lundi 30 janvier 2017

Volée

La solitude était moins immense. Patate pouvait rentrer chez elle en sachant qu'elle n'était pas si folle, pas si faible, pas si bête. Mais il y avait des petites bêtes en elle qui s'étaient fait la place belle et qui la poursuivaient. C'est idiot de dire cela. Bien sûr qu'elle était poursuivie puisqu'elles étaient en elle. Mais là encore, ces petites bêtes qui vous rongent et grignotent votre âme ne se voient pas. Personne ne peux les voir. Personne ne les devine. Et surtout personne n'en a envie. Peut-être, drôlement, que Piment n'avait pas peur de les voir et qu'elle en avait d'autres même qui sait ? Patate était plutôt emplie de fourmis et on aurait parlé de scorpions pour Piment. Pas la même... Mais ça on ne le sait toujours pas aujourd'hui. Quoi qu'il en soit, les petites bêtes à l'intérieur n'aident pas à se sentir sain d'esprit. Et il fallait lutter fort, ne pas se regarder dans le miroir et tout oublier en rentrant chez soi pour ne pas être prise à leur piège. Patate n'avait d'autre solution que d'omettre ce qu'elle avait été du matin jusqu'à la sortie du collège. Omettre pour que la vie ne soit pas uniquement cela. Elle n'en disait rien parce qu'une fois rentrée, elle pouvait être quelqu'un d'autre, quelqu'un de presque bien. Mais une fois rentrée ou sous les yeux d'autres personnes qui ne la connaissaient pas comme ça. Qui voyaient quelqu'un d'autre. Parfois, dans certains moments, elle avait l'impression d'être une jeune fille qui réussirait.

Il y avait quand même un vrai problème, une vraie barrière dont elle crut longtemps qu'elle ne se déferait pas. Carotte s'était insinuée en elle. Il y avait les petites bêtes, mais on ne peut accuser Carotte de tout, ce serait si ce n'est injuste, du moins illogique. Les petites bêtes ne l'avaient pas attendue. En revanche, Carotte était en elle et quand le soir elle fermait les yeux pour s'endormir, elle avait peur. Pas la peur que tout le monde ressent et qu'on peut dire, qu'on peut annuler, qu'on peut raisonner et qu'on peut même finalement rire après coup. La peur de se faire voler à soi-même, la peur d'être folle, la peur de ne plus savoir qui et quoi, la peur de ne plus distinguer, de confondre la mer et le ciel, le rouge et le vert sans avoir jamais été daltonien, de s'enfoncer dans le sable pourtant pas mouvant, de voir ses jambes disparaître purement et simplement, de perdre tous les nords qu'on a pu trouver depuis la naissance, de finir par prier en hurlant dans sa poitrine à Dieu qu'il faut absolument nous sauver parce qu'il en va de la vie. Etre le jouet, être la poupée et sourire en lèvres de plastique, sans plus bouger apparemment et sans avertir. Etre le jouet qui hurle en silence, tout au creux du ventre, bien trop loin dans les entrailles du monde pour qu'on ne l'entende et sans doute, cruellement, que cela est fait exprès. Dans une prison de chair que Patate voudrait dépecer, arracher, quitte à saigner, brûler de haut en bas, pour refaire peau neuve et faire cramer au soleil la Carotte qui s'est insinuée comme une folie dans son cœur, ses poumons, ses tripes, ses organes les plus précieux.

