lundi 30 juillet 2018

Kate Di Camillo, traduit de l'anglais par Antoine Pinchot, Little Miss Florida – Didier Jeunesse


Little Miss Florida parle de l'enfance, de la douleur de l'abandon et de l'importance de toutes petites choses qui changent tout. L'amitié, le respect, la douce folie quotidienne et l'espoir coûte que coûte restent les meilleurs pansements de l'existence. Et l'on peut grandir, alors, encore et encore, ensemble.


Romy, Beverly et Louisiana ne se connaissent pas. Elles se retrouvent au cours de t de twirling d'une ancienne championne de la discipline aigrie et assez ridicule, il faut bien le dire. Chacune a son caractère, bien trempé et singulier. Elles sont toutes trois apparemment inconciliables. Le trio semble improbable. Pourtant, les voilà qui se lient d'amitié, un peu malgré elles. Ou peut-être qu'en fait elles se ressemblent beaucoup plus qu'on ne le croit et se complètent dans leurs différences. Romy et Louisiana tiennent à leur rêve. Elles se battent pour le réaliser. Beverly préfère jouer la carte du détachement, teinté d'authentique désespoir. Mais les trois fillettes finissent par faire équipe et s'entraider. Chacune a sa façon de faire, de s'exprimer, de vivre sa vie et ses douleurs. Mais elles parviennent à se comprendre les unes les autres, à force de tolérance et d'affection.
La fantaisie, qui frise souvent le délire, de Louisiana et de sa grand-mère sont d'abord tournée en dérision par les deux autres, rationnelles, terre-à-terre qui croient voir leur salut dans leur maturité. Ce n'est qu'une intelligence d'adulte très normal, trop normal qu'elles imitent. Mais la famille Elefante, Louisiana et sa mamie folle-dingue vont entraîner la petite troupe dans un monde un peu magique, un peu factice mais qui va inciter tout le monde à rester vivant et ne pas perdre espoir. C'est un monde plein d'affection et qui n'a pas peur d'avoir foi que le monde des Elefante. Le désabusement n'y a pas sa place. Il n'y est pas interdit. Il n'y existe pas. Alors, il s'agit de continuer de croire et de se battre, prendre des risques et enfin rire ensemble.
Ces deux personnages, et quelques autres plus secondaires, donnent une nuance féerique au roman. Il ne s'agit pas de rêves qui font s'échapper du réel, même si ces derniers ont toutes leur utilité pour les petits et les grands. Mais ici au contraire, c'est cette féerie qui permet d'accepter le réel et sa dureté et de finalement reprendre goût aux choses.
L'on suit dans ce récit les va et vient de l'âme de Romy qui a pris conscience de sa vie intérieure et de ses remous suite au départ de son père du foyer familial. L'on est bercé tout du long par cette image de marée, de flux et reflux de l'âme, qui traversent l'histoire. Romy expérimente la compréhension de ses émotions et leur force, leur violence parfois. Elle en décrit la variété avec une poésie aux allures d'enfant plus parlante que bien d'autres.
Ce qui fait se rejoindre ces trois enfants, derrière leurs dissemblances, c'est l'expérience de l'abandon et de l'absence. Le père ou les deux parents, pas de frère ni de sœur. La solitude est leur lot à toutes les trois. Elles doivent vivre avec et chacune a là aussi sa façon de faire et toutes sont respectables. Elles se conjuguent, à trois pour réparer les blessures.

C'est un roman de la résilience enfantine, dans l'amitié et l'intensité des sentiments de cet âge. Et les adultes qui soutiennent ne sont pas ceux qu'on attend : ce sont les plus extraordinaires, les plus fous et les moins conformistes. L'adulte normal ne sert de rien. Alors, qu'attend-on ? Soyons fous !


L'histoire qui ricanait

Les images qui
S’affichent derrière
L’écran noir des paupières,
Tendres,
Excitantes,
Jouissives,
Délirantes,
Drolatiques,
Optimistes,
Distrayantes,
Apaisantes.

Derrière ce derrière
De paupière,
Le trou du cul de ma tête,
L’histoire ricane.
Elle a ce rire mauvais
Qui a attendu
Le plaisir
Vrai sûr
Pour
S’enclencher.
L’histoire ne rit
Jamais à gorge déployée.
Elle aime se répéter,
La sale histoire
Qui gangrène
Une existence
Du début
A sa fin
Si elle le peut,
Si on lui en laisse
L’occasion.
L’histoire ricane
Comme une vieille folle
Derrière
Les belles images
Qui ravivent.
Elle veille
Et elle pouffe en pointant
Du doigt :
Regarde mais regarde !

