samedi 17 septembre 2016

Violaine VOLTA

    Violaine ne s’endort pas. Tous les soirs, elle lutte, elle se bagarre dans ses draps comme une forcenée, sans les mains, sans les poings, à la force de l’esprit et du coeur. Elle ferme les yeux et surgissent les démons. C’est comme cela qu'on les appelle. Elle dirait ca si on lui demandait mais ce ne sont pas des démons. Ce ne sont pas de faux êtres, virtuels, insaisissables, multiples, aux pouvoirs imprévisibles. C’est beaucoup plus clair que cela. Elle ferme les yeux et voila qu’elle a 4, 7, 11, 13 ans. Jusqu’a 16, sans arrêts, sans aucune pause, sans souffler. Elle a n’importe quel âge, c’est toujours la même chose. C’est toujours les pas qui se font de loup et qui ralentissent avant d’arriver à la porte, comme pour jouir du plaisir à venir, comme pour faire se suspendre le temps avant l’entrée dans la chambre de petite fille. Une espèce de jouissance préliminaire. Elle n’a pas fermé les yeux, bien entendu puisqu’elle sait qu’elle aura à entendre ces pas et à se remettre sur le pied de guerre dès qu’il aura passé la porte et qu’il se sera doucement, tendrement même, glissé dans son lit. Il lui dira « c’est moi ma princesse. » Et c’est bien cela le pire, cette douceur, cet amour évident et cette attention unique au monde qu’il lui porte. Elle est alors quelqu’un d’exceptionnel. Elle est la reine du monde et elle voudrait n’être personne. Elle voudrait mourir. Elle voudrait disparaître. Elle ne dira mourir qu’à partir de l’adolescence. Enfant, elle préférait dire disparaître. C’était celui-là son mot. Il faisait moins peur et puis, si elle se souvient bien, l’autre ne lui venait pas à l’esprit. Pas encore. Elle était bien petite quand même pour parler de mourir. Et puis ça veut dire faire du mal à sa maman. Et ca c’est trop. Quand on est petit bien sûr. Plus tard, cela prend moins d’importance. Maman, on ne la trouve plus si formidable. Mais, Violaine se disait qu’au moins, sa mère ne la prenait pas pour sa princesse, juste pour ce qu’elle était. Souvent injuste, mais franchement les petite injustices du quotidien valent mieux que tous les monstrueux statuts de princesse. Petite gâtée ! C’est pas mal d’être la fi fille de son papa hein !  Ton frère doit rager, fais attention quand même ! Violaine bien sur ne répondait jamais rien à ces absurdités. Les adultes sont follement idiots, la  plupart du temps. Elle s’étonnait toujours de leur capacité ingénue à croire l’enfant responsable des injustices commises et répétées par les parents et autres adultes majeurs et vaccinés. Vaccinés contre l’enfance sans aucun doute. 
      Tous les soirs, Violaine avait vraiment envie de mourir. Cette insupportable solitude dans l’attente. Parce qu’elle l’attendait bien entendu. Parfois, elle s’endormait malgré elle. C’étaient les pires douleurs qu’elle connût : ces réveils de princesse à son papa... Il aimait au-delà de tout, lui, quand il pouvait l’éveiller tout doucement, plein de caresses. Il l’appelait Ma puce, Ma chatte, Ma né être et il l'a couvrait de baisers. Elle n’avait pas eu le temps d’enfiler sa cuirasse et toute son armure de combat. Elle était prise à nu, encore plus nue que d’habitude. Parce qu’il voulait qu’elle le soit, nue. Il n’était pas autoritaire pour un sou. Il restait toujours très calme et tendre. Mais il lui intimait l’ordre silencieux, sans meme le savoir lui-même, de rester aussi calme et silencieuse que lui. Meme dans s douleur, elle n’emettait aucun son. Et puis, avouons-le, la douleur avait fini par disparaître. Elle ne pensait même plus à étouffer la moindre lapaient. Elle avait envie de se débattre, de donner des coups de pied mais dans ses rêves. Elle n’y pensait qu’après coup, ou avant. Sur le moment, tout cessait d’être. Jamais elle n’etait parvenue à le repousser, à montrer son désaccord. Sa surprise ou sa méfiance oui. Mais la force de sa certitude, a lui, en son consentement, à elle, assassinait dans l’oeuf toute velléité  de rébellion musclée. Elle essayait quelques arguments : « je suis fatiguée papa » « non papa pas ce soir s il te plaît ». Mais il lui souriait en lui caressant les cheveux et lui répondait : « je vais faire vite ma chatte. Ne t’inquiete pas. » Ou « j’ai pensé à toi toute la journée ma puce, à ce moment pour me réconforter. Sale journée tu sais ! » Entre deux baisers mouillés. Elle savait qu’il n’entendrait rien d’autre. Elle se taisait et fermait les yeux. Il se taisait aussi. Elle le sentait sourire encore de la voir se laisser aller à lui. Elle fermait les yeux pour partir loin de son corps, loin de toute sensation. Elle se disait qu’elle était quelqu’un d’autre que ce corps et qu’il ne l’atteignait pas. Cependant, il poursuivait sa tâche et après l’avoir entièrement déshabillée, il la caressait, il la malaxait, elle avait parfois l’impression d’être une poterie entre les mains de l’artisan. L’objet à façonner. Comme s’il s’octroyait le droit de la penser terre glaise informe, sa propriété absolue. Elle sentit ses doigts et ses paumes glisser sur elle. Elle avait honte de sa peau, de ses membres. Elle se sentait affreuse, et en même temps parfaite, tellement parfaite que la chute en était vertigineuse, le moment venu. Elle se sentait un