. Elle l’a dévalé un jour qu’elle était fiévreuse et toute molle. Elle a failli gueuler tellement elle a eu mal. Mais Pica est une dure. Elle se relève, pas le grand sourire quand même, mais poli malgré tout. Un ou deux jurons marmonnés que personne n’a vraiment entendus. Elle le trouve touchant ce magasin et son propriétaire. Ils sont aussi bizarres l’un que l’autre. Lui a autant de cheveux qu’elle n’en a pas. Quand elle s’est présentée la première fois, il a ri de tout son cœur avant de prononcer un mot ; Il a dit : « C’est sûr, c’est vous que je prends, vous compenserez ma tignasse. Le monde est une question d’équilibres subtiles. Sinon, vous vous y connaissez en BD ? » « Ah ça oui ! incollable ! » A suivi une joute serrée sur la littérature BDtique. De toute façon, le vieux avait décidé que ce serait Pica et personne d’autre. Cela fait plusieurs années qu’elle travaille là. Elle a l’allure des gens qui ne gardent pas leur place quand ils en ont trouvé une même bonne. Mais ça, encore une fois, ce n’est que l’effet boule à Z. Pica a été élevée dans des valeurs de travail et d’honnêteté.
Peut-être que son style qui montre les crocs, elle le cultive aussi pour voir si les gens sont aussi bêtes qu’elle peut le penser parfois. Certains s’arrêtent à ce qu’ils voient, c’est effrayant. Et ils y croient dur comme fer. C’est bien évidemment les gauchos riches qui habitent le 6ème arrondissement de Paris et qui se disent ultra tolérants et ouverts. C’est drôle un moment et puis, on s’en lasse. Ils sont tous pareils. Ils aiment la BD pour faire cool. Mais ils ne vont pas plus loin que Tintin et Boule et Bill. Elle est bien obligée, Pica, de vendre ces BD-là aussi. Elles lui déplaisent profondément mais cela fait partie des contraintes du travail. Qu’elles acceptent, vu tout le reste qu’elle aime tant. Là, c’est le positif dans la vie de Pica, c’est le versant fleuri. Qui sans doute va avec les grands yeux bleus aux longs cils.
            Pica, à vrai dire, elle en a bien bavé. Ces années noires, elle s’imaginait les yeux bleus striés de profondes cicatrices noires et rouges. Elle en était arrivée là. Alors, l’histoire des cheveux, c’est un reste mais c’est un moindre mal par rapport à ce qui a précédé. Sa mère l’a saisi et elle lui caresse tendrement le crâne quand elle la voit. Pica a souvent l’impression que c’est pour réparer quelque chose, pour lui faire du bien c’est certain. Elle ne se laissait pas faire au départ. Elle trouvait cela humiliant. Et puis elle était en rage contre cette mère idiote qui ne comprend rien à rien pas même à ceux qu’elle a mis au monde. On dirait un « T’es brave » pour chienchien à sa mémère. Mais elle a calmé ses ardeurs et elle a bien compris que c’était au contraire une façon pour sa mère d’admettre sa douleur et de mettre le doigt sur la cicatrice, sans peur, sans cette peur de tous les autres qui pensent encore comme au Moyen-Âge que la douleur est contagieuse. En mode Biafine. A laisser absorber jusqu’à ce que la peau soit gavée et ne puisse plus rien aspirer.
            Quoi qu’il en soit, au travail, Pica s’éclate. Elle a trouvé son univers. Elle monte sur des échelles. Elle joue à faire peur à son patron, elle fait tanguer l’échelle déjà craquelante. Ou alors, pour le faire bouger un peu, elle se cache dans les rayonnages. Il y a des recoins formidables dans ce magasin. Il ressemble davantage à une bibliothèque d’ailleurs. L’escalier en colimaçon qui mène à la minuscule réserve où on ne peut même pas se tenir droit revient souvent dans ses rêves. Elle y voit consciemment une métaphore de la vie et des pensées. Sauf qu’il a une fin cet escalier. Il ne mène ni au paradis ni à l’enfer. Il mène au grenier. Et pourquoi on ne trouverait pas la clef du mystère dans le grenier précisément ? On ne cherche pas parce qu’on suit les idées reçues mais en réalité, pourquoi pas ? Sous les moutons de poussière et entre les toiles d’araignée. Sauf que la réserve, qu’il ne faut surtout pas appeler grenier devant M. Cornouc le BDtiste, est l’endroit sans doute le plus hygiénique de tout le bâtiment. Parce qu’un livre ça se respecte ma p’tite dame. Il n’a pas eu à lui faire la leçon trois plombes. Pica est une ordonnée (pratique avec la boule à Z, encore une chose de moins à démêler et ranger). Elle range par catégorie, de la manière la plus intelligente possible, c’est-à-dire dans la plus grande adéquation avec l’environnement et ses objets. Elle ne classera certainement de la même manière les Bd de M. Cornouc, qui sont devenues un peu les siennes, comme elle rangera ses draps.  Chaque univers a son ordre et ses règles à décrypter. Pica aime décrypter le monde, là où personne ne cherche plus rien ou alors là où de grandes théories scientifiques prennent toute la place.
La journée, elle s’affaire. Il y a toujours quelque chose d’intéressant à faire dans cette boutique. Rien que d’y vivre est intéressant en soi. Elle range, comme nous venons de le dire. Elle ordonne, ce qui n’est pas tout à fait même chose. C’est plus conceptuel l’ordonnance. Le rangement plus pratique. Elle lit les nouveautés que M. Cornouc lui intime de découvrir. Ils échangent sur la chose pendant des jours par la suite. Et bien sûr, il y a les clients. Elle ne déteste pas s’en occuper contrairement à ce qu’on pourrait croire. Il y a ceux qui prennent leur temps pour lui dire bonjour, toujours l’apparence incompréhensible qu’elle a pour certains. Il y a ceux qui rient en la voyant et dont le regard dit qu’elle se fond dans le décor. Quelques-uns le disent à voix haute. Il y a les jeunes happés par le monde de la BD qui l’adore dès le seuil franchi. Elle est parfaite pour eux. Ils savent qu’ils peuvent lui faire confiance et lui parler de tout ce qui leur plaît. Les conversations durent parfois et les adolescents boutonneux se livrent. Elle peut ne pas bouger pendant des heures, Pica. Alors ils savent qu’elle les écoute vraiment. Elle n’est pas leur psy non plus, n’exagérons rien. Mais elle les accueille et elle pense qu’elle aussi là pour ça. D’autant plus que M. Cornouc tient comme à la prunelle de ses yeux à cet aspect de leur métier : communiquer, échanger, créer un lien. Car la BD c’est une communauté et il faut la valoriser encore et toujours davantage. Là encore, il n’a pas eu à se battre pour la convaincre. Elle avait déjà cela en tête. Elle est pour toutes les causes perdues, pas parce qu’elles sont perdues. Elle n’est pas masochiste. Pas sur ça en tout cas. Elle aime ce qui ne plaît pas à tout le monde, parce qu’il faut le chercher, le débusquer et que plus c’est inconnu plus c’est riche. Non, pas toujours. Mais elle maintient à qui veut l’entendre qu’elle ne trouvera jamais dans le grand public la tendresse et la violence sublime qu’elle trouve dans l’art ou les gens cachés. Ceux qui brillent tout doucement à leur unique manière.
            En parlant de Pica, il faut parler de tendresse. Nous avons à ce stade en tête une jeune femme lisse, sombre, un peu agressive dans son apparence pour certains. Noire et très blanche. Les yeux glacés, peut-être glaçants. Elle glisse entre les gens et les problèmes. On ne la trouve dans aucune foule ni sur aucune estrade. Et pourtant, Pica est parfois tout près des gens. Elle le frôle pour sentir leur présence, ceux qui l’attire, quand le métro est comble. Elle le fait sans que quiconque s’en aperçoive, presque même pas elle-même. Cela lui vient comme une vague qui la dépasse largement. Il est absolument inenvisageable que la chose se passe à l’initiative d’autrui. C’est elle qui touche. On ne la touche pas. Et pourtant, tout comme les cheveux, arrivera le jour où elle éteindra le feu qui l’encercle et lui brûle les poils crâniens.
