dimanche 25 juin 2017

l'Ombre et l'Amie

Les jolies teintes
du monde en tête
éteintes,
les danses-sourires
du corps rêvé
putrides,
les élans-étreintes
l'esprit en fête
terras-
sés,
étri-
pés par
l'Ombre reprend
la main,
la mienne,
je la lui tiens,
ferme,
en retour,
rancœur,
colère,
enrage,
piétine,
trépigne,
poings pourraient
se
délier.
La danse macabre
moque
méprise
joue
manipule
sans foi ni loi.
Aussi se croit plus forte
que tout.
Mais l'Ombre
et sa danse
doivent un moment
partager
le terrain
avec et contre,
la mort dans l'âme
qui demeure
qui ne s'essouffle
pas
comme ça,
avec et contre la
chaleur
jaune d'or
de l'amie
vraie.

La vraie vie

Cela lui donna d'autant plus envie de retourner observer chez Carotte. Cette dernière ne devait pas se méfier d'un retour de flammes, pensant sans doute avec en tête l'ancienne Patate, démissionnaire. Et Patate savait qu'elle n'avait pas grand-chose à craindre. De toute façon, elle ne craignait plus pour une fois. Elle avait pris le pli et trouvé le truc pour opérer en toute impunité. Elle trouvait la vie juste enfin.
Elle passa la journée apaisée, le ventre libre d'angoisses et d'interdits. Libre de faire, de dire. ça n'allait sans doute pas durer toujours. Elle en profitait. Sur un petit nuage tout en ne perdant pas le nord, presque surprise de se mouvoir sans heurts. Sans doute les autres, certains autres s'aperçurent. Mais elle n'eut pas envie de le voir ni envie d'y prêter attention. Elle s'intéressait à elle-même, juste à elle-même en égoïste, égocentrique, grande narcissique d'un jour. Elle ressentait ce que c'était de s'aimer soi-même, de tourner autour de soi, en boucle fermée, en cercle vicieux peut-être, mais pour le moment peu lui importait. Elle retournait son regard sur elle-même et elle jouissait d'avoir découvert un autre visage, une autre facette qu'elle pourrait enfin aimer.
Le soir-même, elle prépara son baluchon afin de se rendre à nouveau chez la Carotte family. Elle était toute excitée. Bien plus que d'habitude. Parce qu'elle savait qu'elle ne faisait pas cela en vain. Elle allait faire le plein d'informations qui la rendraient encore plus forte. Rien que de les avoir, de les brandir à mi-mots à la face ou à l'oreille de Carotte, et elle détenait sa liberté. Elle grossissait sa liberté, elle la nourrissait comme son bébé miracle. Elle n'avait pas besoin de divulguer en haut-parleur, de crier sur tous les toits. Il suffisait d'insinuer. Ce n'était pas joli joli ? Non non, ce n'était pas joli joli et voilà tout. Le joli tout beau n'avait jusque là rien donné de bienheureux et ne satisfaisait que les adultes finis et replets qui ne voyaient pas plus loin que le bout de leur nez. Alors les remords, elle les remettait à demain. Ou plus si c'était possible. Elle espérait secrètement qu'ils ne reviendraient plus jamais la hanter, comme par magie. Elle savait pertinemment que c'était un vœu pieux. Elle savait parfaitement que là, elle s'en moquait.
Elle partit sautillant par le froid le plus glacial. Il lui piquait méchamment les doigts, le nez et les oreilles. Elle avançait sans souci. Elle arriva à sa planque habituelle. Elle avait entendu des cris, à peine arrivée à proximité de la maison. Elle avait souri en se faufilant. Cruelle. Elle jeta un regard par le bas de la fenêtre. Carotte était en train de hurler sur sa mère. Patate pourtant prête à tout, fut prise d'un haut-le-coeur tant les mots étaient insultants. Non qu'elle n'imaginât pas que cette mère fût incompétente, bien au contraire cela était évident. Mais personne ne méritait tout de même que l'on s'adresse ainsi à lui. Patate sentit là où se situaient ses limites, ses valeurs, les siennes, les plus profondes, celles qui faisaient vibrer les tripes. Elle découvrait encore une chose : elle détenait des valeurs propres, qu'elle devait bien sûr aux autres, elle n'était pas assez bête pour penser comme Carotte s'auto-suffire. Mais elle n'avait jamais senti ce qui lui importait vraiment. Elle agissait ainsi ou autrement parce qu'il le fallait, parce qu'elle le devait, pour éviter les problèmes. Désormais, se dévoilait ce en quoi elle croyait. Pour l'instant du moins.
« Espèce de débile profonde. Et dire que je suis de toi ! Ce n'est pas possible ! Tu n'es pas ma mère.
  • Carotte !
  • Oui, Carotte, Carotte quoi ?!! je vais changer de nom, je vais changer de vie, je vais tout changer pur ne surtout rien avoir de toi, pour n'être rien de toi. Tu es pourrie de l'intérieur. Tu es une honte ! Ne me touche plus jamais, ne me parle plus ! Tu n'es même pas capable d'élever tes enfants correctement. Tu n'es qu'une inutile, parasite. Et tu te laisses tromper de tous les côtés par ton mari, sans réagir, sans le quitter. Quitte-le une fis pour toutes et débarrasse-nous le plancher ! On sera tranquille sans toi. Putain !
Patate se tourna et vis, ébahie, le père de famille, dans un coin, appuyé au chambranle qui assistait à la scène sans mot dire. Il avait un petit sourire répugnant. Il était beau comme un dieu. Il intervint quand Carotte eût fini sa tirade haineuse.
« C'est bon Carotte Arrête ça ! Ce ne sont pas tes affaires.
  • Pas mes affaires Papa ? Mais je sais tout. Tu m'as raconté.
  • Je n'aurais pas dû. Et je n'ai pas raconté. Tu as compris toute seule.
  • Tu ne t'es pas caché.
  • C'est vrai. Il n'empêche que ce ne sont pas tes affaires. Bien sûr que ta mère et moi ne nous entendons plus mais reste en-dehors de ça.
  • Alors pourquoi tu m'en parles ?
  • Mais c'est toi qui m'en parles ma grande !
  • Arrête de parler comme ça parce qu'elle est là.
  • Je te parle comme d'habitude Carotte. Calme-toi ma belle.
  • Papa !!
  • Allez, va dans ta chambre et repose-toi. Tu es trop énervée, tu perds pied.
  • Mais...
  • ALLEZ ! MONTE !
Il avait crié d'un coup absolument imprévisible. Carotte rougit comme une tomate, vexée, enragée, jalouse, elle jeta un regard de haine à sa mère pleurant sur le canapé et monta avec fracas. Le père rit de bon cœur. Patate n'en croyait pas ses yeux. Elle s'assit et souffla. Son sang battait dans ses tempes. Elle était hors d'elle. Elle avait envie de frapper. Que s'était-il donc passé ?

jeudi 22 juin 2017

A l'attaque Patate !