On la pense,
On la soigne,
On la secoue,
On la désinfecte,
On la raisonne,
On la gourmande,
On la dorlote,
On y arrive
Enfin,
On ne la chérit pas
Non
Car on ne peut se trahir
Jusque là,
On la berce
Quand même
Pour réparer
Des années bien après.
Mais,
Elle ricane encore,
Son rire
Moque et
Tranche vivant.
Rien n’a de prise
Sur cette vieille
Sadique.

Une folle aurait bien
Meilleur coeur.
Mais l’histoire dans son
Rocking-chair
Se balançant d’avant arrière,
Campée derrière les images
Derrière
Les paupières,
Est une
Psychopathe endurcie.
Froide,
Implacable,
Pas d’empathie,
Pas de culpabilité,
Manipulation
Et masque de vieille dame
Respectable.
Symptomatologie
Parfaite.
Psychopathe en jupons.

On doit t’apprivoiser ?
On doit te travailler ?
On doit te modeler ?
On doit arriver à t’aimer ?
Mais tu salis
Finalement
Toujours
Les plus belles
Œuvres.
Quand je t’aurai
Entre mes mains,
Je te ferai
L’affront
De te peindre
En rêveuse licorne arc-en-ciel.
Et tu mourras
Étouffée
De douceur,
Toi aussi dans
Un habit qui
Te ment
Et
Te dément.
Vieille sadique,
Tu n’es pas digne d’être
Folle.


Oulan Bator trotte et grignote

Elle trotte
Dans ma caboche,
Un jour,
Deux jours,
Elle a bien dû faire
Le tour du propriétaire.
Mais encore
Elle trotte
Trip trope
Baladine
Insouciante.

Et elle chantonne
Son drôle de nom
A travers mes
Pensées :
Oulan Bator
Oulan Bator
Oulan Bator.

Comme un mantra,
J’entends sonner
A l’occasion d’une
Virgule
Ou,
Porte ouverte à toutes les fenêtres,
Un point lambin,
Jamais trop d’orgue
Pour les points,
Les nerfs s’enflammeraient,
La ville
Qui se promène
Sous mon crâne
Têtu.

Et elle chantonne
Son drôle de nom
A travers mes
Pensées :
Oulan Bator
Oulan Bator
Oulan Bator.

Elle a trouvé la
Brèche,
Elle se sert
De son
Gong
Et ne me laissera pas
En paix.
Elle m’oblige à
La rêver,
Désirer,
Et joue la petite fille
A cloche-pied.
Elle le peut avec sa
Signature
De manga jap’.

Et elle chantonne
Son drôle de nom
A travers mes
Pensées :
Oulan Bator
Oulan Bator
Oulan Bator.

Cesse donc
De me tournicoter !
J’irai
Dans ton royaume
Aux  yourtes
Et mille chevaux.
Madame Oulan Bator,
Mon avion est-il prêt ?




dimanche 29 juillet 2018

Et les grandes ailes aux plumes caresses

Les grandes ailes
blanches
grises
imparfaites en couleurs,
exacte symétrie
à arcades
minutieuses
tout au long de la
courbe
de mes côtes.

Les grandes ailes
se sont ouvertes
sur ma poitrine.

Je ne les avais jamais
laissées
être belles.
Je ne les avais jamais
vraiment vues.
Elles ne s'étaient
jamais ouvertes,
peut-être.
Je connais le poids qu'elles
tombent
sur ma cage à souffler
et qui
essouffle
à vivre.
Mais sans doute étaient-ce d'autres,
celles-ci n'étaient pas
arrivées.
Ou je n'y était pas
moi,
arrivée.
La douleur
se diffuse
chaude
pas fébrile,
presque réconfortante.
Elle enveloppe,
ses grandes ailes sont
ouvertes
et elle ne ment pas.

Les grandes ailes
se sont ouvertes
sur ma poitrine.

Je les laisse
me caresser
de leur mélancolie
duveteuse.
Elles me protègent,
elles m'emmitouflent
jusqu'à leur
dernière
plume.
Leurs grands aplats m'enserrent
le torse
s'ajustent précisément à
la place qui
se déploie
enfin ;
elles entourent
mes seins nus
qui lovent
leur fragilité toujours
et obscurément
en première ligne,
chair à canon
dans leur douceur
presque
romantique !
Mon Dieu attention aux fleurs bleues
tout de même !
ne nous égarons point !
Ou peut-être que si,
est-il temps de se perdre
au creux des
immenses ailes
sans ange
sans corps,
sans bec,
surtout,
silencieuses
rémanences
des doudous
d'antan.
Elles disent
plumes à peau
que sans doudou
l'on gèle
et la cage qui respire
finit par
refermer
ses côtes brisées
et
endormir le
cœur.

