dimanche 30 juillet 2017

Patata couillue

Patata-Pitayak comme elle se prénommait elle-même désormais prit peu à peu de l'assurance. Que Mme Mango ne lui ait pas ri au nez, que les autres se mettent à la regarder autrement, qu'on s'interroge... Elle n'est plus Patate, c'était clair. Elle devenait. Un jour, Carotte vint s'adresser à elle, moins conquérante qu'avant et plus curieuse, presque ouverte :
« Dis donc, Patate, tu changes de style ...
  • C'est ça.
  • T'as l'air d'un mec.
  • Voilà.
  • T'aimes ça ?
  • Oh que oui !
  • Mais tu ne seras jamais un mec Patate.
  • Merci je suis au courant.
  • Eh, t'énerve pas, je m'instruis c'est tout.
Elle sourit.
Elles sourient.
  • Tu as bien raison. On a toujours à apprendre des autres, n'est-ce pas ?
  • Pas toujours non. Y a des pauvres cons.
  • Et alors ? Cons un jour, cons toujours ? Regarde-toi. T'aurais jamais fait un truc aussi intelligent y a quelques semaines.
  • Eh ben, tu t'affirmes ma grande.
  • Arrête de faire ta grande gueule en me rabaissant. Arrête ça, tu te crois innocente en plus. Tu crois que les autres n'ont qu'à être plus forts. Pffff ! Mais quand on tape sur les autres, faut s'attendre un jour ou l'autre à un retour de bâton.
  • Oh non ! Y a les victimes pour la vie.
  • Non mais toi t'es une vraie désespérée en fait. Les gens ne changent pas ?!
  • Pas désespérée. Réaliste.
  • C'est ta réalité. Pas la mienne.
  • Tu fais de la philo maintenant.
  • Ca fait longtemps !
  • Pas moi et ça m'intéresse pas.
  • C'est ce que tu dis oui. Bref, qu'est-ce que tu veux Carotte ?
  • Que tu m'expliques.
  • Que je t'explique ?
  • Ben oui, la métamorphose, chenille papillon tout ça.
  • Tu me fais rire. Ben, envie de changement. De plus être une looseuse à la con et qu'on me prenne plus pour de la merde.
  • Quoi ?
  • Quoi quoi ? Te fous pas de ma gueule Carotte, tu vois très bien de quoi je parle.
  • Je vois que toi aussi tu te plantes Patata.
  • Patata... tu fais quoi là ?
  • Rien, c'est comme ça. C'est comme ça que je t'appelais quand on était petite non ?
  • Oui, et ?
  • Ben, ché pas.
  • T'es trop bizarre Carotte.
  • T'as des couilles Patata. Je l'ai toujours su.
Et elle part sur ces mots furtifs. Patata-Pitaya est sonnée. Elle ne comprend plus rien. Que s'est-il passée ? Elle a toujours été sûre de ce que Carotte la méprisait au dernier degré. Elle pense que là encore elle s'est foutue de sa gueule. Pourtant, elle avait l'air d'y croire. Elle était sérieuse. Il n'y avait pas ce petit sourire ironique si habituel chez elle. Abasourdie et sans y penser, remplie de fierté et de désir. Elle avait envie. Envie de tout, elle y croyait enfin. Un immense horizon s'ouvrait à elle. C'est le moment d'aller se renseigner à la Préfecture. Elle va se faire recevoir ! C'est sûr. Peu importe, c'est le jour. A la sortie des cours, elle va faire sa demande, savoir comment tout cela se passe. Elle va tout préparer. Elle sera fin prête pour la guerre à la maison. Les absents ont toujours tort.

samedi 29 juillet 2017

Le Tambour, Gunter Grass (2)

        Il n’empêche que le Tambour est bel et bien vivant et coloré. Abrupt, sans concessions, ironique, cynique bien sûr mais non sans couleurs et force images. Nous ne sommes pas, me semble-t-il, dans du Beckett, mais bien plutôt du Ionesco aux personnages hauts en couleurs même si désespérés et désespérants. Oscar, tout comme eux, est un autre, un différent qui devient terriblement nôtre, terriblement vrai et reflétant. Restons-en pour commencer aux détails : le tambour lui-même est coloré et tient sa valeur de cela même. Beaucoup de « même » mais cela vaut la peine d’insister. Le rouge surtout, qui le rend vivant et sanguin, innervé. Pas sanguinolent, mais intransigeant oui, et inévitable bien sûr. Le tambour, coeur, palpitant, de ce roman, de cette fresque mieux vaut dire, est nécessairement en couleurs. Oscar ne cherche pas de tambour en noir et blanc. Il veut ce modèle-la, toujours le même.il ne veut pas un autre. Et même, nous lecteurs n’avons pas accès à la représentation d’un autre tambour, qui serait d’une autre trempe. C’est ce fou-là, cette magie-là, cet ami-là, cette plume-là qu’il faut à Oscar pour écrire et survivre ainsi au monde. Allons encore plus avant dans l’idée de ce tambour innervé. N’est-il pas aussi innervant pour cet enfant puis adulte qu’est le personnage principal ? Il est énervant, sans aucun doute. Mais d’autant plus innervant et vivifiant. L’enfant énervé pour montrer qu’il existe, pour s’exprimer, fait du bruit avec son instrument de couleur pour parler son langage, que personne n’entend.
Mais le tambour n’est pas le seul coloré, il y a le magasin du père, plein de produits exotiques. Et qui lui fait rêver. Du rêve brut sans ironie, du rêve de voyage, de l’invitation au voyage. Dans ce monde étriqué en apparence, Oscar évolue dans un tas de promesses. Il est aussi exotique lui-même aux autres et sans doute à sa propre conscience que les produits vendus dans le magasin familial.
Reste le plus colorant de tous les éléments du Tambour : le cirque. Ces personnages et cet univers qu’on ne peut invoquer à son esprit, tous autant que nous sommes, sans voir surgir les couleurs les plus farfelues et moins assorties, d’ailleurs. C’est un monde qui parait, qui brille, qui choque, de mauvais goût, hors normes, mais intrinsèquement vivant, bien davantage que tous les autres. Seul peut-être celui des morts pourrait le concurrencer, le monde vivant des morts, bien plus poétiques que les vrais, bien plus sains aussi. Le cirque dont on reste à distance, de peur d’être contaminé par l’anormalité, le nanisme ou le gigantisme, l’ensorcellement trop incompréhensible et irrationnel. Le cirque est le monde qui sauve, celui qui donne corps à l’âme d’Oscar, qui lui permet de trouver ses semblables qui lui ont tant manqués. Peut-être ne s’est-il pas rendu compte de son manque, de sa solitude. Peut-être que le tambour a parfaitement joué son rôle et a palliée les terribles incompréhensions, malentendus, presque insoutenables d’Oscar avec son entourage. Terribles pour nous lecteurs, peut-être devenus la communication basique d’Oscar qui ne sait pas se plaindre. Qui, une fois le monde du cirque et son idole et son grand amour découverts, peut enfin déprécier ceux qui n’ont vu en lui qu’un débile handicapé et fou. Sans animosité franche d’ailleurs de leur part. La distance est bien plus efficace.
         Toutes ces couleurs et cette vitalité viennent des univers anormaux. Anormaux ? Au sens propre. Hors normes, voire extraordinaires. L’ordinaire est plus mortifère et morbide que le monde des morts, des fous, des circaciens marginaux. Au contraire, ce sont eux qui nous donnent une bouffée d’air frais, qui nous rendent plus vivant ces lignes, ces pages. Sans doute que j’ai eu, moi lectrice qui se croit tolérante jusqu’à l’impossible, on se croit toujours plus tolérant qu’on n’est, n’est-ce-pas ?, un mouvement de recul devant le surgissement du cirque et de ses personnages alambiqués, sans doute un peu exaspérée de ne voir nulle part un peu de normalité à ma sauce, un personnage auquel m’identifier facilement. Facilement ? Ne pas essayer de trouver quoi que ce fût de facile dans cette oeuvre. Une envie de fatiguée, d’humaine en mal d’ami. Vous n’avez pas d’ami dans ce livre. Pas d’ami ! Vous êtes seul et vous devez lutter sans vous reconnaître en personne. Vous reconnaissez oui certains de vos pairs, en partie et vous riez mais vous ne pouvez pas décemment vous y reconnaître vous-même ou alors catastrophe ! J’ai fini par prendre un peu de chacun et m’y retrouver en patchwork. J’ai été ma seule amie. Personne pour me réceptionner. Tu sautes, tu percutes le bitume en plein vol et tu te relèves et reprends la course. Et voila. A l’image de la vie. Vous n’avez pas d’ami, vous n’avez pas de cadeau. Vous êtes un misérable, vous êtes un paria, un Oscar face à Oscar. Mais, mieux vaut attendre la 700ème page pour l’admettre sinon vous pourriez vous sentir maltraiter. Ce sont donc bien les mondes à l’envers, les mondes anormaux qui finissent les moins fous et les plus cohérents. Ce sont au fond les repères qui demeurent les plus fiables et les plus courageux. Ce sont eux qui font découvrir le monde et l’amour vrai, l’amour qui enrichit, l’admiration qui rend humain. Oscar devient de plus en plus humain, vivant devrait-on dire, car humain est-il un compliment dans l’idée de l’auteur, j’en doute, de plus en plus authentique et attachant, ému, habité.le monde normal est fou, bien plus fou que le monde des soi-disants pas nets, à l’apparence qui fait rire ou laisse indifférent, dans le meilleur des cas.

