vendredi 30 janvier 2015

Himalaya

Ils montent ensemble
aux portes du ciel.

Il est un être des
hauteurs.
il ne se laissera pas
diminuer.
Il n’aime ni la terre,
ni le plancher des vaches.
Il veut être Jules Verne
et toutes ses aventures.
Il ne rêve pas.
Il exécute.
Il ne reste pas
les bras ballants
comme son idiot de frère.
Il montera jusqu’au
sommet.
Et il y emmènera
ceux qu’il voudra.
Il est le chef
désormais.
Le chef de la
famille.
Le chef de la
firme.
Il ne sait plus être autrement.
Il l’a toujours été
et on l’a freiné.
Sa mère voulait lui claquer
le bec.
Très vite,
elle s’est vue dépassée.
Il a dû se taire.
Longtemps.
Aujourd’hui,
il tonne
ses ordres
et directions,
il foudroie
celui qui n’y consent pas,
il méprise
celui qui conteste,
il n’entend que
le son de sa voix.
Il a raison.
Il n’en démordra pas.
Il n’y mord pas
d’ailleurs
puisqu’il ne doute pas.
Il est le chef,
il organise
comme il le faut.

Ils montent ensemble
aux portes du ciel.

Elle a suivi
sa décision.
Comme toujours.
Après avoir dit non.
C’était pour le plaisir.
parce qu’elle
raffole
des hauteurs
qu’ils franchissent.
Elle grimpe,
elle se retrouve dans sa
forêt
de princesse
enfantine.
Elle attaque les
pentes
et leur
ardeur.
Elle s’essouffle
jusqu’à la limite.
Sa limite est bien loin
derrière celle des autres.
Elle le suit.
Parfois même,
il la suit.
Elle reprend sa liberté
sans soupçons
de quiconque.
Il joue le chef.
Il est le chef.
Et elle l’égale.
A cette hauteur-là,
les dimensions
se tordent.

Ils montent ensemble
aux portes du ciel.
Il la fait monter
avec lui.
Il la veut
avec lui.
Elle le
galvanise.
Elle est ahurissante.
Elle n’est pas comme
les autres.
Il a choisi
cette femme.
Et chaque fois qu’ils
s’en prennent
aux immenses
montagnes,
il se souvient
pourquoi.
Elle est femme
mais elle
aurait pu être
chef
elle aussi.
Il lui manque
le cerveau
mais elle a le cran.
Il a honte d’elle
souvent
quand elle
n’y comprend
rien. Elle fait exprès
pour lui faire
honte,
pour l’humilier,
pour que sa bêtise
rejaillisse sur lui.
Il le sait,
il la connaît
comme sa poche.
Mais aux sommets,
il brille avec elle.

Ils montent ensemble
aux portes du ciel.

Jour après jour,
il se rapprochent.
Dans la neige
jusqu’aux genoux
et
sous le soleil bruleur.
Ils se soutiennent sans mot dire.
Peut-être
qu’elle ne l’aime
pas
sur la terre ferme.
Elle s’attendrit
aux confins
des gouffres
et
des avalanches.
La violence sublime
l’entoure.
Elle n’est plus l’héroïne
tragique
de Paris.
L’Himalaya
la mate,
la plaque,
elle ne peut plus que
respirer,
sans masque.
Il tombe tout seul.
Elle se sent
un peu reine,
aux côtés de son roi.

jeudi 29 janvier 2015

Méduse

L’eau la traîtresse
universelle.

Liquider
et se liquéfier,
tous les jours
pour nettoyer,
purifier
toujours mieux.
Le détergent
apaise son âme
et les serpents sur sa tête.
Elle est Méduse
sans qu’on la voit.

Les reptiles grouillent dans la tête.