            On a dit que Pica était une énorme fan de BD. Mais elle est tout sauf énorme. C’est seulement la fan qui est énorme. C’est idiot à dire mais ça revient là en reparcourant le texte. Il ne faudrait pas se méprendre sur son apparence. Vous avez tous bien vu que l’apparence est importante quand on s’attaque à Pica. Donc je tiens à repréciser cette petite chose-là. Profitons-en pour la décrire sous toutes les coutures. Elle a une chose banale Pica : sa taille. 1 mètre presque 68, comme toutes les jeunes femmes de sa génération. Complètement fondue dans la masse. Mais c’est bien là le seul élément ordinaire. Pour les cheveux, n’y revenons pas, il n’y en a pas. Sauf que, tout de même, Pica a voulu se faire tatouer le crâne. De belles arabesques élégantes et infinies en travers de la tête. Elle n’en a pas perdu l’envie. Mais elle craint le prix qu’elle le paiera. Elle a un bon salaire, là n’est pas la question. Le prix qu’elle paiera dans les pupilles des autres. Elle ne pourrait plus circuler librement, on la montrerait du doigt. Encore davantage. Et pourtant, elle en meurt d’envie. Elle a pensé à un moment à faire ce sacré tatouage et à faire quelque peu repousser les cheveux par-dessus. Peut-être plus tard. Elle n’est pas prête à reprendre du poil. Pas encore.
Les yeux aussi, vous les connaissez déjà. Des yeux de biche peints en bleu. Des yeux de Versaillaise en mocassin. Autant dire que ça surprend, mais vous le savez déjà.
Le reste, eh bien, est fin, parfois presque impalpable. Elle est blanche, un vrai blanc. Pas ces peaux blanches de pacotille à travers desquelles on voit. Blanche comme les os, les dents, les défenses. On dirait une luciole dans la nuit quelquefois. Elle brille.
Tout est subtil et tout a l’air incassable. Il y a quand on l’observe une fragilité inopérante. Elle sait qu’elle fait cet effet-là de fragilité et de puissance dans le même temps. Elle a d’abord trouvé ça stupide et impossible. Et puis, elle a constaté que c’était bien vrai. Certains le lui ont dit après-coup. Ils ont aussi dit que c’était une impression qu’elle donnait même quand on la connaissait bien, même après des années. M. Cornouc, dit qu’elle est comme une héroïne de BD véritable. Il l’a senti au premier coup d’œil qu’elle avait ça dans le sang, dans l’être même. M. Cornouc n’est pas toujours facile à suivre. Cette chose-là, même étrange, il l’a bien expliquée. Et, à vrai dire, Pica, ça l’a bien aidée ce regard-là qu’il lui a dessiné en long en large et en travers. Il en reparle les jours où il est d’humeur romantique. Pas romantique d’amour surtout ! Romantique comme Victor et Lamartine. Romantique qui s’émerveille en toute nostalgie. Pica aime fort M. Cornouc. Pica n’est pas quelqu’un qu’on aime facilement. Elle le sait. Elle y est certainement pour quelque chose. M. Cornouc est absolument authentique avec elle et tout de suite, il l’a serrée très fort dans ses bras. Tout de suite, c’est-à-dire, pas le jour de l’embauche tout de même. Mais ça a paru tout de suite à Pica. Il est le seul à se permettre ces rapprochements de patron protecteur. Sans jamais aucune pitié. Il est beaucoup trop respectueux pour cela. 
Pica, personne ne l’approche au-delà du cercle de feu. Elle a mis en place, invisible à l’œil nu, un cercle. De feu. Elle pourrait un peu être Corto Maltese. Modèle réduit Ce genre de personnage qui n’aime vraiment personne, qui n’aime plus vraiment personne et qui ne compte pas se faire aimer. C’est un peu grandiloquent cette histoire avec Corto Maltese. Mais Pica elle-même n’y a jamais pensé, la comparaison nous appartient. Toujours est-il qu’elle fait partie de ceux qu’on ne touche pas, qu’on ne bouscule pas, aussi parce qu’elle se faufile oui, qu’on n’interroge pas, qu’on regarde se taire. Vous devez vous dire que c’est un vrai bonnet de nuit cette Pica au nom excrémentiel. N’oubliez jamais le crâne tatoué et le cuir déchiré. Au contraire, Pica est une farfelue pleine de rage. Elle contient toute cette colère qui anéantirait son monde si elle lui faisait place. Elle n’a toujours pas trouvé moyen de la faire vivre sans qu’elle devienne une arme de destruction massive. Alors, elle se rase la tête et elle porte du cuir. Elle a des amis qui n’en ont pas. Ceux qui sont fatigants à aimer et qu’elle aime plus que tous, parce qu’ils se décalent. Ils ne sont pas décalés comme on a tendance à le dire. Ils se décalent d’eux-mêmes parce qu’au vu de ce qu’ils sont, c’est pour eux la meilleure manière de vivre. Elle ne leur dit pas qu’elle les aime. La petite dizaine qu’elle voit régulièrement autour de multiples bières. Elle, reste au jus de fraise (pas toujours disponible même dans les bars parisiens, sachez-le !) Elle les appelle, ils rient ensemble. Ce sont plutôt des hommes. Ils ne demandent pas la lune. Ils se contentent d’être ensemble. Elle, Pica, ne peut pas faire beaucoup plus, en tout cas aujourd’hui. Elle croit, comme on a la foi, que tout se déclenchera quand elle sentira qu’elle pourra laisser repousser les cheveux. C’est une pensée très magique et à laquelle elle tient très fort. Elle n’en dit rien, elle est neutre, elle rit, elle s’agace. Rien d’autre. Donc le sexe, elle n’y est pas.
Loin de là. Elle n’y sera peut-être jamais. Elle n’en sait encore rien. Elle a pourtant l’âge de savoir. Mais il en va ainsi. Les uns sont vifs à entendre les raisons de leur corps et cœur, d’autres jamais n’y comprennent rien. Elle n’y comprendra pas jamais rien. Et sur cela M. Cornouc est d’accord. Il est bien trop pudique pour avoir dit les choses ainsi ou directement. Mais il a bien fait comprendre qu’elle n’en était qu’au début et que des tas d’autres choses l’attendaient.
Elle, tout de suite, elle a pensé au mari ou à la conjointe, elle n’est pas sûre sur ce point-là et aux enfants. Et les enfants, elle les repousse à trois cercles de feu plus loin encore que les gens normaux. Elle pourrait devenir toquée. Elle n’en parle jamais et ferme les écoutilles quand il en est question. Autant dire qu’elle ne peut plus avoir une seule conversation fluide avec sa sœur. Non qu’elle ne parle que de cela. Lisa est bien plus intéressante que les ménagères à deux balles. Mais elle les a les marmots. Alors bien entendu, à un moment ou à un autre, arrive l’évocation des enfants. Bref, une phobie pas comme les autres. Et surtout inavouable sous peine de passer pour un monstre sans cœur. Ce qui irait avec son apparence un peu morbide. Mais ce n’est pas de la provocation, c’est un véritable dégoût. Une angoisse immense. Une phobie, que dire de plus ?
            Pica n’est sûrement pas comme ses parents et sa sœur voudraient qu’elle soit. Elle n’est comme personne. Ils se moquent un peu d’elle. Elle trouvait très injuste avant. Aujourd’hui, elle se dit que c’est mieux que de se faire renier. Et puis, elle se dit surtout que ce sont eux aussi qui l’ont façonnée comme ça. Un être hybride mi-punk mi-bourge, aux yeux bleus de gazelle bien élevée et à la tête rasée.
Et Pica avancera.

