samedi 30 juin 2018

Toutes les vies rêvées

Tout vivre,
Tout essayer,
Tout être,
Tout devenir,
Tout tout tout,
Une femme,
Un homme,
Bébé,
Vieillard,
Chien,
Elephant,
Ici,
Ailleurs,
La lune,
Richissime,
Crève-la-faim,
Grand esprit,
Demeuré,
Sans ami,
Adulé,
Choyé
Lapidé,
Futuriste,
Préhistorique,
Tout voir
Tout entendre,
Toutes les langues,
Toutes les vies.

Rêve,
Oui rêve
De toutes les couleurs
De l’arc-en-ciel.

Et ruminer ses rêves ?
Ne vivre qu’une vie ?
Pourquoi si l'on peut...
Etre tous ceux qu’on veut
Tout ce,
Tout tout.
Alors vas-y !
Ecris toutes leurs histoires !
Toutes tes histoires !
Sois tout et tous,
Les rêves trop grands pour le
Strict terrien
Mais ne !
Ne se résignent pas.
Raconte-les !
Saisis tes mots et
Toutes tes vies.
Secoue et
Trace les lignes
Jour après jour
Pour faire mille pierres
D'un coup.
Pas à la recherche du chef
D’oeuvre.
Pas à la recherche du nombre
D’or.
A la recherche du temps
Indu.
Volé ,
Gagné,
Duper
La niche humaine,
A coups de contes et
D’odyssées
Incontournables.
Écoute et lis,
Ecris écris et crie !
Tourne la terre
Dans tous tes
Sens.
Tu trouveras tes
Vies.

Le Mille-Patte et le Lémurien


        Dans une contrée lointaine, entourée d’eau de toutes parts, jusqu’à presque l’infini, vit l’ami Myridon. Les intimes l’appellent Mymy ou My quand le temps presse. Nous l’appellerons My pour plus de simplicité.
L’ami My est un de ces êtres que l’on voit peu, non qu’ils existent peu, mais surtout qu’ils n’éprouvent aucun plaisir précieux à se montrer. Contrairement à beaucoup d’autres, comme chacun sait. My fait partie d’une immense famille et les réunions grouillent de partout. C’en est ébouriffant. On se serrent les pattes dans tous les sens. On tient dix congénères en même temps. Dommage qu’il n’y ait pas autant de bouches que de pattes. On ne tient pas le crachoir à toutes les pattes, pas possible. Au final, un vrai imbroglio de salutations distinguées. 
My et les siens sont des Mille-Pattes. Vous imaginez donc la scène. Bref, ces journées-là sont harassantes et ils en ressortent tous tout courbaturés de leur myriade de membres. Une bonne journée de repos s’impose le lendemain. Mais encore faut-il pouvoir.
     Dans la famille de My, on est serviable, agréable. Cela fait partie intégrante de l’éducation. Les voyous n’ont pas leur place. On reste humble, ce qui n’empêche personne d’être brillant bien entendu. Et il y a bien autre chose aussi. De génération en génération et sans doute aujourd’hui est-ce marqué dans leurs gènes, les My et Compagnie maîtrisent un art du combat très particulier, invisible et subtil. Ils sont lucides, ils ne comptent pas sur leur faible et rougeaude constitution physique. Cela serait bien optimiste et même vraiment irréaliste. Très jeunes, ils apprennent à voir au-delà de l’évidence. Ils sont formés toute leur enfance à la production autonome de leur arme, et donc à la maîtrise total de leur corps et de leurs organes, ce qui se rapprocherait d’une forme de suprême conscience de soi, peut-être un peu dans notre imaginaire à l’aune d’une philosophie et d’un art martial des pays aux yeux d’amande. Dès l’adolescence, les voilà capables de terrasser des ennemis bien plus impressionnants qu’eux. Mais l’impression n’est qu’un miroir déformant. 

        A l’école publique (entouré de toutes les autres espèces), My a toujours été respecté. Déjà, My est un gars vraiment sympa. Il est amical, ne joue pas aux durs et joue sur l’humour. Sa deuxième arme, peut-être encore bien plus fatale. Les autres savent qu’ils auraient tôt fait de se retrouver au tapis si leur prenait l’envie de lui titiller les papattes. My a fait ses preuves et de toute façon, la famille a sa réputation. My jouit de ses retombées et reste le plus souvent tranquille. Ce qui ne signifie pas qu’il ne se mouille pas quand il le faut. Il se met dans une colère tout rouge quand il doit assister à une injustice. Il intervient alors. Et ce mille-pattes furibard vous remet tout cela en bon ordre en moins de deux. Il brandit son venin entêtant et comme personne n’a envie de se retrouver hallucinant délirant les pires cauchemars, on fait cesser les hostilités . N’allez pas croire que My se prend pour un super-héros. Juste qu’il sait ce que c’est que de ne pas être pris au sérieux. L’Histoire de son peuple regorge d’anecdotes en ce sens. Et son pouvoir en est une conjuration.

      Dans cette existence paisible, My rencontre un sérieux problème: Bob. Bob est beaucoup plus gros, beaucoup plus grand, beaucoup plus fort que My. Cela n’est pas difficile. Il n’est par contre pas disons... stratégique. Les yeux un peu exorbités, les mains un peu partout, sous les jupes des filles aussi bien sûr, c’est un goujat. Malheureusement très costaud. Il ne se frotte pas trop à My en général. Il a intelligemment écouté la voix populaire et les rumeurs. Il sait qu’il pourrait peut-être se faire ridiculiser. Mais il n’a de cesse de chercher à vaincre My et ainsi marquer les esprits. Depuis quelques temps, Bob a trouvé sa méthode : il se cache habilement pour une fois (où a-t-il appris cela d’ailleurs ?) et se saisit à pleines mains de My (chose très aisée pour lui au vu de son grand gabarit et de celui bien plus modeste de My) pour s’en frotter les poils. My peut se tortiller et se mettre en boule mais les grosses paluches de Bob le maintiennent. C’est absolument écœurant. Cela va sans dire. My pourrait lui en vomir dessus s’il vomissait mais cela ne fait pas partie de ses compétences. Pourquoi me direz-vous cette étrange pratique de Bob ? Est-il seulement sadique ? Cela se pourrait étant donné le drôle de loustic. Mais non, Bob n’est pas un roi de la jungle. Son intention est bien plus intéressée. L’arme de My, son venin, vrille la tête et son jus intestinal vous empoisonne. Ce ne sont pas des méthodes de tous les jours. Ce sont de parfaites dissuasions accompagnées des mouvements martiaux depuis longtemps inculqués, comme nous l’avons bien expliqué ci-dessus. Ce que Bob sait et qui nourrit son espoir d’en finir avec My, c’est que lui, fier Lémurien devant l’Eternel ne craint pas l’arme fatale de My et des siens. Les figures compliquées des Mille Pattes ne l’impressionnent pas parce qu’il sait que sa secrète arme ne l’atteint pas. Alors, non Bob jusqu’à il y a peu ne se frottait pas à My mais maintenant qu’il a pris l’ascendant en réussissant à l’approcher et à l’attraper (particulièrement les lendemains de fête où My tout courbaturé ne peut pas manquer l’école, il ne peut plus faire sa célèbre Boule de feu, enroulé sur lui-même, pour échapper à Bob), il s’en badigeonne le poil de la tête aux pieds. My en a le tournis et ne peut qu’attendre patiemment la fin.
My a été prévenu par les Anciens. Il sait que les Bob peuvent leur devenir accrocs. Il n’est pas le premier auquel ce l'arrivé. Et il y a toujours un Bob qui ne peut pas s’empêcher. Une sorte de rite initiatique pour Mille-Patte écarlate. My accepte l’épreuve mais n’est pas un martyr dans l’âme et ces scènes répétées l’exaspèrent de plus en plus. Il n’est pas de ceux qui se résignent. Pourquoi le ferait-il d’ailleurs puisqu’il peut ne pas ? La résignation s’apprend. Les Mille-Pattes sont fabuleux, leur nom le dit. Alors pas question pour notre cher My d’attendre que Bob se lasse.
Quand ce dernier en a fini, My se voit laisser tomber comme une vieille chaussette de toute la hauteur de Bob qui s’abat sur le dos, inerte. Il n’est pas mort. Ce n’est pas un malaise. Il a les pupilles dilatées davantage qu’après le meilleur festin de grand-mère ou autre plaisir de la vie... Oui tout simplement, il plane. Bob est défoncé. Bob ne cauchemarde pas, lui. Il n’hallucine pas de monstres. Il prend son pied. My est sa drogue. Il a un sourire béat et stupide. My pourra alors, quand Bob est en plein trip, se venger. Mais il sait que sa vengeance doit être définitive. Il ne peut pas juste donner une leçon au toxico qui peut-être même l’oubliera derrière le souvenir enivrant de son voyage drogué. Il doit inverser le processus. Et il doit seul trouver la solution.
My entreprend des recherches. Bibliothèque et internet à l’appui. Il débusquera la formule libératrice. Tout cela n’est qu’une question de temps.
Plusieurs semaines encore passent et Bob semble de plus en plus accroc. Le cousin de My se retrouve lui aussi pris dans le tourbillon de défonces de Bob. Mais lui aussi devra seul trouver son issue. Ils savent que ce combat est un combat solitaire. Cependant, l’addiction de Bob devient envahissante et My commence peu à peu à perdre patience. Il est tenté plus d’une fois de lui tomber dessus une fois le gros Lémurien vautré sur le dos parfaitement vulnérable. Il lui donne à plusieurs reprises mille coups de pattes mais cela ne sert qu’à le soulager. Bob n’en retirera pas même une égratignure. My n’est pas naïf. Il sait que cela est inutile. Mais comme tout le monde, il doit évacuer la tension.
Bref, ne partons pas dans des élucubrations psychologiques inappropriées dans ce récit. Apres maintes heures de lecture et les yeux fatigués, My pense avoir trouvé sa solution : il existe loin de son île oui mais il ne s’agit que de s’organiser correctement, un fruit absolument répugnant dont l’odeur et le goût de pourriture, de pied sale, pire qu’un fromage français répugne tout être vivant sur cette planète. My n’arrive pas à dormir la nuit-là de sa découverte. C’est ainsi qu’il vit cette trouvaille. Il se relève à 4h du matin, il a tourné et retourné dans son lit. Il ouvre son ordinateur et tape, à la vitesse de l’éclair, vous imaginez à mille pattes... Et commande son fruit de la vengeance. Il a appris les codes de la carte bancaire de ses parents par coeur. Il s’en excusera après. Pour l’instant, la fin justifie les moyens. Il hésite une seconde une patte en l’air et appuie sur la touche Entrée avec détermination.