A l’envers,
à l’intérieur,
ils se fondent aux neurones
ils mutent et caméléonent.
On est parti sur les liquides et puis
surgissent
les sales serpents.
Parce que tout ça n’est qu’un
tout !
Elle est Méduse
victime des vipères
et lézards.
Méduse est une victime.
Le monstre le fou,
pleurez pour eux !
Elle ne fascine personne.
elle pétrifie ses chairs.
Ses propres chairs.
Qu’elle doit revivifier
chaque minute.
parce que les serpents ne cessent pas.
ils se relaient,
ils tournent et sifflent
tous ensemble.
Ils ont un chœur de
haute volée.
Elle doit être sur le qui-vive.
Elle doit les combattre
jour et nuit.
Ca c’est une expression ;
en fait,
non, pas la nuit.
Les serpents meurent à l’ombre.
personne ne sait cela.
les serpents domestiques,
ceux qui rampent et
enveniment
au creux du corps
sont des êtres du jour.
La nuit, elle est pour d’autres.
les vrais monstres
difformes
et leurs escaliers
géants.
N’en parlons pas,
cela mélangerait tout.

Et les liquides dans tous ça ?
Qu’est-ce que c’est que ce bordel !
On n’y comprend rien rien !
Mais si si !
c’est compliqué les folles,
c’est tout.
Attendez que ce soit un peu ordonné.
Mais c’est le bordel votre truc !
On n’y pige rien !

Reprenons du départ :
Il y a elle
qui ne doit pas
toucher à l’eau
sous peine d’annihilation
instantanée.
Il n’y a pas d’images coups de poing
sur les bouteilles
pour prévenir ça.
de toute façon, ça ne concerne qu’elle.
La folle du coin.
Il en faut dans tous les coins.
C’est aussi la démographie qui le
dit.
Toujours elle,
qui a des serpents inversés sur la tête,
comme des racines qui pousseraient à l’envers,
comme une Méduse renversée.
(Elle, elle aime
tant la crème !
bref)
On y pense
qu’elle a dû
elle aussi
pousser quelque part
à l’envers.
Et donc,
toujours elle,
ses serpents sont des
soiffards.
Elle ne doit pas
approcher l’eau
sous peine de leur
donner
la part du lion.
Et c’est elle qui doit
jusqu’au bout rester
le lion,
le roi du territoire.
Donc,
pas touche à l’eau,
ou les serpents
prennent le contrôle.

Voilà le fin mot de l’histoire !
Vous voilà au clair ?
C’est-à-dire où avez-vous vu que les serpents
étaient
des soiffards ?
Vous êtes plus fous les uns que les autres !
Je me casse d’ici moi !

Comme tous les autres
avant.
Elle sait qu’elle épuise
les gens,
les normaux.
Elle a le regard blanc,
tourné vers les serpents,
qu’elle ne perd pas de vue.
Ils croient qu’elle n’est pas là.
C’est en fait qu’elle ne peut
pas
être partout !
On peut comprendre ça.
Mais pas l’histoire des serpents sous la tête
et de
l’eau la traîtresse
universelle.
Les gens la laissent
à ses soucis.
Ils cherchent quelqu’un qu’ils ne
trouvent pas.
Elle ne peut pas les rattraper.
Elle court déjà
pour éviter la vague.

Conclusion,
le malheur de
la Méduse est à prendre
au sérieux.
Messieurs dames,
ne vous y trompez pas.