dimanche 29 janvier 2017

Piment et Patate

Mais pour l'instant, elle se réveille, Piment, tous les matins, sans états d'âme, sans rien sentir en fait, sans être vraiment quelqu'un. Elle fait les choses parce qu'elle le veut bien. Elle se sent sûrement parfaitement libre mais elle sait combien elle est prisonnière. Elle refuse d'être comme Patate, elle la méprise tant qu'elle ne la voit pas. Patate n'existe pas. Ou alors bonne à cogner et là, Purée à s'étouffer de rire. Elle ne rira à gorge déployée qu'alors. Pas avant et pas pour d'autres raisons. Elle se délivrera là d'un poids et elle rira tant que même son clan s'étonnera.
Piment oui se réveille sans états d'âme, tous les matins. Elle se fait belle. Elle doit être comme toujours la meilleure. Elle y parvient. Elle en est convaincue, apparemment et les autres la suivent. Ils bavent devant elle. Pas trop près tout de même parce qu'ils pourraient se prendre une patate. Bien plus solide et douloureuse celle-là.
Patate, elle, se lève tous les matins le ventre noué. Elle bondit du lit. Elle n'a jamais de mal à se lever. Elle n'est jamais mécontente de se réveiller mais elle a toujours peur. Il n'y a rien à faire là-dessus. Chaque jour, elle a peur. C'est d'ailleurs extrêmement bizarre que d'avoir envie, de ne pas tout faire pour se rendormir comme certains, elle en connaît, Carotte la première et tous les Poireau, et autres lascars. Elle va devoir dire et faire ce qu'il faut. Se taire ou ne pas et elle ne sait pas faire. Elle ne comprend pas comment. Elle essaye parce qu'elle a envie de parvenir à ce qu'on attend d'elle. La liberté, on l'oublie vite. N'y pensez même pas. Elle-même n'y pense pas. Elle voudrait seulement arrêter d'avoir peur. On se dit que c'est bien flou d'avoir peur de dire et faire pas comme il faut. Mais c'est pourtant très clair. Elle est toujours à côté de la plaque. Elle n'est pas comme on aime. Elle est un peu pourrie alors qu'elle n'est qu'en germe. Comme un germe pourri dans l'oeuf. C'est un sacré ou plutôt satané statut que celui-là. Elle en chie. Personne à la maison ne voit cette pourriture. Ils ne voient que le germe, le bourgeon, la fermeté de Patate qui grandit. Mais on se trompe et elle se tait. Le matin, devant ses dessins animés d'un autre temps, elle a peur et elle a raison. Aujourd'hui, je le dis encore. Elle a raison d'avoir peur, elle a raison de craindre ses proches. Ou ils ne la connaissent pas ou ils la méprisent, même hors Piment. Carotte la première bien évidemment mais ce n'est même plus le sujet. Elle est seule et elle ne comprend pas. Elle a envie comme peu sans doute d'entre eux tous. Mais elle échoue souvent. Elle se prend les pieds dans le tapis. elle croit échouer, elle se sent affalée par terre tête la première comme une imbécile. Elle ne s'accorde pas d'autre crédit. Parfois, elle reste là quelques secondes, pas davantage car elle ne sait plus comment se battre et juste comment marcher sans se casser la gueule comme une déficiente, chaque jour recommence comme si elle n'avait rien compris. Alors oui, les résultats scolaires elle maintient que cela ne veut rien dire car elle est pétrie d'incompétences. elle ne reste pas ainsi davantage, elle sait qu'elle est bite vite écrabouillée. Ce qui se passe en général reste dans le rire, pas nécessairement méchant d'ailleurs de ses proches du moment. Mais eux ne savent pas qu'elle est humiliée comme une patate prête à être mixer, prête à être purée. Ils ne savent rien. Vous me direz que Patate, elle ne risque pas d'être bien adroite. Et je vous répondrais que précisément c'est cela, tout à fait cela. Et du matin au soir. Alors, les yeux s'ouvrent et elle sait que toute la journée, elle va lutter pour comprendre comment être au mieux. Qu'elle s'endormira le soir difficilement en se refaisant le film de toutes ses erreurs qu'elle évitera de compter comme une obsessionnelle compulsive qu'elle pourrait être pourtant. Elle évitera par instinct de survie. Il ne faut pas qu'elle tombe là-dedans, il ne faut pas devenir comme d'autres qu'elle voit se perdre dans des comptages vains des faux pas et qui deviennent fous s'ils ne le sont pas déjà. Elle essaye, tant bien que mal, de ne pas être folle. Elle essaye de se fondre, pas de fondre ! attention ! et c'est tout un art qu'on soupçonne peu que de se fondre sans fondre. Elle, Patate, ne connaît que son expérience propre mais elle affirme combien c'est compliqué. Elle n'en parle pas. On ne parle pas de ça. Elle s'y refuse. On la croirait peut-être sans fierté comme ça mais non non non ! elle se bat pour. Elle se bat un peu sur tous les fronts. Un peu ou beaucoup. Elle n'a pas le choix.
Piment ne sourit pas. L'ai-je déjà dit ? Oui, me semble-t-il. Mais c'est un fait qui harcèle encore aujourd'hui ma conscience. Ne pas sourire et regarder droit dans les yeux. Elle n'y pense sans doute même pas. Sourire pourquoi ? Sourire se mérite. Sourire est un acte, un vrai. Sourire est un danger. Elle le sait. Elle reste dans le cercle des bouches closes et immobiles.
Quand on est en germe, qui plus est quand on est Patate, on ne s'approche pas, comme je l'ai déjà dit. On reste sur ses gardes. On augmente très sérieusement la distance de sécurité. Et de toute faon, Piment n'est pas intéressée. Piment attaque pour des choses qui en valent la peine, du moins non sans raison. On en revient là à notre Carotte. Ne confondons surtout pas les deux légumescentes ! Les deux jouissent de leur pouvoir. C'est évident. Elles aiment savoir qu'elles pourront faire ce qu'elles veulent quand elles veulent et que ce qu'elles font d'ailleurs depuis toujours ou presque, comme leur cerveau malade le déforme à l'envi, elles décident qu'elles font ceci ou cela parce qu'elles en sont d'accord. Non parce qu'elles en ont le devoir ou pire, l'obligation. Mais l'une a besoin d'en avoir des preuves sans cesse et encore et encore. L'autre y croit, quoi que lui dise la réalité.
Carotte ne se méfiait pas de Piment. Elle pensait ne pouvoir avoir peur de personne. Elle n'avait concrètement peur de personne. Ne parlons même pas de Piment sur ce point qui, plutôt, cherchait vainement quelqu'un à sa hauteur. Elle testait tout ce qui lui passait sous le regard et qui lui semblait lui convenir. En vain, me semble-t-il. Elle avait tout de même sa cour de celles qui méprisaient un peu moins que les autres. Comme Patate ou même Carotte. Car Carotte, bête comme ses pieds et totalement aveuglée par son ego qui n'était pas celui d'une naine pour le coup, se croyait admirée, du moins respectée par Piment. Elle la saluait, c'était pour elle le signe. Elle n'imaginait de toute façon pas autre chose. Elle ne pouvait pas imaginer qu'on ne la respecte pas. Elle ne savait pas penser qu'on la détestait ou qu'on la méprisait. Patate, jeune et verte, restait ébahie d'admiration devant cette force de caractère, cette capacité à ne pas bouger d'un iota quelles que soient les écueils qui se présentaient. Elle était comme un roc indécrottable. Et Patate précisément se sentait  la grosse merde qui se doit de demeurer à côté de cette Carotte pour que tout le monde voit combien l'autre est invincible.
Jusqu'à ce que Patate comprenne plus tard ce qu'il en était réellement. Du coté de la force et de la faiblesse. De leur inanité d'ailleurs. De leur nullité.
Aujourd'hui toujours, il y a ceux qui parlent de force et de faiblesse. Ils n'ont même pas l'intelligence ou l'honnêteté plutôt, car c'est bien de cela qu'il s'agit, d'honnêteté affective, de parler de fragilité et non de faiblesse. C'est tellement facile la faiblesse. Machin et truc sont faibles car ils n'arrêtent pas de fumer ou de boire. Machine et Bidule sont faibles car ils ne se font pas respecter par leurs enfants ou qu'ils ne trouvent pas de travail. Je serais pour une éradication totale et absolue de ces idées aussi connes que cruelles qui courent aussi vite et loin que les hommes sur toute la terre.
Un jour, Patate comprit en partie qu'il n'en était pas aussi simplement que des fors et des faibles et que Carotte qu'elle ne pouvait remettre en question, n'était pas une lumière en termes de nuances humaines. Vous me direz que ce n'est pas le la particularité de la légumescence que d'être nuancé. A juste titre. L'on peut trouver des individus en germe tout de même moins idiots que cela. Que Carotte.
Un jour donc, Patate revenait des toilettes où personne n'allait jamais car il y faisait très froid et qu'ils puaient la solitude. Elle y trouvait un repos de quelques minutes. Elle y allait seule et elle se détendait avant de repartir au combat. Revenant donc de son havre, elle longeait le mur pour ne pas se faire voir de Piment et son clan puisque ces toilettes se trouvaient à toute proximité du QG de Piment. Et c'est alors qu'elle surprit une conversation ou plutôt un monologue de Piment au sujet de Carotte. Pourquoi et comment elles en étaient arrivées là ? Elle n'en sait rien. Toujours est-il qu'elle entendit ceci :
"Carotte la crotte oui ! Et pour pas dire grosse merde ! petite conne à deux balles, gosse de riche qui se croit tout permis. Je la déglinguerais bien devant tout le monde si je le pouvais. Elle mérite des coups pour comprendre ce que c'est. Petite pute qui se fait tringler à tous les coins de rue et qui se croit belle du haut de ses 96 cm ! Mériterait tout ce qu'y a dans mes poings."
Les autres écoutaient et sourirent. Elles savaient que cela avait valeur de suggestion, au cas où l'occasion se présenterait. Aucune d'elles n'hésiterait.
Patate s'était arrêtée. Elle souriait elle aussi. Elle ne pouvait se retenir. Une onde de joie l'envahissait. Elle ne bougeait pas. Piment l'aperçut. Elle la regarda droit dans les yeux, de son regard noir. Et lui sourit à son tour. Elle était bien plus intelligente que beaucoup d'entre les gens de son âge et savait pertinemment ce qui se passait. Elle ne faisait pas de Patate une fille de son clan ni une amie. En avait-elle d'ailleurs ? Mais cela  ralluma un espoir de vengeance. De ne pas être si folle que cela. Ni si merdique.
Piment et Patate aux antipodes de l'univers n'étaient pas si lointaines. Par la suite, Elles se souriaient discrètement en passant.
La vie est une affaire d'alliances et souvent d'ennemis communs.