Un mois encore et le colis de My n’arrive pas. Il rêve de fruit puant tous les jours, toutes les nuits mais il continue de subir les frottements humiliants de Bob. Qui d’ailleurs maigrit à vue d’oeil et perd de son poil soyeux. Il a des cernes comme des valises. Les adultes commencent à s’inquiéter mais personne ne comprend. Pourtant... Pourtant...
Le 8 juin, le facteur sonne à la porte. Par un hasard divin, My est présent et seul à la maison. Pourquoi, comment ? Peu importe. Lui-même ne s’en souviendra pas. Il se jette sur le paquet et referme la porte au nez du facteur incrédule.
La boîte contient dix Durians. L’odeur est innommable malgré les précautions d’emballage qui ont été prises. My tient la clef de l’émancipation. La révolte va s’abattre sur Bob.

Le lendemain, alors que My gai comme un pinson se dirige vers les toilettes de l’ecole, il voit Bob et son sourire hagard s’approcher de lui. Il ne fait rien pour l’éviter bien entendu. Il a dissimulé des morceaux de Durian dans sa bouche et dans ses poches, entre ses pattes. Facile de faire illusion avec autant de mimines. A son habitude, Bob le saisit, dans son excitation de l’agite comme un hochet et se met à s’en frotter en poussant des gargarismes de bonheur. My lâche alors tout au long du pelage, ses morceaux d’infect fruit. Il a du mal lui-même à supporter la proximité de cette infection mais il faut ce qu’il faut et il est prêt à tout. Après avoir fait le tour de son corps, Bob se déleste de My et tombe au sol amorphe et souriant. My ne peut pas retourner en classe. Il est imprégné lui aussi de cette immonde odeur et il décide de rentrer chez lui ni vu ni connu. Il n’a pas peur de devoir s’expliquer par la suite. Il n’a pas le choix. A la maison, il se frotte intensément les pattes, les dents, la langue, jette ses vêtements à la poubelle et s’enduit d’un mélange puissamment odorant d’huiles et d’alcools que sa mère à confectionné pour ses vertus rajeunissante. Tout cela se superpose et le résultat n’est pas très heureux mais toujours moins pire qu’avant.
Il laisse un mot sur la table de la cuisine arguant qu’il est malade et qu’il ne quittera pas sa chambre avant le lendemain matin. Son stratagème est grossier mais il est éreinté.

Il s’éclipse rapidement le lendemain matin après une douche de 45 minutes à frotter encore et encore. Il a hâte de constater les dégâts et sa victoire.
En arrivant, il aperçoit un attroupement dans la cour. Il se dépêche d’aller voir lui aussi. Bob est là, hirsute, fou de rage, à se tortiller comme un singe et à l’insulter lui My son dealer préféré. Il a compris que My était à l’origine de cette insupportable couverture de détritus dont il se sent couvert depuis la veille. Ses parents l’ont obligé à se rendre en classe, sans concession, épuisés par leur fils à la dérive. Bob a supplié. Ils n’ont rien voulu entendre. Et le voilà seul au centre d’un cercle qui l’observe fou de dégoût se débattre avec lui-même. Les autres rient. Bob n’est pas ce qu’on pourrait appeler quelqu’un qu’on aime vraiment. Il y a pire que lui mais il reste antipathique. 
L’arrivée de My suscite un nouvel accès de rage de Bob qui s’effondre finalement en pleurs au beau milieu de cent adolescents goguenards.
Et il hurle : « Putain Myridon Mille-Pattes débile ! Ne m’approche plus jamais !
- Mais avec grand plaisir Grand Bob. Tout ce que tu voudras, répond My mielleux.
Et My exécute pour conclure son aventure une délicate révérence à celui qui l’aura fait grandir.





vendredi 29 juin 2018

Petit Nuage et Pieds Sur Terre (pas une histoire d'Indiens)

Garde don’
(Pourquoi ce pauvre C se fait-il alors couper au montage ?
Mystère du snobisme de la langue...)
Les pieds sur terre !
J’ai tiré toutes les
Ficelles
Pour faire toucher
Le sol.
Plus souvent,
l’on pousse pour
Toucher les étoiles
Et
Attraper la lune.
Je tire pour
Mettre le pied à terre,
Me contorsionne pour
Qu’un membre
Même le pif
Et la tête à l’envers,
Pas la tête dans le sable
Mais remarquez que
Peut-être
La vraie tête sur
Les épaules
N’existe pas,
Qu’elle est où trop haut ou
Trop bas,
Volante ou
Ensevelie.
Bref,
Cela ne résout mon problème
Des pieds sur terre.
Je reste en
Suspens.
J’ai cessé les
Singeries
Et chorégraphies
Grotesques.
La méthode Pied
Semble
Au final
Effectivement
La plus
Appropriée.
L’écart nébuleux
Qui sépare
Mes panards
Du sol
Ou du sable
Qui sait ?
S’amenuise.
Mais je ne touche
Toujours pas.
Comme des chaussures
Trop grandes
Tiens !
M’enfin,
Je vais bien
Suffisamment
Grandir un jour.
Ou alors non jamais assez.
Merdalors !
On m’aurait menti ?
On m’a appris :
Ma grande (façon de parler puisque
Moins tu atteins le monde
Et plus on te donne
Du Grand),
Tu seras adulte
Quand !
Tu auras les pieds
Sur terre.
Bon,
C’est pas gagné.
Mais qui a vraiment les pieds
Dans ses pas ?
Dans son sol ?
(Là on a envie de parler de parasol,
Ça sonne si bien mais
Franchement,
Cela n’a rien à voir,
La poésie n’est pas non plus
Un fourre-tout-merdier
Sous prétexte qu’on joue avec les
Mots,
C’est pas vrai ça hein !)
Donqueu,
Je ne voltige pas
Vraiment
Je volète,
Comme les insectes
Au-dessus de l’eau,
Vroum vroum
Mais toujours pas
Plantée en pieds.
Les deux
Nos aucun doute.
Je dirais qu’un seul pied,
Bon pour les plantes ok,
Mais nous humains,
Il vaut encore mieux
Comme moi,
Et vous peut-être,
On n’en parle jamais !,
Sur un petit nuage
À ras de,plancher,
Plutôt qu’un pied en terre
Et l’autre en l’air.
Schizophrénie assurée.
L’homogénéité est un gage
De santé.
Il suffit d’imaginer le
Tableau vous me
Direz.
Pas besoin d’être
Psy.
Mais la question
Demeure :
Comment tirer
Jusqu’avoir pied ?
Moi je crois,
En fait,
Je m’éparpille mais
Peu importe,
On s’ennuie moins ainsi,
Je crois que personne n’a pied.
Eh oui !
On volète,
On surnage,
Sur chacun notre petit
Nuage.
Et on veut s’enfuir dans l’espace
Mais on n'a même pas
Décroché notre
Terre.
Bref,
Pas plus avancée
Qu’au départ.
J’attends,
Plus sérieusement,
Que les yeux se
Braquent
Sur moi
Pour enfin me
Réceptionner.
Mais je vais peut-être
Plutôt
Fermer les miens
Et
Écouter
En haut,
C’est en travail
En bas,
C’est fait refait,
Et au milieu.
Et mon fameux nuage.
Et si je lui marchais
Dedans ?
Les pas sont
Peut-être
Juste
En-dessous
Sagement
Et
Quel besoin de
Les voir ?
Petit Nuage serait
Un leurre ?
Ose fermer les yeux
Et tu gagneras les pieds sur
Terre.