Les grandes ailes
se sont ouvertes
sur ma poitrine.

Lentes sans aucune
crainte,
les grandes ailes
se rejoignent
en bas de 
nuque,
ultime pointe à pointe,
et finissent de se poser
contre mon dos
impassible,
taiseux,
sans une plainte
gardien des arrières,
mais qui le premier
pleurera
de cette caresse 
désespérée.
C'est un soldat
qui lui aussi,
se love
et se frotte
en tout petits 
mouvements
aux 
plumes soyeuses
qui couvrent
au millimètre
mes omoplates
bientôt molles
délivrées
dorlotées
comme une montre
daliesque.

Les grandes ailes
se sont ouvertes
sur ma poitrine.

Je sais qu'elles
disent
qu'il fait triste.
Mais elles sont
plus douces
que la mer.
Pourquoi les ai-je 
aussi longtemps
omises ?
Peut-être 
jusqu'alors
trop douces,
à en brûler
jusqu'à mes os.






samedi 28 juillet 2018

Le bateau chips

Un hoquet
De travers
En pleine gorge
Va et vient
Comme une
Pomme d’Adam
Trop grosse.
Un bateau chips
Coincé,
Couché
La voile horizontale
En plein goulot.
Il monte d’un coup
Juste les dents du fond
Qui baignent.
Et redescend
En gorge
Et les bronches
Douloureuses.
Mon air est plein de miettes
Piquées dans ma
Poitrine.
Mais le bateau chips
Ne lève pas
L’ancre.
Il s’installe
Et la marée
Monte
Et
Démonte
Dans mon gosier.
Le bateau chips
Ne fait plus
Tousser.
Il est à la bonne
Place
Entre respirer
Et
Vomir.
Seules les larmes
Le tangueront.
Encore faut-il
Qu’elles daignent...

mercredi 25 juillet 2018

Ma Cléopâtre, émerveille-toi !

Elle a construit
Brique à brique
Sa pyramide,
Elle pointe vers les étoiles
Et elle chatouille le ciel.
Elle a traversé le monde.
Elle a conquis sa part,
Elle a tenu tête
Aux couillus,
En Cléopâtre
S’il le fallait
Impitoyable.
Elle a bâti
Rebâti
À la force du poignet
Main de fer dans
Un gant de velours,
Le chaleureux sourire
S’évanouissant
Dès qu’on lui tendait
Un bonbon
Empoisonné.
Pas besoin de goûteur,
Le pif aussi
Subtil
Qu’un flaireur de
Coke.
Sa pyramide
À partir d’un caillou
De cour d’école
Qu’elle a su
Faire rêver.

Ma pharaonne des temps modernes
Croit en un jour
Tout s’écrouler.
Elle pourrait
En crever
Juste là
Au pied de son oeuvre,
Allongée dans le sable
Brûlant,
Plus rien bouger,
Fermer les yeux,
Les larmes abreuvent
Son petit carré désert
Et ses oreilles au passage.
Le fier nez pointe toujours.
Mais,
Elle n’entend plus.
Elle n’écoute plus.
Elle revient à la cour
D’école
Les mains vides
Et
Le poignard au coeur.

Elle est pourtant là
Ma soeur
Ta pyramide.
La tienne,
À partir de
Rien.
De rien n’oublie pas
Ton courage,
N’oublie pas
Ton combat.
L’impuissance ne t’est plus
Depuis bien longtemps
Collée aux basques.
Tu lui as dit
Coucouche panier
Avec autorité
Même si tu ne savais pas
Ni comment
Ni vers quoi.

Alors,
Rouvre les yeux,
Hors de ton petit carré désert
Prison mesquine
Qui voudrait
La peau d’une
Cléôpatre.
Les conquérantes aussi
Ont besoin
De repos.
Maintenant,
Assise en tailleur
De yogi,
Contemple ta pyramide
Aux mille couleurs.
Tu as saisi
Les pierres
De tous les sols,
Toutes celles
Que personne
Ne voyait,
Tu les a fait
Briller
Et tu as enchanté
Ta tour.

Emerveille-toi !
Et chasse les
Barreaux qui poussent
Ou
Repoussent,
Même des terres les plus
Infécondes,
Ces salauds !
Les prisons n’ont pas
De patrie,
Tu le sais mieux
Que quiconque.
Mais aucune cage
N’aura plus
Jamais
Raison
De ta vie.
Tu l’as promis
Dans toutes tes
Fois,
Dans toutes tes
Langues.