mercredi 22 juillet 2015

Animal du futur

C’est l’animal du futur. Le régénéré.
Bien sûr il tient en premier lieu du lézard pour pouvoir faire repousser ses membres. Mais s’il est du futur, il est aussi de toutes les couleurs. Vous pensez au caméléon bien entendu. Oh que non ! Il ne s’agit pas de cette famille-là. Le régénéré ne s’adapte pas à son environnement. Il entraîne son environnement derrière lui. Il tire tout son univers sur sa trace. L’animal du futur est l’animal créateur. Il n’a rien d’un dieu. Il n’a rien de Dieu. Tout dépend de quel bord on est pour parler de ces choses-là. Mais, en tout cas, il est un créateur. Ils sont toutes une palanquée et ils traînant chacun leur monde à leur suite, comme le paon et sa queue. Parfois les différents mondes se font le spectacle les uns aux autres. C’est dans l’arène du Creux des Cieux. Régulièrement, selon un calendrier du futur que nous ne sommes aujourd’hui pas à même d’entendre ni même de concevoir. Je vous en passe donc les règles imbuvables. Bref, lors de ces spectacles oui les animaux futureux font la roue et brandissent leurs plumes et toutes leurs richesses. Chaque paon a sa roue. Chaque monde à sa couleur. Ce qui n’implique pas que chacun garde à chaque festival sa même couleur. La définition de chaque monde est inhérente et se détermine par ultrasons. Vous me direz que les humains sont morts et enterrés si l’être inhérent des mondes du futur est un élément que l’homme ne peut percevoir. Non, je ne vous dirais pas cela puisque c’est une fausse allégation. Je ne peux être sûre de mon affirmation mais je suppute que le régénéré sera le successeur de l’homme et qu’il en tiendra de ses grandes qualités. Philosophie et liberté.