Dans la largeur des vêtements et la fin de sa lutte pour la norme, elle put enfin se laisser être. Elle commença de se sentir plus forte et elle put repenser à certains terribles moments. Surtout avec Carotte. Elle ne le comprenait pas pour l'instant et elle mettrait des années mais Carotte était une vraie déglinguée, détraquée. Une vraie furieuse qui jouissait du malheur des autres. Une vraie. Qui s'endormait avec le sourire quand elle avait pu pomper celui ou celle qu'elle avait élu pour être sa victime du jour. Il n'y avait pas seulement Patate bien entendu. Carotte diversifiait son zoo. Elle tentait diverses bêtes et diverses griffes ou crocs pour se faire la main, pour gagner et mettre à terre tout ce qui lui passait entre les doigts. Carotte donnait cette impression terrible de tout pouvoir et d'impuissance face à elle. Cette folie des pervers qui n'ont d'autres moyens de subsistance que l'autre et ses ressources, le pervers qui ne pourrait survivre sans les autres tout près de lui. Patate haïssait Carotte et entrevoyait une issue face à elle. Elle avait toujours cru n'être que sa victime, parfois son alliée, en fait sa marionnette du moment. Elle entrevoyait aujourd'hui sa faiblesse. Patate n'était pas prête à tout, elle n'était pas de ceux-là. Mais elle était prête à blesser profondément, désormais. Elle détenait une arme, un secret, elle pouvait faire chanter la folle perverse. Elle voulait posséder davantage d'informations avant de passer à l'action mis, en réalité, elle n'y tint pas. Elle trépignait d'impatience. Elle rongeait son frein mais elle se vit lâcher les chiens avant même d'avoir compris ce qui se passait.
« Alors Patate, on change de look ?! Eh, il était temps non. Tu vas enfin arrêter de faire comme les autres non ? Comme moi aussi non ?
  • C'est ça Carotte.
Carotte surprise de l'aplomb de Patate.
  • eh ben dis ! Tu prends la confiance toi !
Elle rit, moqueuse.
  • C'est ça Carotte. Je prends la confiance. Ca va te faire bizarre hein ?
Patate ne se reconnaissait pas. Plus elle parlait, plus elle souriait bêtement de satisfaction et de soulagement. Tout son ventre se libérait et elle se sentit légère brutalement. Elle expérimentait le plaisir de la vengeance en gestation.
  • Eh ben alors (elle siffle) vous avez vu ça ?
Patate sent qu'elle ne tiendra pas face au groupe, elle recule et commence à se recroqueviller intérieurement. Mais la scène n'intéresse heureusement personne. Il y a un autre histoire bien plus croustillante à côté.
  • Bon, Tout le monde s'en fout non ?
  • De toi oui.
  • Euh, de nous Carotte.
  • Bien sûr. Tu veux m'emmener là-dedans ? Je vois ce que tu fais.
  • Ah bon ? Et qu'est-ce que je fais ?
  • Tu essayes de me mettre dans le même sac que toi.
  • Oh surtout pas Carotte ! Je ne voudrais surtout pas te ressembler, contrairement à ce que tu crois. Je ne suis pas comme toi.
  • Ca c'est sûr !
  • Tu l'as dit ! Moi, je n'insulte pas ma mère et je ne suis pas la pute de mon père.
Patate ouvrit grand les yeux en s'entendant elle-même. Elle avait osé. Elle s'empêcha d'éclater de rire.
  • Tu a dit quoi là ?
  • Tu as très bien entendu. T'es sûre que tu Veux que je répète.
  • Connasse ! Je te pensais mieux que ça Patate.
  • Eh ben détrompe-toi. Tout le monde a une grosse connasse en soi.
Carotte laissa retomber son sourire qu'elle avait essayé de maintenir jusque-là tant bien que mal et ouvrit bée la bouche quelques secondes avant de se reprendre. Elle eut une moue mauvaise et promit.
  • Tu vas payer ça Patate.
  • Meuh oui ma petite Carotte.
Carotte voulut se retourner pour rétorquer ou frapper. Mais elle se contenta de s'arrêter sur place dos à Patate, tout sourire, et de reprendre son chemin les poings serrés et la démarche raide. Et Patate passa la meilleure journée de toute son existence ensuite. Béate. Vivante.

mardi 20 juin 2017

Les images folles

Quelques images
lancinantes
tapageuses
nocturnes souvent
diurnes peu à peu,
frappadingues
énormes
ineffables.
Quelques images
de monstruosité,
d'une violence
risibles,
pour ne pas savoir.
Quelques images
dont on se moque
tout seul
dans son coin de tête,
on ne dit rien,
bien sûr,
images intimes,
des entrailles,
rebutantes
chirurgicales,
gare au mal-au-coeureux.
Quelques images
du fond des âges,
qui font
honte
peur
et mal,
sans aucune pitié,
psychotique,
sans les jolis filtres,
adoucissants après
lavage.
Quelques images
sales
folles
pures.
Pures comme
la vérité
qu'on cache,
tous,
même ceux qui croient
à leur paix in-
térieure.
Quelques images
trop vraies,
trop là,
trop trop.
Pourtant inévitables.
Ou alors oui,
fuite en avant,
des décennies,
mais à quel prix...
Quelques images
qui font saigner,
qui font siffler
les poumons outrés,
Témoins sans
détour
qui déverrouillent
la cage
et le
courage.