Mon coeur sort ses tripes

Tout doucement,
le rythme décélère,
son moteur perd de son allant.
Je sens mais ne m'inquiète.

Tout doucement,
personne ne crie,
ses rouages demeurent mais peinent.
Je reste là et je crois entendre.

Tout doucement,
tout gentiment,
comme des traîtres.
Je suis leurrée par leur silence.

Ses jours passent doucement,
ils ne sont pas fous.
Ils ne se laissent pas voir.
Je suis prise dans le tourbillon des miens.

Ses jours laissent place
toujours plus grande à sa douleur.
Et ils sont si discrets.
Je me croyais aguerrie à ce jeu.

Mais mon aimé se perd.

Je parle alors à mon cœur,
je le tance tout d'abord
d'avoir été trop sec,
trop pauvre.
Je lui parle longuement
je lui fais le grand discours
qu'il n'a jamais entendu
me semble-t-il
car j'ai bien plus souvent
étouffé ses ardeurs.
Mais voilà qu'il a été trop lointain et trop sec.
Il me regarde comme si je lui parlais
chinois.
Il me croit folle.
Non, il n'en croit pas ses yeux.
Il n'attend que cela depuis
des décennies.
Il va lâcher tout ce qu'il a de tripes
pour que le moteur et les rouages
brillent à nouveau
et tournent
tournent
tournent
pour vivre la vie
belle et sautillée.