Mais revenons à l’animal. Le cœur des mondes. Il tient du lézard mais n’en est pas un non plus. Il est bien plus à la pointe. Bien moins reptilien. Et préhistorique. C’est le leader du vivant. Il tient donc du lézard en moins rampant et moins calleux. Il y a les yeux qui en disent long. Les yeux, on ne sait pas trop, vides ou trop pleins. Qui voient derrière, l’inaccessible. Vitreux mais de quoi ? Du futur sans doute. Ou du passé peut-être. Et dire qu’on a tant négligé le lézard…
Il tient aussi de la belette. Cette agilité et cette élégance. Mais une belette améliorée, avec des crocs de canidés.
Quand il sourit, on n’y voit que du feu. C’est qu’il faut qu’il soulève les babines pour dévoiler son agressivité. Tout est sous contrôle.
Les babines de quoi de qui ? me demanderez-vous. Je serais dans l’embarras pour vous répondre. Davantage celle s du loup que celles du singe. Il a déjà l’homme en lui l’animal ! Il n’a pas le singe en plus. Double emploi absurde !
Pour voler, il est muni d’ailes d’albatros. Pas à cause de Baudelaire, ça c’est notre petite conviction d’aujourd’hui. Mais parce que l’albatros est blanc de base et le blanc se modifie plus facilement, tout comme le loup sibérien et la belette. Le lézard reste un mystère. Mais aujourd’hui déjà, on peut bien entendre combien le lézard est insondable : il vit depuis la nuit des temps sans presque aucun changement. Alors, je suppute encore une fois que le bout de lézard qui compose cet animal sera aussi albinos que les autres.

En fait, il n’a ni pelage ni ramage. On a déjà dit qu’il n’était pas d’écailles. Il est fait d’une texture moderne, ultra moderne, sophistiquée : lisse et râpeuse à la fois pour protéger l’être à l’intérieur, tout en reflets soyeux voire moirés, douce au toucher. Je dois le dire puisque j’y pense depuis que je vous parle de ce régénéré : une douceur de mouffette. Celle de Bambi. Sans l’odeur, en tout cas hors exception. Bref, nous ne sommes pas encore à l’odeur qui est un bien vaste sujet chez l’animal. Je dois le dire, c’est une texture que je pourrais vous décrire sur des milliers de lignes, elle est inimaginable. C’est l’enveloppe parfaite qui protège et attire. Certainement pas du plastique ! Attention aux sacrilèges qui penseraient à cela ! Le plastique c’est formidable, on peut faire avec, tintin oui ! C’est laid, ça pue quand ça brûle et ça vieillit mal. Ce n’est certainement pas cela le futur enfin ! Un peu de dignité !
Donc, faisons un résumé de ses attributs :
·        le régénéré peut faire repousser n’importe quel élément de son corps en une nuit au plus. Si on lui arrache le cœur, l’opération lui sera moins aisée. S’il ne s’agit que d’une patte, on n’y verra plus goutte au milieu de la lune. Si c’est le tour d’une aile, elle sera pimpante au lever suivant du soleil.
·        il est, de nature mais invisible à l’œil nu, blanc comme neige et albâtre. Ses couleurs se meuvent au gré des humeurs et de son monde à la queue leu leu. Elles donnent le ton et la technique de décryptage est finalement assez naturelle.
·        il est enveloppé d’une peau idéale.
·        Eh oui ! oublié cet élément essentiel ! Il est chaud, toujours chaud, à température tempéré. Jamais il ne grelotte, jamais il ne transpire. Un surhomme me direz-vous ! mais non Bon Dieu ! Vous ne comprenez donc rien ! Je vous parle de l’animal du futur. L’ANIMAL.
Ah bon ! Parce que vous croyez, vous, qu’un animal ne pourra pas surpasser un homme ? Eh bien dès maintenant, allez voir chez les rats si j’y suis. Non mais, ces sceptiques antivitaux ! Ils sont insupportables.
C’est dans l’ordre des choses ? N’allez-vous pas bientôt me parler du Dieu créateur en 7 jours et miséricordieux ? Il ne s’agit pas de foi ici mais…
… !!!!
Eh bien pourtant si c’est de cela qu’il s’agit ! Pourquoi l’animal ne serait-il pas l’avenir du monde ? Je ne dis pas l’avenir de l’homme, notez-bien, l’homme n’est qu’un passage parmi tant d’autres. Soyez humbles messieurs dames sans majuscules et prosternez-vous si un jour vous croisez dans vos rêves ou prémonitions le régénéré. Il sera le bienfaiteur des mondes. Il décuplera les possibles et tout ce dont nous avons rêvé depuis que nous existons sera envisageable.
……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….. pffff
Non certainement pas messieurs dames et débiles profonds que vous êtes, je ne suis pas un dictateur ni un gourou schizophrène. Je vous parle de votre avenir, de ce qui arrivera. Je suis un scientifique ! je suis un chercheur ! Et pour répondre à ce gros monsieur bien enfoncé dans son énorme fauteuil, non je n’aime pas la science-fiction. Je ne lis pas de romans. Je ne lis que les chiffres et les organes. Vous faudrait-il donc un prophète pour que vous compreniez. Vous êtes un peuple de foi. Laissez-là vos croyances et balivernes réconfortantes. Le régénéré nous succèdera et fera de cet endroit des mondes magnifiques. Parce qu’il aura appris de vos bêtises et cécités !
Je suis un homme comme un autre qui croit en Dieu. Mais je sais que j’y crois parce que cela m’accroche à l’envie de vivre. Je sais qu’il est faux et que les Rats de laboratoire m’en apprendront bien davantage.
Je ne vous insulte oui mais non sans raison. Je vous insulte de déception. Vous, les hommes et femmes les plus doués de cette planète aujourd’hui, vous restez des êtres archaïques accrochés à leurs sentiment de supériorité. Le jour où vous vous sentirez crever, comme un Rat d’égout, vous repenserez à moi et votre esprit enfin peut-être s’ouvrira. Trop tard. Votre bouche d’agonisant fera OOOOOOh ! Trop tard.
Vous riez ? Tous vous riez ? Rendez-vous au cimetière messieurs dames et l’on verra qui de nous était le plus fou.

lundi 20 juillet 2015

Poubelles magiques

J’écris toutes les
directions,
toutes les
trajectoires.
Tous les
pOssiBlesssss
que j’aimerais essayer.
Les milliers.
Déjà rien que ceux qui me
chatouillent
Et tous les autres que je ne sais pas
im
a
gi
ner.