ange-démon, qui, une fois qu’il serait repenti, ne serait plus qu’un tas de boue, sans tout ce pouvoir bon ou mauvais qu’il faisait circuler en la touchant. Il ne s’arrêtait pas là, on s’en doute. Et c’était encore une attente que ce moment de caresses. Il grognait et gémissait de plaisir. C’était bon, disait-il. Elle avait à cet instant, qui ne manquait jamais d’arriver, un haut le cœur. Envie de lui vomir dans la bouche, dans les yeux, mais pas tout de suite,  ou sur elle-même plutôt, qu’elle en soit recouverte. Elle ne savait pas pourquoi mais elle devait être recouverte de gerbe, c’était la couverture qui lui convenait. Il aurait capable de s’y plaire. Le taré, le tendre papa. Il était si sale, le pauvre, le dégueulasse. Du coup, tout le bon lui paraissait mauvais. Son corps à lui etait poilu. Surtout poilu. Comme un singe, comme un animal. Comme un autre espèce. Comme le chien. Il faisait tout comme le chien qui se frottait sur les jambes et qui laissait pendre sa langue de plaisir. Son père n’était donc pas plus qu’un chien ? Elle était sa princesse. Et elle acceptait de l’être puisqu’elle ne pipait mot, puisqu’elle ne disait jamais non, ni ne le repoussait. Elle l’acceptait malgré son immense peur et sensation de vomi au bords des dents. Elle était une honte. Sa propre honte puisqu’elle le laissait faire, s’engouffrer en elle sans pleurer ni crier. Puisqu’elle le laissait faire Parce qu’il était si fragile. Que sinon, il tomberait tout au fond et qu’elle était là,pour éviter cela. Mais elle était une faible. C’est ce que tout le monde pensait, à juste raison. Sa mère aussi lui disait de s’affirmer, d’être un peu moins timide, un peu moins coincée. Allez, vas-y ! Tu ne crains rien voyons ! Et si. Elle craignait à peu près tout parce qu’elle savait qu’elle ne dirait non à rien, jamais. Le soir surtout, elle avait peur. Elle se préparait toute la journée au soir, en gigotant sur place notamment. Elle bougeait pour avoir moins peur et qu’au moins le corps se rebelle, dise quelque chose, à défaut de sa bouche pâteuse et bête d’enfant sans caractère. Elle détestait les enfants, l’enfance. Elle se disait qu’elle n’aurait jamais d’enfant, pour ne pas risquer d’être une violeuse, que ses caresses ne soient trop voluptueuses. Elle avait cela en elle désormais. Destin scellé dans son corps qu’elle ne pourrait jamais échanger contre un propre. Elle rêvait d’un beau corps tout propre qui sent bon. Le sien, celui qu’elle devait porter, sentait le plaisir dégueulé du soir. Mais, elle n’en avait pas d’autre pour l’instant. Peut-être plus tard, elle en trouverait un autre. Là. Elle etait coincée dedans. Elle était coincée de partout. Alors, elle gigotait. Sa mère la houspillait tous les jours en lui ordonnant de cesser de bouger mais elle ne le pouvait pas et ne le voulait pas d’ailleurs. Sinon, elle pouvait sentir et elle puerait et tout le monde saurait et se moquerait, lui jetterait des pierres comme à une demeurée trop faible pour avoir su se faire respecter, trop folle qui a accepté tout. 
Sa mère la câlinait aussi, la consolait, quand elle fait trop mal. Parce que ce n’était pas seulement un chagrin d’enfant ce qui se passait là. Elle avait parfois un gouffre qui s’ouvrait dans sa poitrine et tout ce qu’elle était prêt à y tomber. Elle ne savait pas ce qui se passait alors. Elle savait seulement qu’elle avait mal pour elle-même de se voir comme cela, qu’elle voulait que sa mère soit sûre et qu’elle la berce en la regardant sans ciller. Elle le faisait. Elle savait faire cela. Ca calmait quand même. Mais, sans faire sa victime ouin-ouin, tous à vos mouchoirs ! l’image de l’attente le soir dans son lit, des pas qu’elle entendrait monter resurgissait et frappait fort pour qu’elle ne se rassure pas trop, au cas où... Il ne fallait pas qu’elle s’apaise trop. La vigilance était de mise, à chaque minute. Bien sûr que dans la journée, ça n’arrivait pas. Mais le soir revenait vite et toujours. On se dit qu’elle aurait au moins pu profiter du réveil matinal, jusqu’au déjeuner même... Mais c’était bien plus compliqué que cela. La tête ne s’organise pas aussi bien.
     Dans la journée, ça n’arrivait pas. Mais la journée, Violaine devait rester sur ses gardes. Personne ne voit ni ne comprend dans ces cas-là. Elle devait être prête à feinter, à s’échapper. Elle ne serait pas prise, allongée dans son lit dans sa plus totale vulnérabilité, seule et si facile à déshabiller. Elle serait touchée par-ci par-là. Elle devait s’écarter, esquiver, pas chassés, pour ne pas être touchée aux fesses surtout. Pour ne pas être surprise par derrière, par une accolade caressante, rapprochée, corps contre corps. Elle devait rester sur le qui-vive, le long du mur, le dos plaqué contre un objet ou un meuble. Sa mère se réjouissait de leur jolie relation et de l’amour que son époux portait à sa petite. Elle le disait haut et fort. Elle était heureuse de voir combien cette enfant l’apaisait et le comblait. Elle lui en voulait en même temps d’obtenir ce qu’elle n’avait jamais eu : la princessitude... Allez-y tous les deux ! Violaine essayait toujours d préférer sa mère mais elle ne le souhaitait pas. Elle se sentait rejetée et jetée vers lui. Cela avait sans doute un sens. 