       Je ne peux évidemment pas laisser de côté, la fresque historique en toile de fond, derrière le récit initiatique d’Oscar et de l’humanité qu’il représente et découvre à la fois, en en faisant partie et pas. Cette fin du monde en Allemagne, en Europe qu’est la deuxième guerre mondiale. Je ne dis pas que cette époque continue de me passionner comme lorsque j’étais enfant et que je retrouvais dans mon for intérieur le sentiment de ces atrocités, une familiarité indéniable avec ces événements immondes. J’ai fini de comprendre ce que j’y trouvais et ce que j’y ai gagné. Je continue de me révolter, très correcte et sincère en même temps, contre ce que j’aurais pu moi-même être et faire, je ne l’oublie jamais. Nul n’est à l’abri de devenir bourreau et de ne pas y croire même au jour du jugement. Mais je me lasse des commémorations démultipliées et incessantes, j’ose le dire, sur ce moment de l’Histoire. Il n’est pas le seul à devoir nous révolter et nous émouvoir, nous répugner. Les difficultés sociales d’aujourd’hui nous appelle à nous préoccuper d’autres atrocités, génocides, tortures, ayant doit à une bien moindre publicité, malheureusement. Y réfléchir aussi nous aiderait sans doute à faire évoluer notre société où la violence quotidienne est une honte. Bref. Le Tambour rejoue lui aussi notre 39-45. Mais ma méfiance vis-à-vis d’une nouvelle référence à cette période noire a été d’emblée mise à terre. C’est sans doute la pudeur avec laquelle Grass écrit cette Histoire qui la rend si juste. La réalité dans ses formes les plus brutes, sans artifices comme toujours, mais de loin, Parce qu’Oscar n’est jamais là de près. Oscar vit les choses dedans et dehors à la fois et son regard ne peut être que pudique et moins fou que bien d’autres. Oscar l’ingénu, stupide, d’un autre monde, entend la guerre, la traverse, avec son père, le vrai père, sa grand-mère, et les violences de tous les jours. Pas la grande guerre des livres officiels. La guerre de l’Ecole des Annales, la guerre d’un gosse et de ses proches. La guerre là, tout au long de la naissance d’un homme. Oscar qui grandit dans la guerre, autour de lui, partout et en lui. La guerre que Je et Il n’ont de cesse de se livrer du début à la fin.

Patate renaît, se baptise (2)

C'est peut-être finalement Litchi qui lui plaît le plus, le premier venu à l'esprit. Cet peut-être celui qui lui ressemble le plus, au fond. Ce n'es pourtant pas celui qui la satisfait vraiment, parce qu'elle ne veut pas être ce qu'elle est au fond. Pas encore. Il n'est pas temps pour elle de l'admettre. Elle n'aime pas, pas du tout ce qu'elle se sait être au find, ou croit être. Tout cela est d'un flou désespérant. Elle ne s'y attarde plus, elle avance vers l'Autre, l'Inconnu, elle va oser, elle va se jeter du haut de la falaise, comme une légumescente bien digne de ce nom, sans peur, brutalement, risquant le tout pur le tout. Elle s'est muée en non-Patate, garçon manqué enfin. Survie putain ! Elle se sent manquée, c'est ça, manquée et manquer (d'où Messieurs Dames l'importance notoire de l'orthographe et de son sens véritable. Même si nous serions d'autant plus finauds si nous n'avions as besoin d'elle pour intuitionner le sens, mais cela...). Elle pourrait se nommer Litchi, un ou une, ni l'un ni l'autre, un peu des deux. Elle pourrit mais, là elle veut être plus forte que ça, même si e n'est que face à elle-même, toute seule, dans sa piaule en bordel. Elle s'en fout, elle a envie comme rien d'autre de s'en foutre au dernier degré, de s'en branler absolument. Elle pourrait s'appeler comme un balaise, un gros plein de muscles qui n'a rien à craindre de la force des autres et qui ne pense pas vraiment plus loin que cela, un Pitaya, Fruit du Dragon, à pics verts, rouge gros, étrange, on ne s'en approche pas, on ne connaît pas. Elle rajouterait bien un petit K, Pitayak pour piquer davantage, toujours plus. Elle ne sent pas de limites à ça. Elle veut cracher du feu, elle veut être couillue comme ça. Elle devient vulgaire, elle devient sombre, elle ose trancher dans le vif : Pitayak. Qu'on se moque et elle passera son chemin parce qu'elle sait que c'est ce qu'elle doit faire.


« Bonjour Madame.
  • Bonjour Patate. es-tu sûre que tout va bien ?
  • Tout oui. Pourquoi ?
  • Tu ne te ressembles pas. Pourquoi as-tu rasé tes cheveux ?
  • Et les habits aussi non ?
  • Oui... Je m'inquiète pour toi.
  • C'était avant qu'il fallait s'inquiéter pur moi, Madame Mango.
  • Pourquoi dis-tu cela ?
  • Tant pis maintenant, c'est trop tard.
  • Bon... Tu m'as l'air en colère.
  • Bien sûr.
  • Ah ! Ce n'est pas ton genre ça non plus.
  • Mais mon genre est fini Madame M ! La Patate débile souriante que vous avez connue est finie. Oubliez-la ! Elle ne sert à rien !
  • Qu'est-ce que tu racontes !? Tu es quelqu'un de bien Patate.
  • Mais je me fous d'être quelqu'un de bien ! Je veux être quelqu'un tout court. Vous ne voyez rien, ni vous ni les autres. Je perds mon temps à vous expliquer ! Pffff !
  • Reste polie Patate je te prie.
  • C'est ça oui.
  • Polie ou tu sors !
  • Polie. Désolée.
  • C'est bon, pourquoi ce rendez-vous Patate ?
  • Pourriez-vous modifier mon prénom sur mon dossier pour l'année prochaine ?
  • Modifier ton prénom ?
  • Oui, le remplacer par un autre. Effacer Patate et la remplacer par Pitayak.
  • Qu'est-ce qu'il y a ? Pourquoi me regardez-vous comme ça ?
  • Parce que je m'inquiète encore plus pour toi Patate.
  • Je vous l'ai dit, il est trop tard pour s'inquiéter.
  • Je ne peux pas faire autrement.
  • Ok. Mais ma question ?
  • Non je ne peux pas faire ça Patate sauf si tu fais des démarches pour changer de prénom auprès de la Préfecture, de manière officielle. Étant mineure, je pense que tu dois être accompagnée de tes parents et avoir leur autorisation. Cela coûte très cher qui plus est.
  • Mes parents ne sont pas des gens qui comprendront cela. Ils ne voudront jamais. Je peux avoir l'argent. C'est tout.
  • Pourtant si tu veux vraiment le faire, il faudra en passer par eux.
  • Oui. Ils ne respectent rien et pourtant il faut toujours en passer par eux. C'est normal ça ?
  • C'est comme ça. Tu ne te sens pas respectée, cela ne veut pas dire que 'est la réalité.
  • C'est la réalité. Ils n'aiment qu'eux-mêmes et leur carrière. Je gêne.
  • Tu ne peux pas savoir ce qu'ils pensent Patate, tout comme ils ne savent pas ce que tu penses.
  • Eh bien ils devraient au moins essayer.
  • Peut-être qu'ils essayent.
  • Peut-être pas.
  • Peut-être en effet, je ne les connais pas.
  • Ne vous donnez pas cette peine, ils n'en valent pas le coup.
  • Patate, ne te laisse pas avoir par tes démons. Ne les laisse pas vouloir être quelqu'un d'autre.
  • Les démons sont les plus forts. Ils ont raison. Ce sont eux qui gagnent au final.
  • Pas toujours.
  • Pour moi, si.
  • Ne laisse personne te faire croire qu'il te faut être quelqu'un d'autre.
  • Personne n'a besoin de me le faire croire. Je sais qu'il le faut.
  • Je ne sais pas quoi te dire.
  • Je sais. Il n'y a rien à dire. Ni à faire. Je sais ce dont j'ai besoin.
Patate sort et sourit doucement à Madame M. C'est une gentille Madame M. Mais elle reste comme les autres. Au moins, elle est gentille. Un peu moins conne, bornée, sûre de savoir que les autres. Elle ne comprend rien quand même. Mais elle n'avait rien dit sur Pitayak. C'est vrai. Patate-Pitayak sourit encore. Un peu de chaleur.
Patate était triste en sortant. Elle ne savait pas pourquoi. Elle ne s'y attarda pas et se promit au nom de Dieu qu'elle mènerait son projet à terme, quoi qu'il en soit. Qui que soient ses parents de malheur.

mardi 25 juillet 2017

Mentir pour survivre

Carotte ment comme elle respire.
Carotte ne vit qu’en mentant.
Elle assène des énormités.
Tout le monde y croit tant elle est sûre.
Elle ment avec un calme de championne assurée de
Gagner.
Elle est sûre et certaine d’ailleurs.
Elle ne craint aucun dévoilement.
Elle sait que sa vérité sera victorieuse.

