lundi 30 septembre 2013

Fidèle ennemie

Les années passées repassées,
elle est fidèle
au rendez-vous
jamais lassée
de m'habiter.

Elle se faufile
malicieusement
dans mes rêves
rabelaisiens
lilliputienne ou gargantuesque
imprévisible
mais je l'attends toujours
au coin d'une aventure
en escalier.
Elle n'y manque pas
se cache un peu
faux secret rituel certifié
de polichinelle.
Géante ou naine
elle me fait face
miroir craché de mon passé
elle change de masque
par fantaisie
elle sait comme moi que d'un coup d'œil
je comprendrai.

Elle s'insinue
en filigrane
subliminale
au fond du film perpétuel,
Elle cloche
au ding d'un mot
danse sur la table nue comme un ver
et fier de l'être,
Elle balance son sourire
qui s'agglutine à l'air
juste sous mes yeux
et elle susurre un "déjà vu".
Je serre le poing
je lève l'épaule le coude
elle s'évanouit derrière le présent
un orteil toujours chez moi
sûre de pouvoir resurgir
sorcière crochue verrue
diablesse écumante
clown délavé
elle tourne le bouton et dévisse le crâne
myriade d'ennemis
en rang
qui s'offrent à elle.
A moi aussi.

J'ai longtemps cru qu'elle était mon démon
passé haï vomi
jamais gloutonné
toujours débecté
en travers de la gorge.
J'ai longtemps cru qu'on me punissait
me frappait jusqu'à ce que la moelle
se révolte.
J'ai été sûre
dans une rondeur parfaite
sans la moindre éraflure
qu'elle était
Le bourreau
sanguinaire de mes veines
que j'étais la brebis galeuse et ben tant pis.
J'ai été sûre
qu'elle serait toujours là pour
me rouler
me faire désespérer devant l'obstacle qu'elle grossissait
et moi les bras ballants
silencieuse aux yeux bêtes
me défier
jusqu'au dernier centime.

Et le voilà le jour où
mon âme a trouvé
dans son amie intime
une meilleure partenaire
de jeu.
Je n'ai plus besoin d'elle
pour me sentir vibrante
pour valoir une place parmi mes congénères.
L'armoire à têtes a disparu
ma peur ma honte enfin lisibles
les miennes
ma honteur
ma pheute
ma pronte
ma honneur.

Prête à brandir le poids du plaisir
d'autant étincelant.

Prête à bercer ''hideur dans ma coupe d'or.

Prête à me fondre dans l'alchimie.








dimanche 29 septembre 2013

Handicapée

Corps pourri
Haï
Terni
Noirci
Ranci
Farci d'héritages grotesques
Témoin en chef de la lignée.

Corps moisi
Honni
Affaibli
Sali
Avili
Pétri d'injonctions morbides
Contradiction vivante et torturée.

Corps croupi
Maudit
Abruti
Flétri
Meurtri
Bouffi d'idéaux implacables
Cristal difforme d'exigences.

Des milliers de jours à abhorrer la chair,
à contenir l'impulsion répugnée,
à vomir tous mes pores,
à ralentir la destruction,
à camoufler l'erreur
à digérer la honte.

Dissimuler la guerre,
 tuerie sans merci,
Et trouver ça normal.

Comme des grands pieds aux prises avec leur unique paire
de chaussures pour enfant.
Comme un éléphant en cage, la trompe tirebouchonnée,
c'est plus pratique.
Comme Gregor le Cafard sans la métamorphose.

Corps lourd de dix mille ans,
cadeau empoisonné
qu'on interdit de rendre.

Mes deux mains chaudes

Téléphone raccroché encore à la main ;
satané pervers qui me jette dans l'arène des humains,
éternels gladiateurs
à la hache contre une souris qui demande son chemin.
Stupides créatures divines.
Je maintiens l'engin en place.
J'appuie comme une abrutie en chaleur avec des grognements de bête traquée
sur l'appareil mort.
Et dans cette position,
à l'affût du traître dringueur
je me tourne vers les gardiens.

Il y a Dieu bien sûr
dont je ne dirais rien.
On ne me croirait pas.

Il y a la Vigne Vierge
la Femme-Feuilles pied en cap ;
elle trône sur son propre postérieur moltonné.
Elle est immense.