jeudi 28 juin 2018

L'enfant phare, bis

Une fois
En haut,
L’enfant phare
Fixe
En bas.
Le fond.
Avant tout autre chose.
Et puis,
Il se retourne vers
Moi
Et son regard est
Celui que
J’ai toujours
Imaginé.
Le regard en
Chiffre d’or,
L’alchimie
Qu’on ne croyait que
Les yeux fermés.
L’enfant phare
Fatal.
Il a les yeux
Qui ouvrent
Toutes les
Serrures.
Il est l’enfant
Frère.
Non ! Bien sûr que non
Il est enfant
Enfin !
L’enfant-même,
L’enfant des entrailles,
Lui et moi,
Sans savoir des deux
Qui je vois.
L’enfant phare
Rallume
Le banni
Qui fulmine
En mes fonds.
Que j’ai banni.
Je me laisse
Dompter,
Farouche adulte
Apprivoisée.
Il m’a volé mes
Yeux.
Violé mes
Lois.
L'enfant-phare
Fouille
Fouine,
Archéologue de
La faille.


mercredi 27 juin 2018

dimanche 24 juin 2018

L'enfant phare

Tout confort
Dans ma tour de contrôle,
Ça va ça vient
Ça roule
Ça vole
Ça vague.
Montée interdite aux
Moins de 18 ans.
Coucou d’en haut,
Plein sourire
Aux petits plus minus encore
Vus du donjon
Moderne.
Mais les yeux rêveurs
Restent
Tendus
Vers le ciel.
La tour pointe
Et je m’élance avec elle
Suivant tous les voyages,
N’étant d’aucun et de tous.
Je lâche le tarmac
Et les enfants rebroussent
Chemin,
Jouer avec les femmes et hommes
Du terrien.
Entre ciel et sol
Je jouis de
L’entre-deux
Où je me protège
De protéger
Qui que
Quoi que.
Sourires
Et grands coucous
De loin.
Mes problèmes et
Mes solutions.

Jusqu’à l’arrivée d’un
Minus
Pas comme les autres
Qui,
Avant de lever les yeux,
Observe l’alentour
Puis
Se résout à
Regarder
La tour
De verre.
Il n’a pas besoin de mes
Sourires.
Il n’a pas besoin de mes
Coucous.
Ses pupilles sillonnent
Et fracturent
Les vitres
Impénétrables.
Il se contrefout
Contrechie
Contrecarre
De mes barrières
De matière.
Elles ne valent
Pas
Pour lui.
Peut-être même
Qu’il ne les voit
Pas.
Il en demande
Bien davantage.
Il sort du petit tas
Marmot,
Déchire le bandeau
« Scène de crime »
Et entame
Délicat
Sans hésiter
L’ascension
De la tour du
Contrôle.
Je ne peux plus
Dire non.
Il est trop tard.
Il est trop près.

vendredi 22 juin 2018

Coeur aime en creux

Le nez crasé sur une baie vitrée
Aéroportuaire.
Les mains plaquées cinq doigts écartés mains en l’air encadrant
Le visage.
Les yeux fouillant
Ce qu’ils ne pourront voir.

Le nez levé vers le tableau
D’affichage.
Les oreilles tendues vers les
Cliquetis des lettres et chiffres qui s’enroulent et s’égrainent.
Les yeux cherchent
La voie.

Le nez au vent de l’océan
Moutonneux.
Les mains accrochées à la lourde
Rembarre.
Les yeux qui pleurent d’iode
Et de sel.

L’on part
Et l’on regarde
Partir.

Souvent,
Plus que jamais,
Le coeur aime en creux,
En trous,
En froids.
Il brûle,
Il creuse,
Il brandit
Le trésor
Quand le lit
S’assèche.
La crue
Lui fait accroire
Que...
Mais quand
Plus presque la moindre petite goutte,
Le palpitant
S’affole
Et
Aime plus fort
Pour se remplir
Re
Et re re.


Soldat mélancolique

Le grand mec,
Muscles
Et gueule
Pas trop sourire
Pas non plus
Vigile
Épaules arqueu-
boutées,
Pas non plus
Mastooo-
donte
Mais pas à picoter
Trop sec.
Fais pas ta poule
Toc toc toc qui est là !
Pas tant envie de voir
Ce grand corps
S’avancer
Et demander :
Y a un problème ?

Derrière,
Une voix d’homme
Ni grosse
Ni haute,
Ni lourde
Ni aigre.
Juste une voix d’homme
Dont la hauteur
Echappe,
Juste le timbre
S’écoute.
Je ne me retourne
Pas.
Il ne faut pas
Gâcher avec les yeux.
La voix est douce,
Presque mélancolique,
Fatiguée,
Un peu déçue.
Pleine de toute la
Journée
Et la nuit qui
Commence.
Elle est seule,
Sur un répondeur.
L’homme ne prend pas
De grands airs,
Ne fait pas de poésie.
Il n’est pas
Pour autant
Sans voix.
Il y a peu de mots
Certes
Pas de philo
Pas de dissert’
Mais la douceur
De fin du jour,
Seul face
A la machine
Enregistreuse.
Il pourrait
S’éteindre en même
Temps
Que sa voix
Qui clôt.
Lui et elle ne sont
Pas vraiment
Tendres.
Juste un bonsoir
D’amour
Et un peu trop
Solitairien.

L’homme se tait.
Il me dépasse et voilà
Le grand mec
Muscles
Et gueule.
Il n’est plus si
Muscle
Ni plus si
Gueule.
Et la grosse cuirasse
Fait sourire
Car la voix
L’a trahie.
Trahison
Agréée.
Trahison
Salvatrice.


jeudi 21 juin 2018

Les mots jamais perdus

L’esprit
Les doigts
Toujours
Bourrés
Ivres
De mots
Sont
Plats.
Pas vraiment
Vides,
Ils peuvent
Toujours
Parler
De ce
Qui ne
Parle pas.
Le grand pouvoir des
Mots,
Se retournant sur eux-mêmes,
A l’infini.
Mais là,
Quand même
La place
Comme dans un rêve
Se vide
D’un coup,
Bondée
Du genre
Jour de marché,
La voilà
Sans un rat
Sans un chat
Sans un pas,
Les pas perdus
Vraiment perdus
Quand même,
Moi pas
Mais la foule
Qui
Me dansait,
Autour ?
Comme dans ces rêves,
D’un coup
Tout nu
Au milieu de
Nulle part.
On se tourne
En tourniquet
A la recherche
Ou 1,2,3 soleil
Figé
Glacé
Givré.
En fait,
Tout ça
Fait peur
Du vide
Mais vite vite
L’esprit
Les doigts
Boudinés
De mots
En retrouvent le
Chemin.
Le rêve s’éveille
Et tous les autres
Sont bien
Là.
Bruyants.
Vivants.
Causants.

mardi 19 juin 2018

Sema Kılıçkaya, La langue de personne - Éditions Emmanuelle Colas

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https://www.actualitte.com/article/livres/chacun-sa-langue-chacun-son-destin/89467

Décollage imminent

Le nez au hublot,
les fesses bien au chaud,
la tête déjà dans les nuages,
à ma place 24 CH,
j'aatends
le décollage,
je gigote,
saucissonnée entre mes accoudoirs,
mon sac-maison
et tous mes vivres,
sait-on jamais.
Mon voisin 
s'impatientera.
J'en profite tant
que je suis seule
et je tremble
d'impatience.
J'ai l'impression
d'être là
depuis 
l'éternité.
Pourtant,
je sais que
j'ai tourné
tourné
en rond
en rond
dans l'intemporel
aérogare.
Je l'ai arpenté
de long en large
avant de
saisir 
mon ticket pour ce vol.
Je croyais, 
pour de vrai,
que je ne ferais,
toujours
que regarder.
Et sans rancœur
ni amertume.
La vie de ce lieu peut
occuper 
une vie 
entière.
Je m'y étais
trouvée
et mon confort.
Sauf que j'ai eu cette 
soudaine jouissive
envie de
monter dans un des vrombissants
volatiles.
J'ai observé.
Je savais dèjà bien sûr la 
destination.
J'ai penché la tête 
en réfléchissant.
Encore.
Et à l'embarquement,
j'ai souri à la dame,
qui a ouvert des yeux
ronds mais
Ca y est, c'est le grand jour ? Vous avez raison. On ne vit qu'une fois.
Et je suis allée 
prendre 
place.
J'attends désormais
l'envolage.
Et je ferme les yeux:
là-bas, je serai
nez au vent
fesses à l'air,
tête à tête.

lundi 18 juin 2018

les Choses et toi

les Choses échappent.
Toutes les choses 
glissent,
se carapatent entre
les doigts,
courent plus vite
que la lumière
et le son réunis,
filent comme
des étoiles,
mortes avant d'apparaître,
avant même d'y avoir 
compris quoi 
que ce soit.
les Choses n'ont pas 
d'issues.
Des pis-allers,
des bricolages.
la Vie est un bricolage 
d'immense envergure.
On veut lui donner 
les beaux noms et
et les atours.
On se convainc
et l'on a 
immensément
raison.
Il faut y croire
ou les Choses
ouvrent leur vrai visage
et 
l'on aperçoit l'
insoluble.