lundi 19 juin 2017

Changement de sexe

Elle a commencé avec se escapades nocturnes. Elle a entamé le vrai, la chair. Elle eu un premier élan. Désormais, elle voit l'horizon s'ouvrir malgré un mur qui ne cède pas encore, pour des années encore mais il ne sera plus le seul devant ses yeux, à lui boucher la vue, à l'aveugler et l'empêcher. Elle voit tous les autres derrière. Non que notre chère bâtisse soit désormais transparente mais les autres sont devenus légitimes et se font voir, on ne sait trop comment. Ne m'interrogez pas sur ces détails pratiques et surtout physiques qui me dépassent. Ce qu'elle voit en premier et qui brille le plus c'est la métamorphose. Les aventures secrètes continueront, vous verrez mais plus seulement.
Du jour au lendemain, dit-on dans son entourage sauf Kiwi bien sûr, Patate mua, certains allèrent jusqu'à « muta ». Elle avait coupé ses longs cheveux blonds, ternes, et n'avait pour ainsi dire que quelques centimètres sur le crâne. Une brosse à ras. Bonnet vissé jusqu'aux oreilles. La frileuse eut terriblement froid à la tête mais quel plaisir de se sentir aussi libre ! Elle put garder son bonnet dans la plupart des cours, elle avait bonne presse auprès des enseignants. Et à vrai dire, tout le monde était stupéfait. La gentille Patate... Donc, nous disions, plus de cheveux. Elle s'était habillée largement, confortablement, sans essayer de mettre quoi que ce soit en valeur, sans se poster en face d'elle-même à se relooker mais de l'intérieur au contraire à se sentir douillette, rien d'autre. Elle prit tout de même soin de plaquer avec deux soutien-gorge de sport son opulente et détestable poitrine. Elle repensa sérieusement à en finir avec elle. Elle se débrouillerait, elle échapperait à cette tare. Elle se sentit plus légère dès qu'elle se fût ainsi glisser dans ses gros vêtements où se perdaient ses seins, son ventre mou et ses jambes d'allumettes. Elle ressemblait plus que jamais à patates et se sentait moins que jamais Patate. Elle était comme elle voulait, comme elle sentait, de l'intérieur, accrochée frénétiquement à ses hanches sûres et certaines depuis quelques jours.
On s'étonna. Même plus, on s'éberlua. Et comme toujours dans ces cas-là, on ne dit rien. Patate s'en réjouit. Elle n'attendait pas encore qu'on réagisse. Elle devait déjà elle-même s'accoutumer à sa nouvelle vie. Sa vie d'homme, de mâle, de putain de mec qu'elle n'avait pas été. Elle était ce qu'elle voulait à partir de ce jour et il s'agissait de cesser d'être cette femelle qu'elle haïssait. Ce premier jour était sa renaissance, elle allait enfin être quelque chose de plus que Patate insignifiante et jouée de tous. Elle était désormais maître du navire.

dimanche 18 juin 2017

Patate prend forme

Pour l'une des premières fois, Patate sent qu'elle n'est pas si patate que ça. Moins informe que ça. On a parlé du mur. On a parlé de l'intérieur. Mais il y a aussi, aussi !, le contour. Le contour de l'être, ses traits trop fins jusque là, parfois même inexistants. Pas de beau contours noirs et francs sans appel. Un trait timide dans un autour incertain. Patate se sent patate, la bien nommée, sans véritable caractère, sans goût, sans odeur et dans un ovale oblong changeant et insécure. Eh bien, l'idée-clef donne un premier coup de feutre profond et sans ratures sur les hanches. Le bassin, creux de tous les ancrages. Il n'y a que cela pour l'instant oui mais ces deux petits coups d'encre noire claire et nette, sans trous ni mous, bloquent toute possibilité de tsunami et de submersion totale. Les hanches sont fixées enfin. Elles sont là, pivot de l'être, prêtes à en découdre, prêtes à porter le haut et le bas. Patate sent pour la première fois que l'idée-clef la visse Elle s'emboîte dans ce bassin-là qui a toujours brinquebalé, donnant cette terrible impression de pouvoir chuter et s'écrouler à chaque moment, chaque pas, que rien n'est sûr, pas même le très facile pas prochain tout droit devant sans obstacles. Il y a le mur de mort. Il y a aussi ce corps débile. Mais si les hanches se fixent, tout devient moins dangereux et l'on peut même se regarder en face sans trop rougir. Patate n'a plus peur de, d'un coup, tomber en poussière comme un faux, un plagiat, un intrus, un usurpateur. Elle peut relever la tête parce qu'elle commence à prendre forme, en plein milieu du corps, en plein cœur. La matrice de son être se réveille. Elle ne pourra plus se rendormir. Une fois en marche, elle est lancée pour toute une existence. Et Patate le sait sans savoir comment. Elle sait qu'elle ne s'écroulera plus face au mur et que même s'il persiste, elle aussi sera là, solide quelque part. Le reste de son contour reste flou. Paris ne s'est pas construit en un jour. Elle est déjà comblée d'être certaine d'un bout d'elle-même, le cœur autour duquel elle pourra manoeuvrer. Elle pourra tout, elle pourra faire de ses rêves du vrai, elle qui pensait demeurer en irréel jusqu'à la fin. Elle n'avait en fait jamais imaginé la vie autrement. Elle n'avait jamais été autre chose qu'une patate floutée et malléable à merci. Elle perçoit que ses mains vont pouvoir modeler, même si elles aussi manquent d'un véritable coup de feutre noir. Elle aura le courage. Elle fixera comme une folle ses hanches, son bassin salvateur, elle l'entraînera comme un sportif de haut niveau pour que le monde se mette à sa portée. Patate avec cette seule arme peut-être s'enfermera mais ce sera en elle-même, pas dans un autre, en fantôme, errante. Elle sera peut-être, sans doute, trop dure, trop impitoyable. Mais elle n'aura pas le choix que d'exister ardemment autour de ces premiers traits réanimants. Elle ne laissera plus passer sa chance. Plus comme avant. Patate se révèle.

mercredi 14 juin 2017

Dangereux aveugles

Vous savez vous aussi
ce gens-là,
ces gens-là qui
ferment les yeux.
Vous savez qui ?
Mais oui !
Ceux qui
disent qu'ils
savent et que tout
oui tout va
pour le mieux
dans le meilleur des mondes
possible
et qu'ils n'ont
non non !
besoin de rien.
Avec un grand sourire bien faux,
bien clair :
casse-toi et me pose pas de questions
ou je te défonce !
Le sourire très bien vu
mais le plus agressif du monde
possible.
Et puis, suffit de quelques minutes
pour les voir
ou chialer,
ou se plaindre amers,
ou se mettre en fureur violente,
ou se murer dans leur souffrance.
Mais ils n'y voient que dalle !
Ils disent que tout va bien,
ils ne mentent pas,
ils y croient dur comme fer
les imbéciles.
Vous voyez bien n'est-ce pas ?
Ces gens-là.
Ils ferment les yeux,
c'est déjà exaspérant,
ils utilisent encore moins des 10%
habituellement invoqués
du cerveau.
Pur gâchis !
Et en plus,
ces cons-là
parfois
vous aboient
dessus,
vous avez eu le malheur
de parler d'une vérité
pas bonne à dire.
Peut-être même sans faire exprès.
Peut-être aussi pour les déclencher
et s'amuser un peu.
Pas beau hein ?!
Ils sont drôles quand même.
Quand même,
même si quel mal ils peuvent faire !
Sans jamais l'admettre !
Sans jamais le voir.
Jusqu'à la mort parfois.
Et en parler sur le dernier lit,
s'il vous plaît,
c'est beaucoup trop tard
et certainement pas louable.
Moins courageux encore que tout le reste.
Se délester avant de.
Et zou, on refile tout
à ceux qui restent.
Ils sont terribles ces gens-là.
Fuyons !
Sinon ?
rions !