Il y a le grand-père disparu
dont je n'ai rien compris.
avec ses chiffres au lieu des mots.
Dernier cadeau, cartes trésors.

Et il y a surtout toi.
Tu me relèves de l'autre bout du monde.
Je m'arrête de craindre et courir.
Je lâche la machine de guerre
bien sage sur son socle désormais.
Apparemment inoffensive.
Je m'enlace le front
mes deux mains chaudes de ton inlassable présence
j'ai cherché au fond des lignes de mes paumes sèches.
Et rien de plus qu'auparavant.

Je m'enlace le front
mes deux mains chaudes de ton absolue bienveillance
j'ai respiré au creux de mes doigts,
tous les interstices indemnes.
Et rien qui brille.

Je m'enlace le front
mes deux mains chaudes de ton implacable confiance
ont cessé de trembler,
sans crier gare.
Comme si de rien n'était.

Et je suis repartie au monde, en courage.
J'ai maté le combiné et le démon qui m'avait écorchée.

Mes deux mains chaudes de ton serein silence.




vendredi 27 septembre 2013

Vengeance secrétariale

Fracasse l’entrée.
Déboule furie.
Roulé dans tout le couloir jusqu’à la porte du fond.
La large porte à battants des séminaires.
Réunion de pontes ce jour.
Une marée de costards cravates en cul de poule.
Voit leurs petits culs poulets stériles.
Approche tout près tout près sa face dévorée.
Les plonge dans sa misère,
Gorgone, mégère, sorcière.
C’est pas jouli hein les ptits culs ?
Ben dis donc Francis, tu la vois tous les jours pourtant ma tronche !
Gros lard !
Pas un bout de graisse en trop.
Mais ça fait tellement plaisir « Gros lard ! ».
Un mini jambon grillé qui cavale en rose et blanc sous son sérieux.
Ils en sont bouche bée.
Sur leur cul aviaire.
Ca vaut le coup le cul de poule aux yeux de merlan frit.
Eux qui me toisent toujours soigneusement.
Ils sont cois cois.
Alors, j’abuse de la situation.
J’abuse de leur crétinitude.
Je me roule dans leur farine et la farce.
C’est moi qui vais bientôt cuire dans ma poilade.
Je les tripote de ci de là.
Bon cuisseau !
Je les pose en statuts informes.
Têtes à l’envers les pingouins.
Et ô bonheur !
Je les assigne à résidence.
Désigne tous les coupables.
Queue entre les jambes,
ils bavent leurs larmes.

jeudi 26 septembre 2013

Attaque à l'oxygène

Le corps craquelle
démembre.
Faut bander chaque plus petite parcelle
trop tendre.
Air tout puissant querelle
peau, pores, poils,
met en branle la manivelle
à toutes voiles.
Le souffle du monde l’emmêle
vers lui
vante tous les trésors qu’il recèle
la séduit.
Elle souffre le martyre de la pucelle
violée par l’invisible.
Molécules d’oxygène qui l’écartèlent,
traîtres imperceptibles.
Elle décarcasse, toutes les couches pèlent
glissent aux pieds
bouts d’elle s’amoncellent
plus rien entier.
Liberté achevée, existence envolée, appelle
SAMU pompiers
HP et Dieu, la ribambelle
d’impotents priés.
Se recroqueville de plus belle
sur ce qui reste.
Quelques organes qui se rebellent
contre la peste
vie.

mardi 24 septembre 2013

Crayon magique

Il est fou dingue Crayon
Il en tremble d’excitation
Il virevolte sur les lignes à travers derrière elles et dessous
Il est en transe
Prend de la vitesse et puis s’élance

wock wock, wockitiwok

dans la bataille des mots
Il a la frappe dure mon costaud
Malgré sa taille sveltesse
C’est pour les ordonner
Les mettre au pas les raisonner

wock wock, wockitiwok

à la grammaire et à la ligne
Chacun son rang tenu en digne
représentant de sa caste
Crayon assure l’extrême correction
de ses soldats au moindre faux pas, éviction !

wock wock, wockitiwok

il y aura toujours un synonyme usurpateur
mot coucou sur le banc de touche délateur
personne n’est irremplaçable. La guerre des mots !
Sauf ! quand Crayon tricote la langue
Chaque lettre renaît, nouveau big bang.