Mon cœur,
va huiler son moteur,
va le réanimer,
fais tout le bouche à bouche qu'il faudra
pour qu'il danse à nouveau
et que ses jours
ne se grisent plus.
Mon cœur,
je t'appelle et pompe
jusqu'à faire crever sa douleur,
exploser en plein vol.








dimanche 22 janvier 2017

De Carotte à Piment

            En lettres et mots, pour l'instant, j'essaye de l'accuser en public, Carotte, de la haïr devant tous, Carotte naine mais perverse. J'essaye de la faire revivre et de l'entendre à nouveau pour la haïr avec témoins, témoins lecteurs, ceux que je préfère au-delà de tous car ils prennent le temps et ils aiment ou non. Ils n'assistent pas passifs à une haine ou une adoration. Ils la trouvent ou sublime ou ridicule. Ou simplement intéressante pour les plus professionnels.
Cela résoudrait-il à terme l'histoire de pardon ? Ou devrais-je dire mon histoire avec le pardon. Tendre l'autre joue, certainement pas. Ou même lâcher la proie, tout simplement. Sûrement pas non plus.
Patate en germe harcelée par Carotte folledingue, c'est être au milieu d'une horde hostile de congénères. De congénères oui. On croit que l'espèce se protégera des autres. Mais bien oui ! L'homme est un loup pour l'homme et on utilise là ce pauvre loup beaucoup plus solidaire et fraternel que n'importe lequel d'entre nous, qui plus est en pleine légumescence. Quelle plaie que la légumescence... Mais chacun y passe et y laisse des plumes, parfois un membre, une aile entière pour ne plus voler ensuite ? je ne sais pas. En tout cas, voler autrement c'est sûr et parfois plus lourdement pour toujours. Enfin, on dit pour toujours pour le dramatique mais en vrai, il n'y a pas de pour toujours. Ca n'existe pas réellement. Oui j'affirme sans précaution. Parce qu'avec des pour toujours, on se tirerait une balle dans les deux secondes. Pensez-y quelques minutes et vous verrez que très vite, très très vite vous aurez envie de tout arrêter pour toujours. Alors, petite parenthèse, mais mariage avec tout le tralala et pour toujours, c'est mortifère au dernier degré. Vous me direz, c'est une façon de parler ! Tu t'accroches aux mots propres et tu as un parti pris, c'est trop facile de raisonner comme ça. Eh bien que l'on emploie d'autres mots alors ! Bordel ! Qu'on fasse un peu attention à ce qu'on dit ! C'est pas compliqué quand même ! On peut avoir envie d'un pour toujours jamais toujours comme ça. Mais alors, il faut le préciser. Juste le pour toujours, et toutes les nations du monde explosent les taux de suicide du Japon et de la Finlande réunis.
Passons-là cette digression MariageetPourToujours. Patate est au milieu du cercle. Elle n'a rien demandé, elle ne veut pas qu'on la regarde. Elle voudrait se cacher sous un immense niqab mais alors ça n'existe pas dans ces contrées-là et de toute façon, elle n'aurait pas osé. Elle se contente de se prendre pour un oignon et d'accumuler les couches, en les ôtant le moins possible, le moins souvent, le plus discrètement possible. Mais cela ne change à vrai dire pas grand-chose. C'est un peu efficace pour sortir de chez soi et ne pas se chier dessus tout de suite mais de retour le soir, Patate se dit qu'elle n'a vraiment pas trouvé la solution. L'oignonite rassure mais les suées sont d'autant plus fortes. Et l'odeur ? Et on pue ? On ne le sait pas vraiment. On le craint de toute son âme et on rêve du moment où l'on pourra rentrer chez soi. En fait, Patate se débat toute la journée avec ses pelures, avec ses rajouts, elle les porte en plus de ses boulets. Elle croit, et elle n'a pas tort, que cela va la protéger. En partie oui. Mais cela apporte son lot de gros inconvénients. Elle se couche tôt le soir. Du coup.
Patate au milieu de la horde lève les yeux et regarde hors de son petit horizon. De ses petits ennemis, puissants même si petits. Il y en a des bien plus énormes plus loin. Peut-être que Patate se félicite de ne pas être au milieu de la horde de Piment. Elle est immense et elle est rouge écarlate, été comme hiver. Elle est rouge mais sombre. Elle est aussi sombre que le sang, elle est prête à saigner son prochain, elle est prête à en saigner. Le rouge sanguinolent ne l'effraie en rien. Piment a déjà bien poussé. Non qu'elle soit si grande mais élancé et ambitieuse. Elle n'a pas peur. Elle fait peur à Patate au-delà de tout parce qu'elle n'a peur de rien. Elle n'a rien à perdre. Mais Patate ne le sait pas. Elle est dupe de la force qu'elle exhibe et qu'elle exerce d'ailleurs. Patate en tremble rien qu'à l'apercevoir. Piment est un mystère. Elle brille. Elle montre. Elle roule des mécaniques. Elle sourit peu. Seulement si elle y trouve son compte et on ne comprend pas toujours pourquoi. Elle n'expliquera rien. Elle n'use pas sa salive pour rien. Elle est reine de son petit univers. Elle ne justifie pas. Elle a le droit.
Piment peut-être Patate
au fond.
Peut-être pas si piquante
Peut-être pygmée
trop piétinée.
Piment fièrement
mais les yeux pétris
aussi
de larmes.
Enfant soldat
sous son képi
sans pitié ,
en perdition,
à la guerre chaque jour.
Piment et sa troupe de,
comme elle,
sans foi ni loi,
prêts à partir
en furie.
Pas de panique.
Piment et ses Pimentelles
ont le sang froid
qui ne fait qu'un tour.
Piment est un masque
comme un autre.
Piment peut-être Patate
au fond.
Ou même pauvre Purée.