mardi 13 juin 2017

L'idée-clef

Plus tard, quand elle aura grandi et souffert toute l'amertume possible, jusqu'au bord du précipice le plus obscur, Patate peut-être trouvera la clef du mur et le petit trou qui lui échappe encore mais qui effondre l'édifice en un tournemain. Pour le moment, avec les moyens du bord, encore un autre bord, elle s'entoure des plus chers et des plus beaux (ceux qu'elle a choisis tels, pas ceux que tout le monde trouve. S'il y a bien un lieu où elle se fiche de l'opinion des autres, c'est celui des livres et de leurs héros. Elle n'aime pas toujours, pas souvent ce que ses pairs apprécient et elle n'a pas peur, elle ne se sent pas seule. Ils lui donnent la force, tous, au creux des pages.) Elle s'entoure, elle lutte contre la solitude. Elle ne peut plus être seule car elle sait désormais que c'est possible. Mais elle n'a pas encore trouvé la véritable issue, celle qui ne joue pas avec ses sens et qui fera disparaître le mur. Ce n'est pas un vœu pieux. Mais Patate pour l'instant ne la voit pas et en effet, la considère comme une superstition ou une magie idiote qui jamais ne surviendra. Elle a fait, déjà, le deuil de cette victoire. Mais contrairement à ce qu'on croit les légumescents opèrent des tas de deuils successifs, parfois hâtifs, beaucoup plus violents que ceux des soi-disant adultes.
Venons-en à cette clef que Patate ignore encore. Cette clef, c'est une idée, une pensée, dont elle rêve de très loin, d'aussi loin que Pluton parfois mais qu'elle est certaine n'être pas sienne. Elle rêve de sa clef. Il faudra qu'elle la laisse s'approcher et qu'elle accepte de s'en saisir. Une idée si vraie et si intense qu'elle ne peut plus être niée, une fois qu'elle est vraiment entrée en soi. L'idée, le rêve qui devient réalité, ce n'est pas qu'une phrase, qui abat les cartes, qui achève le jeu pervers auquel on n'a jamais voulu participer. Une idée qui remet le corps en place, qui annule l'impression de guingois, de bizarre, d'hybride, de monstrueux et d'anormal, d'handicapé invisible. L'idée qui laisse chaque chose, chaque organe, chaque membre revenir à sa place calmement et se mouvoir et agir comme il le doit sans ordres et contre-ordres paradoxaux, sans battements dérythmés, sans coups bas. L'idée qui laisse filer chacun où il le veut sent aime. Le corps est tout entier à sa place, la tête ne lui en veut plus, croyant être des plus distinctes de ce malotru. La cohabitation pacifique, fluide, douce. Le sang coule sans à-coups, sans hésitations, de la tête aux pieds. Et le sourire se dessine sur le visage sans forcer, parce que le monde intestin est clair et net. Le mur de mort ne survit pas à cela. L'idée, depuis longtemps rêvée, devenue réalité, a raison du mur en un clin d'œil. Non pas en un clin d'œil, ça c'est encore du rêve. Mais il se désagrège peu à peu, au fur et à mesure que la pensée s'impose et prend corps dans l'être. Il hurle comme un diable à l'agonie. Il n'aura plus jamais le dernier mot.

lundi 12 juin 2017

Bande de héros

Patate s’entoure de tous les
Héros
De toutes les
Histoires
De tous les
Livres
Qu’elle a avalés,
Digérés,
Métabolisés.
Ils sont tous dans son
Sang,
Ils coulent dans ses
Veines,
Tout au long de
Ses membres.
Ils ne sont pas vraiment
Elle,
Mais ils sont
Dedans
Quand même.
Ils circulent
Et jouent
Comme des poissons
Dans l’eau.
Elle sonne le clairon
Pour les faire mettre en
Rang
D’oignon.
Ils sont
Au garde à vous,
Sans être débiles,
Ni soumis,
Pas militaires
Pour un sou
Mais en service
Dès qu’il le faut.
Ils sont serviables
Comme pas deux.
Ils se plient en quatre
Pour sauver Patate
Des démons
De l’esprit.
Ils sont du même
Univers,
Mais pas du même
Côté.
Ils ont de l’ame
Et de l'esprit.
Mais tous ces héros-là
Sont des anges-gardiens.

Ils sont de toutes les
Tailles,
De toutes les
formes,
De toutes les
Couleurs,
De toutes les
époques,
De tous les
Pays.
Ils sont aussi
Assortis
Que Don Quichotte et
Sancho fidèle.
De loin,
Ils sont bigarrés
Et
Improbables.
Et pourtant
Ils se connaissent bien
Et
Se fréquentent
En-dehors
Aussi.
Ils sont du même
Monde,
Ils sont de l’imaginaire
Et du plus profond réel.
Trop profond pour être de
Chair et d’os.
Mais plus puissants
Que tous les vivants
Palpitants
Contre le mur de mort
De Patate
Et Kiwi
Et les autres.