wock wock, wockitiwok

Crayon magique
Crayon poète
Crayon bâtisseur

lundi 23 septembre 2013

Grand huit

Vertige et chute tout en finesse
Dessine des volutes avec l’âme en fumée
Au lieu de laisser pourrir en cendres froides
Dans l’air indifférent

Restée longuement sur la falaise trouée
Le nez au vent, tuméfié
Par le rhume du désespoir terré
Au creux du cœur tendre terrifié

Terrifié par la vie jusqu’au cou endettée
Poursuivie, vieilles sorcières édentées
Tangue le navire sur la crête droite
Prête à plonger dans les sables dorés

Et puis les forces s’épuisent carrément
L’esprit sans bornes perdu et court
Invisible insipide sans appel incarcéré
Parfait inaudible même dans son dernier cri

La falaise s’évanouit en vapeurs
Esprit âme toute la clique ravivés
Les sorcières au placard évidées
On se met en vie en vitesse.

dimanche 22 septembre 2013

Fou coucou

Piquent et repiquent
Cycle et recycle
Flèches empoisonnées
Venin du coucou sans merci.

Contrôle de la panique
Tacle et racle
Tambour irraisonné
Venin du coucou sans merci.

Lucidité dramatique
Frappe et claque
Avenir emprisonné
Venin du coucou sans merci.

Temps qui passe
Coucou !
Temps perdu
Coucou !
Temps trop tard
Coucou !
Temps moisi
Coucou !
Temps désolé
Coincoin...

Game over
Try again


Fantastique 4

Il dort peu. S'assoupit légèrement.
Intermittences.
Il observe. Prédateur toujours en chasse. Peut surgir de la nuit.
L'opportunité du siècle.

Il est trop grand, Guépard.
Il se plie en quatre pour flairer.
Il n'aime pas ça. Ce n'est pas digne.
La nature est plus forte, il s'y soumet.
Il la soumettra en son temps. A son tour.
Parce qu'il dépasse, fait exploser la case
Ils ont renoncé a l'y reléguer. Affaire à plus fort.
Il dépasse
Il déborde
Destiné à régner, impose implacable, dirige dérange jusqu'au duel sanglant.

Octroyons-nous le temps d'un petite réflexion.
Entre nous.
Il est étonnant de surprendre les anormalités systématiques des princes et inventeurs. E toujours, quand on inspecte l'inspiration, ils auraient pu et ont été handicapés.
Vive le handicap qui décape !

Des pattes gigantesques.
Tentacules.
Des fausses larmes qui barrent la face.
Un air toujours triste.
Et puis toutes des tâches erreurs.
Par-
tout.
Il dépasse
Il deborde
Il déploie
Et il débride le monde qui s'accélère.


Fantastique 3

Elle est enfoncée.
Faite pour ça.
Et puis bien a l'abri, faut bien le dire.
Elle voit pas franchement la lumière du jour.
Elle a pas franchement envie de la voir.
Elle s'y perd s'aveugle.
Et trop de monde, irrespirable.
Piétinée.
Du coup, c'est vrai, elle l'a perdue la vue.
Mais son poil est bien plus doux depuis qu'elle s'est enterrée.
On peut bien se moquer d'elle. E on n'hésite pas.
Bien sur que ça l'atteint même au 36ème dessous.
Mais elle sait qu'il y a pas mieux pour elle.
Finalement, elle sait que les autres et les humains comprennent pas son mode de vie.
Elle peut pas dire qu'elle l'a vraiment choisi.
D'ailleurs, elle se demande bien si quelqu'un choisit sa façon de vivre.
Elle, sa théorie, c'est que chacun opte pour le moins pire.
On comprend ça quand on est marginal.
On fait des compromis, on fait que ça.
Et ça va cahin caha, mais ça va.
Alors oui, une taupe, ça n'y bigle rien. Mais ça creuse courageusement.
E ça emmerde les hommes.

jeudi 19 septembre 2013

Fantastique 2

On les chasse, on les insulte,
ces oiseaux noirs.
Bah ! le corbac !
On en dit quoi :
sale bête de mauvaise augure,
va-t-en roter ailleurs,
laisse-nous notre pain et nos enfants,
voleur d’enfants,
vieux misanthrope éraillé.
Bref, on ne le connaît que comme ça
le cuicui,
et même j’en soupçonnerais d’aucuns de ne pas le considérer comme un oiseau.
Au même titre que les vautours ou les poules et les ptérodactyles
qui sont bien d’autres choses qu’un petit cuicui mimi.