J’écris toute la
palette
pour ne plus écouter le réel qui
manque.
Choisir et faire deuil.
S’engager et renoncer.
Un choix au lieu des dix milliards de possibles.
Travail famille patrie.
Bien sûr que j’aime
plus que
tout
dans
la nature l’arc-en-ciel.
On y trouve l’entier.
La formidable poubelle des couleurs.
On n’a plus rien à
chercher,
peut-être,
plus rien à
désirer. Je suis comblée face à l’arc-en-ciel.
Il est lui-même issu de deux possibles
contradictoires :
la pluie et le soleil.
Il nargue bien
les réalistes,
les décidés.
C’est l’étendard des
douteux.
« Oh moi ! (les mains grandes ouvertes inoffensives, je ne me prononce pas. Non que je sois un lâche mais tout est vrai et possible d’un certain point de vue. »
Le plus troublant,
même pour les plus douteux,
reste le double
ou triple arc-en-ciel.
Les arcs-en-cieux.
Alors je me dis
et ne suis sans doute pas la seule,
que le tout-possible-arc-en-ciel
lui-même !
se démultiplie
et
se
déplie.
mais j’ai, nous avons donc
bel et bien raison de
balancer,
tournicoter
et choisir
toujours malgré nous..
Nous sommes les réalistes.
Non pas bien sûr les
concrets Vlan !
Mais oui les réalistes.

J’écris de toutes les
couleurs,
tous les mots,
toutes les combinaisons
qui s’offrent à moi.
La mort en rose
et le mariage vert pomme.

J’écris et j’explore,
du moins, j’ouvre la porte de
toput
ce qui pourrait et
aurait
pu.
Sans aller jusqu’au bout,
je ne dispose que d’une
vie.
Mon cerveau et mes muscles
réclament,
de plus,
le dodo quotidien.
Que c’est agaçant cette nécessité
d’immobilité
et d’apaisement.
Tous les jours que
Dieu
lui-même
fait.
Remarquez que le rêve est une formidable poubelle magique,
lui aussi.
Au contraire !
quel gain de temps si je pouvais me rappeler
toutes ces
incongruités potentielles !
Mais la vie est une !!
Elle ne me ne nous
laisse pas nous saisir de
ce trésor.
je n’ai que le droit d’en connaître
l’existence
et d’en
ex
tir
per
précieusement
quelques
bribes.
A moi d’en faire mon miel.

Alors,
tous les êtres
que je vois,
sens,
entends,
suis,
je les dessine à la lettre.
Je construis
les arcs-en-cieux
des êtres
et du monde,
de moi-même bien sûr.
Nous,
douteux narcissiques,
restons,
avouons-le,
fascinés de