Face à elle,
On questionne.
Du regard surtout
Parce que les mots lui appartiennent.
Elle les contrôle à la lettre..
On ne joue pas contre elle sur ce terrain-là.
On cherche les signes,
Les traîtres.
On cherche les petits lutins
Qui minuscules,
La mettront à terre.

Car oui,
Cela concerne la vie et la mort.
Carotte tient bancale,
Avec ses airs de diva sans failles,
Sur sa vérité de paille.
Elle ment pour survivre,
Pour se créer l’univers rêvé,
Pour ne pas crever de désespoir,
Pour le pouvoir,
Le seul pouvoir qu’elle détient,
Bien plus lucide qu’elle n’en a l’air,
Sachant qu’elle n’a rien d’autre,
Rien,
Que ses mains sont vides et vaines,
Qu’elle n’y peut rien
À tout cela,
Qu’elle n’est qu’une faible,
Comme tous,
Et que c’est insupportable,
Qu’elle s’étoufferait d’accepter,
D’accepter
En soi,
Quoi que ce soit,
De ne pas être la grande déesse créatrice,
De ne pas être sa propre mère fille soeur,
Tout,
De n’être qu’elle-même Carotte,
Vulgaire Carotte,
Crottée,
Carottée,
Castrée,
Comme tous ses compères.
Elle ment,
Réinvente l’univers,
Plus fort qu’elle
Pour ne pas regarder
Ce qu’elle voit déjà :
L’impuissance.
Elle joue
Alors
La carte de
L’impunité.
Et elle se sent battre à tout rompre.
Rien ne résiste.
Sauf le tout petit œil
Au creux du ventre
Qui sait.

lundi 24 juillet 2017

Trop grand pour elle

Le monde est trop grand,
Trop fort.
Elle l’admire,
Elle l’aime aussi.
Elle n’aime pas l’admirer
Mais tant pis pour elle,
C’est comme ça.
Le monde est bien plus grand
Qu’elle
Et ses petites
Mains ridicules,
Ses poings
Décidés
Comme s’ils croyaient.
Le monde est beaucoup trop fort.
Elle n’est pas faite pour lui.
Elle n’est pas tombée dans le bon
Bain.
Ou alors,
Pas dans le bon corps
Pas dans le bon crâne.
Il y a un couac.
Changer de nom
Parce qu’on ne peut pas changer de monde.

dimanche 23 juillet 2017

Patate renaît se baptise (1)

Patate cherche encore,
Encore un autre
Nom.
Elle ne se ressemble
Plus.
Elle a l’immense choix des
Noms,
L’immense choix des
Êtres.
Elle s’appellera
Comme elle
L’entend.
Même si per-
Sonne ne
Le sait.
Elle saura
Elle,
son autre
Nom,
Pas son pseudo,
Bien au contraire,
Son vrai nom,
Celui qui la dit,
Celui-là.
Celui qu’elle s’est donné,
Qui signe la naissance,
L’authentique.
L’avant n’est qu’une fausse
Vie.
Les autres l’appelleront
Comme
Ils voudront.
Et peut être qu’elle
Livrera
À l’un d’entre eux
Son identité
Authentique.
Peut-être.
Elle cherche,
En tailleur,
Au beau milieu de sa chambre.
Elle sourit seule.
Elle est vivante putain !
Un nom dont elle rêve
Depuis
Depuis.
Patate lui dit d’être
Une imbécile,
Une pauvre tarte.
On l’appelle Tarte aussi
Parfois.
Ça veut tout dire...
Le nom est un appel,
Une incantation,
Un être-là.
Elle ne veut plus jamais de
Ce Patate-là.
Elle veut être plus
Aiguë, plus
Piquante, plus
Tranchante même,
Avouons-le, plus
Guerrière,
Amazone, plus
Seule
Aussi.
Petite,
Passe-partout,
Faufilante,
Sans limites.
Inaccessible,
Indomptable.
Pas méchante,
Mais que le nom ne puisse pas être
Mis en miettes et
Purée.
Qui aille avec
Kiwi.
Elle aurait bien pris
Ce Kiwi.
Mais elle doit être une
Autre.
Elle ne peut pas
Céder à ces sirènes-là.
Pas de Banane,
Mangue,
Goyave,
Exotiques oui mais lourds et pleins de
Seins.
Elle veut du léger,
Rapide,
Litchi,
Kaki,
Hara-kiri.
Pas de Pomme,
Poire,
Orange.
Trop longs,
Trop faciles.
Avocat,
Elle aime l’ambiguïté.
Mais trop gras.
Où se cache-t-il ce nom
Qui est le bon ?
Elle croyait qu’il se donnerait,
Qu’il apparaîtrait,
À vrai dire.
Mais bien plus compliqué
Que ca,
Merde !
Elle doit laisser tremper,
Suer,
Mijoter.
Merde !
Pas d’éclair de génie.

vendredi 21 juillet 2017

L'homme crypté (2)

Imaginons donc,
Je suis le téméraire,
Je poursuis
L’homme
Crypté.
Je l’observe sans
Paraître Impres-
Sioné
Par son
Regard.
Bien sûr
Je vois que
C’est un sniper.
Il ne laisse rien
Passer.
Il tire d’aussi loin qu’il
Le faut.
Peu importe la
Distance,
Il atteindra sa cible.
Il sait.
Je ne peux pas
Moi poursuiveur
Ne pas le voir.
Il sait.
Je sais aussi.
Il a sorti son
Arme :
Il a vrillé les
Pupilles.
Il n’essaye pas de se
Défiler.
Absolument pas.
Il n’essaye pas de se
Défendre.
Il ne défend
Rien.
Il ne défend
Jamais.
Pourquoi ?
Pour qui ?
Rien ni personne à
Défendre.
Il défie,
Méfie,
Pétri-
Fie.
Je vois le prédateur
Réveillé,
Qui-vive.
Je cherche,
Disons clairement,
La merde.
Il finit par
S’adresser à
Moi.
Je l’intéresse,
J’ai titillé le sang
Et les boyaux.
Il me sourit,
Magnifique sourire,
Dents carrées
Refaites ?
Sans aucun croc
Apparent.
Il me parle,
Nous savons
Tous les deux que
Les mots ne
Valent rien,
Le pouvoir,
Là,
Le duel
Est en
Marche.
Il est imperceptible pour
Tout autre.
Le jeu se déroule
En toute
Intimité,
Entre nous.
S’il le pouvait,
Il se tairait,
Me fixerait
Et saurait m’assassiner,
Juste comme ça.
Mais il y a du
Monde autour de
Nous.
Il doit parler.
Il suit les règles
Avec une application
Presque
Touchante.
Il est encore moins
Prêt qu’un
Autre
À les bafouer.
Il est le technicien des règles
Et des bords.
L’immense scientifique
Des lois et leurs contours.
Il a le droit
De me regarder
Aussi
Follement
Qu’il veut
Mais ne peut pas se
Taire.
Ce monde est un monde où se taire
Est plus suspect que
N’importe quelle
Parole.
Il s’engouffre,
Tout en proférant des
Inepties convenables,
Dans mon for intérieur.
Il fouille.
Il viole sans bouger
A la recherche de la
Béance
Masquée,
Secrète,
Que j’ai si bien appris à
Dissimu-
Ler aux curieux cruels
Et autres gros cons.
Il la trouvera.
Je n’en doute pas.
Lui non plus.
Dans quelques instants.
Et alors commencera
La vraie chasse.

mercredi 19 juillet 2017

Émue enfin

L’habitude d’être intelligemment
Émue,
Comme il faut,
Ou pas,
Quand la tête s’y refuse trop
Expressément,
D’être esthétiquement
Émue,
Sans grand danger,
Sans obligée de relation,
L’habitude d’être consciencieusement
Emue,
En bonne humaine,
En bonne femme,
Au moins un peu conforme.
Parfois quand même,
Pouvoir dire que
Putain ça me fait ni chaud ni froid désolée mais pas concernée !
Le dire aux bonnes personnes,
Et pas trop souvent,
Tourner avec l’humour,
Sauf bien sûr avec les quelques âmes sœurs
Où pas besoin de filtre
Et ils sourient ou même rient franchement.
Un T’es folle jt’adore
A l’appui.
Ca c’est
L’habitude décennique.