Eh bien, lui il en bave de cette réputation.
Il n’est pas beau, il n’est pas fier, il n’est pas fort.
Il effraye, repousse, du moins tient à distance.
Les petits d’hommes s’éloignent instinctivement.
Il n’est pas sans se chercher de la compagnie pourtant.
Mais pour ce faire, il ouvre le bec et veut chanter : ça casse les oreilles, presque même les siennes.
On ne s’y habitue pas.
Alors désormais, il se tait.
On le traite de morbide et désespoir.
C’est vrai qu’il n’est pas clair ; suspicieux prêt à l’attaque.
Avec sa voix d’outre-tombe.
Et il n’a aucune intention de combattre, en fait.
Il en prend l’air parce qu’il a peur.
Il sait bien qu’on lui jette des pierres.
Personne n’y comprend rien. Peut-être sa compagne qui ne doit pas être loin de subir le même sort.
Elle est corbeau aussi ?
Non pas vraiment
ni corbeau ni corbelle
Mais aussi sombre exclue.
Elle, elle le sait, elle s’en est approché ; il est brillant de près, les plumes parfaites, sans taches, parfaitement en ordre, le corps solide, les yeux un peu tristes.
Il le sait tout cela.
Mais tant pis. Il se prend au jeu du plus méchant et il brandit sa somptueuse noirceur, il en fait sa valeur.
Il n’a pas le choix, sinon il ne vaut rien.
On continue de s’écarter sur son passage
même ses petits à lui ne lui tendent pas les bras.
Au fond, ils ont raison, il n’arrive pas à les aimer.

mercredi 18 septembre 2013

Fantastique 1

Elle est une girafe prétentieuse.
On l’imagine soyeuse, tranquille, inoffensive même, jusqu’à soumise.
Eh bien, non ! en voilà une qui brandit son cou aux cieux.
Elle croit qu’elle va pouvoir rivaliser,
gagner, elle y pense.
C’est une girafe de compétition. Et pourtant bien, les girafes ne compètent pas ! me direz-vous, à juste titre.
Elles se retirent du jeu et assument leur pacifisme.
Ca tient aussi à leur disproportion.
Elles savent qu’elles font un peu gourdes quand même.
Alors elles se plient pour être moins grandes.
Finalement c’est toujours pareil, elles sont encore plus ridicules.
Bref, elle ne fait pas partie de l’engeance méprisée des discrètes.
Elle a fait le vide autour d’elle à ce propos.
Et les discrets, elle n’en parlerait même pas. Pitoyables. Encore des femmes, à défaut de leur pardonner, on comprend qu’elle se range à la tradition millénaire du patriarcat.
Mais les hommes My God ! Restons-en là, c’est révoltant.
Passée à l’ennemi selon les uns ; c’est vrai qu’elle se pavane devant messieurs les lions.
Trouble identitaire selon les autres ; c’est vrai qu’elle honnit sa nature.
Elle est née girafe mais elle sait qu’elle est née pour se montrer
et admirez !
Maman et Papa le lui ont dit et redit, elle brille, elle est faite pour ça.
Alors, surtout elle ne l’oublie pas, elle les entend encore lui parler de sa destinée.
Elle n’a jamais baissé les bras, jamais baissé les yeux non plus d’ailleurs (ou bien elle n’a pas envie de s’en souvenir mais il ne faut pas le lui dire), jamais courbé la tête.
Enfin, si une girafe se met à courber la tête, ça traîne vite par terre. Elle aurait pu au mieux entortiller le cou sur lui-même, comme on disait tout à l’heure.
Ah non ! j’avais dit plier.
Enfin, avec la gêne, ça ressemble plus à un sac de nœuds qu’à un rangement net et propre.
De toute façon, toutes ces élucubrations ne la concernent pas.
Elle surplombe la situation avec fierté, elle.
Les lions jouent avec elle.
On ne sait pas trop ce qu’ils veulent dire d’ailleurs.
Ils l’admirent et s’en amusent, c’est pas facile de faire la part des choses avec les bêtes.
Et elle qu’est-ce qu’elle en pense ?
Elle bat des cils du haut de sa gorge pomponnée.
Impossible de percer le mystère de la girafe révoltée.
On suppose que ça doit pas être rose tous les jours.

mardi 10 septembre 2013

A bas le monstre !