lundi 13 juillet 2015

Lili, MANEGE

            Lili traîne des pieds. Elle est restée chez elle tout le dimanche. Toute la vie, elle a le sentiment d’être restée chez elle. Engoncée dans une pièce puis un studio. Claquemurée ? Plus maintenant. Avant sans doute. Claquemurée dans une cage puante dévalant le canyon plusieurs fois par jour, jetée dans le vide sans pouvoir s’attraper.
Lili tourne en rond. Lili, Lily, Lila, Lilo, Lilou, on prend les mêmes et on recommence.
            Lili a l’air bête. Un peu bovine. Le sourire niais et le dos rond. Elle réfléchit, elle essaye bien. Ca tournicote ans résultat. Voilà ce que Lili pense et repense en traînant des pieds sur tout le tour de son logis. Lili aime les vieux mots un peu désuets. « Logis » par exemple oui. Elle aime les vieux mots bien confortables. Absolument légitimes et en même temps rigolos. Elle rit seule en général. Elle prête bien attention à les protéger. Elle range les livres quand vient du monde. Elle ne les prononce qu’avec ses vrais pairs.
Lili fait des tours de manège dans la modeste carriole que personne ne regarde. Elle est au-dessous des regards et c’est ça qui lui va. Elle est tranquille, suspendue à et par rien. Elle ne doit rien. Elle est au point mort. Mais bien vivante. En tout cas pour elle-même.
Le manège de Lili n’est pas enchanté. Elle n’aime pas tout ce qui émerveille. Dans le manège, elle aime les cycles et recycles. Elle se berce. Elle peut en rester là. On n’exige pas. Ni elle ni d’autres. Elle peut rester chez elle. Traînant des pieds, sans aucun mal. Sans aucun bien non plus, elle en convient.
En vrai, Lili est déjà sortie de chez elle. Elle n’est pas folle quand même. Elle sort tous les jours de chez elle. Elle travaille. Elle fait comme les autres. Elle y parvient. Elle donne le change. Elle aime ça parfois. Mais elle balance les jambes en rythme et pense bien au manège. Surtout quand elle s’ennuie. Aussi quand elle n’aime pas les gens ou qu’elle leur cracherait bien dessus. Et qu’elle se tait. Toujours quand elle se tait. Elle a un peu envie au moins d’un petit regard furtif sous la surface des autres. Le manège sous les grands chevaux n’est pas toute sa vie. Mais il faut bien le dire, ça sent le renfermé chez Lili. Attention, elle se lave. Et très correctement et très régulièrement. Ca n’a rien à voir.
Lili n’a aucun souvenir de manège. Elle sait qu’elle s’y rendait petite. Elle tournait le petit volant de la petite voiture, déjà. Elle ne se battait pas pour sa place. Jamais puisqu’elle se fichait éperdument du grand cheval blanc qui faisait se battre et pleurer ses congénères. Elle prenait une place toujours vacante. Un combat de moins pour la journée.
Elle n’est pas vraiment grise. On pourrait bien le croire au vu des lignes ci-dessus. Lili pétille pas mal. Elle-même n’y comprend pas grand-chose. La nature contrarie. Elle devrait être mate. Sans éclat. Et pourtant non ! Elle n’est pas si ingrate. Lili pense que les gens sont déçus quand il s’avère qu’elle aime les vieilleries et les tours sur elle-même. Elle en jette de prime abord. Mais vite vite, elle est moins drôle. Comme on l’a dit tout à l’heure. Comme une belle vache, une belle vache ! La vache ! Un beau poil. De belles couleurs. Un regard doux. Et puis, vite vite, elle ennuie le public.
Ce sont les gris, eux qui l’aiment bien. Elle est un bien joli miroir. Elle est des leurs. Mais en plus classe. Elle est le cul entre deux chaises. Une espèce d’hybride inclassable. Tout le monde ou personne ne s’y retrouve.
Lili ne sait pas qui elle est. C’est pour ça qu’elle aime tant les manèges. Elle tourne en rond et s’y retrouve. Au moins celle d’il y a quelques minutes. Dans un manège, on est plus sûr de qui on est. Elle n’explique rien aux gens. Elle passerait pour une toquée. Et cela briserait tous ses efforts de bonne figure. C’est ça qui lui casserait le cœur. Encore bien plus que d’être cataloguée. Elle ne sait pas qui elle est mais elle sait déjà qu’elle ne tient pas sérieusement la route. Bien sûr qu’elle préfère qu’on la croit juste barbante. Mais c’est encore pire tous ces efforts pour qu’on n’y croit pas. Bref, elle s’embrouille à savoir si elle est ennuyeuse ou anormale. Pas folle. Pas comme tout le monde. Mais pas folle. Mais dans quel groupe ? Ce que la vie est compliquée ! Elle enfourche la petite carriole du manège pour arrêter de chercher sa catégorie.
Souvent, elle finit par se dire que personne n’est comme l’autre. Que chacun a sa route et son manège ou son grand huit. Que chacun vit une vie que personne ne saisit.
Il y a ceux qui croient dur comme fer qu’ils ont bien compris le schmilblick. Ce sont les assurés. Ils doutent peu, très peu. Juste ce qu’il faut pour bien vivre. Quelle attraction pour eux ? Tapis volant sans doute. Les pieds jamais vraiment sur terre mais ils touchent les étoiles au moins. Elle aimerait mieux ne pas être aussi près du sol, Lili. Mais c’est ainsi. Il en faut des assureurs du dessous, invisibles mais indispensables. Comme les seconds violons et deuxièmes voix. Tous les premiers de classe perdent leur charme sans l’arrière-scène.
Lili traîne des pieds. Bien sûr ! Puisque elle est au tapis. Il faut très peu qu’elle se décolle. Elle est de ces femmes-là. Il y a des hommes aussi. Moins que des femmes. Ils préfèrent les héros. Pour montrer leur quéquette et comparer. Le concours de quéquettes. Aussi longtemps qu’il y aura des hommes. C’est toujours un mystère pour elle ces ambitions-là.
Lili aime les secondes voix. Même les troisièmes et plus loin encore. Plus avant, plus profond. Les basses et les contrebasses. Les indiscernables sans lesquelles tout le monde faillirait. Lili les admire. Elle voudrait en être. Elle s’y fond parfois. Mais elle les admire trop pour en faire partie. Pour admettre qu’elle en fait partie. Parce qu’entre nous, elle en fait bien partie. Elle est une solide voix du fond, de celles qui plient mais ne rompent pas.
Lili ne sera jamais dans la lumière. Ou alors quelle surprise. Elle ne sera ni soprano ni soliste, encore moins chef de chœur. Elle rit même à la simple idée d’être dos au public et de porter cette foule. Elle ne doit jamais être dos au monde. Pas par délicatesse. Mais pour ne pas prendre le couteau dans le dos. Elle reste près du mur, ou dans un coin, personne derrière, tous à sa vue. Dans une église de préférence. Protégée par le sacré et l’encens. Elle aime cette odeur qui étourdit. Ca ne veut pas dire qu’elle ne paraît rien ou qu’elle n’est personne. Lili, même si c’est dur, veut être quelqu’un dans le coin tout au fond. Elle se décourage souvent. Elle ne choisit pas la solution la plus facile, c’est bien normal.