Et puis,
Le drôle de jour

Pour un lot de 15
très bonnes raisons
Qu’on n’explique pas
Ici,
Même en vrai,
Trop long,
trop intime,
Pas vraiment utile,
on parsème
Des explicitations bien dosées
Par-ci par-là
Chacun la sienne,
Comme ça on a bien placé son trésor,
Lieux sûrs et dispersés bien.
Ce drôle de jour,
On parle,
Trop,
Beaucoup,
Tout cavale dans la bouche,
La langue est une coureuse
Elle tient le rythme sans problème,
On a les larmes à fleur de cils
Tous les quarts d’heure,
Putain c’est quoi ce bordel !
Emue
Intelligente,
Esthétique,
Consciencieuse,
Mon cul oui !
Emue avec les tripes
Les côtes
Et tous les sens,
Frissons.
Emue,
Comme on n’a jamais voulu l’être,
Parce que ça fait mal
Et pour rien d’autre.
Parce que c’est trop,
Ca déborde,
On sait pas faire avec.
Il faut s’en remettre.
Oui, c’est vivant comme rien d’autre,
Oui, ça nourrit pour tout un jour,
Besoins assouvis,
Pas de steak frites à happer,
Pas de banane split en vue.
Et comment on fait ?
On pleure ?
Tous les quarts d’heure ?
On fait peur à force ?
On se fait peur.
On se vide.
On vomit tout.
Pourquoi est-on si faible ?
Fragile ?
Porcelaine de mémère à deux balles ?
Le drôle de jour

On pourrait se détester,
Se désespérer,
Et où on pense aux paroles
Des
Âmes sœurs :
Putain mais lâche bordel ! LACHE !
Où tu crèveras en ayant accompli ça oui
Mais pas vécu.
Fausse vie.

mardi 18 juillet 2017

Sa Majesté Silence

Quand le silence est plus fort
Que tout.
Quand les mots se révoltent
Et tournent le dos.
Quand le mur d’incompréhension
Se dresse.
Et la douleur aiguë
Du vide.

Quand le silence est le plus fort
Et qu’il soumet
Les plus coriaces.
Les plus guerrières
Des volontés
Et des amours.
Quand on ne peut plus que
Regarder lèvres serrées
Parfait impuissant au monde.

Quand le silence tyrannise en nain fou de pouvoir,
Napoléon Hitler et Mobutu,
Tout l’amour du monde est nul.
Tout le coeur et tous les bras
Sont idiots et peuvent bien
Crever.
Quand le silence règne,
Il est toujours le dieu des dieux,
Et au pied, pas le choix pour
Tout le monde.

Alors,
Bêtement,
On hurle comme un putois,
On hurle sur le silence
Qui n’a qu’un regard méprisant.
Ou,
Plus bête encore,
On l’accepte et fait sien.
Les yeux continuent de se battre
Jamais vaincus,
Jamais à terre.
Mais le silence à tout gagné.
Il est l’arme de l’impuissance.
La faux de la haine et la mort.

L'homme crypté

Il est là,
Au milieu de tous,
Il est chez lui,
Au beau milieu
Le beau parmi ses semblables.
Il ne se pavane pas,
Bien plus il prend la mesure
De toutes choses.
Il est tempéré.
Il est
Le mec parfait.
Mais que l’on s’y penche un peu
Et,
L’on perçoit un petit air de
Trop.
Trop beau.
Trop net.
Trop intelligent.
Trop cultivé.
Trop respectueux.
Trop comme on doit.
Trop comme il faut.
Exactement comme on s’y attend.
Comme chacun s’y attend.
Tout le monde l’aime.
Trop normal.
Trop tout.
Mais ça,
Dans l’après-coup
Ou alors,
Quand on a le putain de flair.
On piffe qu’il cloche
À être si beau
Si bien
Sans jamais dépasser
Ni jamais ennuyer
quand même.
Ca n’existe pas ça !
Pile dans sa case !

On se met à l’observer,
Encore une fois
Si
Et seulement si
On a piffé
Avec la précision parfois
Utile
Des paranos,
On voit le hic.
Le gros hic.
Tout est faux.
Tout est masque.
Tout est grimé.
Tout est cirque.
Tout est foutaise.
Tout est parfaitement calculé.
Même les minuscules erreurs
Que personne ne relève,
Elles sont norme.
On se met à l’observer,
dans les yeux,
Il tient les pupilles,
Bien sûr,
Mais elles se mettent à
Vriller,
Silencieusement,
Sur elles-mêmes,
Mine de rien,
La couleur noircit
Et s’électrise.
Il sent qu’on le sonde.
Il sent qu’il est en train
D’être dé-
crypté,
Du moins,
Il sent
Qu’on sait
qu’il y a
cryptage,
Cela suffit à réveiller
La bête.
Vous aimez le risque ?
Alors poursuivez-le
Le long de la soirée
Et sondez !
Encore et encore.
Les grands fonds s’ouvrent à vous.
Prêt à plonger dans le noir ?
Dracula existe
Bien.

lundi 17 juillet 2017

Le Tambour, Gunter Grass (1)

Un de ces livres que même en fervent et assidu lecteur l’on met trois mois à lire, des pauses avec du plus léger, du plus souple, du plus tendre. Parce qu’il n’a pas l’air si méchant de prime
 abord, ce Tambour, il semble surtout intelligent et réfléchi. Il est bien plus que cela et il pique
sans arrêt. Un vrai hérisson en faction, au petit bout de nez tout rond tout doux mais en fait !
 On le commence et d’emblée on rit, c’est comme ça qu’il nous attrape ce narrateur malin. Il
 est malin comme un singe. Un vrai stratège même. De plus en plus et jusqu’au bout. Donc,
 nous disions, l’on commence par rire et l’on s’amuse de ce personnage burlesque. Mais très
 vite on se demande comment cela va pouvoir durer. Question légitime qui demeure d’ailleurs.
Il faut bien et fort réfléchir pour savoir comment cet enfant puis adulte autiste nous emmène pendant 500 pages. Parce qu’au départ on croit que c’est lui, il est tellement spécial, tellement
atypique. Mais c’est lui et tout le reste. Tout le décor de cette lente fresque ironique, historique et social. Cet univers est implacable et violent sous ses airs fallacieusement ennuyeux. Il ne vous laisse pas en paix, il vous repousse d’emblée, il vous en demande trop, il vous prévient tout de suite ceci dit, le livre et ses mots, son personnage et son écriture, tout de suite. Ou alors, vous êtes un lecteur de mauvaise foi. Il n’y a pas de fourberie ni de tromperie. Vous êtes au courant dès la première poignée de main. Le livre est un pavé qui pèse dans le sac. Il est écrit petit serré et les paragraphes sont massifs et longs. Certains, j’espère qui ne l’ont pas lue, diront d’A la Recherche du Temps perdu qu’elle a un concurrent. Je dirais que le Tambour est bien plus viril et éprouvant, bien plus long. Oui bien plus long. Mais ce n’est qu’un vécu parmi d’autres. Comme tous ces romans qui construisent un monde, il est long et certains diront lourd. Lourd de sens et de richesses. Il apporte, il nourrit. Il donne, il reste empreint en soi. Pas d’oubli possible. Si l’on s’interroge à savoir si l’on a lu ce Tambour, c’est qu’on ne l’a pas lu, sans hésitation possible. Peut-être que c’est une blessure que ce livre imprègne. Peut-être qu’il rouvre toutes les douleurs. Peut-être. Lire est fait pour cela : se faire face, entendre ce que l’on fuit et affronter jusqu’à la plus inquiétante des dernières pages. Le Tambour est l’archétype de ce livre-conscience qui force. Et oui bien sûr qu’il faut forcer parfois pour avancer. Non, il n’est pas toujours un plaisir. Il n’est pas né pour jouir. La jouissance est pour après la conscience, qu’on se retrouve soi-même plus dense d’avoir cet univers en soi jusqu’à ce que ça sente le sapin ou qu’Alzheimer détruise. Et encore...