L'on se saisit
des outils les plus
ingénieux,
des méthodes les plus
strictes,
des protocoles les plus
sérieux,
des administrations les plus
rectes.
On balise
toutes les routes,
on honnit la foi.
On bannit 
le non-mathématique,
on analyse le tout.
On exige des
résultats,
efficiences,
explications,
voire explicitations,
élucidation
et mise en œuvre.
Œuvre 
pas d'art surtout,
subjectivité fausse
et trompeuse,
l'immense recul des
esprits !,
l'art oui en plus,
quand on aura le temps,
et s'écouter
ne résoudra 
définitivement rien.

les Choses
dans ces cases 
et ces circuits
n'effraient plus.
On a compris
trouvé
solutionné.
Et l'on peut 
mourir
sur ses 
deux oreilles.
Sauf que,
à peine les yeux fermés,
les Choses 
explosent
de rire
et toute la nuit
dansent la polka.
Elles sautent sur le lit
et chantent sur les tombes.
Elles roulent 
se tordent
les boyaux
presque asphyxiées
de bidonnade.
L'homme et ses
solutions.
Tais-toi 
Ecoute
et lâche le marteau et l'enclume.
les Choses cesseront
la raille
la pouffe
la blague.
Elles te mèneront
aux points d'or
et le souffle
coupé,
juste à les contempler.

dimanche 17 juin 2018

Aïeux haïs, ter

Aïeux haïs
Morts ou vivants,
Tous morts-vivants.

Ceux qui restent
Sont d’autres,
Même enveloppe,
Mêmes, a priori,
Mêmes a priori.
Eux,
Les autres,
Pas réellement
Changés.
La métamorphose
Est irisée,
Pupillée,
Rétinienne.
Ceux qui restent sont
Renés
Avec moi.
Incidemment
Les vivants
Demeurants
Ont perdu
Leur folie
Zombie.
Ma haine est
Un sourire.
Ma haine est
Un soupir.
Ma haine en a fini.
Et ceux qui restent
N’ont plus
D’auréole.
Ternes de
Normalité.
Mats
Lisses
Et
Formidablement
Plats.
Ceux qu’ils étaient,
Ceux que j’en avais
Faits,
Sont
Sous mes pas.
Morts pour la patrie.
Bâtisseurs de mon
Avenir.
Je les ai
Poignardés
Lardés de mille coups,
Les éloigner,
Puis,
Enfin
Enterrés
Sous mon poids
Dans ma terre.
Morts
Vivants
Eux oui
Toujours brillants.
Comme une version
Parmi les mille
Qui habitent
Chacun.
Cette copie-là
Est désormais
Secrète.
Le vrai vivant,
S’il en est,
Est un plus léger
D’un de ses clones.

Bien sûr
Que parfois
La haine
Reconduit.
Elle n’est pas si facile.
Elle est une
Arme qui ne se laisse
Pas
Abandonner.
Elle gronde,
Elle roule,
Toujours
Au creux.
Jamais elle ne s’arrête.
Elle change de forme,
Elle se déguise.
Elle change de cible,
Elle se dévie.
Le mort-vivant
Sort de terre
Parfois,
Et rejoint le corps
Vivant ou
Le souvenir
Devant les yeux.
Recollé,
Retrouvailles
Amères.
Mais le chemin de
Retour
Est
Ouvert.
Et tout le monde
Se lasse
De le revoir
Réapparu.
Je ferme les yeux et
Mort-vivant reprend
Sa place.
En soutènement,
À bas bruit.
Humble mais
Portant ma
Course,
Un jour,
Ils n’en bougeront
Plus.
Et je pourrai,
M’asseoir
Ou bien voler.
Mon sol
Ne me trahira
Pas.




samedi 16 juin 2018

Aïeux haïs, bis

Les aïeux
Haïs
Dans mon bon droit,
Droite dans mes bottes,
Sûre de rien mais
Sûre de ceux-là.
Sûre de ne rien
Devoir,
Sûre de ne rien
Vouloir,
Sûre de tout
Détester.
Le seul endroit
Sûre et certaine.
...
Le temps passe
...
Et je découvre que,
A eux,
Précisément,
Je suis semblable.
Pas identique,
Pas jumella,
Pas la pareille
Mais ce sont eux,
Les plus haïs
A qui
Je succède
Le plus.
Bien sûr que le choc est
Brutal !
Mais il me fait
Sourire.
Aussi.
Je les vois dans
Ma glace
Et mon reflet.
L’ironie
Ne peut que
M’arracher
Mon sourire.
La vie est un boomerang
En perpétuel
Vol et plané.
Peu à peu,
Je ris
De plus en plus
Calme
De comprendre
Leur présence.
Haïs
Année après année,
Ils sont en moi
Bien davantage
Inscrits
Et résonnants.
...
Le temps passe
...
Sonnants et trébuchants,
Ils brillent
Bien parfois
Malgré moi.
Mais je ne les fais
Plus taire.
Je les haïssais
Eux
Pour moins me haïr
Moi.
Mais plus
Ils creusent leur havre
Et plus je gagne
Le mien.
La vraie renée
Est celle-là,
Des cendres
Des aînés
Faussement
Haïs.
Injuste
Mais nécessaire.
Habitants éprouvés
De mon être
En
Voyage.

vendredi 15 juin 2018

Aïeux haïs

Ces aïeux tant
Haïs,
Honnis,
Ecoeurés,
Enterrés,
Défigurés
Pour être sûre
D’aucune ressemblance.
Je les ai voués aux
Gémonies.
Je les ai reniés au-
Tant comme autant.
Je les ai vomis..
Régurgités.
Je me suis renée,
Auto engendrée,
Folle de mon anti-
Généalogie.
Je les ai tués
En rêve
Sans vraiment le vouloir.
Encore plus insensée
Sans eux.
Je n’ai rien
Épargné,
Ni ne leur,
Ni ne me suis.
Le moindre consensus
Signait ma fin.

Et si mes aînés tant
Haïs
Avaient
Franchi
Des portes
Que je n’avais plus à ?
Et s’ils avaient
Avancé
Pas à pas,
Chacun là,
Préparé
Mes marches
Et balisé
La jungle ?
Ils n’ont pas pu
Aller plus loin,
Ils ont lâché
La route.
En vain ?
...
Ils ont entamé
Le tracé.
Travaux stoppés
Trop
Épuisés.
Mais j’emprunte
Leurs vies
Ratées,
Cruelles,
Qui
M’ont appris
Plus loin
Qu’eux-mêmes,
En éclaireurs.


jeudi 14 juin 2018

Olivier Bal, Les Limbes, Editions De Saxus


      Un livre gagné par un heureux hasard. Comme quoi, il faut toujours tenter sa chance. Et on peut dire que je ne regrette pas d'avoir tenté la mienne, ça non ! Le titre « Les Limbes » m'attirait, l'attente face à un premier roman est toujours excitante et ce profond bleu de la couverture avec ces roches vivantes (un détail peut-être mais je ne peux nier qu'il a joué un rôle dans mon désir) ont rapidement eu raison de moi. L'intuition que j'allais y gagner une belle aventure.
Mon intuition ne m'a pas trompée. Olivier Bal réussit dans son premier roman à construire une narration extrêmement solide. La narration est sûre et amadoue le lecteur qui ne peut finalement qu'accorder sa confiance au narrateur. On cède au plaisir de ce récit et l'on en oublie de trop penser. C'est parfois le problème de certains... Le livre qui, de par son architecture complexe, pleine de sens et robuste, vous fait lâcher le contrôle est selon moi un livre sacrément réussi. Cela m'est peut-être propre. Peut-être mais j'ai envie de croire que c'est bien là l'objectif recherché par de nombreux lecteurs et notamment lecteurs de thriller. Se laisser embarquer, même si l'on ne sait plus comment nager dans ce monde-là.
L'auteur a créé un véritable univers. L'imagination est libre et l'on aimerait pouvoir autant que lui libérer la sienne. Il y a le sentiment d'un monde qui s'ouvre à la lecture du roman. Il nous fait rêver. L'idée de départ est qui plus est originale. Certains passages reviennent à des figures plus classiques de l'imaginaire collectif mais ne s'y attardent pas et cela n'alourdit donc pas le récit. J'avoue avoir craint un moment tomber dans un Walking Dead revisité. Les morts-vivants sont partout. Personnellement, ils me fatiguent. Trop faciles, trop faux, trop nombreux. Mais Olivier Bal n'y fait qu'un petit détour, en fin de compte plutôt divertissant.
L'univers qui se déroule ici au long des 400 pages des Limbes est en outre un bel univers. Il est original sans perdre pour autant le lecteur. Il parle. Il évoque aussi et les images sont fortes, les paysages, les couleurs, les formes, les signes. Il reste en tête, une fois le livre refermé, des tableaux vivants et marquants. Cela fait penser à ces œuvres classiques désormais dont peu à peu on oublie l'histoire mais dont les images sont imprégnées dans l'esprit, Le Seigneur des Anneaux, La horde de Contrevent... Il s'agit ici d'un premier roman et nous n'en sommes pas, me semble-t-il à cet état pour ainsi dire parfait d'élaboration que donnent à voir ces deux chefs-d'œuvre (j'irais jusqu'à réelle perfection concernant La horde de Contrevent même si cela n'est pas le sujet) mais ils se rejoignent dans cette qualité d'imaginaire et d'imagerie, dans la construction totale et équilibrée d'un morceau d'univers.
Une petite remarque sur le style général de cette fiction. Elle est classée dans les thrillers. Rien à redire là-dessus. Mais aussi nous pourrions parler de roman d'anticipation. Chose ironique puisque l'histoire a lieu dans le passé. Cet élément est représentatif du jeu avec le temps et l'espace dans Les Limbes. Cette perte de repères n'embrouille pas l'esprit mais amuse et l'on se lance pour le grand huit.