En fait, le vrai problème avec Lili, elle se le dit dans la glace le matin. Pas toujours, souvent seulement. C’est qu’elle veut le beurre et l’argent du beurre. Ne prendre aucun risque et être quelqu’un qu’on reconnaît. Ne prendre aucun risque, c’est ainsi depuis le début de la vie. Elle ne peut pas puisque la mort guette. Bien sûr que c’est irrationnel mais l’idée continue de courir dans la tête, comme une tarée incontrôlable. Bref, elle n’a pas tellement le choix mais l’ambition tout de même. Le mieux serait de se contenter d’une place sans éclat et d’y trouver son compte. Mais Lili est plus compliquée que cela.
Un peu comme une voiture grise métallisée. Grise qui brille. Un énorme paradoxe. Un gris poussière qui pétille quand on y regarde de près.
Lili serait une femme qui flaire les sols. Elle ne craint pas de se mettre à plat ventre, de ramper si nécessaire. De fourrer les narines partout où il faudra pour entendre les chants du monde. Parce que ceux qui lèvent le nez et ouvrent leurs mirettes vers les cieux et les anges aux paroles d’or ont loupé la sortie. Ce n’est pas là qu’ils attraperont quoi que ce soit. C’est au fond du trou qu’on attrape les rêves et surtout leurs odeurs et leurs sons. Mais quand on fait des concours de quéquettes, on ambitionne tête en l’air. On se trompe gros comme un éléphant. Les vérités viennent d’en bas. On parle de la bouche des enfants. C’est une manière de dire que les vérités se logent là où on ne les attend pas. Lili a beau avoir l’air bovine, elle se sait détentrice de cette science-là. Juste un tout petit alinéa. Mais sans lequel tout le livre n’existe pas. La condition sine qua non de la suite des vérités. Il y a tous les livres, les neufs, les clinquants, les tape-à-l’œil. Ils sont parfois formidables. En aucun cas, Lili n’en espère rien de plus que de l’agrément. Elle ne peut qu’être bien surprise, alors. N’oubliez pas, ce sont les vieux mots qu’elle aime. Ce sont les vieux qui ont prouvé leur légitimité, qui n’en font jamais trop. Qui ne quittent pas l’uniforme. Derrière lequel il faut creuser. Toujours par en-dessous. C’est barbant par moments. Il n’y a pas à tortiller là-dessus. C’est évident. Il est rasant de toujours devoir trouver la clef derrière une apparence parfaitement banale. Et si l’on se fiait à ses pairs ? Lili n’est pas une fille qui fait confiance. Elle teste sous toutes les coutures avant d’entendre un conseil ou une vérité d’un congénère. Auparavant, elle était même catégorique sur le sujet : seuls les livres m’apprendront quoi que ce soit. Les autres ne sont faits que de poudre d’escampette. Et puis, elle a fini par en entendre un ou deux qui avaient conseillé un livre où elle trouverait, d’après eux, de quoi flairer un nouveau son. Elle continue de ne croire que ceux qui restent tranquilles. Les autres lui font peur et ne lui inspirent que méfiance. Bien entendu qu’elle ne s’amuse pas dans la vie. Son manège et tours de flair au sol ne sont pas faits pour cela. Ce sont des tours qui descendent toujours plus profond au cœur.
Lili ne sait pas s’amuser. Elle ne veut pas d’ailleurs. Elle ne traîne plus des pieds pour aller s’amuser. Elle plante les talons et s’engluent au plancher. On ne peut plus la déplacer. Elle qui semble si impuissante, avec son air de gentil mammifère découillu. On s’aperçoit alors qu’elle en a sous le pied qu’on ne soupçonnait pas. Elle, Lili, ça ne la fait pas rire ces moments-là. Elle a peur. C’est la peur qui lui donne des forces. La peur rend courageux. Elle n’est jamais plus hardie que quand elle est morte de peur. Tout se renverse alors et les repères se troublent. Elle ne sait plus si elle est terriblement lâche ou foutrement remontée. Elle suit l’impulsion de fierté. Ce n’est pas l’habitude mais en période de crise, il faut bien des moyens d’exception.
Revenons donc à nos moutons, Lili ne sait ni ne veut s’amuser. Elle n’est pas intéressée. Elle le dit comme tel alors les gens croient souvent que c’est parce qu’elle n’ose pas. Mais non ! elle le redit, elle s’en tamponne de s’amuser. Cela ne la rendra pas plus riche demain. Elle veut apprendre quelque chose, toutes les minutes qui passent, elle veut apprendre davantage, encore, au moins une belle chose même toute petite par jour. Elle ne veut pas perdre son temps, aucun temps. Elle voudrait bien même ne pas dormir. Toutes ces longues heures perdues à ronfler. Mais il en va ainsi. Elle aimerait comme certains être capable de dormir 4h par nuit. Mais non ! Madame a besoin de 9h chaque jour. Elle s’agace mais se soumet à l’implacable volonté de son corps. Elle en veut aux parents de l’avoir faite si fragile. Et puis, elle se résout à gagner son temps à apprendre un nouveau vieux mot plutôt que de se lamenter et ruminer comme une véritable bovine. Se plaindre c’est autant de temps de perdu. Elle n’est pas aussi allumée en comptage de minutes que sa voisine Tictac. Mais elle ne veut pas que la vie ne serve à rien.
On lui a déjà dit que dormir comme s’amuser, c’est utile, qu’elle peut en tirer le bénéfice d’apprendre encore mieux. A vrai dire, elle trouve ceux-là bien optimistes. Parce que parfois on passe bien du bon temps et on se repose, et c’est bien pire après. Pour repartir et retrouver le rythme optimal, ramez rameurs, et on fait du sur place. Autant ne pas s’arrêter, jamais, rester sur le fil. Pour remonter la pente, une fois qu’on s’est couché au flanc bas, la douleur est trop amère.
C’est pour cela, on en revient au manège. Cela peut paraître idiot. Mais le manège donne le ton et on avance, on avance, on peut accélérer et s’installer dans un ronron qui fait qu’on rouvre les yeux et reprend les repères sans faramineux efforts, ceux dont on ne se remet jamais vraiment.
C’est aussi pour cette raison que Lili se protège, désormais. Elle en a fait des faramineux efforts qui l’ont asséchée pour des années. Elle n’avait plus un grain de sel dans les mains. Que la peau et les os. Elle avait tout donné et personne ne l’avait vue s’effondrer. C’est aussi que Lili était jeune à l’époque. Elle ne savait pas encore que l’on peut se garder son sel et son sucre à soi en-dedans. Alors, aujourd’hui, elle est sans doute trop protectionniste. Mais c’est la mode aujourd’hui.