       D’année en année, le corps et le lit grandissaient mais les visites nocturnes demeuraient identiques ou presque. Elles grandissaient elles aussi d’une certaine manière. Papa tendre, papa a des gestes moins doux, moins lents, moins calmes. De plus en plus souvent, il semble nerveux. Il est irascible. Il dit qu’il va pouvoir se soulager. Parfois, souvent même, il parle. Il ne disait pas un mot auparavant. Il se taisait et c’est fini. Les mots grandissaient. Les mots, les phrases heurtaient parfois, souvent même. Il donnait des ordres, gendarme et encore... : « retourne-toi ! »  «  Écarte ! » «  Tu vois pas que je peux rien faire là ! » « petite salope ! » Elle ouvrit les yeux la première fois mais il ne s’en aperçut pas. Elle en prit ensuite l’habitude. Elle le fixait alors avec mépris et il avait tout de même un léger mouvement de recul. Ses narines à elle frémissaient. C’était ça le pire : se faire insulter par celui z qui elle offrait tout ce réconfort, pour qui elle s’était sacrifiée. Enfin, c’était elle aussi mais bon..il osait l’insulter. C’était ça le plus répugnant. Il osait croire qu’il pouvait aller jusque là. 
       À partir de cette première « petite salope ! », Violaine ni fille ni garçon, on ne sait pas trop, se mot à pousser comme de l’herbe folle. Elle s’envola. Elle dépassa son père. Elle osa. Il s’offusqua. Il lui en tint horriblement rigueur. Sa colère à lui et son admiration décuplèrent. Il l’adora encore et encore davantage et il ne lui en voulut que plus violemment. Il attendait depuis des années ses seins et ses sous-vêtements de femme mais il sentait l’immonde menace. Il la touchait en passant. Mais désormais, il devait se faire discret. Elle n’avait plus un âge auquel on laisse se faire ces choses-là sans tiquer. Sauf la mère toujours en extase devant cet amour imperturbable, qui traversait sans embûches l’adolescence. Et qui, Violaine le savait pertinemment, la soulageait d’autant, elle qui se battait sans succès aucun pour le bonheur d son époux. 
         Violaine vit son corps se former de plus en plus franchement. Elle, asexuée, enfant trop longtemps, au point qu’elle avait fini par se dire qu’elle resterait toute sa vie avec ce même corps. Dans le même état. Elle pensait que ça ne pousserait jamais, qu’elle était un sol infertile à la normalité. Elle ne prit pas réellement conscience de la pousse. Elle la haït parce qu’elle masquait la douleur, faisait encore croire à la santé et que l’enfant mourrait avec tout cela. L’enfant qui s’enfouirait toujours plus profond. Et elle savait déjà Violaine la capacité humaine à effacer, omettre, même sans le vouloir. Elle était heureuse aussi d’avoir vaincu le sort. D’avoir été lus forte que lui. Que tous. Et d’avoir ce beau corps qu’elle n’aurait jamais espéré. Elle se disait que ce n’était sans doute pas vraiment le sien. QuIl habillait les autres plus petits à l’intérieur et de plus en plus sales au fur et à mesure qu’on s’enfonçait dans les couches de son être. Heureusement, personne en fait cela. Mais elle craignait toujours que sa nouvelle enveloppe se craquelle et laisse filtrer la puanteur ignoble du tendre papa se glissant dans son lit et lui attrapant fermement les fesses avec un grognement satisfait. Tout cela, Violaine l’imaginait, le savait plus précisément. Elle ne se le représentait pas, le laissait loin du présent. Pourtant, elle devait tout de même en temps en temps encore s’y confronter. Le père qu’elle ne pouvait essor mais plus regarder (avait-elle pu un jour ? Elle ne s’en rappelait pas.), qu’elle évitait par tous les moyens, elle se serait fondue dans le mur si elle avait pu. Elle rêvait par moments d’être un caméléon, de lui échapper, de lui glisser des mains, lui avec ses grands yeux tout mouillés d’amour pour elle, les mains tendues toujours prêtes à lui donner (en fait à lui prendre et même lui voler mais ça, les gens n’y voient que du feu), le buste en avant comme