Carotte ne lui arrive pas à la cheville, quoi qu'il en soit.

dimanche 15 janvier 2017

Haine de toujours

Carotte vivait dans les beaux quartiers. Elle claquait des doigts et tout tombait tout cuit dans sa bouche. Elle n'avait pas à bouger ni à rien faire. Elle ne disait pas S'il te plaît, bien entendu. Parfois même elle ne disait rien. On devançait les désir de Sa Majesté. On la regardait et on allait lui chercher son besoin, son envie, sa douceur. Elle souriait narquoise. Elle regardait la mère Carotte et elle avait envie de se plier en quatre de rire tellement elle la trouve bête. Ce n'est qu'une Carotte, on n'en attendait pas plus que de sa fille ; en tout cas pas d'être un génie c'est sûr. Et bien heureusement pour elles deux. On peut se demander à quoi ressemble une mère Carotte. Celle-là était bien moins ratatinée que sa progéniture mais tout aussi inattendue. Elle était moins rouge, elle était plus pâle et les fanes étaient tristes à mourir. De belles fanes qui pleuraient jour et nuit en silence. C'était invisible à l'oeil nu. Mais il en émanait quelque chose de désespéré qu'on ne pouvait pas rater. Et puis, on aurait dit qu'elle n'aimait personne. Qu'elle ne pouvait plus même aimer quelqu'un. Que sa Carotte naine lui avait tout volé. Elle avait l'air dépossédée. Mais ma compassion a des limites. Elle était aussi désagréable et sèche que triste. Je lui vouais une colère sans limites. Peut-être aussi celle d'être la mère d'une furie qui m'avait dans le collimateur, qui voulait me faire participer à leur pot-au-feu, Patate que je suis, je n'ai jamais aimé me faire happer par le pot-au-feu qui me transforme en ce que je ne suis pas et tout le monde se permet de me monter dessus et d'y marquer son territoire comme un félin en rut. Je me retrouve trahie et souillée de toutes parts. Voilà ce qui m'attendait avec les gens de cette engeance et Carotte la première sous ses airs plus calmes que Gnognon ou Grand Poireau. On pourrait croire que du fait qu'elle était naine, Carotte était plus inoffensive. Ne nous leurrons surtout pas sur ce point : elle était d'autant plus amer ! Presque immangeable, indigeste au possible et qui vous reste en travers de la gorge, qui plus est.
Père Carotte était grand et beau, se pavanait et enseignait l'art du paon à sa fille. Elle lui vouait un culte risible aujourd'hui mais qui faisait envie alors. Qui n'aurait pas rêvé du père de Carotte ? Ensemble, ils étaient prêts, paraissait-il, à faire le tour du monde, la truffe au vent, à eux deux, sans personne d'autre. Surtout sans Mère Carotte. Ils l'auraient coupée en tranches et jeter à la mer. Ils étaient sans pitié. Elle était imbuvable.
J'aime toujours beaucoup les carottes cependant. LES carottes, les vraies. Dieu merci elles n'ont jamais pâti de cette réputation répugnante de Carotte ! J'ai gardé une once de bon sens dans ce tumulte. Seulement une once peut-être. Réputation ou seulement moi et mes douleurs ? Peut-être qu'il n'y a que moi dans cette histoire et que je dois l'admettre. Sûr qu'aujourd'hui, il n'y a plus que moi. C'est un fait. Les autres du bouquet se contrefoutent sans aucun doute de l'histoire et de Carotte dont personne ne connaît plus rien. Moi Patate, bizarrement, aussi illogiquement que peut le faire la vie, je dois détenir les plus fraîches informations. Malgré moi. Avec aussi toujours cette fascination de la haine qui n'en finit pas. La haine qui ne sait toujours pas se muer en pardon. Aujourd'hui, sans aucun doute, vingt après, ridicule mais vrai, je serrerais les poings pour ne pas lui hurler ma haine, pour ne pas la frapper devant sa jolie petite famille qui ne sait pas qu'elle a été une pute intersidérale. J'aurais en vérité envie de la regarder droit dans les yeux, aussi insolite que cela paraisse, aussi folle que je semble, de lui dire que je n'ai cessé de la haïr et que je lui souhaite encore beaucoup de malheurs. Elle répondrait que peu lui importe et que, elle, elle a réussi sa vie en avançant vers autre chose. Moi aussi petite salope de Carotte ! Mais au fond rugit mon incommensurable désir de te voir à terre sous mes poings vengeurs. Je frapperais bien sûr, soyons honnête. Je frapperais à sang. Que l'on soit toutes deux à sang, peu m'importe. La haine est encore le meilleur anti-douleur au monde. Mais qu'elle voit dans mes yeux tout ce qu'elle a cru qu'il n'y aurait jamais parce qu'elle a cru que Patate n'était que purée et jamais plus enviable ni plus digne. Parce qu'elle a écrasé jusqu'à faire crever tout espoir et me laisser purée, m'accepter purée pour toujours, sans idée d'autres horizons plus beaux, plus doux et plus forts. Non que la force soit le but d'une existence, quelle qu'elle soit, Patate, Carotte ou autre, je serais en mauvaise posture à ce point. Mais une force de vie qui rend les choses plus belles et qui donne envie. Je me suis laissée écraser bien sûr. Personne ne m'avait expliqué comment faire pour éviter d'être hachée menue. Personne ne m'avait rien dit. On m'avait dit que tout était dangereux et que Carotte n'était pas très fute-fute. Sauf qu'on n'avait pas vu qu'elle était impitoyable et aussi haineuse que je le suis aujourd'hui encore.
Je la laisserais à terre, je ne la toucherais pas. Je la laisserais souffrir. Et elle me demanderait pourquoi. Ou alors elle saurait et elle se moquerait de ma haine. Elle aurait raison. Mais Patate lui dira qu'il lui faut en passer par là pour s'apaiser. Elle me regarderait de travers. Elle sourirait avec peut-être encore ce rictus narquois sur le visage. Et je lui dirais avec plaisir qu'elle n'a pas changé et que je la reconnais bien là, dans ce visage de Carotte naine juste bonne à crever les autres. Elle n'aimerait sans doute pas ça. Même si elle s'en défendrait sans aucune difficultés. Une mère n'aime jamais qu'on lui parle de sa cruauté et de sa mauvaiseté. Une mère veut aimer et être une belle personne. Encore plus que tout autre. Si elle ne réagissait pas, je n'hésiterais pas à plaindre ses pauvres enfants...
Mais cela n'arrivera pas. Nous ne nous reverrons pas. Nous ne croiserons plus jamais. Il s'agit d'autre chose maintenant Il s'agit du pardon. Sale catho coincée ? Non pas du tout. Ou alors sans le savoir, sans le vouloir ? Je rêve de ce pardon et de sa tranquillité. Je rêve de ne plus même penser à cette haine mais je m'y accroche. J'y tiens, en réalité. Au fond. J'y tiens parce qu'elle m'aide à ne pas oublier, à ne jamais oublier ce à quoi une naine aux apparences inoffensives peut en arriver. Ce que Patate stupide peut supporter. C'est ma plus grande leçon de vie pour l'instant. Et où se trouve l'envie de pardonner De lui dire qu'elle n'était qu'une enfant et qu'elle souffrait, ce dont je ne doute évidemment pas, en tant aujourd'hui que Patate adulte non écervelée ? Je ne trouve cela nulle part en moi. Nulle part je ne parviens à entendre la petite voix digne qui caresse le passé pour qu'il ne hante plus. Jamais je ne lâche ma proie. Je me suis construite sur cette haine. Elle fait partie de moi. Carotte doit être, ça brise de le dire, un de mes pilotis. Elle nourrit ma colère et mes combats. Lui pardonner pourquoi donc ? J'ai la grande bonté, déjà, de manger les carottes dans tous leurs états. Que faire de plus ?
Lui pardonner reste une folie à ce jour.
Cette folie me sauverait-elle ?