Tout le monde l'attend. 
Elle entre en trombe dans la salle. Ça cocotte my God ! 
Elle a l'air d'une perruche mal léchée.
Elle pince la bouche, fait disparaître ses lèvres. Se dote ainsi d'un bec idiot et viril.
On l'observe, à sec. Il va falloir hausser le menton pour lui fermer le clapet. On se dit ça et on marque seulement alors : 
elle tend le bec vers le ciel. 
Elle nous oppose son cou fier et aveugle. On a beau lever le regard, on ne rencontre personne. 
Peut-être qu'elle est vaironne. 
Peut-être qu'elle a les yeux dans les narines. 
Des requins comme ça. On croit que c'est leurs yeux et ce sont leurs trous de nez. On est bien eus. 
Elle, pour le coup, elle n'est pas de cette famille-là. Beaucoup plus ridicule. Elle en laisse baba d'ailleurs.
Bon, pour revenir à notre port de bec. En face, on ne sait plus comment se placer. On a la tête qui visse et dévisse dans toutes les directions. On essaye toutes les combinaisons.
C'est ça ! Elle a les yeux crevés ! 
Elle va crever les nôtres ? 
Équipée pour.
Elle s'approche encore et encore, elle a quitté l'estrade toujours le cou tendu le visage invisible. Elle se dirige parfaitement dans la pièce.
Ca doit être au flair. On va devoir se laisser renifler.
Il ne semble pas que ce soit bien légal cet attouchement nasal, si ?
En plus, sûr qu'on ne peut pas flairer en retour.
En somme, ils ont osé nous coller une poule ! qui se prend pour un coq. 

Au travesti ! 

lundi 9 septembre 2013

Les histoires disparues

Abattre la dernière page.
C’en est fini.
J’ai tout lu tout bu jusqu’à la dernière note
chaque parole de chaque mot.
Rien n’est pas au travers de mes mailles.
J’ai tout vu tout lu.
Le globe vide les yeux hagards.
Je cherche les empreintes de mon nouveau savoir, la case où il est bien rangé.
J’ai tout lu tout perdu.
Je ne retrouve plus rien. Je jappe éberluée, saute de place en place, finis en cercles concentriques.
Le trésor s’est éclipsé, enfoui dans l’existant placide.
J’ai tout lu tout voulu.
Trop cru.
Comme toujours, j’ai cru que j’enlacerais ces phrases mots aventures,
que j’en serais la grande maîtresse.
Ils ont communiqué directement avec le globe, sans me consulter.
Presque comme si je ne servais à rien.
J’ai tout lu tout perçu,
tout s’est évaporé à l’intérieur dans l’atmosphère, je n’en sais rien,
puisque je n’ai plus même mon mot à dire.
Je suis pleine du toulutoubu, incapable de le localiser.
Au final, comme vide ou avalée.
J’ai tout lu toute goulue.
J’ai oublié de frémir.
J’ai consommé en ordre, alphabétique
obéissante et cohérente, rationnelle avide de listes officielles.
J’ai tout lu tout tenu.
Et les mains vides de l’échappée. Elles échouent béantes sur mes genoux impatients. Je les regarde désapointée.
J’ai tout lu tout reçu.
Il ne m’en reste rien. Tout s’est fondu dans les particules de mon être.
Tout m’appartient si bien que je ne peux plus voir.
C’est mon corps qui séquestre les histoires disparues.

Elles réapparaîtront au détour d’une logique.
Inattendues émerveillantes.
Revenantes qui autorisent tous les espoirs.

Chacun est une montagne sacrée ordinaire et discrète.
Au creux de laquelle un indomptable cracheur de lave masqué et facétieux.