en déséquilibre amoureux transi, le sourire bouche ouverte avide. A cet âge, elle était écœurée. Elle se glissait entre les mains et les membres du père pour s’enfuir derrière lui, ne surtout pas être coincée au mur, face à lui qui ne voulait que de l’amour. Mais il préférait par derrière, définitivement. Il était tout de même irrité par sa métamorphose. Il avait voulu lui mordre les seins. Elle s’était débattue. Il l’avait maîtrisée moins facilement qu’il n’aurait cru, il voulait tant qu’elle soit encore une toute petite fille. Quand elle entendait ses pas dans l’escalier et sa mère lui dire de vite venir se coucher, elle frémissait et redevenait minus. Elle retrouvait derrière ses hanches de jeune femme, son corps de petite fille. Elle se figeait et tout repartait comme en 40. Sauf qu’il était quelquefois tellement brutal quElle en souffrait des jours. Jusqu’à la fois suivante. Il lui interdisait à voix haute de grandir davantage, de laisser grossir sa poitrine et s’ouvrir son bassin. Elle ne le voulait pas non plus alors. Elle voulait être un bébé qui marche à peine et qui... Peut-être qu’il était déjà sur elle à cette époque. Parfois, les souvenirs s’emmêlaient. Violaine s’imaginait même qu’il l’avait prise bébé, lui qui s’enorgueillissait de la changer et de lui nettoyer les fesses. Peut-être que déjà là, il trouvait ça bien. Elle, elle ne toucherait jamais à un bébé. Jamais de la vie. Elle sentait la moutarde lui monter au nez. Elle sentait ses lèvres se retrousser et ses poings se serrer car un bébé c’était trop. C’était comme si ça n’avait pas été elle. De fait, il lui était plus facile de se révolter. Un bébé ! On aura tout vu ! Elle se l’imaginait les mauvais jours, ceux où elle s’était sentie absolument coincée au fond d’elle-même, derrière tous ces corps salis et ce corps externe intact, social et illusoire. Celui qu’on aimait et qui ne disait rien d’elle. Sans sa réussite, oui, toute récente. Elle se l’imaginait sur la table à langer ou dans le bain. Le bébé allongé, gigotant et babillant, puis d’un coup immobile et froid car quelque chose, son doigt s’était introduit en lui. Il sentait, en tout petit être plein d’instinct et aux sens aiguisés, que quelque chose clochait. Il s’arrêtait presque de respirer. Il se pétrifiât. Il devenait de marbre. Même les yeux cessaient de bouger. Elle sImaginait son tendre père déjà s’introduire en elle, tourner son doigt long comme la main de l’enfant ou plus même, dans tous les trous. Comme un fada des trous. Il tournait et s’y plaisait dans ce bébé qui ne bougeait plus, qui ne pleurait pas. Alors c’était ok. Le bébé avait cessé d’exister à ce moment-là. Il était raide comme un mort mais lui continuait ses areuh areuh  sans réponse de l’interessé. Il ne s’apercevait d rien. Elle s’imaginait cette scène. Souvent. Elle ne savait pas pourquoi elle l’avait aussi fort dans la tete. Cela la faisait bouillonner, pleine de haine. 
Il y avait aussi la scène du bain. Elle partageait petite fille de 2ans ou moins les bain avec son père, tendre papa. Il y avait toujours cette photo dans les albums. Ils jouaient ensemble elle riait. Elle riait, ben oui ! Et puis, il la faisait se rapprocher et il se collait à elle, face à face. Puis, il l’installait à califourchon sur lui. Et il bandait comme un taureau. Elle sentait que ça lui remontait le long des fesses et du dos. Elle ne comprenait pas. Elle ne comprenait rien. Elle sentait seulement qu’elle ne pouvait plus bouger, ni son corps ni ses idées. Le sentiment déjà si jeune d’un adulte qui peine, qui a besoin, déglingué. Comme une personne pleine de moignons, verrait-elle par la suite, trop ou pas assez, cela revenait au même. Jamais elle n’oublierait ce sentiment du membre de trop qui la bloque le long du dos, du membre qui ne doit pas exister et qu’elle hait. Elle ne sait pas si c’est de la haine, à cet âge. Elle sent le handicap, l’anormal, l’à-côté, la folie qui s’ignore. 