     Que ce personnage d’Oscar est essentiel ! Comme on s’accroche à lui, les premières centaines de pages, quand on n’est pas encore sûr de ce qu’on est en train de lire. Heureusement qu’il est là, qu’il met l’ambiance, qu’il nous retient , pour certains d’entre nous lecteurs-spectateurs, avec son show bruyant et clownesque. Sans lui, se dit-on, le roman s’écroule. On se trompe mais on ne le sait pas encore. Toujours est-il que cette première impression, comme souvent, n’est pas à jeter aux orties. Oscar est Le personnage de cette longue et absurde écriture. Les autres tournent autour de lui, il est l’astre débile de toutes ces lignes. Je ne me souviens pas, à vrai dire, si j’ai pensé un moment que je tenais entre les mains une biographie, une vie de nain psy-chose. Sans doute. Il n’y a d’abord que lui, à la naissance de la Terre, tout petit monde qui grandit grandit et boum badaboum en éclat.
     Il est le fou du roi du prude et révolutionnaire tout à la fois XXème siècle, le trublion qui dit montre fait tout ce qu’on ne doit pas ou n’ose pas. Il est celui qui nous donne à voir ce qu’on se cache bien fort. Il est le fou du roi, le bouffon de tous les siècles, il prend les formes les plus modernes comme les plus antiques. Le fou du cirque, l’artiste génialement fou, le fou de l’Histoire, le fou des sciences : autiste nain en bonne et due forme. L’homme du XXème siècle serait-il un autiste en puissance ? Celui de cette guerre qui sinistre l’Europe, qui mua des foules entières en paranoïaques compactés, psychotiques politiques, et pour survivre, seul l’autiste réussit, dans son univers, avec son tambour, accroché à ce petit monde-là le tambour, pas le soi-disant vrai monde, mais bien plus vivable et bien plus beau, plus riche et plus libre. Cet homme de la 2eme guerre mondiale incommuniquant, moins humain que l’autiste, peut-être l’homme de tous les sièges, peut-être symbole de l’humanité et des es éternels et mortels malentendus, ses peurs, ses préjugés, ses normes, tous fatals. Parce que cet Oscar qui tout d’abord fait rire, puis ennuie, voire agace ou carrément fait enrager à ne même pas savoir grandir et parler comme tout le monde, à croire qu’il le fait exprès, non il le fait en partie exprès ! Il est loin d’être une victime, puis lasse, on le met de côté et on regarde le reste, il nous fait voir le reste avec ses Je Il Oscar, jamais citoyen normal, comme on aime. Et puis, on y revient, il change enfin, tout le monde change, toujours pas normal, toujours fou et louche mais quelqu’un qu'on reconnaît, qui fait miroir enfin. Celui d’avant aussi mais on ne le voulait pas et on le casait bien loin. Plus on ose l’accepter comme une partie de nous, plus on le lit et l’on s’y attache. Même lui dont le coeur est bien opaque.
      Ce siècle aussi où l’on ne doit pas être d’émotions. En tout cas aujourd’hui, cet Oscar qui résonne avec le super héros que l’on doit tous devenir, complet, en apparence cela suffit. Creux en-dedans peu importe. Personne n’ira voir ou presque. Ne vous risquez pas chez le psy.
Oscar plein d’amours et de douleurs et sans émotions. Humain pur et dur inhumain ou extra-terrestre du moins qui n’explique ni n’exprime rien. Et que personne ne comprend. Sauf ses quelques pairs, les gens du cirque et de la marge. Ces époques qui cultivent la norme et restent fascinées par la marge, qui encensent la marge en se gardant bien d’y toucher excepté dans un musée bien propret fait pour.
         Allons plus avant encore : cet enfant puis homme-objet, qui se fond avec son tambour, qui est son tambour, qui ne vit sans son objet, son doudou, sa garantie d’être. Qui seul avec son cœur et ses poumons, son cerveau et ses jambes, n’est pas assez, ne survit pas. Est attophié. L’objet mystérieux qui remplace son palpitant, son palpitant parmi les autres, sans lequel ses yeux tombent et ses mains cassent. L’homme qui doit sans cesse se défendre de ses pairs, qui ne trouve tranquillité que séparé d’eux par son tambour et son langage unique, qui ne peut qu’ainsi être avec eux.
         Oscar rejoue l’évolution humaine. Il est minus et énorme de tous les fantasmes les plus enfouis, psychanalytiques et cauchemardesques, inceste et compagnie, la mort sans sacrement et sans saints cris. Le fantasme sans foi ni loi, sans religion, sans fioritures, lui aussi pur et dur. L’humain comme on n’a pas envie de le voir, comme on veut le penser au mieux, se détachant bien fort de toute image ou sentiment.

     
          Le tambour, l’enfant-jouet, l’enfant-objet, l’enfant-génie, l’enfant fou. Le tambour, l’instrument-corps, cogneur, vibrant, palpitant, guerrier, artiste, amélodique, sans concessions, sans incantations, envoûtant pourtant, qui rend fou. Toujours ce fou, sa folie et l’art et la guerre. L’objet symbole, emblème, l’objet héros véritable de son roman éponyme. L’objet polytechnique, multifonctions, multicolore, qui lève la multitude avec son boum boum lancinant. Le tambour, du fond des âges, qui axe l’Histoire humaine. Qui donc s’est lancé dans l’histoire du tambour ? Personne encore, à ma connaissance. Grave erreur de notre espèce et ses cerveaux.
          Le tambour en deux parties, la tête et le corps ? Peut-être bien ou le papier et le stylo ou le monde et la main de l’homme. Arrêtons-nous quelques instants sur la baguette : la baguette magique de cet Oscar finalement presque féerique, lutin malicieux, baguette magique mais par deux exclusivement. Ni seule ni trois ni quatre. Deux : deux mains, deux jambes, deux âmes, deux cœurs, deux oreilles et deux. Tout est par deux en paire. Et si l’on y regarde bien, c’est le minimum, parfois aussi le maximum mais surtout le minimum décent pour survivre. Oscar cherche toujours sa partie manquante, le tambour l’est un moment, la mère aussi, mais elle ne suffit pas, la mère, le père n’en parlons pas, sont de terribles impuissants. La femme bien au-delà du mâle, sexisme latent mais violent. L’homme est ici le plus souvent un imbécile ou avec plus de nuance, le mâle n’est jamais celui qui sauve, surtout certainement pas celui qui fait rêver. Le mâle est un outil et Oscar au fond de lui est peut être bien davantage une femme qu’un homme. La femme est admirable, sublime. Pas l’homme, jamais vraiment ou de justesse, même s’il n’est pas nécessairement méprisé.
Cette baguette donc qui conduit le monde, cette plume qui construit une oeuvre, ce sexe qui ... Je me ferais traitée de sale psychanalyste perverse. Mais tout de même, pensons-y. Elle est tout ce qu’on veut, l’objet, comme le tambour, le plus polytechnique imaginable. Simplisme. Voire simpliste. Dont on peut aussi faire des merveilles et miracles.
         Le tambour et sa sonorité, toutes ses particularités d’instrument sans chant ni voix mais oui incantatoire, comme dit ci-dessus ne serait-il pas potentiellement aussi métaphore de l’écriture de l’absurde ? Une écriture sans aucune concession, une écriture qui elle aussi frappe la feuille et les yeux, qui ne prend aucun gant et qui finit par user son support et son lecteur. Une écriture qui n’endort ni ne séduit, qui se refuse absolument à toute séduction et qui pourtant appelle, autrement. Comment ? Comme le tambour. Elle fait du bruit, elle dissone, elle gêne, elle exaspère, elle piétine, on trépigne, on a envie de balancer  tout pour que ça s’arrête, elle oblige, elle tient à coups de baguettes mordantes les paupières et les pavillons grand ouverts, elle dégage les sucreries et tendreries, elle est dure, impitoyable, provoque et suscite un combat, une lutte à mains nues, une chevauchée à cru. Le tambour c’est l’écriture de l’absurde, l’écriture moderne, la fin des jolis mots et du long fleuve tranquille.
       Cet absurde dévitalise et tue, aspire, asphyxie à petit feu, mais permet de penser le pire, de ne pas mourir vraiment, de rester humain, et de renouer avec le vivant. C’est tout et son contraire que je dis là. Oui tout à fait et c’est un cycle que vous reconnaîtrez nécessairement. L’absurde, le néant qui dit la mort, Beckett qui n’a pas besoin de parler de mort pour la hurler de tous ses mots. Mais le néant mortel qui fait penser, avec le rire aussi, toujours le rire, jamais sans le rire, le plus mortel encore qu’est la bêtise et la folie de l’homme. Pas la folie d’Oscar, douce et belle folie, la folie esthétique celle-là. Non la folie des guerres, menées tambour battant. Celle qui fait penser la vanité de toute existence. Après cette guerre mondiale qui dévaste l’Europe oui, bien plus encore le genre humain et sa fierté, qui jette l’opprobre sur ce qu’un groupe entier, des milliers, peuvent accomplir, non simplement pour survivre, comme des animaux dignes et acculés, mais comme des lâches ou des idiots suivant la paranoïa sans limites d’un seul nain à mille tambours. Nous sommes tous ces lâches et ces idiots-là, potentiellement, et l’écriture absurde prend la distance nécessaire pour nous le faire entendre sans trop souffrir, sans désespérer quand même parce qu’on peut vouloir en mourir, en finir à l’HP. Mais il faut rire froidement, si cela se peut réellement, rit-on froidement ? Est-ce possible ? Bref, rire froidement pour mesurer l’énormité et l’horreur mais n'es pas perdre l’envie de poursuivre quelque chose. Non, pas de rêves de licorne arc-en-ciel comme un être cher à mon coeur décrivait ironiquement mes histoires un jour. Mais du jeu et des couleurs chez Gunter Grass, ça oui.  Et une fois qu’on a bien mesuré, on avale la pilule et on repart pour une autre vie, plus consciente, plus aiguë, plus exigeante, plus intransigeante peut-être même parfois mais au final plus juste, plus éthique, dans l’intention du moins. Obligation de moyens et non de résultats, tel est le carcan qui nous contraint. Faisons avec. Du moins, la conscience est la. Et si d’aventure elle se carapatait, n’hésitons pas à aller relire ces furieux tambours de la conscience, ces écrivains de l’absurde, un petit passage d’Oscar qui remet les idées en place, même si c’est abrupt.