Dans les nuages

Elle en attend encore. Elle est encore enceinte. Elle en aura un autre. Un troisième. Et puis un quatrième, cinquième. Sixième même. Et toute la vie comme ça ? Les enfants ne cessent pas. Ils poussent et poussent encore. Elle se les imagine, à la queue leu leu, bien sagement rangés en attendant leur tour. Et au final, tout le monde attend. Elle et eux. Lui aussi son Paul, il attend qu’elle grossisse, qu’elle se laisse habiter. Paul n’est pas rêveur. Et pourtant, il brille des yeux quand il la voit enfler. Comme s’il n’y était pour rien. Comme s’il y avait bien un peu de magie là-dedans. Elle s’attendrit. Mais lui non. Il n’a pas même conscience de ce qu’il ressent. Il ne veut pas. Ca ne l’intéresse pas. Il n’est pas méchant, certainement pas. Elle sait qu’il prend soin d’elle quand elle n’est plus des leurs. Elle ne lui dit rien. Elle ne lui dit certainement pas qu’elle imagine la file des enfants à venir. Elle pense que les enfants, les faire, voilà une tâche bien plus ardue qu’il n’en a l’air. Il y a le lit et le corps à corps. La suite, déjà, lui échapper en partie. C’est un trou noir qui souvent efface ce moment. Elle se réveille pour ainsi dire une fois qu’ils sont Paul et elle allongés côte à côte. Elle meurt d’envie de demander ce qui s’y est passé dans ces minutes d’inexistence. Mais elle n’ose pas. Il va la regarder de haut. Ou ne pas l’écouter. C’est bien ce qu’elle ferait elle, à sa place à lui.
Il y a cette étape-là. Qui finit en queue de poisson. Pour elle bien sûr. Elle ne sait rien de lui à cet instant. Il lui est étranger. Elle s’ignore elle-même.
Et puis ensuite, il y a la file d’attente dans les nuages. Ils sont tous là. Les enfants à venir. Avec en main leur ordre d’apparition. Mais elle, elle croirait tout à fait qu’on lui dise que c’est une sacrée bagarre là-haut pour se faire sa place. Ce qu’elle n’a pas encore conclu, c’est le délai. Elle attend son enfant. La bagarre est-elle achevée ou se poursuit-elle encore un peu ? Elle attend alors d’autant plus fort cet enfant puisqu’il n’est pas encore descendu.
Toute cette lutte sans qu’on n’en entende rien. C’est une histoire !

Elle en attend encore. Elle sent que c’est un garçon. Ca la rassure un peu. Les garçons s’occupent bien de leur mère. Elle en sait quelque chose. Comme il l’a bien bercée le petit de la guerre ! Comme il l’a consolée ce premier né ! Est-ce qu’on entend dans les nuages quand elle pense ces choses-là ? Ce ne serait pas plus mal. Cela ferait du tri. Mais non ô non ! On ne doit pas choisir. Prends ce qui t’es offert et remercie le Ciel.
Sauf que, quand elle en attend un, elle n’est plus la même. Elle remercie moins et elle s’autorise plus. Peut-être qu’on pourra accuser l’enfant et les hormones s’il y a troubles à l’ordre public. Quand elle y pense, sa bouche fait un O un peu idiot ; Comme si elle pouvait elle troubler qui quoi que ce soit. Elle est inaperçue.
Sauf quand elle en attend un. Elle prend un peu de couleurs et de hauteur. Elle est minuscule, elle le sait bien et c’est très bien ainsi. Elle devient moins minus quand même quand elle en attend un. Ce qui lui paraît bien étrange puisqu’elle est en attente. La plus passive des positions. Mais oui, mais elle, elle attend bien. Elle est douée pour ça. Elle se sent compétente à l’attente. Quand il s’agit en plus d’attendre quelque chose d’identifié, tout roule pour elle. Pas d’imaginations monstrueuses. Donc pas de tord-boyaux, tord-poumons déglingueurs. C’est presque que du coup, elle aurait envie d’en faire plus. Une impulsion. Un sentiment qui vient de loin et qu’elle connaît mal. Une spontanéité flamboyante. Elle en toucherait les nuages ? Ces fameux nuages et leurs secrets.
Elle se rappelle quand elle était elle-même un petit nuage. Avant tout ce bazar vivant. Elle attendait, elle plongeait sans bouger et qu’est-ce qu’elle voyageait ! Elle en a rencontré des choses et des êtres mais plus un seul souvenir ne lui reste. Elle a été un joli nuage blanc. Peut-être pleureur par moments. Elle le voit bien ainsi. Elle a toujours coulé de partout de toute façon.
Sauf quand elle en attend un. Allez comprendre cette idiotie ! Plutôt que c’est inattendu pour les docteurs et gens de cases ! Mais elle, elle n’est pas comme tout le monde. Elle a des bêtes et pleins de nuages dans le cerveau.
Germain le lui dirait s’il l’entendait :
« Arrête donc avec tes nuages à la noix ! C’est de la triple foutaise ! Les nuages c’est de la vapeur d’eau et voilà tout ! » Déjà elle n’a jamais compris ce que « vapeur d’eau » voulait vraiment dire. C’est de l’eau et ça coule ou ce n’est pas de l’eau. L’eau est une vipère, une louvoyeuse. Donc certainement pas que les tendres nuages soient faits avec de l’eau. Elle se demande qui est imbécile des deux. Peut-être pas celle qu’on croit.
Ce que c’est bon d’en attendre un ! C’est l’après qui l’inquiète et toute la ribambelle dans sa maison. Elle est la mère. Attendre, elle le voudrait toujours. Elle ne devrait pas se plaindre tout de suite. Attendre encore, qu’il soit sorti pour enrager et se morfondre. Aujourd’hui et pour huit mois encore, s’il est bien sage et bien costaud, si elle aussi se tient à carreaux, elle redevient moelleuse comme avant la naissance. Elle pourrait toujours être enceinte et donner ses bébés. Paul n’accepterait pas. Il dirait qu’elle déraille. Il aurait bien raison.