        L’histoire finit sans surprise. 17 ans, Violaine finit à l’hôpital, comme beaucoup d’autres adolescentes, malade. Pour des années. 

        Et puis, elle fait sa valise et part à jamais à l’autre bout du monde. Elle se fait appeler Volta. Elle ne se ressemble jamais. Elle opère toutes les imperfections, toute seule, à coups de scalpel personnel. 

samedi 3 septembre 2016

Sale intello !

C’est parti ma poule !
Lâche-toi et entend.
Détends le string
Et souffle !

Oui oui,
Cette fois j’y vais,
Partie pour le jamais vu
Jamais plus.

Je rembobine tous ceux
Qui m’ont lancé,
Tancée parfois,
Agacée et agacés,
Arrête ! Lâche-toi !
Relax un peu !
Je les rembobine indéfiniment dans ma tête.
Je sais depuis le début
Qu’ils ont raison.
Sauf qu’il y a un temps pour tout.
Le temps est venu,
Pas avant maintenant.

Je les écoute
Comme une comptine,
Je ferme les yeux
Pour les voir
Clairs
Ces êtres chers
Qui ont saisi,
Brandi,
Leur sourire tendre
Mais ferme
Pour me secouer
Les prunes.
Je souriais aussi
Mais jamais trop
Pour que les fruits
Durement acquis
Ne tombent surtout pas,
Et me retrouver nue,
Comme un ver,
Comme l’enfant dépouillée
Dont j’ai horreur.

Je laisse les fruits mûrs
Tomber
Comme il se doit.
Pas comme il faut ;
Comme il se doit.
Pas une fatalité,
Mais un rythme irrésistible
Que je n’ai jamais respecté.