dimanche 16 juillet 2017

Mes amours

Elle propose un foot américain
Ou de baiser dans une voiture.
Les grosses baskets
Et pas de bijoux au cas où.
Franchement ?
Non elle ne déteste
Pas la castagne.
Un peu de baston ça défoule.
Elle est pas aussi forte.
Elle est bien plus rapide.
Elle s’attaque au gros lourd,
Évite le poids léger
Qui se laissera pas avoir.
Les potes le savent,
Ils lui laissent le gros gueulard,
Elle en fait un chien fou.
Elle est la fille de la bande de mecs
Ou le mec de la bande de filles.
Ca l’empêche
Pas
Absolument pas
De vouloir être maman.
Ah non, pas maman universelle
Qui aime tous les chiards qui l’entourent,
Ou qui jamais ne voudrait jeter les siens par la fenêtre.
Vouloir être maman
Et aimer les bébés animaux,
Aussi.
Pas quand même les comédies romantiques,
Elle préfère la soirée foot
A la bière et pizza.
Et oui elle peut manger de la pizza
Froide
Au p’tit déj’.
Elle a essuyé les
« Garçons manqués »,
« P’tit mec »,
Et puis plus tard,
« La gouine »
Comme si ça devait blesser.
Elle a vite fait taire
Et fait rire.
Mais c’est toujours pareil,
Le prime abord.
Ce que les gens peuvent être simplistes !
Elle entend même,
C’est si dommage avec de si beaux cheveux...
Mystère et boule de gomme.
C’est le jour d’un mariage
Ou baptême prout prout de la famille
Grande catho
Jésus Jésus tu es notre sauveur
Et non à l’avortement,
Famille
Qu’elle aime fort comme elle est,
Même si elle moque sous cape,
Ou juste soiree class,
Qu’elle fait le buzz :
Elle n’a pas peur des talons hauts
Et des longues robes moulineuses.
La voilà déesse insoupçonnée.
Tout est dans la tête les mecs !
In-
Ven-
Té.

Lui a de la sape multicolore,
Toujours tiré à quatre épingles.
Il aime lire et relire à en chialer.
Et il chiale ma foi !
Comme tout le monde n’est-ce pas ?
Il est toujours de la partie shopping,
Toujours loin loin du gymnase puant.
Il aime manger bio,
Manger net.
Il cuisine à se pâmer.
Jardiner pourquoi pas ?
Il a un avis arrêté en matière
D’esthétique,
Il se fout des insultes
Et mécaniques qui roulent.
Il rit.
« Pas de couilles »
Mais si je vous assure et en bonne forme
Même,
«Faux mec »
Et encore bien plus qu’elle,
L’incontournable
« P’tit pédé »
Tapette, tarlouse et Cie.
Meuh oui Meuh oui !
Si d’aventure,
Lui venait le désir de son pareil,
Eh bien donc ?
Mais cela n’a jamais été à l’ordre du jour.
N’empêche que ça énerve
Les jours de colère.
Il n’a jamais douté
Désirer les femmes,
Il les admire et les chevauchent
Sans pitié.
Il aime à sentir son pouvoir
Et à sentir tenir
La fille sous ses entrailles
Elles finissent souvent par lui dire
Au milieu du schmilblick :
Putain tu fais ça comme un dieu !
Franchement ?
J’aurais pas cru.
Ca c’est après,
Sur l’oreiller.
Et la famille ?
Une maman seule qui chouchoute son fils unique chéri d’amour
En l’initiant aux films d’auteurs ?
Muuuuuuuuuuut !
Deux parents,
Père bourré H24 à tabasser pour qu’il
Cesse ses coups bas
Pour sa tendre moitié.
Et Maman qui lui dit le matin en partant :
Ne te bats pas avec les autres !
Parce qu’elle croit elle aussi
Des choses à côté
De la plaque.
Dans ta tête Maman !
In-
Ven-
Té.

Ce sont mes préférés,
Les plus beaux,
Les plus drôles,
Les plus tolérants.
Les Rien à branler
Du code des genres
Qui rassure tout ce petit monde
Effrayé de la fin du
Sexisme.
Femmes les premières.
Oui oui Môsieur !
Ce sont les plu jolis,
Les plus doux,
Les plus forts,
Les plus loyaux.
Les plus forts surtout.
Ceux qui donnent la force
À ceux qu’ils aiment
Parce que peu importe
C’est comme ci comme ça,
Ils te disent au final :
Fais comme tu es.
Ce sera toujours le plus juste.


dimanche 9 juillet 2017

Le silence ou la mort

Chacun se tait,
Chacun s’imagine,
Chacun reprend son monde
A lui
Lui seul
Seul et unique
Unique impartageable
Impartageable blanc
Blanc ou noir
Noir parfait
Parfait sans taches
Sans taches ni vie
Ni vie ni guerre
Ni guerre ni foi
Ni foi ni loi
Loi du plus fort
Fort comme un rien
Rien circulaire
Circulaire narcissique
Narcissique sans ami
Ni ami ni famille.
Le monde que personne
Jamais
(Le vrai jamais)
Ne connaitra,
Qu’on se le dise,
Qu’on se l’avoue,
De temps en temps,
Pas trop souvent
Parce ça saigne le coeur.
Quand chacun se tait,
Ce monde se rappelle à nous,
Et l’on se souvient
Qu’on a tout ça
A ne partager.
Alors gueulons merde !
Même pour dire des conneries.
Pour oublier cette solitude
Interminable.

Jamais mieux servi que par soi-meme

Tu proposes
Suggères
Après mûre réflexion,
Après mûre bienveillance,
Tu ouvres l’horizon,
Tu te préoccupes,
Tu te soucies,
Avec amour,
Aves égoïsme aussi,
Pour te sentir utile,
Pour te sentir quelqu’un de bien,
Quelqu’un qui aime bellement.
Et fin de non-recevoir,
C’est bon !
Mauvaise idée !
Pas envie d’en parler !
Je me débrouille ça va !
Pas besoin d’aide !
Et d’autres encore ainsi.
Tu voudrais répondre
Ok d’accord ben j’arrête alors !
Mais tu ne le dis pas
Parce que
Parce que quoi ?
Parce que c’est tout ce qu’on attend de toi que tu t’arrêtes
Que tu lâches l’affaire,
Justement.
Précisément.
Alors tu fermes ta gueule
Et tu rumines
D’être aussi vaine,
Aussi seule peut-être.
Aussi impuissante.
Tu penses qu’on te dit
Presque
Que tu ne sers à rien,
Que sans toi tout ira bien.
Ou même qu’avec ou sans,
Pas de différence.
Tu sais que c’est faux pour l’autre.
Pour toi, c’est très vrai,
Tout vrai.
Tu vas rester dans ton coin
Te taire
Et froidement apporter ton aide
Quand on te le demandera,
Pour un détail merdique,
Qui te déprime de futilité.
Tu voudrais dire cette fois,
Là non je ne peux pas, bien désolée.
Mais tu feras moins immature,
Pour ne pas perdre
Au moins la face.
Tu afficheras présente,
Tu seras loin à l’intérieur.
Tu auras envie de partir,
D’être seule ou de rire comme une gogole
Avec une de ton clan.
Rire pour combattre l’impuissance,
La solitude,
Le non,
De ceux qu’on aime.
Et puis se retourner sur soi
Et s’aider soi-même,
Encore le plus sûr.
Même si lassant.
Tout cela en sachant que
Chacun sa cadence
Et que tu dois respecter l’autre
Et le rythme de sa danse.
Tout en rageant de savoir ça
Et de le respecter profondément.
Parce que ton égoïsme
Veut maintenant,
Et que la patience meurt.
Finalement oui,
Tu n’es jamais mieux servi que par toi-même
Alors fuck et refuck !

