mardi 30 avril 2013

L’écriture ou la vie de Jorge SEMPRUN


L’écriture ou la vie

Jorge SEMPRUN

            Cela devait être L’écriture ou la mort, et voilà que la mort devient vie.  J’ai mis du temps à comprendre ce qui différenciait ce texte d’un témoignage et d’une réflexion sur l’expérience de mort des camps de concentration. La mort sonne et cingle à tous les coins de page dans son ineffable cruauté.
La mort, la mort, la mort…

Et puis advient l’après-guerre et la vie retrouvée, trouvée, rêvée. On ne sait pas, il ne sait pas non plus et c’est dans cette angoisse existentielle qui l’étreint que Jorge Semprun nous conduit et nous pousse à penser ce qui nous paraît le plus évident. Comme il le dit si bien, il ne s’agit pas d’avoir vécu la mort de Buchenwald et Auschwitz pour ressentir le doute qui fit sombrer Primo Levi et tant d’autres dans le désespoir ; ce qui est narré ici nous est commun à tous, qu’on puisse, sache ou veuille le ressentir, l’exprimer et le partager ou non. Mais ce fantasme, ce cauchemar duquel je suis si heureuse de me réveiller, il l’a traversé avec son corps véritable, avec sa consciente humanité et il nous retranscrit l’indicible de sa concrétude. Et la folie  et l’errance qui guettent. Ou l’oubli qui oblige. Puis l’écriture qui surgit. Et à la fin de l’ouvrage, plusieurs pages teintées d’humour et de dérision, mettant le lecteur en demeure de se regarder en tant que tel et de ne pas omettre la facticité incontournable du dialogue du narrateur avec son lecteur.

Semprun n’est pas seul dans son récit, tant s’en faut. Il s’entoure de personnages poétiques mais bien présents, symboliques mais proches. Ceux dont il parle ont l’étoffe de la réalité et suscite l’intense émotion du poème. Ils sont aussi différents que peuvent l’être nos amis et famille et Semprun leur montre un respect certain en ne faisant jamais d’eux des êtres simples même s’ils peuvent se montrer légers. On pressent au detour ‘un portrait un hommage rendu, à peine voilés mais toujours pudiques, l’importance essentielle d’une relation même apparemment éphémère dans la construction d’une vie.
Mais il s’entoure aussi de ses livres, de ses poèmes et de ses auteurs de tous les temps, de toutes les langues, dans leur langue. Les textes ne sont pas toujours traduits et l’on se retrouve, qui ignorants de l’allemand, qui ignorants de l’espagnol à réciter tout haut un poème peut-être d’autant plus poétique qu’il est indéchiffrable.  Nombres de morceaux choisis s’égrènent au long du récit, repartent et reviennent comme des refrains qui ont marqué une vie, qui lui ont donné sens à un moment où le réel evident en manquait. Ils se fondent dans la trame pour finalement recréer l’univers d’un homme, du moins pour partie sans doute.

Jorge Semprun se tient debout et nous sourit doucement sans trop s’approcher ; ses amis, ses connaissances, ses rencontres l’encadrent, plus ou moins proches de lui, plus ou moins bien organisés, formant au final une arabesque imprévue gracieuse et indémêlable ; le tout sur un lit de livres colorés et vibrants.



mercredi 10 avril 2013


M'enfuir tout loin d'ici, me hisser aux étoiles et m'asseoir avec elles et converser du monde. Leur bienveillance me sourit et je retombe en moi-même. Enluminée, je ressuscite et me déroule, moi qui m'étais emberlifiée en escargot.

M'enfuir tout loin d'ici, aplanétir dans le cosmos. Un nouveau monde, tête a l'envers. "rOJRUOBN eMDAOLISLE." Et je réponds fluent et zen en levant haut la jambe, "rITSREM"... Déprisonnée, déligotée, je parle et parle et parle encore. Les pieds en l'air, je reprends vie. Tailleurs flottants, en cercle parfait, nous devisons. Et pour un an, je suis élue pour drôlerie pédestre à la tête de mon peuple.

M'enfuir tout loin d'ici, au fond des mers, derrière la Terre, et m'assoupir. Je suis un élastique dans l'eau, mon âme se dessine par mon corps souple fidèle serviteur. Je m'agite sirènement jusqu'à plus soif et le tableau de mes entrailles luit comme une bave d'escargot magique sur le diligent liquide. Le monde sourit et me regarde. Mon cœur est au repos.