jeudi 8 juin 2017

Kiwi et tous les autres contre la solitude crevarde

Un Kiwi pour une Patate, ça change une vie. Ça empêche de crever, disons les choses comme elles sont. Vous allez dire que c'est simpliste mais je ne crois pas non : une fois qu'on n'est plus seul, à l'intérieur, tout change. Tout se transforme. Le mur de mort ne disparaît pas et ne tombe pas bien entendu. Il est plus fort que cela et les attaques devront être répétées et patientes avant d'être efficaces. Mais ce n'est pas ça le plus important. L'essentiel est de ne pas être seul face à lui. On est toujours seul face à lui. Je ne me contredis pas non. Tout ça est tout un micmac terriblement humain. Concrètement, même si rien de cela n'est concret, Patate ou Kiwi ou les autres sentent advenir l'adversité et ils se recroquevillent. Ils sentent qu'autour d'eux, les éléments se resserrent et pas pour les envelopper et les bercer. Ils lèvent les yeux et le mur est là, érigé fièrement. Il n'est pas traître, il se fait sentir. Il est d'une puissance désespérante, ça oui. Et ils lèvent les yeux jusque tout en haut, ils ne peuvent pas s'en empêcher, ils se ratatinent encore davantage. Mais mais ! Ça y est , pour Patate est apparu un mais. Le mais que toute cette engeance attend : le compatriote, le soldat d'à-côté, celui qui reste dans la poitrine, logé irrésistiblement et qui fait la douleur moins folle, juste parce qu'il es là.
Patate avait trouvé son Kiwi ou plutôt Kiwi avait trouvé Patate. Etait allé la chercher. Mais par la suite, elle se rendit compte que, premièrement Kiwi n'était pas le seul qui pouvait se lover en elle quand le mur paraissait ; deuxièmement, que ce n'était pas forcément un humain qui pouvait faire office de toudoux dans la poitrine. Elle apprit peu à peu, par hasard, crut-elle, qu'une odeur, surtout une odeur, ou une couleur, ou un mot, ou au-delà, un livre et tout son univers étaient aussi puissants qu'un Kiwi bien vivant. Vivants à leur manière, différents mais bien vivants aussi. Sans cœur qui bat. Pas toujours la peine.

mercredi 7 juin 2017

Kiwi-Patate contre le mur de mort

Patate n'a pas essayé d'en parler, n'y a pas même pensé. Elle a foi dans le verbe mais ironie de la vie, elle ne s'en saisit pas pour abattre ce mur d'une autre foi. Elle ne sait pas que les fois se combattent et qu'elles s'annulent. Elle croit trop dur au mur de mort. Alors encore et encore, elle se tait. Elle sait qu'il ne faut pas dire ce genre de choses, que c'est péché, danger, échoué d'avance comme une grosse baleine obèse et acnéique sur une toute petite plage de la Côte d'Azur remplie de beaux gosses à Ray Ban et de pétasses monokiniques. Au vu de ce risque majeur, elle se tait. On ne peut que la comprendre n'est-ce pas ? Elle n'en parle pas parce qu'elle n'imagine pas une seule seconde qu'on peut partager cette chose-là et qu'elle n'est pas l'unique détentrice de cette image répugnante. Même le mur, qu'en dire ? Se lamenter ensemble ? Elle n'est pas de ce pain-là. Et pourtant...
Un saut de quelques mois pour les besoins de cohérence de la narration. Vous me l'accorderez. Pas le choix. Patate a beau avoir vu les clans et les repères bouger, le monde n'a pas encore changé. Pas encore le big bang tant attendu. Mais, à venir... Toujours est-il donc que, quand même, quelque chose survient. Patate n'avait toujours pas parlé, toujours pas sorti le gros lot, gerbé la méga galette complète. Patate en était toujours au même point avec son mur. Elle était tranquillement dans sa chambre un soir de week-end, en pleine lecture, sans bruit, comme toujours. Silencieuse Patate. Le frère Kiwi rentra en frappant. Elle s'arrêta de lire. Il était grave et sombre. Cela lui arrivait, pas si rarement. Elle ne s'en effrayait pas. Et même si elle restait muette, elle connaissait bien ça et elle compatissait. Il s'assit à côté d'elle sur le lit :
« ça va Patata ?
  • ça va.
  • Ça va toujours toi, hein ?!
  • Je sais que tu ne diras rien ma Patata. Mais je sais que tu entends et comprends.
  • Oui, ça je sais faire.
  • Je sais. Même si tout le monde n'est pas au courant.
  • Connais-tu un mur ?
  • Un mur ?
  • Un mur qui t'empêcherait de... de presque tout. Surtout de sourire et parler.
  • Rien ne m'empêche jamais de sourire, malheureusement.
  • Oui, c'est vrai.
Il sourit.
  • Un mur comment ?
  • Un mur de mort.
Patate est choquée, comme une bombe dans son univers. Toujours pas le big bang dont on parlait ci-dessus. Une bombe qui défonce bien méchamment le mur.
  • L'as-tu déjà vu ?
  • Oui.
  • Alors nous voilà deux soeurette. Il me poursuit moi aussi. Ne me regarde pas comme ça.
Il rit doucement.
  • Ben c'est dingue.
  • Non c'est triste.
  • Aussi oui. Mais putain on est deux.
  • On est putain de beaucoup plus que ça ma Patata. Beaucoup plus que ça. Alors lève-toi et parle.
  • Facile à dire.
  • C'est vrai. Mais désormais tu sais. Ne l'oublie pas quand il se dresse devant toi et te hurle dessus. N'oublie pas tes semblables.
  • Je penserai à toi Kiki.
  • Si tu veux la belle. Mais pas de Kiki !, dit-il en riant, même ici maintenant. N'en profite pas hein !
Il la serre fort dans ses bras et s'en va.
Elle est penaude.
Elle est toute chaude.
Elle l'aime de tout son cœur, celui-là.