samedi 8 juillet 2017

Patate et ses parois

Patate dans sa verrerie,
Patate dans sa vitrine,
Patate femme de miroirs.
Patate verrotera,
Vitrifiera,
Miroitera.
Toute sa vie,
Elle sait déjà si jeune, si verte et si instable,
Qu’elle sera des Parotiques paroxystiques.
Elle dit qu’elle est folle,
Elle ne dit rien,
La taiseuse.
Elle
Se
dit,
En coeur et âme
Qu’elle est folle,
Qu’elle le sera
Toujours.
En légumescence, on croit si fort aux toujours et jamais...
Toujours folle
Au-delà ou en-deçà.
Ou géante
Ou poussière.
Ou mutique
Ou furie.
Satisfaite mais non heureuse.
Changeant de nom
De voix
Et d’amours.
Seule éternelle passion
Pour les livres et les papiers.
Elle pense fort qu’elle devra découvrir sans cesse de nouvelles armes.
Elle sent d’avance et d’expérience que l’arme d’un jour périclite le suivant.
Trouver,
Créer,
De nouvelles danses,
Elle ne le sait pas,
La guerre est aussi une danse,
La danse une guerre.
Elle ne le sait pas,
Elle ne trouvera rien,
On ne trouve pas des armes de guerre,
On ne trouve pas des danses sauveuses,
Elle les montera de toutes pièces,
Artiste de l’existence.
Elle poussera les parois,
Mois après mois,
Année après année,
Prenant son parti de sa folie
Admise mais au creux de l’estomac
Haïe,
Ne comprenant pas que
L’arme c’est elle,
L’artiste aussi,
Croyant devoir à l’autre
Et les trésors
Et le génie,
Elle pauvre folle
En bataille.
Avec force mépris
Et haine.
Parotique paroxystique paradigmatique.
Jusqu’au jour où peut-être
Elle s’aimera
Et refera le tour de toutes ces parois,
De toutes ses guerres,
De toutes ses danses,
De toutes ses victoires,
Sans champagne ni trompette.
Elle se demandera comment.
Elle comprendre
Peut-être
Combien
Elle et tous les autres
Nous sommes riches,
Combien aussi
Les plus Douteux
S’échappent loin
De leurs premières impuissances,
Paradoxaux en pied,
Contenant en eux les extrêmes,
C’est vrai,
Avec
Le toujours trop
Jamais assez,
Fous d’humanité,
Nageant dans
L’immense tessiture
De leur conscience maladive
Et de leur exigence aveugle.



Les guerriers de l'extrême

Non Patate n'est pas la seule au monde avec son histoire de parois et de proies. Elle fait déjà partie des Douteux. Elle fait aussi partie de la sous-espèce des Parotiques. Ce sont des extrêmes, des sportifs de haute volée ; même s'ils ne se le croient pas, le plus souvent. Les Parotiques paroxystiques. Jamais ils ne s'arrêtent, jamais ils ne cèdent à d'autres ce jeu qui sauve. Jamais ils ne lâchent la main. Ce sont ces Douteux extrêmes, en effet, aussi sportifs de cette discipline-là, en module haute voltige, qui repoussent les limites plus loin, parfois toute une vie durant, ceux sur lesquels personne n'aurait misé un centime à 13 ans, personne n'aurait imaginé autre chose que la réserve misérable et la fragilité soumise. Ceux-là mêmes, les plus bas dans l'échelle sociale de la légumescence, qui finissent par réparer, reboucher ces béances de jeunesse. Vous savez bien comme des trous de balle d'armes à feu, fatales, pas par la mort, pas par arrêt cardiaque, pas par raison médicale mas bien par blessure vitale tout de même, blessure de l'être tout entier incapable de passer outre, se torturant même seul en y enfonçant un doigt, comme dans les méchants flics à la chasse aux aveux. Les Parotiques se font mal pour se souvenir, peut-être un peu par plaisir malsain, en tout cas sans aucun doute, pour continuer de prouver au monde entier que ces balles reçues non au cœur mais pas si loin ne sont pas leur fin mais souvent ben leur début, leur force, leur source. Oui ils croient avoir quelque chose à prouver indéfiniment aux regards qui les observent. Ils jouissent comme personne de ces regard satisfaits ou même admiratifs. Des vingt ans après, ils y croient beaucoup trop ou toujours pas, convaincus et fats ou éberlués et naïfs. Jamais un même point que les autres, quoi qu'il en soit. Vous me direz que personne n'est jamais au même point, la vraie coïncidence n'est qu'une expérience rarissime et fugace. Mais ceux-là en sont à des lieux. De extrémistes de la vie, trop vivants pour ne pas succomber, ne plus jamais le risquer non plus et atteindre les hautes sphère en forme de survie. Cherchez-les, vous les connaissez sûr et certain.

mercredi 5 juillet 2017

Patate conquérante sans limites

Avant la poussière, le géant est apparu des dizaines de fois, encore et encore. Carotte qui le réveillait mais aussi parfois tout seul, de plus en plus avec l'âge. Patate se sentait muter d'un coup seulement déclenchée par son tourbillon de peurs. Le géant a fini par faire partie de son quotidien. Elle ne le contrôlait pas, pas du tout, c'était bien cela la plaie. Un monstre surgissant à l'improviste et dévastant toute fierté su son passage, bulldozer impitoyable. Elle n'était, de lui aussi, que la poupée. Elle le haïssait. C'est au moment des aventures nocturnes, de Patate-garçon, du premier éclat qu'elle trouva la poussière, qu'elle cessa de lutter contre le géant mais avec lui pour agir la métamorphose. Parce sans géant, pas de poussière, pas d'envol, pas d'ivresse de la victoire légère, sans ombre, scintillante. La poussière est géante poussière, poussière géante intouchable, inaccessible, inviolable.
C'était pour Patate, pour laquelle d'autre nom n'a toujours pas été trouvé, mais cela adviendra en un éclair comme une évidence, la magie des noms, c'était pour Patate le début d'une grand pan de vie. Le début de cette vie d'escalades. Patate dès lors qu'elle s'aperçut qu'elle était capable de métamorphoses délivreuses ouvrit la porte de la salle de jeu. La salle de jeu qu'elle se croyait interdite tout jamais, en bonne impuissante convaincue sûr et certaine. La salle de jeu qui n'a que les dimensions qu'on lui donne, qui rapetisse et grandit jusqu'à l'immensité, jusqu'à la mort. La salle de jeu où Patate allait commencer avec émerveillement d'abord à repousser les parois de son univers. Repousser les parois vitrées, salopes universelles qui laissent voir dans une transparence divine toutes les choses qu'on ne touche pas, qu'on n'atteint pas, et qui hurlent en choeur notre atrophie humaine. La cage devient salle de jeu et certains gardent leur calme en se tournant vers ce qui s'y trouve, en s'en contentant avec sagesse. Patate n'était évidemment pas de ceux-là. Elle se prit tout de suite au jeu potentiellement fatal : tordre les parois vitrées, aux apparences d'incassables mais tout à fit souples et malléables quand on trouvait la force d'y croire et de se sacrifier pour les attaquer dans cesse, oubliant sans doute ce qui existe déjà dans la salle de verre, les jeux faciles, les jeux-là. Toujours dans l'au-delà, toujours plus, repousser les putains de parois de verre, quel que soit le moyen, la fin justifie ces moyens, quitte à se trahir oui, pousser, toujours plus loin, conquérir, se sentir plus fort, plus grand, plus digne, parce que sans ça, on redevient le géant honteux débile sur ses trop grandes jambes dans sa cage de monstre de foire. Parce qu'on ne veut plus jamais et que rien n'est jamais fini d'obtenir, rien n'est jamais assez. Parce que l'appétit devient ogresque.
Patate devint insatiable. Seule. Sans l'aide de personne. Surtout sans l'aide de personne. Elle était enfin parvenue. Presque imbue de sa réussite et se jurant sur tous les cieux qu'elle ne cesserait jamais sa traque.

mardi 4 juillet 2017

La poussière qui sauve

Patate bien sûr se demande. Si. Toujours. Elle a peur. Elle a beau se découvrir super girl, elle a peur. Peur de. Rencontrer des tas de Carotte sur son chemin. Rien que le souvenir de celle-là suffira d'ailleurs. Cette Carotte de malheur. Ce corbeau, ce diable. Elle a beau beau beau, elle se sent hantée, prise dans les filets. Non ps exactement les filets. Elle la met en boule et en cage. Elle se met en boule et en cage. Pour plus tard peut-être la boule de rage. Là, ce qui terrifie, c'est bien autre chose. Face à Carotte, le monde autour, immobile, en suspens, plein d'attentes, plein de crocs et de griffes, plein d'ironie et mené par le bout du nez. Le monde légumescent dans toute sa splendeur. Patate est la proie, le bouc-émissaire légendaire, presque totem incontournable du groupe réuni grâce à elle. Pas de vantardise stupide. Une salope d'ironie qui fait sourire amèrement notre Patate. Elle grossit, grossit, non elle grandit, Dieu elle est haute comme un éléphant, folle de grandeur baleinique.
Géante, Patate est géante.
Elle est énorme,
tout est énorme,
ne s'arrête pas,
tout pousse,
plus haut,
encore encore
encore
elle s'éloigne,
lutte pour redescendre
a leur taille,
en vain,
elle a germé d'un coup,
Carotte a saupoudré l'engrais
magique
noir
fou.
Personne ne bouge.
Tout le monde regarde
toujours plus haut,
la suit comme une fusée
ascensionnant,
Patate n'y tient plus,
se recroqueville,
veut faire des tours
avec son corps,
se met en boule,
mais rapetisser est interdit.
Carotte rit,
ne peut plus s'arrêter de rire,
glousse,
s'étouffe,
pleure.
Patate ne l'entend presque
plus,
elle se sent folle,
finie,
foutue.
Elle fait des nœuds
et s'encage
elle-même.
Carotte propose,
ouvre la porte,
elle s'y engouffre,
pour briser la
croissance.
Elle préfère la cage oui !
Elle s'y sent moins atroce.
Là,
le cercle entier rit aussi.
La regarde comme freek
et on la fit tourner sur elle-même
pour être bien vue,
bien claire.
Elle est verte,
elle est bleue,
elle n'est plus des leurs.
Le désespoir atteint un sommet
inhumain.
Elle est seule,
animale,
l'instinct resurgit.
Elle s'enflamme,
pousse sa peau,
l'étire,
elle se craquelle
et explose,
sans saletés.
Elle est un petit tas de poussière
qui s'envole
à travers les barreaux,
échappant à tous les doigts,
brillante dans la lumière du jour,
volute arabesque.
Elle s'enfuit par la tête haute,
à la verticale,
loin du plancher des vaches.
Patate aime plus que tout la forte odeur de
poussière
des sous-sols.
Elle s'assoit parfois
dans une cave ou un garage,
humant la libération.