mercredi 11 janvier 2017

Vomir movir

Peut-être que j'étais fascinée par ce plaisir qu'elle prenait et que je ne le connaissais que trop bien. Peut-être que j'étais prise au piège de cette force de sadisme. Sans aucun doute et j'y trouvais mon compte, quelque part. J'étais sûre de ne pas être la coupable ? Non, je n'en étais pas du tout déjà en ce point. On irait bien trop vite en disant cela. J'étais dans un cauchemar archaïque, un cauchemar abyssal. Un vrai de vrai. Sauf que je ne me réveillais pas. Jamais. Des années sans se réveiller. Même une fois que Carotte la folle eut disparu, le cauchemar continua. A bas bruit mais bien là. Patate a ressassé, comme une tarée, ressassé encore et encore, remâché, ruminé, ses douleurs, sans jamais réussir ni surtout vouloir les gerber. Patate avait une angoisse atroce de les voir se vomir. Et elle les a laissées pourrir jusqu'à devenir mort.
A voir ça, les Radisettes ont cessé de se battre pour aider la Patate, la Patate ivre de malheur. Elles étaient de bonne volonté, bienveillantes, et surtout saines. Envie d'une vie normale et de suivre leurs désirs. Mais elles étaient bien trop avancé déjà pour Patate.
En vérité, soyons honnête (Patate est honnête, malgré toutes ses lâchetés et ses doutes. Elle est honnête.), Patate s'enivrait de malheurs. Comme un vice. Et alors, Carotte sur son chemin, depuis des années déjà, explose quand le printemps accélère les choses et que l'excitation gagne le bouquet tout entier.
Patate en herbe,
Patate en gerbe,
qui se retient
de tout,
se contient
sans cesse.
Patate
qui ne vit qu'à quelques
%.
Qui voudrait mourir
souvent.
Qui maintient le sourire
stupide.
Patate assez bête,
non ! Assez tendre
pour mourir
le sourire aux lèvres.
Capable oui.
Sans dire un mot.
Parce qu'elle ne sait rien dire.
Patate ne parle pas.
Patate est presque muette.
Elle oublie même ce qu'elle dit.
Parce que c'est du vent.
Elle ne sait pas qu'on peut dire.
Patate est ignorante des mots.
Patate se vengera avec eux. Elle les trouvera un jour.
Et ne les lâchera plus.
Pour dire tout
jusqu'au plus profond
des entrailles,
même purulentes.