lundi 5 juin 2017

Mur de mort

En fait, toutes ces considérations nous mènent à un renversement, voire un rebondissement notoire. Regardez donc : il y a grossièrement dans la vie, selon Patate, les gens comme elle, qui ont peur, qui ne savent pas dire non, qui se retournent en criant quand leur ombre les suit de trop près. Il y a de l'autre côté du grand mur, l'Infranchissable, les Carotte : peur de rien, font ce qu'ils désirent, jouent avec leur monde. Entre les deux donc, ce mur, cet enculé de mur auquel Patate croit dur comme fer. Le mur sur lequel on peut se lamenter aussi, même si ce n'est pas celui qu'on connaît tous. Ce mur qui fait croire, précisément. Il nourrit la foi de Patate en son impuissance. Parce qu'on n'en a pas parlé mais bien sûr que Patate a une foi sans limites pour son impuissance. On a vu que ça commence un moment à changer mais ça s'en va et ça revient, c'est de la haute mer et mieux vaut ne pas être trop mal-au-coeureux. Ce mur est d'une inconstance désespérante. Il est toujours plus ou moins là, Patate le sait, ceux de son espèce aussi. Il se laisse oublier, transparent, perd en consistance parce que la foi bien que vivante n'est pas au premier plan. Mais quand la peur revient, quand l'accroc qui débine tout se fait jour, le mur fait briller ses pierres comme un salopard de paon en rut. Il est plus fort que tout et il fait croire, fait avaler n'importe quoi. Les Patate deviennent stupides face à lui, perdent tous leurs moyens. Les Patate ne sont plus que des robots qui font semblant d'être comme les autres. Derrière, ils peuvent voir les Carotte s'amuser et jouir de la vie à leur habitude, ne rien changer à leur train-train. Ils voient cette injustice. Ils ragent. Ils crachent. Ils jurent contre ce bel enculé de mur, et pour aller jusqu'au bout, c'est plutôt lui qui les encule. Ils ne sont que des victimes, des moutons noirs. Alors qu'ils voudraient pour certains d'entre eux, pas tous, soyons honnêtes, se défaire de cette malédiction, ce qu'ils croient tel à ce moment-là. Parce que la foi devient superstition alors. Ils deviennent débiles, je l'ai dit !
Sauf que voilà, Patate commençait depuis son aventure chez Carotte à voir tourner sa foi. Son impuissance lui semblait bien moins évidente. Le mur bien moins net. Il n'avait certainement pas disparu, pas d'idiotie. C'est un mur nourri de foi. C'est un mur d'une solidité à toute épreuve. Il a attrapé le sol de ses racines gluantes et ne lâche pas prise d'un seul coup. Mais justement, il prend des coups, longtemps avant de se fissurer et de peut-être un jour s'écrouler. Il faut taper au bon endroit, au point sensible, au minuscule mais exact point faible. Patate sentait qu'elle avait peut-être une ouverture sur le monde d'en face et qu'elle n'était pas vouée à ce monde-ci. Parce qu'elle commençait à y croire. Parce qu'elle avait vu que ni le mur ni rien d'autre ne fige les gens et les clans. Que ce sont des vues de l'esprit et que tout est mobiles et que... Je m'emballe. Elle n'en était pas là mais l'espoir d'abattre avec toute sa violence ruminée beaucoup trop souvent, avalée mais indigérable, avalée remontée, avalée remontée, avalée remontée sans cesse ce mur de mort.

Foi et tout le tralala

Peut-être aussi, se dit-elle, qu'elle sentait que quelque chose avait changé en Patate. Parce que oui quelque chose était terriblement en train de changer en Patate. Les rapports de force qu'elle croyait immuables se transformaient à vue d’œil, les repères qu'elle était sûre d'être fixés jusqu'au cœur de la planète se déplaçaient, les racines indécrottables de son impuissance se dénouaient. Patate, jeune, encore toute jeune, malgré la douleur, ne savait pas combien la vie contient d'horizons. Combien l'existence ouvre de portes quand on en trouve la route. Combien elle-même Patate contenait de promesses. Elle ignorait tout cela. Elle, je crois, préférait ne pas espérer davantage que ce qu'elle constatait être sûr, prouvé et concret, Saint Thomas en herbe. Encore une fois, ce qu'elle pensait être tel. Tout cela n'est qu'impression. Tout réside dans des croyances et des fois. L'homme est un être de foi. Voilà ce qui le différencie de l'animal. Pas un être de religion. Cela n'est qu'une minuscule partie de la foi, de toutes les fois qui existent. Ce n'est que la partie étriquée de la foi que ceux qui aspiraient au pouvoir, qui y aspirent toujours d'ailleurs, pas les mêmes mais de la même manière, ont affirmé être La foi. Il y a aussi toutes les autres : la foi en la raison, la plus méconnue et surtout la plus déniée de ceux qui la pratiquent, qui se récrient que la raison, la logique et les mathématiques de la science ne peuvent pas être une foi puisqu'ils en sont le contraire. Sur quels arguments fallacieux appuient-ils leurs dires ? Sur des histoires de preuves et de protocoles « scientifiquement prouvés », c'est l'expression consacrée. Des choses qui ne peuvent pas mentir, elles ! Là, ils se méprennent déjà puisque la foi, toute foi se dédouane d'emblée d'une quelconque vérité. Toute foi admet sa vérité en laquelle on se contente, si cela peut paraître facile à certains, de faire une confiance absolue ou du moins parfois entière. On n'est pas obligé d'avoir la foi tout le temps. Qui ne doute pas de sa foi primordiale ? Celle de ses tripes ? Hein dites ?! Pour ce qui est du protocole scientifiquement prouvé et des preuves irréfutables, elles le sont à un instant T, dans un espace E, dans une société S, dans les mains de Messieurs X et Y. Elles sont convaincantes et pour partie irréfutables. Mais une fois l'observateur ou auditeur décentré de son espace-temps et son objectivité toujours subjective, tout se questionne à nouveau. Peut-être pas tout à fait tout, d'accord. Mais une grande majorité. Après, l'on choisit d'y croire et de le prendre comme repère. Et on est rassuré. L'on peut tourner les talons et reprendre sa vie sans se demander ce que l'humain peut bien faire sur cette terre.
Patate se rend compte que la religion, oui ça lui parle, oui c'est un secours, oui elle prie pour ne pas sombrer, oui elle y croit, et elle n'en a pas honte. Elle y croit tout en se disant qu'elle est humaine et qu'elle a besoin d'y croire mais que finalement rien ne lui donne à croire que. Elle y croit comme on croit à une pilule bleue délivrée par un gentil et beau médecin à la voix douce. On n'a qu'envie d'y croire. Mais elle a également d'autres fois : les mots, le langage, le verbe. Elle a foi en son incroyable puissance. Elle croit dur comme fer qu'ils peuvent mener quiconque au bout du monde. C'est son dada à elle, son canasson préféré, celui qui l'accroche à la vie et au réel. Elle n'en fait rien de plus que de le penser et de le dire parfois, aux adultes, qui même idiots, sont plus avancés sur ce point que ses pairs imbéciles.
On pourrait penser que Patate est hautaine, qu'elle s'imagine plus intelligente que les autres. Sûrement pas ! Détrompez-vous et que les choses soient claires à l'avenir ! C'est moi qui dit ça. Parce que, ben oui je prends la défense de mon personnage, ben oui ! Sinon, si je ne l'aime pas, à quoi cela sert-il que je lui écrive tant de pages ? Hein ? … Ne répondez pas tous à la fois surtout ! Bien sûr que je l'aime de tout mon cœur ce personnage. C'est mon enfant, celui que j'ai adopté et que je défends bec et ongles contre les aridités de la vie, que j'essaye de réparer, de panser du moins, autant que faire se peut. Je ne dirais pas « c'est mon bébé », comme vous l'attendiez peut-être. Ce n'est pas mon bébé puisqu'elle est légumescente ! Je ne l'ai pas adoptée bébé et je ne la traiterai pas comme un nourrisson. C'est trop tard. Le mal est fait et je ne l'ai même pas connue à l'époque alors... C'est mon enfant et je prends son parti contre tous les autres. Pas bêtement mais pour rendre justice. Donc c'est bien moi et non elle qui parle d'idiots et d'imbéciles. Elle aces idées-là mais très loin, derrière la tête, elle ne peut pas les attraper. Elle en a honte et elle ne veut pas être de ceux-là. Patate a à cœur d'être une personne qui ne méprise pas. Elle est tentée, comme tout un chacun, avec les plus forts surtout, les plus impertinents. Mais elle ne s'y autorise pas. Elle ne veut pas être de ceux qu'elle combat. Elle avait envie de mépriser Carotte, de toute son âme. Mais elle n'aurait pas arrangé son cas et se serait d'autant plus méprisée elle-même. Elle n'était pas mieux que les autres et se le serinait, ou plutôt une petite voix, une grosse voix intérieure lui serinait combien l'humilité était un gage de valeur.

dimanche 4 juin 2017

Chacun son tour !