dimanche 2 juillet 2017

Confiants et Douteux

Il y a dès le départ, peut-être pas en nourrisson mais dès tôt très tôt ceux qui croient en eux et les autres. Permettez-moi cette théorie excessive sans nuances bien subtiles . La théorie qui fait du bien, qui marche quand la victime se sent proie absolue, la théorie des camps. Je corrige un peu le tir, trois camps seraient plus justes même si, moins satisfaisants pur la rage de l'impuissant à bout de force. Le camps des mi-douteux. Il y a aux deux bouts de la chaîne les confiants, ils se savent légitimes, ils ont le droit, d'exister, d'agir, de se mouvoir dans le monde comme ils le sentent, ils sont les égaux de leurs semblables voire parfois leurs supérieurs et n'ont pas peur de le dire ni de le penser. Le dire est beaucoup plus aisé que de le penser comme chacun sait. Ils croient, on en revient à cette fameuse foi d'il y a quelque temps, quelques pages, ils ont foi et s'enfoncent dans leur sol sans jamais s'y noyer ni s'y voir enchainés. Ils en sortent, y reviennent à l'envi, ils sont souples et libres de leurs pirouettes. Ce ne sont pas les plus créatifs. Ils n'ont rien besoin de créer. Tout est à disposition. Et pus, à l'autre bout du monde, il y a ceux qui se surprennent chaque jour à exister encore, se réveillent éberlués d'être là, de résister aux tempêtes quotidiennes, connues d'eux seuls, minuscule grains de sable pour les Confiants, inaperçus. Chacun vit midi à sa porte. Rien n'est entièrement partageable, oyons honnêtes. L'humain nage dans le malentendu et parfois, ces malentendus sonnent bien, accords audibles et l'on s'aime. Mais la plupart du temps, ce sont des concessions à faire pour finalement oublier d'admettre qu'on n'a sûrement rien compris la même chose que son interlocuteur. Bref, il y a les malentendus qui fonctionnent et l'immense majorité de ceux qui frictionnent et feu et guerre et tout le tralala arrivent. Les Douteux, ceux qui restent chaque matin, quand le matin est possible, devant leur miroir, quand le miroir est possible, bouche bée devant leur reflet. Ils peuvent douter d'absolument tout, de chaque parcelle de leur être. Vous vous dits que ce sont les torturés, les fous, les schizos en puissance. Peut-être bien. Ils sont loin d'être isolés mais ne se connaissent pas. Ils se reconnaissent parfois. Mais leur combat est surtout celui, comme Patate qui trouvera prochainement son nouveau nom, de protéger leur cœur. Ils n'ont que faire de trouver leurs pairs. Ils voudraient surtout n'en pas être. Les Douteux doutent, redoutent, et tentent les limites, cherchent l'issue ou se recroquevillent quand le béant est trop mortel. Les Douteux que les vrais Confiants, disons-le sans ambages, bien souvent méprisent ou du moins plaignent. Les jeunes Douteux légumescents qui se demandent si toute la vie sera faite de jeux d'équilibriste admirables pour les seuls spectateurs, beauté révoltante pour les artistes.

Violence de la victime

Elle avait envie de frapper. De cogner comme une brute. Elle sentait monter en elle une violence inouïe, inconnue, jouissive, celle qui résout tous les problèmes, qui n'a ni foi ni loi, aucune règle et aucun scrupule. Elle avait envie de déchirer le monde, de terrasser le vivant, de tout détruire insensément, de brûler toutes les couches terrestres et d'atteindre le noyau brûlant de l'univers, seul capable de délivrer le grand secret. Elle était remplie d'une violence sans haine, une violence non-humaine, animale, de survie, sans intention de nuire, bien davantage instinctive et incontrôlable qu'une méchanceté même profonde d'être social. Elle n'était plus alors un être de relation, appartenant à une société de congénères civilisés, ou se disant tels, ce qui est plus qu'interrogeant parfois, souvent toujours, selon l'individu qui pense et regarde et aussi selon celui qui frappe et tue. Elle était seule, prête à imploser, plus pleine qu'elle ne l'avait été jusqu'alors, plus entière, plus vraie. Elle touchait son être dans son essence.
Mais au bout d'un temps indéfinissable, elle sentit poindre la descente, comme une junkie suite à l'acmé du plaisir, la descente et ce sentiment d'impuissance et d'infini désespoir. Elle se sentit alors aussi vide qu'une énorme cuve à sec, qu'un assoiffé en plein désert. Immense de vide et minuscule d'inanité. Vertige écœurant, tournoyant, trou noir, vie moléculaire, du plus infime au plus sidéral, lourd, léger, bouillant, glacé, les deux pôles dans la même main, révoltant et admirable, enivrant et accablant.
Patate s'est retrouvée affalée dans l'herbe sous la fenêtre du salon des Carotte, haletante, en sueur, percutée. Elle n'est plus une simple Patate. Elle n'est pas Super-Patate, ridicule d'ailleurs comme tous les Super Truc. Elle n'est pas Patate-lionne-à-l'attaque, pas Patate-ninja. Elle n'est sans doute plus vraiment Patate, même. Elle a trouvé quelqu'un d'autre en elle. Qui doit se prénommer autrement. Elle trouvera un nom à cette identité qu'elle découvre, un nom digne et fort, tendre et aimant aussi. Elle veut un nom qui sache se battre et aimer en même temps.
Patate n'avait su ni l'un ni l'autre jusqu'à ce moment. Ni aimer ni se battre. Juste résister, passive, s'estimant déserteuse, juste proie qui attend toutes petites griffes dehors. Les victimes ne savent pas aimer davantage que le reste. On les croit au moins douces et aimantes, en pleine légumescence. Ce sont celles dont le cœur est le plus dur, le plus froid, qui paraissent les plus lâches aux plus jugeants, mais qui ne lâchent rien du cœur, et finalement ne se battent peut-être que pur cela : protéger le cœur et l'esprit de toute intrusion. Ne pas se laisser approcher, ni toucher, ni comprendre, tout en en rêvant avec honte et culpabilité intensément judéo-chrétiennes. Pourquoi cette croyance absurde du cœur tendre et doux des plus fragiles ? Pourquoi cette évidence stupide d'un amour et d'une indulgence universels ? Les pus torturés, fracassés, suturés en tout sens sont les plus difficiles à attraper quand on s'y essaye. Certains s'approchent, sûrs de leur fait, mais ils ont à faire à bien plus gros poisson que prévu Et ils en tombent des nues. Et la victime qui se croyait impuissante en puissance se voit face à bien plus faible qu'elle. Le fortiche assuré à terre sans même avoir joué son tour, le duel seulement annoncé. Et elle cessera brutalement de se sentir victime, elle sera l'égal de ses pairs, là et pour quelque temps, et elle respectera cette faiblesse, elle la gardera secrète, elle commencera d'aimer à ce moment-là, tout doucement, toute petite lumière à l'horizon, parce qu'elle ne sera plus intouchable, ni pour celui qui se relèvera sous ses yeux apaisés. Il croira à sa grandeur d'âme parce qu'elle se taira. Ce ne sera pourtant qu'un juste retour des choses, car celui-là aura fait tomber les masques qu'elle croyait infrangibles, les deux masques et le pouvoir à l'eau. Grâce à lui, elle entreverra de baisser la garde et de ne plus avoir peur et honte, incessamment. Lui, ne saura pas. Mais elle ne fera bien que lui rendre l'égal de son présent. Sans doute qu'au final, aucun des deux ne mesurera la valeur de son propre acte pour l'autre. Mais ils auront tous deux en eux, ancrée, cette marque de la reconnaissance envers celui qui a respecté la plus grande vulnérabilité. Elle ne s'évanouira pas, même elle s'oublie apparemment. On n'oublie pas cette marque. Et on poursuit sa vie en la vénérant ou en nourrissant sa vengeance.