Elle rit.

Elle ne rit pas d’habitude. Elle sait le faire mais ça ne lui vient pas. Ah si ! il paraîtrait aux dires de Paul qu’elle rit sous la couette quand elle dort. Ca le réveille et lui fait peur. Il connaît une femme sans rire. Elle est sûre que parfois, il pense ne pas dormir à côté de celle qu’il a vue la journée.

Allez ma grosse ! Sors des cabinets ! les commissions sont finies ! Laisse tes nuages et tes histoires d’enfants en attente ! Tu n’es pas nette ma fille !

Elle rit.

En voilà une chose sûre ! Elle n’est pas nette.

mardi 27 janvier 2015

Et après les jours sombres

Les jours sombres se sont accumulés.
Cessons de les détricoter
tout de suite.
Le nœud ne sera pas
ouvert
aujourd’hui.
Il faudra y revenir,
repasser
cette tâche
mille et encore mille fois.
Il faudra le vouloir,
même quand on sera loin.

Les jours sombres prennent le large.
Le désert reprend des formes.
Toujours neuves.
Le désert se remet à varier.
Le désert va s’éclipser.
Le désert est un perroquet gris.
Il parle sans en avoir l’air.
Il ne connaît que deux mots.
Il pique du bec.

Les jours sombres desserrent leur étau rageur.
Jouissons de l’air,
le plus pollué,
le plus humide.
Peu importe,
il entre et sort
dans sa cage réservée.
Je rêve de cette cage-là,
qui aspire et rejette ce qui nuit et abîme.
Qui ne ferme pas la porte,
jamais emprisonneuse.
Une cage purifiante.

Les jours sombres détournent leur trajectoire,
sans doute pour une autre victime.
Ou disparaissent-ils ?
Ce sont des vagabonds,
ils ne s’évanouissent pas,
ils se faufilent,
là où bât blesse.
Peut-être est-ce qu’ils jouent
aux échecs
avec leurs frères joyeux.
Le plateau invisible.
Je tourne le dos aux jours sombres,
ou presque.
Je jette un œil derrière l’épaule,
tous les souvent
pour m’assurer.
Et je sens alors
que depuis hier
déjà
le palpitant
rougit
à nouveau.
Il saigne
comme il se doit,
s’arrose et
se rengorge.

Le palpitant revient
parmi
ceux qui lui parlent.
Il retrouve sa tiédeur
et sa jolie écoute.
Il tend l’oreille
aux jolis mots d’amour.
Il redresse les paupières,
il réanime les yeux.
Ils se plongent
dans l’immense bleu
de tes yeux.