Le lendemain au collège, Carotte est imbuvable. Elle se pavane, elle se moque de tout et de rien, plus que jamais insolente ironique. Ces jours-là, on a envie de la tuer. On a envie de l'étrangler tant elle est insupportable. Elle se croit belle, elle se croit forte, elle se croit maligne. Elle est suivie par sa cour de Petite Poisse et autres guenons à succès. Elle n'est jamais seule. Elle a aussi son harem, toujours 4 ou 5 mâles à baver devant elle, tout au long de l'année. Vous vous demandez pourquoi parce que vous êtes grandis, que vous n'avez plus cet âge glacial et brûlant où seule compte l'apparence de puissance. On voue un culte aux sûrs et certains, on se prosterne devant les impassibles, on adore les indifférents implacables. On n'hésite pas à élire capitaine un cruel mais solide. Toute faiblesse est un sacrilège. On la bannit hors de toute vue. On se cache de la véritable condition humaine. Les derniers moments aveugles avant la lucidité nécessaire à un état mental relativement sain. Il y a bien ceux qui continuent de faire comme s'ils ignoraient la fragilité de leur nature et de leur passage ici-bas, leur vanité et leur existentielle inutilité. Il y en et y en aura toujours. Mais si ce sont les meilleurs pendant légumescence, ce sont les fous à l'âge adulte. Légumescence est une folie normale, passagère mais totalement folle. Tout le monde est fou, paranoïaque, suivant un petit Hitler au garde à vous, prêt à lâcher les chiens jusqu'à la mort. Plusieurs années de folie pure qu'on doit traverser patiemment en trouvant ça normal. Mais en réalité, la plupart aime cette hérésie. Les parias comme Patate doivent prendre leur mal en patience. Penser et espérer de tout leur cœur l'âge adulte moins bête, moins douloureux, pensent-ils. Ca fait tenir le coup, sans aucune doute. C'est presque la seule chose qui fait tenir le coup. Sinon, autant se flinguer tout de suite. Bon, l'on sait qu'ils seront un peu déçus mais mais ! Ce sera quand même toujours plus vivable. Non que l'adulte, ou celui défini tel selon son âge chronologique, purement objectif entendons-nous bien, en rien ne prédisant quoi que ce soit de la qualité de son intériorité, soit profondément moins bête, excusez-moi mais disons les choses franchement. Non qu'il soit moins bête mais il en a davantage honte. Il cache ses enfantillages sous les apparats du grand. Vous me direz c'est parfois pire. Je vous répondrai c'est toujours pire. Pas l'excuse de la légumescence. Aucune excuse. En fait, si. Sans ou presque exception, il y a de terribles raisons à ce que j'appelle bêtise. Qui est comme on veut méchanceté, mépris, arrogance, fatuité, et tout cela sans humour, toujours. Cette bêtise mal nommée est sans ou presque exception la partie apparente d'un iceberg de souffrance. On me rétorquera peut-être que tout le monde ne souffre pas tant que ça, qu'il ne faut pas voir cela partout. Qu'à cela ne tienne ! Trouvez-moi donc une belle explication bien mathématique et rassurante puis mettez-la à l'épreuve des individus réels. Rira bien qui rira le dernier. Bref, l'espoir de l'âge adulte reste fondé sur un constat indéniable : l'adulte a compris quelques trucs de son espèce, il a moins peur, il est moins charognard.
Bref, tout ça pour dire que Carotte ce jour-là est infecte. Elle fait rire quand elle est comme ça ceux qui la suivent et dansent autour d'elle. Elle est hilarante, semble-t-il. Sauf que parfois, des adultes, des vrais, des confiants, des sages, se mettent en travers de sa route. C'est ce qui arriva ce jour précis. Patate s'en délecta, à son tour Cruella.
« Bonjour tout le monde ! Aujourd'hui nous poursuivons sur Bel-Ami. (Murmures d'incompréhension dans la salle.) Il y a un problème ?
-...
-Y a-t-il un problème ? Carotte retournez-vous et taisez-vous.
  • C'est quoi Bel-Ami Monsieur ?, demande-t-elle d'un ton excessivement mielleux.
  • Pardon ?
  • C'est quoi Bel-Ami Monsieur ?
  • Toujours aussi navrante Mademoiselle Carotte. Bon, sortez vos livres !
Carotte voyant que rien de plus ne se passe gamberge. Patate n'est pas loin d'elle et elle la voit se contenir.
  • Alors, allons-y ! Qui veut lire les deux dernières pages du roman sur lesquelles nous travaillerons aujourd'hui ?
  • Carotte, au lieu de continuer à perturber vos camarades qui eux ont peut-être envie de devenir intelligents, lisez.
  • Parce qu'on est plus intelligent quand on lit ce livre de merde ?
  • Tout à fait. Ce livre de merde vous ressemble beaucoup Carotte. Vous pourriez en comprendre des tas de choses sur votre état d'immaturité chronique. Mais au fait, savez-vous lire ? C'est vrai ça, je ne vous ai jamais vue ni entendue lire... Peut-être... Quel malheur tout de même...
L'ironie de l'enseignant et le respect dont il jouit parmi les élèves, même les plus coriaces, provoque un silence lourd. On entendrait une mouche voler. Monsieur Léphant ne craint rien de Carotte. Il attaque sans vergogne. Elle est décontenancée. Elle est vexée, se renfrogne, ronge son frein et prépare sa vengeance. Patate la connaît assez, depuis l'enfance, pour le savoir. Les autres ne voient que son petit sourire narquois. M. Léphant, comme Patate, décèle l'agacement de la jeune fille et sourit pour lui-même. On a l'impression qu'il a d'ailleurs du mal à se retenir de rire franchement. Il se pince les lèvres.
  • On y va Mlle Carotte ou on passe la main à un collègue qui sait lire ?