Lili a le cul entre deux chaises. Deux si ce n’est davantage d’ailleurs. Si elle écoutait l’une de ses nombreuses voix intérieures, elle s’armerait jusqu’aux dents et elle menacerait le premier qui approche sans prouver sa parfaite bienveillance. Parfaite. Pas moins. Elle n’aurait pas d’amis, ni de voisins d’ailleurs. Elle refuserait un logement collé à un autre. Elle aurait sa tente seule au milieu d’un désert. Elle accepterait oui les animaux. Pas tous. Les domestiqués depuis des millénaires et prêts à consoler. Parce que le jeu d’avoir des mygales et des cobras chez soi ne l’amuse pas. Pas plus que ceux qui font rire tout le monde.
Lili rit. Assez souvent finalement. Elle rit seule ou dans ses rêves. Elle se réveille en riant, toutes les semaines. Pas tous les jours. Elle rit quand elle lit. C’est là qu’elle rit le plus souvent.
Et attention à ne pas confondre, terrible erreur !, rire et sourire. On peut sourire et rire doucement, mi-rire, faussement. C’est d’une facilité enfantine. Ca permet d’être tranquille. On cesse de sourire quand on veut être définitivement seul. C’est un code inconscient. Les autres le connaissent même s’ils n’en disent rien. Toujours est-il que Lili sourit un peu à tort et à travers, elle l’admet elle-même. C’est sans doute cela qui fait qu’ils la trouvent pétilleuse. Il y a aussi cette histoire d’il y a quelques lignes, là, de ne pas s’arrêter, quoi qu’il arrive. De ne pas s’endormir. Donc toujours là donc plus vivante en apparence.
Lili rit quand elle lit. Ce sont les mots morts sur une page qu’elle fait danser elle-même, même si elle préfère croire qu’ils danseraient sans elle. C’est trop triste d’être à l’origine de tout ce qui la ferait rire. Il faut que les mots soient libres. Ils la font rire, brutalement. Elle s’y surprend elle-même. Ce qui aujourd’hui n’arrive plus jamais. Face au livre, elle le peut, elle ne le craint pas. Elle ne paiera pas sa spontanéité, en aucune manière. Les vieux mots la chatouillent et les incongruités font des tours. Ce qu’elle aime par-dessus tout, ce sont les vieux mots glissés dans une jeune phrase. Elle s’en taperait le cul par terre. Non bien entendu parce qu’elle est civilisée mais elle s’en taperait si elle voulait.
Et puis surtout, elle rit des jeux du corps. Là encore, chose étrangère puisqu’elle serpente entre les vies de ses congénères. Elle disparaît. Elle pétille rapidement. Puis s’évanouit. Fugueuse. Elle traîne des pieds, elle est de guingois. Jamais elle ne jouera de son corps. Mais voir ceux qui en sont capables, ceux qui savent faire parler chaque membre et l’animer, découper le corps en 1000 êtres puis le reconstruire en un en une seconde, entier et profond. Elle si stricte sur la maîtrise de soi pourrait en baver d’admiration. Les uniques moments où elle desserre les poings, où le manège stoppe sans crier gare, comme s’il était pris d’AVC. Elle s’interdit. Elle perd les mots, même ses préférés. Elle s’en veut après coup. Elle ne peut pas s’empêcher de s’en vouloir. C’est idiot. C’est méchant.
Elle ferme très fort la bouche alors car elle se sent jalouse. La jalousie n’est pas un joli sentiment et elle le ressent tellement fort qu’elle aimerait hurler à Dieu que c’est un putain de salopard. Depuis qu’elle s’est retrouvée sèche, Lili a ce sentiment d’injustice. Vite qui plonge sur elle en tornade. Elle reste impassible. C’est encore une fois ce qu’elle fait croire. Mais ce que c’est violent !
Lili était l’enfant compliquée. La sœur de son frère et la fille de son père. Elle aurait aimé être quelqu’un d’autre. Déjà petite, elle était ballottée de l’intérieur avec un air paisible de petite fille pas très finaude. On a toujours dit que tout allait bien. Elle la première. Elle ne savait absolument rien dire sauf ce qui était poli et déjà expérimenté. Elle n’avait pas les mots. Ils étaient encore chez les grands. Elle n’était pas encore une grande. Il paraît que oui elle nageait déjà dans les mots. Mais elle n’a eu l’impression de les saisir qu’en les composant à sa guise. Bien longtemps après la parlotte et le barbouillage.
Elle aurait aimé être gymnaste, sportive, plus forte que les garçons qui se vantent. Elle aurait aimé défendre son sexe faible aux yeux du monde. Elle ne l’a jamais dit. Peut-être qu’elle pressentait que les vieux mots seraient planche de salut. Et absolument rien d’autre. Ou alors elle a raté sa vocation. Ou alors elle a lu dans les yeux des adultes qu’elle ne pourrait jamais. Enfant, elle a compris des tas de choses dans les yeux des adultes qui se sont avérés exactement faux. L’opposé parfait de leurs véritables sentiments. Pauvre petite enfant malheureuse.
C’est bien cela le problème avec Lili. C’est qu’elle est tiraillée. Et devinez ce qui arrête cela ? Le manège bien sûr. Le seul remède.
Lili et son manège de fausse fille.
Justement, elle refusait les manèges jusqu’à ne plus en avoir l’âge. Elle a commencé à les aimer sur le tard. Petite, tout était à l’envers chez elle. Elle aurait fait du sport aussi pour devenir un garçon. Pas seulement pour montrer. Pour être l’un des leurs. Pour renverser la vapeur. Pour, sans doute, avoir enfin un sentiment de justice. Lili est pourtant d’une époque « civilisée », mais elle sentait déjà qu’être femme est une tare. Elle en a voulu à sa mère. A son père encore plus. Qui lui, l’homme, trouvait formidable pour elle d’être une femme. L’ignorant.
Celui qui croit qu’il vaut mieux ne pas en avoir.
Celui qui dit qu’une femme c’est beau.
L’esthétique du manque.
On se fiche du monde, vraiment. Lili sourit amèrement quand elle entend des choses comme ça.
            En manège, elle redevient asexuée ou hermaphrodite. Mais bel hermaphrodite ! Quel drôle de mot. On ne peut jamais ou presque l’utiliser. Elle aimerait pourtant. Comme tant d’autres.
               Lili n’a pas de regrets véritables. Elle a la nostalgie de ce qui ne pourra jamais être. Parce que si elle y pense, c’est que cela existe quelque part. Elle ne refera pas la théorie de Descartes mais elle y pense tout de même.
Quant à Dieu, puisqu’on y vient avec Descartes, elle sait quoi en penser mais cela évolue avec l’âge. Il prend d’autres formes dans son esprit. Il reste là en tout cas. Aussi parce qu’il la lie aux vieux livres et aux vieux mots. C’est un vieux de vieux. Et, nous l’avons déjà dit,  Lili aime ce qui traîne des décennies. Qui devient décalé et qui peut la faire rire aux éclats. Elle, qui éclate peu.