lundi 26 janvier 2015

Attaché coulé

Le cœur pèse
sur le diaphragme
et l’œsophage
qui rétrécit
riquiqui
à vue d’air.
Plus une bulle
pour s’y glisser.
La file d’attente
s’allonge
jusque derrière les lèvres.
Obligée de garder
le bec ouvert
comme une poule
pour ne pas
éclater
Mesdames, Messieurs, les bulles d’air
pressées d’entrer.
Elle aurait du travail
qu’on ne leur laisse pas faire.
La bouche et
les lèvres
ne peuvent pas souffler
mais elles s’unissent
aux yeux qui
se lèvent au
ciel.
Comme si tout le monde n’était
pas un peu
occupé.
Bref,
le calme est là,
dans l’intérieur.
L’on s’agite en-dehors,
mais le calme est là.
Une espèce
de mer plate
et lisse,
énorme en sous-sol
et à la vue de tous,
à la portée de chacun.
Une mer
en potentiel
péril
permanent.
La mer d’huile
qui inquiète.
C’est la tristesse
qui fait ancre.
C’est-à-dire qui
coule
et qui
attache aussi.
A n’y rien comprendre.
Pourtant, là,
c’est bien elle
qui accroche,
qui fait tenir
et lever la tête,
les yeux devant.
C’est elle
qui fait lâcher prise,
lâcher les gestes
insensés.
Ne plus garder que
le plus strict.
Il ne reste plus grand-chose.
L’essentiel est un
peu.
Le corps dit qu’il s’attache
et qu’il coule.
Il dit les deux.
Sans souci des vents
contraires.
Une profondeur
qui fait penser
serein.
Douleur connue,
qui enracine,
ou fige ?
Par-dessus,
fourmillent et sautillent
piquantes piqueuses
les inquiétudes.
Elles dansent,
sans cruauté aujourd’hui,
mais les ongles en sont toujours
aigus.
Le cœur matelas
de fond
se fait picotailler
et sans offense.
Mais ça finit,
comme un tapis de fakir
à clous transparents
inversés.
Pas méchants méchants.
Mais comme une allergie
poitrinaire quand même.
Pas de canyon.
Pas de cave sanguinaire.
Des tétons qui s’érigent
en position offensive.
Sans désir.
En bataillon rangé
à deux.
Ils se rangent bien
sans mérite.
Ils partent
peut-être
à la recherche d’une vraie
tranquillité.
Ou d’un suspens,
excité excitant,
plus léger
et plus frêle. Le suspens,
le plaisir retrouvé.
C’est moi-même qui me danse.
Mais je ne touche pas
terre.
Je partage mon espace.
Je dirige mais m’envole.
Trop légère.
La tristesse m’enracine.
Une douce et lourde
tristesse
sans cruauté aujourd’hui.
parfois,
elle n’est cloutée de rien
et elle suffit à elle
seule.