  • Oh non M. Léphant. Je lis à merveille depuis mes 7 ans.
  • Voilà qui me réchoupille Mlle. J'en suis tout joyeux. Allez-y.
Elle ne le regarde pas et comme la lecture. Elle lit correctement les deux pages concernées.
  • Bien Carotte. Bonne lecture.
Monsieur Léphant est sincère. Carotte ne s'attendait pas à cela. Et pourtnat c'est un as à ce jeu-là. Elle aurait dû le savoir. Mais elle ne pense que selon elle, ne voit pas ce que M. Léphant pratique. Elle ouvre grand les yeux une seconde et se reprend rapidement.
  • Je sais.
  • Oui justement Carotte, vous qui savez tout, dites-nous quelque chose de ce personnage et de cette fin.
  • Ben, il n'a peur de rien. Il est classe.
  • Merci pour votre brillante analyse Carotte. Mais je crois que vous pouvez faire beaucoup mieux même si vous pensez le contraire n'est-ce pas ? Et les autres taisez-vous pour le moment. Choufle tais-toi et arrête de lever le doigt comme un fou ! Je ne t'interrogerai qu'après tout le monde. Il ne suffit pas d'être bon en classe.
Carotte et Choufle soufflent bruyamment en même temps. M. Léphant regarde Carotte en souriant doucement. Il laisse Choufle bougonner dans son coin.
  • Prenez votre temps.
  • Je sais pas.
  • Vous savez. Allez ! Bougez-vous au lieu de jouer à l'imbécile !
Carotte est furax cette fois et elle relève les yeux en fixant M. Léphant.
  • Je crois que ce mec...
  • Cet homme
  • que cet homme se fout...
  • Se fiche
  • se fiche de ce qu'on pense de lui et qu'il a bien raison. Qu'il trace sa route...
  • Qu'il suit sa route
  • Ok, bon ben c'est pas la peine que je parle puisque vous m'interrompez tous les deux mots !
  • Ne te laisse pas déstabiliser Carotte.
  • Je ne suis pas déstabilisée. Qu'il suit sa route selon ses envies et que rien ne l'arrête.
  • Ok, C'est bien. Que crois-tu que l'auteur a voulu donner à voir ?
  • Un homme fort.
  • D'accord.
  • Et qu'imagines-tu ensuite pour lui, après cette fin du roman ?
  • J'en sais rien.
  • Allez !
  • Il est fort mais il finira seul voilà ou crevé par son voisin.
  • Très bien Carotte. Les autres ? Choufle NON ! Petite Poisse ?
  • Oui, euh..., l'auteur donne à voir un personnage qui répète toujours les mêmes erreurs. Et même s'il a encore de la chance pour le moment, on a l'impression que ce sera la chute après.
  • Oui et donc ?
  • Et...
  • Que veut dire l'auteur à ton avis ?
  • Que la chance et le plaisir ne durent pas toujours.
  • Oui super Petite Poisse. Quelqu'un d'autre ?
  • Patate ?
Elle rougit jusqu'aux oreilles. Mais elle a adoré ce livre alors elle a envie de se lancer pour une fois. Depuis quelque temps, elle se lance...
  • Je crois aussi que Maupassant se moque de son personnage. On a envie de rire à la fin et en même temps c'est triste. On dirait qu'on rit avec le personnage qui surprend mais surtout avec Maupassant qui désespère de son personnage.
  • Oui, va plus loin. De quoi désespère-t-on face à ce personnage ?
  • Ben qu'il se mette en question et grandisse ! C'est comme un enfant. Il joue. Il reste dans une cour d'école.
  • Ok. Voilà qui éclaire les choses.
  • Choufle ?
Patate est rouge comme une tomate. Elle respire difficilement. Elle a été agressive sur sa dernière réponse. C'est sorti tout seul. Elle ne pouvait plus faire autrement.
  • Ben, j'ai plus rien à dire.
Il est en colère.
  • Oui je me doute. C'est énervant n'est-ce pas quand les autres s'expriment avant vous et vous empêchent de dire ce que vous avez à dire ?
  • Pffff
  • Eh oui M. Choufle, la dure loi de la vie en société. (Et d'un coup) CHACUN SON TOUR ! Vous n'êtes pas tout seul et pas le plus malin. C'est compris ?
Choufle, comme tous les autres, sursautent. Une des sorties tonitruantes de M. Léphant qui ne supporte pas le favoritisme accordé aux plus « brillants ».
  • C'est compris.
  • Bien. Cela vaut pour tout le monde. C'est clair ?
  • C'est clairrrrr ? J'attends une réponse.
  • Oui (timides et parcimonieux)
  • Plus fort !
  • OUI !
  • Bien, continuons.
Le cours continua dans une ambiance que Patate n'avait jamais expérimentée. Comme si la paix sociale était instaurée. Elle avait moins peur. Elle se sentait à sa place. Qu'elle avait le droit. Ni plus ni oins. Le droit et c'est tout. C'était ça qu'elle attendait.
Elle se tourna vers Carotte. Elle avait les yeux brillants. De rage ou d'autre chose. Elle avait le visage calme pourtant. Pour la première fois. Patate la fixa. Carotte finit par se retourner et lui lancer un regard interrogatif. Mais pas tout à fait inquisiteur comme d'habitude. Elle n'avait plus la force en cet instant. Elle ravalait ses larmes.

jeudi 1 juin 2017

Pur je

Le passé et sa haine
sans peine,
resurgissent,
et rugissent.

Le dégoût et la gerbe
s'arrêtent
juste
au fond de la gorge.

Haut-le-cœur,
muscles bandés,
sourcils froncés,
l'immense colère.

On croyait paix venue.
On croyait calme établi.
On croyait rancune finie.
Mais l'équilibre est ténu.

Rage impitoyable,
envie de meurtre
bien préméditée,
plaisir à y penser,
juste y
penser.

Elle est juste.
Elle est vraie.
Elle a raison d'être.
Elle est indomptable.
Jusqu'à la fin des temps.

Ne plus la ravaler,
chasser les idées folles.
Elles sont des tripes.
Elles sont du fond du trou.

Et le pur je
est là.
A la taille parfaite de
son corps,
tout à sa place,
tout aimable.
Il ne trompe pas.
Il peut sourire
ou non.
Non !
Enfin.

Le pur je
qui sent son sol
solide
sous
ses
semelles
sûres et certaines.
Enfin.

Et Pur Je
souffle.