En suspension

L’atmosphère s’alourdit, pèse et repèse, se raidit et me soulève.
Je suis lourde ramassée et en suspens, sans attaches sans racines, sans filet.
Une espèce de boule volante sans ailes ni gouvernail.
Les paroles se percutent ping pong et je suis ballottée de bouche en bouche sans pouvoir arrêter.
On ne s’aperçoit de rien.
Les hématomes poussent de tous les côtés. Je bouge dans tous les sens pour pas sentir les coups. Tremblotante, comme une vieille parkinsonienne.
Bondis et rebondis gauchement, disgrâce de l’angoisse.
Prise à la gorge qui n’a plus forme, on l’a perdue, du coup serrée de toute la boule. Je suis embullée, verrouillée dans mon labyrinthe, membres tournicotés. Une impression d’intérieur de boîte à chaussure, exiguë et fétide. Ma souris verte s’y perd s’y désespère.
Je tiens la garde jusqu’au gong. Je compte, je sais par cœur l’heure qu’il est. J’ai avalé l’horloge qui se reflète dans mes pupilles envahies. J’attends Peter Pan qui m’emmènera rêver. Enfin, il est déjà là puisque je l’attends. La grande aiguille dépasse la verticale et l’arlequin sort de sa boîte.
Il est tout fou et m’électrise. Brrrr. Frissonne de soulagement. Ca schlingue la trouille par là dites-moi.
Je regarde ma montre les pieds en terre.
D’un coup d’un seul, dépliée, réarrangée, tout à sa place. Le bing bang ding dong m’a redonné forme humaine.

jeudi 5 septembre 2013

Majeure et vaccinée

Tout à fait Madame, j’attends votre réponse.
Clac.
Je me retrouve absurde devant mon combiné, ne sachant trop qu’en faire, poser ? jeter ? casser ? cacher ?
Je ne sais pas comment s’asseoir. J’ai beau être toute seule dans mon canapé. Même le chat ne me regarde pas.
Tous les jours, on me dépose sur une marche d’escalier beaucoup trop haute pour moi. Je n’aime que le rez-de-chaussée, ses platitudes, son assurance. Je suis une rase-motte, j’aime être à terre, être au clair avec le sol, sans embrouilles. 
Et ils veulent me hisser sur leurs marches de malheur.
Je suis faite pour être arrimée à la base, pour ne pas m’envoler.
Ils trouvent que c’est une honte.
Ils trouvent que c’est bien dommage !
Je verrai plus tard.
Ils espèrent que je ne le regretterai pas.
Je pourrai faire mieux mais bon c’est moi qui vois.
J’ai pas vraiment l’impression de voir grand-chose. Sauf que j’ai très envie de ne pas faire ce qu’ils trouvent formidable.
Alors, depuis quelque temps, j’ai une réponse imparable. Même s’ils ont des doutes, ils n’en disent rien. J’ai le vertige les gars ! J’y peux rien.
Ils me regardent navrés et ils repartent faire la guerre et s’arracher le trophée jour après jour.
Simplement quand un agent de l’administration nationale de la France république française libre et égale cher citoyen, je peux pas lui échapper et je peux pas lui parler de mon vertige. Il m’appelle Madame et je m’écroule dans les hauteurs haïes.

mercredi 4 septembre 2013

Pelotons

La grande grosse fille au milieu du cercle.
La ronde de petites filles glisse autour d’elle, fluide et mesquine.
Régulière indécrottable comme un métronome.
On se demande s’il y aura une fin, le rythme est tellement clair.
Les rires fusionnent et se transforment.
Elle se pelotonne dans sa graisse, sans bouger, de l’intérieur.

Elle attend et elle s’échappe loin des bêtes humaines.
Sans regarder, elle voit son amie au bout de la cour, dans son repaire, guettant la fin des hostilités.
Elle sent son regard posé sur elle pour la protéger, même si elle noircit d’angoisse.  
Elle vole tout près d’elle dans le petit coin tout chaud de l’arène.
Elle murmure des merci que personne n’entend parce qu’elle n’est plus toute seule.
Elle se pelotonne contre l’amie, sans bouger, de l’intérieur.

Elle ferme les yeux et elle est calme au creux des bras de l’amie sans sourire.
Elle voudrait rester comme ça toujours.
Elle sent un pincement qui lui arrache un cri, sur le sein.
« La dame hippopotame… » elles chantent toutes en chœur, en larmes hilares.
Elle s’étonne de les voir toujours aussi réjouies.
Elle se pelotonne dans ses bulles d’avenir, sans bouger, de l’intérieur.