dimanche 8 janvier 2017

Patate à l'ouest

Carotte n’avait ni queue ni tête. Elle était laide de l’intérieur. Laide comme un pou, comme une vieille dégueulasse. Mais le principal était qu’elle s’auto-proclamât et, chose propre à la légumescence, tout le monde l’acclamait. Tout le monde se rassurait devant son assurance. Elle ne doutait de rien. De rien. Elle avait tous les pouvoirs. Elle n’en voyait elle-même aucune limite et ne comptait pas y toucher d’ailleurs. Je crois qu’elle ne se les représentait pas. C’est peut être en cela que les Mûrs pouvaient y voir une stupide gamine difforme. D’ailleurs, plusieurs fois, moi Patate non moins difforme, j’entendais ces discours si antipodiques des nôtres, bouquets de verdures foldingues. Et le monde s’apaisait un moment. Mais je me disais qu’ils n’avaient pas toutes les données, pas tout vu ni tout compris. Qu’elle se cachait à merveille et qu’ils n’y verrait jamais la tyrannique impératrice illégitime. Ils pouvaient se moquer d’elle. Je les enviais. J’en étais absolument incapable. J’étais prise dans le tourbillon de son pouvoir. Certains, surtout les expérimentés, plus âgés, disaient d’elle qu’elle était bête, complètement idiote, au cerveau aussi petit que ses yeux de cochons. Je tentais de m’en rappeler une fois en face d’elle mais cela tombait toujours à l’eau. Je me sentais lâche et désarmée. Pourtant j’avais les outils en tête. Mais ils s’envolaient vers d’autres cieux dès qu’elle s’approchait de moi ou que moi, happée, je m’en approchais aussi. J’y retournais sans cesse, chaque jour, pour obtenir les faveurs de la reine. Je continuais le combat. Je croyais pouvoir peut-être gagner quelque chose, une miette de reconnaissance. Je ne voyais pas tout cela comme une miette. Je voyais cela comme un trésor. Et Radis Rose et Noir pouffaient sans méchanceté mais un peu désespérées de me voir courir après cela. Elles me le dirent plus d’une fois :
« Patatine, arrête ça, ça ne sert à rien. Elle n’en vaut pas la peine et tu te fais du mal pour rien. Regarde  quel état tu te mets pour ça. Viens avec nous plutôt et laisser-les se chamailler pour des conneries de gamines. Tu vaux mieux que ça. » mais mieux que quoi Mesdames Radis ? Je ne vaux rien. Elle sait tout. Elle a le pouvoir sur moi. Elle et les autres font ce qu’elles veulent de moi. Je ne suis qu’une poupée. Tu me cuisines à n’importe quelle sauce et je me laisse découper dans tous les sens. Sans un cri, sans une plainte. Parce que c’est normal. Je ne réclame pas de droit. Je n’en ai pas.
Mélodramatique et geignard à lire ? Oui. Moi aussi je le trouve.  Véridique pourtant et je ne vous conseille pas d’être une jour Patate. Vous mettrez tant d’années à vous en remettre que vous en chialerez votre mère, même morte.
Oui mais, je me sentais bien bête alors et humiliée je dois dire. Pourtant, ce n’était pas la dignité de patate qui m’étouffait. Et si, bien plus que je ne le pensais. Bref, un imbroglio de contradictions qui me tournaient la tête. J’étais prise au piège. J’étais stupide.je détestais mon cerveau, mes neurones . J’étais une imbécile. Une grosse patate qui ne pige rien à rien et qui ferait mieux de faire une croix tout de suite sur ses espoirs de reconnaissance.
Arrêter de courir après quoi que ce soit. Il n’en était pas question. Le jour où je le dis, j’y étais prête. Ce fut une libération. Ce fut aussi un cataclysme dans ma vie de Patate et de tous ceux qui m’entouraient. Donc course, cette conquête, Je ne pouvais pas m’en défaire ou j’étais définitivement perdue dans le désespoir. Mais cela, je ne le savais pas, jeune Patate crédule. Je ne savais ce qui se passait et je me taisais. Pendant ce temps-là, Sa Majesté Carotte se pavanait.
Elle avait un jeu, peut être son favori avec moi et Asperge. Les deux faiblardes. Les deux débiles du bouquet. Il y en a partout où l’on passe. Partout, ils se font déglinguer. La nature humaine, et pas seulement les frères et sœurs de Carotte, est en général prête à s’attaquer aux plus fragiles, aux plus laids, aux plus lents. Carotte en avait fait sans doute son arme de survie à elle. Je me refuse à croire qu’elle ne le faisait que pour le laisse, même si très clairement elle y prenait un grand plaisir. Le sourire immense qu’elle affichait quand elle se sentait omnipotente face à nous. Elle aurait pu qu’elle aurait joui à 66 reprises cette diablesse.