Le thème, dont nous n'avons pas encore discuté ici, est pourtant tout à fait d'actualité. Notre société est sans conteste une société du contrôle. Pas directement dans le sens d'une théorie du complot même si certains l'y retrouveront peut-être en filigrane. Mais il est question de notre désir à nous humains d'aujourd'hui et d'Occident notamment de vouloir tout contrôler. Hyper-contrôle, hypervigilance. Dans un monde qui frise très sérieusement la paranoïa et oublie d'avoir foi. Les Limbes nous interroge sur l'intérêt de la réalisation de ce penchant contemporain. Ne serait-il pas préférable qu'il demeure fantasme et se rêve plutôt qu'il ne s'accomplisse ? Après un tel voyage dans le contrôle mental et psychique, l'on retombe les pieds sur terre. Le plancher des vaches a ses avantages, sans aucun doute.

Sarah Schmidt, Les soeurs de Fall River, Editions Rivages

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mercredi 13 juin 2018

Il faut aimer sa famille

      Demeure en France, toujours de la même manière, je ne m'avance pas pour le reste du monde même si, je crois, beaucoup de cultures attestent du même phénomène, cette injonction à aimer sa famille. Demeure cette sempiternelle précaution : « je l'aime, c'est mon frère hein mais... »  et encore plus nécessaire que pour la fratrie où quelques concessions peuvent s'entendre de la part du grand officier de la bienpensance, «Mes parents sont des gens bien hein (toujours cette important ponctuation du « Hein » qui rassure tout le monde) ! Mais... » Ce qui suit le Mais est parfois très long. Il s'agit alors de réitérer sa précaution pour ne pas risquer d'être taxé de sans-cœur voire d'impie. Ce n'est pas parce que nos parents sont des gens bien que nous les aimons, quand nous les aimons. C'est que nous avons besoin de les aimer. Voilà tout. Il y a l'interdit de ne pas les aimer. Il y a aussi, il faut bien l'avouer, la nécessité de les aimer qui nous anime souvent.
Conclusion : il est impossible aujourd'hui d'affirmer ne pas aimer sa famille, en général. L'on peut dire que l'on s'en tient à l'écart, que l'on a coupé les ponts etc. on n'entendra jamais ou presque quelqu'un vous dire qu'il n'apprécie pas ses parents (formule plus pudique) ou carrément qu'il ne les aime pas ou même, les déteste. Ce sont les déséquilibrés qui disent cela. On aime sa famille.
Je force le trait. C'est vrai. Tant que cela ? Franchement je ne sais pas. Je n'en suis pas si sûre. Le regard qui se pose, si vous avez déjà assisté à une telle scène, sur celui qui admet, qui prend le risque d'admettre qu'il n'aime pas son père, sa mère, sa sœur, est un regard fatal. C'est son arrêt de mort sociale que ce dernier a signé. Attention ! Ne jamais dire, si c'est votre cas, que vous n'aimez pas un des membres de votre famille nucléaire. Jamais ô grand jamais ! Vous vous perdriez dans les abîmes de l'exclusion. Là, j'exagère clairement. En revanche, ce regard est celui qui condamne sans autre forme de procès. Il n'y a pas matière à débat. « Oh ne dis pas ça ! » pour le plus diplomate. « Arrête tes bêtises ! » pour celui qui veut rire de tout. Bien sûr que l'on peut rire de tout. Mais cette phrase-là ne s'y prête pas réellement. Toujours est-il qu'à part ces deux ou trois-là qui tentent une banalisation, les autres serrent les lèvres et les fesses et se pressent de passer à autre chose. Certes, ce propos est difficilement exprimable. Peu de contextes le permettent. Mais il y en a et l'agacement ou la volonté d'en finit avec une discussion peuvent y mener tout de même. Si vous voulez jeter un froid, jetez ces mots-là. Vous êtes sûrs de votre effet. Bœuf !
Ma question est la suivante : pourquoi est-il considéré comme si indécent de parler de son non-amour pour un membre de sa famille ? En fait, le pourquoi est sans doute très complexe et tout à fait compréhensible. Mais peut-être que je n'ai pas envie d'être compréhensive. Ma question est plutôt une colère. Que l'on doive dans la plupart des situations suivre les codes sociaux, s'y soumettre, notamment pour ne pas blesser les autres, cela s'entend tout à fait. Presque tout le monde s'y colle. C'est ainsi. Que l'on interdise aux gens de ne pas aimer leur famille, voilà qui est proprement révoltant. Vous vous en doutez peut-être, je pense notamment aux cas des enfants en détresse.
Le cas des enfants en difficulté dans leur famille est extrême me direz-vous. Sans doute. Il est aussi représentatif de ce qu'induit la société avec son injonction inébranlable à aimer sa famille. Les travailleurs sociaux ont tous vu ou entendu des histoires d'enfants placés pour maltraitance grave, abus sexuel, faire des retours réguliers en famille. Ce n'est pas la majorité, il est vrai mais cela existe. Par ailleurs, s'il n'y a pas de droit de visite ou d'hébergement pour les parents ou autre membre de la famille, les visites médiatisées sont de mise. L'enfant devient infernal une semaine avant cette visite et continue de l'être une semaine après. Euh, n'y a-t-il pas une sorte de mécanisme de cause à effet ? Oui mais l'enfant dit qu'il aime sa maman, son papa. Mais bien sûr que l'enfant aime sa famille ! (et encore pas toujours) Mais qui voulez-vous qu'il aime d'autre ? Qui voulez-vous qu'il investisse aussi puissamment que ce lien le lui permet ? Pourtant, si nous le tolérions au sens propre, si nous étions donc tolérants, si nous étions nous prêts à l'entendre, peut-être que bien davantage d'enfants diraient qu'ils préfèrent ne pas voir leur famille et peut-être que bien davantage d'adultes seraient en paix avec eux-mêmes parce qu'ils n'arrivent pas à aimer untel ou untel.
C'est important le lien avec la famille, c'est important... ah oui...
Il est surtout important, me semble-t-il, de savoir qu'en faire. Le maintenir, le rompre, le modifier. Non, on ne vit pas bien avec un parent que l'on n'aime pas. Mais si encore on pouvait le penser sans honte ! Il n'est pas important d'avoir une famille là, juste à côté tout près et de l'aimer coûte que coûte, quitte à se sacrifier. Il est important de gérer sa famille, de ne pas se laisser être blessé encore et encore au nom de l'amour familial. Peut-être que le devoir et non l'affection prendrait plus de sens, dans une acceptation éthique du soin à donner aux parents vieillissants par exemple ou à la fratrie handicapée. Mais se contraindre à aimer ceux qui nous blessent, enfin ! L'on s'écarte des gens qui nous sont nuisibles. Parfois, ces nuisibles sont nos proches, quoi que les autres en disent. Parfois la famille est nocive.
Parfois, elle est un refuge à toute épreuve.
Souvent, entre les deux. Humaine en somme.


Cette liberté-là

Une liberté
Si interdite
Qu’impensée.
Une liberté
Rie,
Dissipée d’un
Revers de main,
Vue
Revue
Comme une vitrine
Tous les jours
Passée devant
Et
Restée
Inaperçue.
Une liberté
Plus
Invisible
Qu’un errant
Animal ou humain
Au métro parisien.
Une liberté
Rie,
Comme
Folle,
C’est beau de rêver ! Oh mais tu y croies vrai ?! Amenez la piquouse en blouse blanche !
Cette liberté
N’est pas pour toi.
Cette liberté
Tu ne sais pas.
De toute façon,
Tu ne sais pas.
Cette liberté,
Tu n’en es pas.
Il y a ceux qui
Et puis les autres.
Tu es des autres.
Rêve et écrase-toi,
Pire que les tours jumelles,
Sans les vionvions à l’aide.
Poussière à l’arrivée.
Cette liberté
N’est pas pour toi.
Mais Maman pourquoi je...
Pas pour toi c’est tout.
C’est tout ?
Cette liberté,
Elle ne le dit pas,
Ni elle ni eux,
Tu n’en es pas capable.
Tu n’en as pas la force.
Tu ne tiendras jamais.
Tu es bien trop fragile.
Tu es des faibles.
Oh sans jugement !
Mais dans la vie
Et chaque espèce,
Et chaque géné-
Ration,
Il y a les soldats au cuir dur,
Les moyens qui s’en sortent
Et les queues de peloton,
Trop faibles pour
Eux-mêmes.
Ces animaux-là
Meurent
Et le groupe
S’en défait.
On ne peut pas porter tout
Le monde.
Sauf peut-être bien
Messieurs et Dames les
Éléphants.
Cette liberté est
Pour la tête
Et le chef.
Tu ne pourras jamais.
Au fond,
Maman préfère
Que tu n’en sois pas digne.
Tu n’échapperas pas.
Gentil toutou.
Cette liberté
Ne la regarde pas.