Et elle ne sent plus rien, elle oublie toute la terre,
Elle aime de tout son cœur l’amie fidèle qui la rejoint.
Elle sait qu’elle sourira toute seule ; elle sourira pour deux jusqu’à la dérider.
Elles plongeront lascives dans l’inconscience du monde.
Et elles n’auront plus peur, elles ne trembleront plus, elles seront hors d’atteinte.
Elle se pelotonne contre ses rêves velours, sans bouger, de l’intérieur.


lundi 2 septembre 2013

Boum au coeur

Et brusquerie intempestive de l’âme, on se fait prendre en otage.

Déferlante, la tête tourne, juste sur le haut du crâne, pas dans le noyau. C’est dans la tonsure du moine. Ca chauffe. A se demander si on a toujours ses cheveux au final. Peut-être qu’au fond, les moines ont l’âme en chaleur. C’est pas très correct de dire ça mais qui y pense ? Et le voilà leur bon plan ! Des balancés de la caboche qui rasent les trous trop voyants de leur crâne loqueteux. Et ni vu ni connu, ils n’ont plus rien à prouver au commun des mortels, leur âme est propre, emballé c’est pesé, soutane détergente et forfait illimité avec God.

Bref, moi je suis pas moine, donc mon âme, elle me prend en otage et elle me trimballe d’un coin à l’autre par la couette, bing dingue bong.

J’avais bien oublié tout au fond ce haut-le-cœur, le vol plané intérieur. Il a surgi comme une chauve-souris, le gros coup d’aile dans la tête, pas vu venir, dans l’angle mort.

J’en perds le fil. Moines, bing dingue bong, vol plané, chauve-souris, blablabla. On pourrait ne jamais s’arrêter. Mais l‘intérêt c’est quand même d’arriver au bout de la pelote. Peut-être
pas aujourd’hui mais pas jamais non plus.
Des années entières, complètes intégralissimes sans ressentir ce shoot, les rapports de force s’étaient inversés, j’avais réussi à devenir le buteur et à diriger mes frappes, pas contre mon camp si possible. Quoi que, ça arrive aussi. Alors, moi et les autres, les moines par exemple, on retourne l’affaire en un « j’y trouve mon compte » insidieusement maso. L’important c’’est d’y trouver son compte en effet, ce qui est probablement le cas. Du coup, on a les méchants en face ou en nous et on est des pauvres bouhhlala !. Et c’est pas mal non plus.

Encore perdue dans des méandres batifoleurs. Je disais donc…moi qui avais réussi à contrôler la baballe, je me jette à terre et je me rembobine en projectile. C’est bêta quand même. Sur le moment, j’étais KO. J’ai pas trouvé ça bêta, j’ai trouvé ça durdur. Et puis humiliant. Tu t’efforces de t’ériger fièrement au-dessus de ta condition merdique de bouc-émissaire et puis tu glisses et zouip le pingouin au moment où tu t’y attendais le moins. J’avais même oublié comment ça faisait.

Sur le moment, j’ai trouvé ça durdur. Mais j’ai aussi trouvé ça un peu délicieux. Pas d’avoir honte, pas d’avoir mal. Ca c’est fini. Mais de retrouver la toute jeune que j’avais été, de retrouver ce sur quoi je me suis bâtie en croyant me perdre. Ce qui m’a décousue mais consolidée derrière là où ne voit plus rien.

Je n’ai pas été déçue.

Je n’ai pas été vexée.

Je n’ai pas été transpercée comme les premières fois.

Juste une vieille cicatrice compagne de toujours qui s’est rouverte d’un coup, tin tin ! me revoilà ironique et complice.

A laquelle j’ai souri écarquillée.

Bien sûr que j’ai pleuré.

Mais je n’ai pas pleuré sur une douleur qui n’en finit pas et qu’on ne laisse jamais finir parce que sans elle cette fois on n’est plus rien du tout.

Flash back express et « T’as pas fini ma grande ! encore du boulot ! même si t’en as déjà bien abattu » bienveillant.

Et qu’elle me dise à quel point je suis

vivante

entière

intègre

fluide.