Et je crie aujourd’hui
Au scandale
Contre le corps qui fond,
En guimauve,
Qui tremblote.
Je lui crie dessus,
Tous les jours,
Depuis des semaines,
Écœurée de l’injustice.
Je l’accuse de faiblesse
Et le réprimande,
Le sale gosse
Qui ne me suit pas
Dans mon bateau.
Le sale gosse
Est un petit génie,
Malheureusement.
Il me regarde,
Comme tous les enfants
Qui en ont trop
Bien trop
Compris.
Il a un sourire sarcastique en coin
Et se défend :
« J’ai rien dit ».
J’ai envie de l’étrangler.
Un petit génie qui
Dans sa barbe
Marmonne
L’hôpital qui se fout de la charité !
Je l’entends.
Je crie.
Et il lâche tout ce qu’il a dans le bide :
Fais ce que tu dis avant d’accuser les autres,
Salle intello !
Je suis ton corps
Et pas un instant
Tu ne m’aimes
Ni ne me respecte.
Tu ne sais pas meme qui je suis
Ni ce que je désire.
Espèce de machine sans coeur !
Tu me fais pitié avec tes bonnes résolutions
Et tes reculades grosses
Comme des maisons
Que tu imputes aux autres.
Je suis le nouveau commandement,
Je suis l’enfant
Que tu as toujours rabaissé,
J’ai tout encaissé
Comme un brave soldat,
Mais la dégueulasse mauvaise foi,
Ca non !
Mange ta merde,
Et ne compte plus sur moi.
Tu vas voir ce que c’est quand
Le sale gosse génial
Te fait payer.

Et je ferme mon caquet
De poule vaniteuse.
Je baisse la tête,
De rage.
Je m’excuse.
Car il a plus raison que n’importe qui.
Et je retrouve mon incertitude
Et lui le sourire.
Que vais-je devenir ?
Disparaîtrai-je dans les sables mouvants,
Incapable de me tenir debout ?







jeudi 1 septembre 2016

Je pense à

Penser à toutes les belles plages,
Au sable chaud et doux,
Parfois brûlant
Mais peu importe,
Je ne sens presque rien,
La mer à perte de vue,
Qui s’y perd elle aussi,
Pas de doutes,
Qui me comprend
Quand je perds le sens,
Avec ses vagues souvent brouillonnes,
D’un côté puis d’un autre,
La mer bipolaire,
Délirante.

Penser à l’heure chaude du soir,
A l’autre bout du monde,
A l’orange de la lumière,
A sa mélancolie
Et son impudeur,
Nue comme un ver
Sur la mer et le sable
Et les cocotiers.
Une prostipute de l’émotion.
Je la déteste
De me comprendre
Sans aucun doute,
Ostensiblement,
De me révéler
A même la peau,
Ou même peut-être la chair.
Penser à elle
Parce qu’elle a raison
Pour moi,
Pour la beauté du monde,
Pour la mélancolie
Qui ne doit pas gagner.

Penser à tous les voyages
Et
Toutes les aventures
Aux sublimes plantes
Et fleurs paradisiaques,
Quoi que j’en dise de mon indifférence
Aux geraniums, rhodo et tulipes
Ennuyeuses.
Ce sont là les vraies fleurs
Qui explosent de vie,
Pas les nôtres
Toutes sages
Et bien élevées.
Je hais la bonne éducation
De nos fleurs tempérées.
Les vraies fleurs du bout du monde
Me saisissent,
Elles me comprennent,
Pas de doutes,
De leurs teintes carnivores
Et urticantes
Ou magiques
Et soigneuses.
Tous ces voyages
À manger,
À ruminer,
Des années,
Parfois recyclable jusqu’a la fin de vie.

Penser à mes rêves,
À mes succès pas encore même
Embryonnaires,
À mes déclics, flashs, boom, enfin,
Tous ces pas dans ma vie
Que je rêve
Quand mon esprit parvient à échapper
A la tyrannique vigilance.
Toutes ces rêveries,
Devrais-je dire,
Que j’ai longtemps cru
Absurdes
Et sans lendemain,
Et qui,
Les folles !
Se sont réalisées.
Les rêveries

L’on ne veut plus
 A personne,

Le temps passe vite,
Passe sans calcul.

Et transformer ce jour
Blanc
Noir
Ou pâle,
En un autre centimètre
Vers un,
Vingt,
Cent
Voyages,
De mondes espérés
Que j’entrevois
Depuis...
Pas un jour de miracle.
Pas un jour magique comme une
Plante tropicale.
Un jour de plus
Vers la métamorphose
Lente
Improbable
Déjantée
Pourtant normale
Et parfois calme
D’un bout à l’autre
D’une vie.