Les injonctions
Sont mortes.
Cette liberté
Joue
Dans ma cour.
Je la regarde
Par ma fenêtre.

Sarah Marty, Soixante jours, Editions Denoël


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mardi 12 juin 2018

"Il y a vingt ans" doit s'achever

Projeté
vingt années
en arrière 
derrière à terre.
Eh ben oui pas prévu !
Pourtant,
tout 
a toujours
été là.
Il y a vingt ans
continue
d'agir
et de tourner
encore et encore
en-dedans,
chaque jour,
même si 
tout 
a changé
d'enveloppe.
La lettre
demeure
en fond
en creux
la même,
indécryptée,
douloureuse.
On veut faire
semblant 
sans
blanc
black out,
fake...
mais un jour,
back into past
et 
à l'identique strict 
ce qui
toujours 
reste,
masqué par
les belles armures
d'adulte
soi-disant
ancré.
Efficace,
sans doute.
Insensé
se poursuit.
Mais lorsque 
projeté
vingt ans
en arrière
derrière à terre,
le voyage 
est donc possible,
à nouveau
et 
rond et rond petit patapon
s'épuise.
Quitte à hurler,
quitte à frapper 
murs
morts
mère
et père.
Quitte à tout 
fracasser
et retomber en cotillons
et confettis.
Pourvu qu'il y a vingt ans
se finisse.

lundi 11 juin 2018

L'amour post-mortem

     Il y a ce mystère que je ne m'explique toujours pas de l'amour post-mortem. Je m'explique. Vous êtes à un enterrement, vous connaissiez bien ou pas le mort. Enfin vous, vous le connaissez toujours puisque vous n'êtes pas mort. C'est lui qui ne connaît plus rien. C'est justement avec ça qu'il faut jongler. Alors on dit qu'on connaissait, poliment, mais c'est pour s'aider à accepter que l'autre ne connaît plus que dalle. Que dalle ! Walou ! Bref, vous êtes à la cérémonie, peu importe sous quelle forme, cela n'impacte pas mon propos. Vous écoutez les conversations. Vous, vous avez opté pour le silence. Admettons. Il n'y a pas grand-chose à dire d'intelligent dans ces cas-là. Ce n'est que mon avis. Au vu de ce qui sort des bouches baveuses en ces moments-là, je crois fermement que le silence est de loin la solution la plus sûre de compatir et soutenir. Ca n'engage que moi. Pleurer pourquoi pas ? Au contraire, c'est dans le ton. Ca libère. Ca soulage. Et ça fait avancer. Donc, vous pleurez si vous voulez et vous écoutez tous ces mots qui chuchotent et s'entremêlent doucement. Tout est plus doux, plus bas, plus lent. Tout est cotonneux. Les éclats de sanglot se font rare de nos jours. Ici bas bien sûr. Les autres latitudes ont d'autres voix. Et c'est alors que vous, dans votre silence, pas nécessairement prostré, vous parvenez à vous extirper de cette situation délicate et à observer le monde qui vous entoure. Vous sortez de vous-même, genre fantôme, âme qui sort de son corps, vous voyez bien ce que je veux dire. Et vous écoutez attentivement. 
Ce jour-là, comme les suivants d'ailleurs, vous entendez le monde louer le mort, l'élever aux nues, l'auréoler. Vous entendez même les plus acariâtres s'attendrir entre leurs larmes. Encore une fois, les larmes sont les plus dignes de tout cela, qu'on ne se méprenne pas. Ils avouent combien ils aimaient cette femme, cet homme ; combien il était bon, combien il était brillant (plus honnête, ça n'implique pas d'apprécier), combien elle était belle, combien elle était généreuse, suivant bien sûr à la lettre les préjugés sexistes. La pensée est en berne, ces jours-là. Le prêt-à-parler s'impose en maître. C'est humain. Quand vous avez réussi votre extraction fantomatique, vous enragez. Mais surtout taisez-vous. Ou vous serez marqué au fer rouge de l'hérésie. Vous entendez donc ces propos encensants. Et vous tombez des nues vous. Vous croisez le mort dans son élévation et retombez le cul par terre. Voilà l'amour post-mortem. Le mort, la morte sont lavés de tout soupçon et de tout péché. J'ironise. Mais tout de même. N'avez-vous jamais vécu ça ? Pour peu que vous ne soyez pas si proche de la victime de la vie ou pas si attaché.
L'on se serre les coudes et l'on conjure la mort, la personne pour qui l'on est là n'a finalement pas tellement d'importance. Sauf pour certains, je ne suis pas cynique à ce point-là, mais finalement très peu si l'on est honnête. Ceux qui vraiment pleurent le/la mort(e) se comptent sur les doigts d'une ou deux mains. C'est selon. Les autres pleurent la mort. Ils pleurent cette fatalité insupportable. Ils pleurent sur leur propre sort. Rien de fou ni de condamnable là-dedans. C'est indiscutablement terrible. Mais la plupart du temps, la plupart d'entre nous n'y pensons pas. Je mets à part les beaux fous qui vivent avec elle souvent chaque jour de leur vie. Je ne parle que d'eux mais plein d'autres étiquetés non-fous traversent la même. Toujours est-il que les gens ancrés dans la vie et le désir se voient fouetter en pleine tête par la mort ces jours-là. Ils savent s'en protéger le reste du temps. C'est une belle performance. Chacun devrait y avoir droit mais la vie est ainsi faite. Rebref, ils pleurent la mort et sa tyrannie. Tout le monde est désespéré de ce fait, pris au piège dans cette inéluctabilité. Mais personne, vraiment personne, je ne mets cette fois pas nuances, n'admet pleurer sur sa condition d'animal impuissant. Alors vous qui êtes là à regarder les autres, vous priez pour revenir en vous-même et faire comme tout le monde. Parce que cela vous enrage. Cela vous écœure peut-être, pour l'hypocrisie de certains. Quoique l'hypocrisie telle qu'on la nomme aujourd'hui soit le terreau d'une paix sociale. Cela vous désespère. 
Fermez les écoutilles. Et ne recommencez plus jamais ca. Enfin quelle idée ! remplissez-vous d'amour post-mortem vous aussi. La mort reculera d'un pas. Sans mentir, juré craché.






Il était une fois...




Prologue

Vous savez, ces gens sans qui la vie n'aurait pas tourné pareil. On en a tous. Quand on n'a pas peur, ce qui n'est pas mon cas, on parle carrément de ceux qui ont changé notre vie. De là à la sauver, il n'y a qu'un pas. Mais rares sont les individus capables d'avouer ces vérités-là. Les vieilles gens peut-être. Certaines. Ils sont sûrs avec le recul de pouvoir l'affirmer. Et ils ne sont plus retenus, je suppose, par cette nécessité franco-française de ne pas trop s'étonner ni surtout encore moins s'émerveiller. Il est de bon ton et gage d'un grand sérieux de ne se laisser surprendre par rien. Quant à se laisser émouvoir, Mon Dieu quelle impudeur ! Un monde libre dit-on... Mais je m'égare avant même d'avoir commencer mon récit. Sachez donc, en tout cas, que je n'hésiterai pas, dans la mesure de mes moyens de femme d'âge moyen, pas encore avancé, à m'émerveiller. Quitte à passer pour une imbécile heureuse ? Quitte à, oui. Car s'émerveiller n'est en aucun cas une naïveté sauf les adeptes de la grande prêtresse du Scepticisme. C'est pourtant souvent elle qui porte la naïveté bien davantage que l'émotion.

L'histoire que je vais vous raconter, n'ayez crainte, elle arrive, est celle de la jeunesse follement catégorique. La jeunesse tyrannique. Dure à crever. Prête à tout pour parvenir à ses fins, à se prouver qu'elle a raison et peu importe les coûts. La jeunesse cruelle. C'est elle la plus cruelle. De loin. Elle ne laisse pas une miette. Elle ricane comme une hyène. Elle peut se nourrir de charogne si cela sert sa cause. C'est ce que j'ai vu de la jeunesse. Peut-être suis-je un cas vraiment très à part que les livres et les adultes ne mentionnent pas du fait de son exceptionnellité. Quel honneur ! ? Ou quelle honte... Ou peut-être tout simplement veut-on se souvenir d'une jeunesse insouciante là encore quoi qu'il en coûte pour se nourrir de doux souvenirs. Chacun sait au fond de lui que la jeunesse est loin d'être le plus bel âge et qu'être enfant puis adolescent peut couler, mais peut aussi être un calvaire de chaque jour, dans le silence le plus tonitruant qui soit dans l'existence. Jamais plus par la suite, on ne retrouve ce silence. Cette solitude dévorante.
Et un jour, tous les jours, sans exception, pendant des mois et des mois, tirée de ses propres affres par deux de ceux qui changent la vie.
Je n'en dirai pas plus. Je vous laisserai tirer les conclusions qui se doivent en temps voulu. Tirer d'affaire ? Sauver la vie ? On ne le saura jamais. Ou le sait-on déjà ?