jeudi 22 janvier 2015

Le p'tit r'montant

Elle a beau dire Non et Non.
Elle a beau.
Beau jeu.
Ses mots lui semblent vides. Personne ne les entend. On croit qu’elle est une reine. Que l’argent lui suffit. Que les colliers brillants lui comblent le cœur. Elle s’en repaît un peu. La journée oui s’en satisfait. Le soleil s’y retrouve. Quand vient la nuit et ses chats noirs, tout ça est à jeter. La lune n’aime pas les projecteurs.
Elle mettrait tout aux ordures et immondices, si elle ne se maîtrisait pas. Mais elle prend prend sur elle.
A l’aide du p’tit r’montant.
Elle détourne l’envie et la rage. Elle abreuve toutes ses soifs. Elle fait tout ce qu’elle peut pour revenir en elle sans briser les beaux colliers d’or et de perles. Sans briser le rêve qu’on voit. Sans briser les deux enfants. Et même sans briser son mari. Elle détesterait être si responsable et tout briser. Elle dilue toute cette pierre dans ses tripes pour ne pas la jeter contre les têtes qui l’entourent. Elle rêve de fracasser les crânes. Elle rêve de massacre. Elle rêve de ses mains toutes-puissantes. Elle se réveille en sueur, trempée d’angoisses. Elle se lève et arpente la maison.
Elle et son p’tit r’montant.
Elle marche.
Elle fait le long, le large, et les travers.
Elle ne s’arrête que quand le cœur s’apaise, palpite moins dur, cogne moins méchamment. Le cœur peut être un assassin. Elle ne dit pas ce qu’elle pense. Elle doit encore faire croire à la jeune reine en fleurs, romantique spirituelle. Elle laisse le monde y croire. Quand les guibolles aussi s’arrêtent de trembler, elle retourne dans son lit. Il ronfle sereinement. C’est en tout cas ce qu’elle croit. Elle aussi.
Tout le monde croit des choses.
croit ce qu’il aime à croire.
Tout le monde se fourvoie.
Et tout le monde le sait.
Au fond, non ?
Elle se rendort sur ces considérations, maintes et maintes fois déjà avalées, régurgitées, ruminées en somme. Et elle recommencera sans doute demain et le jour d’après. Parfois, elle peut dormir du soir jusqu’au matin. Sans la balade.
Et sans le p’tit r’montant.
Parfois. Elle reprend espoir. Elle n’ose pas tellement l’avouer mais elle remercie Dieu. Elle se sent idiote.
Ca fait du bien de parler à quelqu’un.
De plus grand que soi.
De certainement plus fort.
De qui on peut tout imaginer, autant qu’on veut, aussi loin, aussi énorme qu’on veut. Elle sent alors que l’énormité ou la multitude, rien n’est bien clair, qui l’habite se déverse.
Parfois aussi, elle parle au p’tit r’montant. Elle n’a plus rien à perdre quand elle est face à lui, les deux mains bien enveloppées autour du verre. Bien chaudes. Bien serrées.
« Je ne dois pas briser.
Je ne dois pas tomber.
Je chute, tous les jours et surtout toutes les nuits.
Et c’est toi qui m’attends au fond du verre.
Les autres jouent l’équilibre sur le bord et font chanter la matière.
Je glisse toujours au fond du verre.
Dans ta douceur.
Dans ta chaleur.
Dans ta violence qui tue la mienne.
Tu es le seul qui me maîtrises.
Tu apaises tous ces Non ignorés.
Tu es un monstrueux Oui, aussi cruel qu’un Non.
Tu me sauves et me perds.
Je me perds avec et sans toi.
Mon p’tit r’montant.
Je te chéris.
Je te bénis.
Bientôt, tu seras mon meilleur amant. »

mercredi 21 janvier 2015

Valse de fluides

Boire et reboire
tout boire pour oublier.
Vite vite, tout effacer
de l’esprit.
Embuer,
évaporer
de nuages chauds.
Noyer,
hisser la surface au plus haut,
pour que tout cela ne soit
plus
qu’un iceberg
à peine visible.
Noyer,
étouffer
étrangler
la diablesse
qui jouit.
Elle la noiera
jusqu’à la lie.
Elle croyait que
le garçon
poussait.
Elle a cru
que c’était lui.
Mais lui
n’est pas seul.
Ils dansent tous
dans son ventre,
ils coulent dans
ses veines,
ils glissent
en toboggan
à la place
du sang.
Ils ont tous
éjecté
la sève.
Le sang est perdu.
Tout est une histoire
de liquides.
Elle ne sait plus
où est le bon,
le premier,
la poule et l’œuf,
qui doit-on croire
quoi ?
Elle lâche la barre,
elle était prête à
crever
la diablesse ;
Mais la troupe de tous,
le couillu
et tous
les anges-serpents
lui coupent
les bras.
Ils se faufilent,
elle n’a plus de place.
Il ne faut surtout rien avaler de
solide
pour ne pas les nourrir,
pour ne pas les grossir.
Il faut
il faut
boire et reboire.
Tout diluer,
tout rendre
immatériel
Tout ramollir !
Tout avachir
et tout évacuer,
tout uriner
et
excrémenter.
Tous les
chier
et chasser encore
avec de l’eau.
Le nerf de
sa guerre,
liquide et tout le tintouin.
Tous les humides
et liquéfieurs,
vagues de
détergents
abrasifs.
Tous les remous
reflux
courants
sont bons à prendre.
Elle abhorre
tout obstacle
toute pierre
à son édifice de
fluides.
Elle ne doit plus sentir
que
des flots,
les siens,
personne d’autre pour
se couler
dans son corps.
Que la diablesse fonde !
Que le couillu dissolve
tous ses membres
et aille habiter une autre folle !
Boire et reboire,
intransigeance !