J’ai pleuré de soulagement, qu’elle se réveille enfin cette tricoteuse.

dimanche 1 septembre 2013

Avec le coeur

Tous les deux, tous les quatre, tous les six, des dizaines en grappes.
Ils tournoient en auréole autour de son esprit affolé.
Elle essaye depuis des mois d'en faire ses alliés, de les apprivoiser, de les croire gardiens de son avenir.
Elle essaye de tout son coeur de ne pas les haïr de ne pas les honnir agonir et cracher. Elle veut réussir à se laisser enrôler dans la sève familiale. Elle veut faire partie. Elle a ravalé son aigreur, ses douleurs, ses immenses colères, son coeur décousu recousu maintes et maintes fois. Elle lui a ordonné de rester tranquille, de ne plus faire régner sa terreur, d'obéir à la loi universelle ; pour une fois. Il s'est offusqué, il a retroussé les lèvres de mépris, il a prévu la chute et la déception, puis il s'est barricadé implacable mais calme. Elle en a été satisfaite. Elle avait les mains libres.
Elle a respiré, profondément comme on lui a appris et dit que c'était ce qu'il fallait faire. Elle a suivi les conseils, elle a écouté ce qu'elle avait toujours récusé jeté au trou. Ca a fonctionné, elle s'est félicité, elle allait peut-être enfin y parvenir.
Et puis, elle a baissé la garde pour se laisser prendre et caresser par les les longues tentacules de la plante originaire. Les feuilles et lianes se sont glissées tout autour de son corps et même à l'intérieur. Elle s'est laissée faire, elle y a trouvé un certain plaisir, elle s'est trouvée remplie enfin.
Elle avait toujours été lourde de fautes et péchés sans cesse rejoués, indigne de ce qu'on lui avait offert. Elle était des leurs désormais.
Mais le coeur n'y était pas. Il n'a pas cédé. Pas une seule seconde il n'a autorisé son territoire aux nouveaux venus. Elle est passé outre. Elle a essayé de l'amadouer, de le dérider, de négocier. Il est resté buté. Elle n'en a pas non plus démordu.
Jusqu'au jour où elle est retombée dans le canyon de l'angoisse qui délie, poliment, en réalité brise en mille morceaux sans pitié, écrase consciencieusement, détruit à bout de souffle comme une chienne-boa.
Toute la nature a brûlé en un instant, l'armure ferrailleuse de retour. Seule, lourde, difforme de culpabilité et d'indignité.
L'enfant que personne ne voudrait avoir jamais eu, l'horrible preuve vivante de la tare héréditaire. On essaye de la perfectionner, de la soustraire à son destin de témoin de la lignée.
Mais, on le sait tous : il faut bien en sacrifier. On n'aime pas voir ce qu'elle dit, ce qu'elle fait, ce qu'elle reflète. On en a honte, on a honte pour elle et pour soi, on est désespéré de cette fatalité qu'on a combattu avec tant de volonté et de hargne et qu'elle expose avec tant d'impudeur.
Elle sait tout ça, elle sait qu'elle fait mal, qu'elle fait pleurer, qu'elle crève le coeur et les yeux. Elle imagine tous les jours les morts se réunir sur son cas et établir une nouvelle stratégie. Elle imagine les vivants inquiets soucieux, sourcils froncés, démunis et meurtris pour et par elle. Elle fait semblant d'être fière et d'aimer ce qu'elle est devenue.
Parce que personne ne peut faire autrement s'il veut continuer à vivre.
On y croit et on se dit que Mon Dieu, elle pourrait au moins faire semblant, comme on la fait avant elle. Mais elle est insouciante et elle se croit capable. On la prévient, on l'avertit une main paternaliste sur l'épaule, on lui dit de ne pas oublier qu'elle est bien fragile face au monde, peut-être pour dire qu'elle n'y a pas gagné sa place et que tous les jours que Dieu fait, il lui faudra prouver au moindre passant qu'elle a le droit d'être là.
La sève n'est plus que la sienne solitaire et sans fonds. Ils sont redevenus ennemis, juges, balayeurs de sa vie.
Le coeur sort de son boudin et il l'enlace. Il n'est pas fier d'avoir eu raison. Secrètement, il aurait voulu se tromper et pouvoir exploser de colère et de soulagement. Il la berce doucement jusqu'à ce que les sanglots s'apaisent et qu'elle tombe dans son éternel sommeil spastique.
Elle réessaiera. Il voudrait lui aussi être à ses côtés la prochaine fois et se montrer.
Mais lui aussi il a encore trop honte.