          Je vivais dans un monde parallèle. Je me sentais être une extra-terrestre. Je ne comprenais rien à ce qu'on attendait de moi. Je le faisais à l'instinct, par crainte et parce que je n'avais non plus rien d'autre à faire. Les règles remplissent le vide intersidérale qui pourrait nous envahir alors à ce moment de la vie. Heureusement, il y en avait tellement à suivre que j'y plongeais avec volupté. Je n'avais pas le temps pour autre chose que pour suivre les règles. Elles, j'étais sûre de les comprendre, celles qui étaient énoncées explicitement. Les autres, tacites ou fluctuantes, me laissaient terrifiées et je me raccrochais à celles qui se criaient le plus fort. La loi du plus fort reste une constante relativement fiable lorsqu'on ne possède aucun autre décrypteur de réalité. Je faisais en moi-même référence au monde animal, rationnelle, en me rappelant que le plus fort est souvent le plus tranquille et que suivre la meute demeure le plus sage en maintes circonstances. La fuite était encore alors en question : je savais que les animaux et donc moi-même en tant qu'animal avions cette tendance innée à fuir le danger inutile. Mais j'avais beau raisonner aussi correctement que pour ce qui était de la loi du plus fort et de la soumission au groupe, je ne pouvais pas encore m'y résoudre. Je n'en étais pas capable et je ne m'autorisais pas même à penser que la fuite puisse être autre chose que lâche. Alors qu'elle aurait pu m'être si pratique souvent. Mais il est toujours temps de se rattraper.
Je vivais dans un monde parallèle, non parce que je rêvais ou que je refusais de partager l'univers de mes congénères. Je vivais dans un monde parallèle car mon chemin était excentré. Toujours à côté, derrière, devant, dessous, trop loin, trop lente, trop stress. Trop ou pas assez, jamais dans le bon sillon. Je ne sais pas toujours pas si c'était le cas, si cela apparaissait à tous. Les autres me semblaient le crier. Je voyais leurs regards désarmés, moqueurs, lointains, qui me le signifiaient. En tout cas, c'est ce que je croyais voir dans leurs yeux. Je ne saurai jamais. Et c'est un drame comme un miracle. Tout peut se réécrire sans cesse.
            Je n'attendais personne. Ou pour mieux dire, je n'attendais plus personne. J'avais espéré tant et plus que la cuve était vide. L'espoir agonisait. J'avais donc préféré, en toute conscience l'exécuter définitivement ou presque. Du moins, je me faisais croire à mon total scepticisme. J'avais délibérément choisi l'immobilisme. Une mort sous cape. Celle qu'on met en scène sans même le savoir. Je me targuais de pouvoir être seule. Et cela n'était pas faux. J'étais prête, enfin, à être seule et à repousser tous ceux qui m'empêcheraient. De quoi qu'ils m'empêchent, je ne les laisserais plus faire. Plus jamais. J'avais prononcé tout bas, le regard au loin, à travers la vitre d'une voiture, ce « Plus jamais ». Je l'avais prononcé une dizaine de fois dans ma tête, seule. On n'avait pu l'entendre. Mais je savais pertinemment qu'en effet, plus jamais ma vie ne serait la même. J'avais choisi de ne plus rien attendre des autres. Et aussi de me venger. Il ne s'agissait pas seulement de prendre ma revanche. Il s'agissait de se venger : faire souffrir et regarder couler les larmes sans ciller. Sans sourire non plus. Quoi que...
J'avais toujours été sage. Plus jamais je ne le serais. Je m'en faisais la promesse éternelle. Sans un bruit, sans un boum. Dans le calme le plus total.
Et en effet, c'est bien ce jour-là, les yeux collés à la fenêtre fermée de la voiture que je ressentis le calme pour la première fois. Le calme après la tempête me disais-je. Enfin la guerre est finie.
Tout le monde crut que la guerre commençait.
Dans la vie, tout n'est qu'une question de point de vue.



             C'est donc ce jour-là que je naquis à moi-même. Je n'avais jusque là été qu'une poupée qu'on trimballe, qu'on jette, qu'on câline, quand on veut. En libre accès. Je devins alors une véritable personne. Je n'avais jamais eu le sentiment d'en être une. Et la suite en donne encore davantage de preuves. Je me renaissais, auto-engendrée. A partir de là, la famille fut accessoire. Un passé que je voulais oublié. Une planète sur laquelle je devais chaque soir revenir, mais désormais en étrangère, en invité hautaine. Je N'étais plus un membre de ce clan. Je n'avais jamais eu la sensation de l'être. Je m'accordais désormais de ne plus l'être du tout. C'était en tout cas ainsi que je réécrivais l'histoire à l'époque.
Là encore, l'histoire se réécrit à chaque âge et celui-là était le temps d'un nouveau monde. Pas seulement un nouveau départ. Un vrai nouveau monde où tout aurait une autre saveur, comme passée de l'autre côté du miroir. Comme un gant retourné. La tête à l'envers. Et finalement se sentir plus droit.
J'arrivais en cette rentrée scolaire neuve, prête à une existence inconnue mais dont j'étais maître. Ce n'était pas qu'un leurre. Bien sûr que je n'étais pas plus maîtresse qu'une autre de mon destin. Je l'étais davantage que je ne l'avais jamais été. J'avais imaginé, avec certitude, étonner les autres, bien sûr. C'était l'un des objectifs de cette entreprise. Mais aussi qu'ils seraient admiratifs ou du moins reconnaissants d'une certaine vigueur. En réalité, c'est mon intention la plus sombre qui les prit à la gorge et les plongea dans une inquiétude désolée. Notre monde est intolérant au désespoir.
On commença à s'inquiéter. J'en conclus que le monde n'appréciait pas la libération des âmes. J'étais plus heureuse qu'au temps de tous mes sourires. Le sourire est un terrible faux-ami. Les adultes en sont invariablement dupes. Et les enfants diablement adeptes de cette arme fatale. On meurt de sourire et faire croire. Mais personne n'en parle. Je décidais de mettre en place la stratégie de non-sourire inutile. Il n'en restait pas beaucoup. La notion d'utile et inutile s'est avérée cruciale à ce tournant de ma vie. Je pris le parti extrême de considérer comme inutile tout ce qui relevait de la politesse et de la gentillesse sans émotion. Vous imaginez bien qu'il ne restait plus grand-chose à se mettre sous la dent. Les sourires de réponse, pure et simple convention qui assure des relations pacifiques ou les annoncent, étaient eux aussi bannis. Je regardais droit dans les yeux ceux qui me souriaient dans un bonjour agréable, refusant de m'abaisser à cette règle sociale hypocrite. Je regardais simplement la personne lui signifiant par là que nous étions en effet bien en relation mais que la paix ne tenait pas à ce sourire de façade que je honnissais désormais. Il m'avait menée à ma perte. Je l'exilai loin de mon nouvel univers.
De fait, je n'avais plus peur d'être seule. Tout comme j'exilai le sourire et sa batterie de mièvreries polies, je m'exilai moi-même et ôtais toute fioriture qui me semblait inutile. Il ne restait plus grand-chose sinon le grand intérieur. Et j'avoue, je me plongeais dans ce grand intérieur, pas nécessairement avec volupté, mais par souci de cohérence. Cela était vrai et réel.
           Quelques amis étaient dans ma classe. Je les aimais beaucoup. Je les avais aimées beaucoup. Etais-je encore capable d'affection ? Je mis peu de temps à me rendre compte que la solitude me convenait et que les autres m'ennuyaient. Je me regardais évoluer, absolument Narcisse. Sciemment. Jusqu'à un certain point où je fus prise à mon propre piège. Mais il n'est pas encore temps. Je gardais de bonnes relations, sans aucun doute. Plus dures et plus exigeantes. Mais mes pairs n'en furent ni surpris ni irrités. Ils se prirent aussi au jeu. Dangereux. Mais ils surent s'arrêter à temps, bien heureusement et me laisser nager en eaux troubles à l'envi. Je traversai donc le premier trimestre dans une espèce d'euphorie silencieuse et froide. Mais palpable. J'étais enfin heureuse. Les anciens amis restèrent présents et aimants. Mais deux nouvelles têtes s'approchèrent, tout près. Des têtes brûlées. Proprement brûlées. Ils avaient déjà essuyé de nombreux auto-dafé et ne craignaient pas l'approche d'un autre feu fou. Encore une fois, ils s'y retrouvaient sans doute. Et malgré ma méfiance et ma douce solitude, ils m'attiraient aussi, irrésistiblement.
           D'abord elle, s'approcha. Nos chemins s'étaient déjà croisés et nous faisions chacune partie de l'histoire de l'autre. Moi, sans vraiment m'en rendre compte. Certainement sans vraiment le vouloir non plus puisque j'avais relégué ma vie d'avant aux oubliettes. Mais, il ne fait aucun doute que les enfants que nous avions été se reconnaissaient. Je l'occultais, envahie par mon nouveau moi enivrée. Elle savait et n'en fit jamais l'économie. Elle appelait l'enfant qu'elle avait connue et elle s'inscrivait dans mon histoire, sans que je le comprenne. Elle prenait racine loin derrière et acquis ainsi, moi aveugle comme une imbécile heureuse, ma confiance plus vite que n'importe qui l'aurait pu alors.
Becca, je préférais Beka, plus stricte et intrépide, douée d'une intuition hors norme, sut exactement s'adapter à ce que j'étais capable d'entendre des autres, surtout des inconnus. J'étais devenue l'être le moins adaptable qu'il fut donné de côtoyer (si tant est que je ne l'avais pas toujours été...)  pour beaucoup d'entre ceux que je fréquentais. J'imposais que l'on se calque sur ma cadence et mes possibles. J'avais cessé d'écouter les vagues des autres. Je ne demandais pas qu'on écoute les miennes. Mais si vous choisissiez de le faire, il vous fallait vous armer de patience. 
Je n'étais vraiment pas une fille sympa.