mercredi 4 janvier 2017

Le pouvoir de Carotte

 La carotte était une petite saloperie, n’allons pas par quatre chemins. Elle manipulait son petit monde avec justesse. Une adresse digne des grands pervers. Ceux dont on ne veut pas croiser le chemin. Elle disait ce qu’elle voulait, une chose et son contraire, elle avait de toute façon raison en tant que. En tant que carotte naine boursouflée me direz-vous ? Eh bien oui ! C’est là le don de ces sublimes pervers que de vous faire trouver beaux et légitimes n’importe quel être, même le plus ridicule. Et Dieu sait si dans d’autres circonstances elle aurait pu être ridicule. Mais personne n’y pensait. Tout au plus, Les Radises, noire et blanche, haussaient les épaules sagement. Les autres étaient toutes prises ou presque dans le tourbillon. Ou je le croyais. Ou je le crois encore. Elles ne s’opposaient en aucun cas à la loi de Carotte. Bien trop dangereux surtout quand on n’est pas fini et que tout est à faire. On ne sait pas ce qui est vrai ou non.
La première conclusion que je tire, c’est que le pervers n’a pas d’âge.
Carotte, fidèle à ce titre que je lui octroie ou dont je l’assomme, je ne sais pas, édictait la Loi. C’était la bonne et la certitude avec laquelle elle la posait, sans violence juste avec un sentiment de droit absolu. Quand on est jeune et vert, il est bien difficile de résister à ce genre de forces tranquilles qui vous happent dans son assurance et ses attaques masquées. On n’y parvient qu’en étant bon pervers à son tour, je crois, ou déjà loin devant. Comme les Radisettes. Je les enviais les Radisettes. Mais je n’en étais pas là. Je ne savais pas piquer ni assumer mes drôleries. J’étais une patate comme on se l’imagine. Comme je me l’imaginais, banale, ronde, tordue, discrète, influençable a nImporte qu'elle sauce. Du moins, c’est ce que j’y voyais et ce que la sorcière Carotte me confirmait chaque jour. Me regardant de haut en bas, messe bassant, juste devant mon nez pour finalement d’une voix doucereuse et folle sans en avoir l’air, émettre l’avis du jour. Comme on écrit en grosses lettres le menu du jour sur l’ardoise du restaurant. J’étais la pâture. La patate-pâture. À vrai dire, rien que de très attendu. Pas de jérémiades ici malgré les apparences. La vérité de l’intérieur d’une patate. Carotte, ma sorcière, vous dirait sans doute bien d’autres choses, intéressantes sûrement. Mais inemboitables avec les miennes. Patate et Carotte naines marchent peut-être sur les mêmes plates bandes ou trop loin pour s’entendre. Je n’en ai jamais plus approché d’autres, quoi qu’il en soit. A peine voyais-je le bout d’une fane derrière un corps orange que je m’enfuyais comme une dératée. À hurler à l’agresseur. J’ai souvent paru dingo. Peu importe. Il ne fallait jamais revoir la même furie.
Elle était détentrice de l’humeur, de la jurisprudence quotidienne, changeante à l’envi bien sûr. Elle ne se soucia jamais d’une quelconque contrainte. Cela n’avait pas de sens pour elle. Et elle riait à gorge déployée  de la peur ou de la soumission des autres léguminescentes aux contraintes des vrais législateurs.
Elle s’était prise pour reine.
Elle ressemblait pourtant davantage au fou du roi.

lundi 2 janvier 2017

Carotte etcétéra

       Il y avait la petite grosse carotte. Une espèce de carotte déformée, orange, à peu près comme on connaît la plus commune carotte dans nos contrées, mais en naine en quelque sorte. Voilà, une carotte naine. Pas seulement petite. Petite quand même. Mais aussi ratatinée. Moche en somme. C’est pour ainsi dire l’héroïne, du moins l’une des protagonistes de cette histoire. Je crois d’ailleurs qu’elle a cherché sa cousine héroïne mais qui pique les veines plus tard. Je n’en sais rien. Comment une carotte se pique à l’héroïne ? Là, je ne saurais vous répondre. Je me contente de parler de la carotte naine.
Je ne résiste pas au plaisir de vous mettre l’eau à la bouche avec Haricotte, Petite Poisse, Navette, Ail Ail, Broco, Maïs (à ne pas confondre bêtement avec Maylis, comme beaucoup), Radis ou Disette, Courgette (Coucourge), Tomate sans surnom, comme Carotte, Endive ou Divette (confusion facile avec Disette), Champi, Chouchou, Artichaude et j’en passe. Mais tout de même, j’avais envie de vous en parler tout de suite parce que ce fut toute une époque, tout un temps, maigre, point très festif, mais haut en couleurs, on ne peut pas dire le contraire. Vous riez pour le moment.
Pour le moment.
La petite grosse carotte, j’en parle d’emblée pour une simple et bonne raison : j’en rêve. Tous les mois, tous les un mois quand j’ai de la chance, je rêve de Carotte. Et je vous assure que ce sont de vrais cauchemars. Carotte en elle-même est mon pire cauchemar. Des années après, 20 ans ont passé et Carotte reste mon pire cauchemar. Ce n’est pas une fierté. Je reste prisonnière d’une carotte naine que je ne connais plus désormais. Sans doute plus jamais je ne la croiserai. Et je m’en réjouis comme d’une délivrance. Comme d’une chance. Que se passerait-il si Carotte apparaissait sous mes yeux ? Je me tairais. J’attendrais qu’elle parle, ce qu’elle ferait certainement puisque c’est une championne de la vie et je crois bien qu’avant qu’elle ait fini sa première phrase, je lui enverrais une pêche en pleine face. Il faudra viser bas. Respect aux nains de ce bas-monde. Est-ce que je pourrais m’arrêter ? Certainement. Je ne suis pas une exterminatrice. Je suis une ex Patate. Toutes les Patates sont inoffensives, vous ne le savez que trop bien. Démesurément inoffensives d’ailleurs et elles se font dévorer tout autour de cette terre. Mais j’aurais envie de l’écrabouiller, de la massacrer, de l’écraser en miettes et qu’elle se taise enfin. Qu’elle l’écrase !  Qu’elle s’écrase ! Qu’elle la ferme pour une fois et qu’elle se sente conne ! Doux rêve... Car Carotte est bien trop orgueilleuse pour ça. Elle ne paye pas de mine. Mais elle recèle des bijoux d’assurance. N’oublions pas comme elle se dresse parfois. Petite peste ! Carotte un jour, Carotte toujours !
 Ce que Carotte a fait pour mériter une telle rancoeur ? Vous le saurez bientôt. Elle est loin d’être blanche, sinon elle serait albinos en sus d’être naine.

C’est donc l’histoire d’une bande de jeunes pousses. Toutes moins mûres les unes que les autres. Des vertes, des rouges, des blanches comme des culs, de toutes les couleurs.
C’est le jaune qui sauva dans tout cela.