Fumeuse colère

Fulminations
Pshiiiit des oreilles
Des naseaux
Taureau
Soufflant
Râlant,
Cette putain de cape
Verte,
... Aaaaah rouge pardon
Au temps pour moi,
Cette cape bref
Va pas se
Payer ma tête
Encore une fois.
Envie de tout fracasser,
Qu’il est bon d’être une
Bête à cornes !
Ca fume toujours,
Mais maintenant d’un peu partout,
Même un nuage
Qui fait bulle.
Les poings fument
Les pattes grattent
Et le feu préhistorique
Flambe,
Absurde
En cet ère électrique
Voire tronique.

Aussi stupide cette
Colère
Du fond des âges,
Renée de nulle part
Et partout
Qui croit
S’émouvoir.
Elle n’est qu’un vaste
Leurre,
Un écran de fumée,
Précisément,
Aussi fumeuse
Qu’elle en a l’air.
La colère
De pacotille
Qui pourtant mènera à
L’abattoir
Si l’on ne tourne pas
Le dos
Au tapis vert là,
...
La cape rouge pardon.

Le vent souffle
Le tapis-cape s’envole.
Le feu et la fumée
Avec.
Seul dans l’arène.
Le public est parti,
Il n’y a plus sa place.
Et
Les yeux ronds
Un chaud liquide coule
Quelque part.
Le torse ceinturé
De velours rouge
Ourlant leurs vagues
De douleur.
L’on regarde
L’hémoglobine
Vomir la plaie.
Les larmes
Roulent les joues
A leur tour.
Les jambes se
Mouillent.
La rage
Est une hérésie.
La blessure
Béante
En plein bide
Ouvre les yeux.



samedi 9 juin 2018

On est tous le connard d'un autre

Dans un amas
De phrases,
Ok d’accord,
Tranquille,
Sans relief,
Sans à-coup
Non plus,
Du banal bénin
Comme dans du beurre.
On vague
On vogue
Lalilala...
Et surgit,
Brutale brillante bravache
Se pavanant
La phrase
Honnie.
Une de ces phrases,
Courtes et crânes
Qui croient
Comprendre
Et
Expliquer.
Les simplistes qui
Estropient
Le réel,
Castrent
Dans des cases
Et encrassent
La pensée.
Les phrases qui
Craquent
Toutes les complexités,
Caricatures
De la connerie
Facile.
La fameuse phrase
Cingle
Et
Lalilala
Se redresse,
Tend l’oreille.
Un volcan
Explose,
La lave coule
Ecroule
Crade
Crâme,
S’écrie
Et
Des cataractes
De colère
Vomissent
Les mots
De la bêtise
Et de l’irrespect.
Pas la bêtise des neurones.
Celle-là est indolore.
La bêtise du coeur
Et de l’humanité.
L’immense connerie
Qui s’empare
Parfois
Même des plus
Caressants.
Les vannes se referment
Et la phrase
Imbécile
Il fait aucun effet, pas qu’il vienne pleurer après !
Laisse tomber, elle en vaut pas la peine.
Cet enfant est un vrai diable.
Tu réfléchis trop !
Ca sert à rien de pleurer.
...
Toutes ces phrases
Qui,
Chacun la vôtre,
Vous déclenche
Et le volcan
Érupte.
Chacun la nôtre,
Que l’on affirme
Péremptoire,
Connard d’un instant,
Toujours on est
Le stupide imbécile de quelqu’un.

Le volcan bouillonne
Mais la lave coule
En intérieur.
Demain,
L’on dira
Soi
Cette
Insupportable phrase
Qui réveillera
La montagne de feu
D’un autre.

Quand même,
On cognerait bien
Notre con du moment.
Mais Monsieur le lobe frontal
Est un artiste
Et le silence est
D’or.
Seuls les yeux
Assassinent.




vendredi 8 juin 2018

Les mots en vacances

Mots mourus,
Endormis,
Plus envie,
Loin derrière.
En vacances...
Ou virés,
Ban de touche,
Endormis.
Besoin de repos,
Cesser de parler.
Ou supplantés
Par les remparts
Du
Tais-toi !
Même pas cap !
Sers à rien !
Peut-être juste
Les mots
Sirotant
Sur une plage
Enfin
La paix !
Harcelés,
Ils s’enfuient
Et
S’enferment,
Se taire
Enfin.
Ou
Torturés,
Ils fuient
La police viciée
Viscérale
Vissée
Indéboulonnable
Qui exile
Les mots
Et leur pouvoir.
Leur révolte
Agace les autorités
Intérieures.
Aussi,
La révolte
Épuise.
Peut-être juste
Les vacances
Des mots.
Sans combat inutile.


mardi 5 juin 2018

Au lit les enfants !

Les yeux grand ouverts,
prêts à tout voir
entendre
et lire,
cherchent dans 
le noir,
enfants oisifs,
impatients,
on fait quoi dis ? Dis !
On fait quoi ! 
Ils ont clignoté
toute la
journée
bayé aux corneilles,
attendu de pouvoir
reposer
et
le noir venu,
les yeux
s'éveillent,
tout à la joie d'être
enfin libres.
Rester tranquilles ?
Pour
quoi
faire.
Sérieux tout le jour,
menés à la baguette,
sur le pont du matin au
soir,
pas un qui en fasse
tant
dans cet amas d'organes,
merde alors !
Mais on ne pourrait
pas un peu
jouer
quand même
après tous ces
chiffres
lettres
par-ci
par-là
regarde où tu marches,
regarde quand tu manges,
regardes où tu ranges
regarde ce que tu fais ?
Dans le noir
ça y est !
allez steplaît steplaît steplaît !
on est tout grand ouverts nous !

Et les yeux
se promènent dans la chambre,
en quête
de rigolo
mais pas dodo
non non et renon !



vendredi 1 juin 2018

Aujourd,hui, j'ai grandi

Impuissante imaginaire,
J’ai courbé l'échine.
Voûtée,
Ramassée
Sur mes cannes,
J’espérais
Vainement
Trop tôt enfin !
Le déambulateur.
15 ans.
20 ans.
Ainsi de suite.
Pas plus
Rabougrie
D’année en année,
Mais
La poitrine toujours aussi
Creuse.
Lourde.
Pleine.
Plate.
Invisible.
Mais
Trop lourde
Pour les vertèbres
Faiblardes.
Faiblardes imaginaires.
Alors tout va bien si ce n’est
Que dans la tête !
Tout va extrêmement mal
Au contraire !
C’est bien pire,
Les chirurgiens même
Dieux auto-proclamés
Sont impuissants.
Et véridiquement
Pour le coup.
Sacré coup
En effet.

J’ai parcouru
La vie,
Tentant la tête haute.
Mais jamais bien
Longtemps.
Les épaules suivaient
Le mouvement.
Trop hautes.
À fleur d’oreille.
La tête ne tenait
Jamais
Seule.
Et puis,
Revenait le moment
De se
Recroqueviller.
Régénérer la bête.
Le dos rond
Comme un nid,
La tête cachée
A mi-surface,
Les bras-enveloppes
Chauds aux entrailles,
Les mains crochées
Au creux des coudes
Ou aux côtes basses
Les hanches vissées
Les pieds fermés,
Le nid douillet.
Défense d’entrer.
Et puis,
Les va-et-vient,
Sorties-rentrées,
Comme ci comme ça,
Cahin-caha.
Mais toujours,
Le dos bossu
Le sein fossé.

J’ai vu les autres
Au port altier.
Les autres-pas-moi,
D’abord.
Et puis,
J’ai enfin compris.
Que la fatalité
N’est qu’une biologie.
Que l’imaginaire
S’en rit.
Pour le meilleur et pour le pire.
Mais qu’il est aussi
Une magie.

Pas une vraie magie ?
Peut-être que si.
Car,
J’ai vu mon corps
Se dresser,
Et j’en aurais
Bombé.
Ce n’est qu’un
Pouvoir
Pur humain.
AAAAA.

Aujourd’hui,
J’ai grandi
Après avoir
Tant rêvé
Rapetisser.
Le frérot
Au printemps l’avait dit :
« Jte jure, j’ai pris 2 centimètres ! »
Sûrement,
J’ai poussé
Aujourd’hui.
Le dernier pas
Qui languissait
Et qui mènera
Aux rêves.