Emerveille-toi
Autant que tu
Emerveilles
Ceux qui t’admirent
En silence.




lundi 23 juillet 2018

Les Guerriers de l'Ombre

Au fil des mois, mon univers se referma sur ces deux socles inédits, comme sortis de terre en même temps que moi-même. Car en effet, l'existence précédente tenait et tient toujours lieu de vaste farce fantomatique. Je n'étais rien avant.
Beka et Aaron avaient cela en commun, que l'on ne percevait certainement pas de prime abord, (qui les aurait rapprocher?) d'être des guerriers de l'ombre. La formule est solennelle. Elle peut le sembler trop. Pourtant, elle l'est autant que nécessaire. Il ne s'agit pas d'une petite guerre d'ado qui crisouille. Il s'agit, comme je l'ai déjà dit et redit, de la guerre qui fait qu'on survit ou qu'on choisit entre la mort ou la folie. Pas d'exagération. Pas d'emphase ici. Juste ce dont on ne veut pas parler parce que ce n'est pas joli à penser ni à dire. Non ce n'est pas joli. Non ce n'est pas sympa. Mais qui dit que la vie est sympa ? Pur ces deux-là en tout cas, elle avait été véritablement impitoyable et ils n'avaient eu d'autres issues pour rester dans le coup que de devenir des guerriers de l'ombre. Ils n'en avaient pas l'air, c'est bien le principe de l'ombre. Ils avaient l'air comme les autres. Ils maniaient à merveille l'art de se fondre dans le désir de l'autre et de lui répondre ce qu'il attendait sans que l'autre n'en ait l'impression. De lui donner ce qu'il attendait tout en lui faisant croire qu'il lui résistait. A cet âge-là, donner est l’œuvre d'un faible et non d'un généreux. Si l'on ne résiste pas, en tout cas le jouer et sauver sa peau. Ils étaient en cela de parfaits acteurs. Bien sûr qu'ils avaient l'un comme l'autre de fortes personnalités. Peut-être trop fortes pour notre âge et que quoi qu'il en soit, ils n'avaient pas eu d'autre choix que de l'enfouir pour avancer dans le clan des humains. Aussi, peut-être que cela les a préservés eux comme moi de la folie et d'une colère tellement puissante qu'elle aurait souffler le monde mieux qu'une nucléaire.
En tant que guerriers de l'ombre, Aaron et Beka étaient foncièrement des solitaires. Ils accrochaient le peloton quand il le fallait mais moins que la moyenne et sans plaisir apparent. Je n'en percevais pas pour ma part quand je les observais en groupe. Chacun à sa manière, ils se forçaient à danser la chorégraphie imposée, avec adresse, je ne pouvais pas le nier et je l'admirais même, mais ils y mettaient trop d'énergie pour que cela vienne d'eux-mêmes. Ils se contraignaient pour obtenir ensuite leur tranquillité. Des solitaires dans l'âme, faute d'interlocuteur peut-être, et des conquérants. Guerriers pour survivre, nous l'avons bien compris. Le malheur a eu sa place dans les lignes ci-dessus. Mais ils étaient déjà des guerriers à la conquête. Tout comme je menais ma croisade folle, ils menaient les leurs. Ils étaient des conquistadors solitaires. Non des massacreurs avides de pouvoir. Des diplomates nés. De ceux qui ne cessent jamais la lutte avant de l'avoir gagné, quel qu'en soit le prix et quelle qu'en soit la durée.Une patience carnassière.
Ils n'avaient rien de prédateurs. Ils pouvaient parfois s'en donner l'air. Mais ce n'étaient que des airs. Ils avaient en eux pourtant cette soif de revanche que leur avaient légué les proches nuisibles qu'ils avaient dû côtoyer. Ils en avaient fait leur miel et quand ils avaient une idée en tête, nul n'aurait pu les en détourner. Ah ça ils vous auraient écouté leur expliquer ceci cela et que ce serait mieux comme ça. Ils ne vous auraient pas interrompus. Ils ne vous auraient surtout pas interrompus. Aaron vous aurait gratifié d'un sourire étincelant. Beka vous aurait lancé un regard de biche. Et ils vous auraient tous deux sans aucun doute répondu : « oui pourquoi pas. Mais je vais faire comme j'ai dit. » Et il ne restait plus grand-chose à dire puisque tous les arguments avaient été avancé d'un coup. Ils étaient fin stratèges et savaient déjà laisser l'autre se délester de toutes ses cartes et attendre qu'il en soit démuni pour abattre la sienne. Une seule mais sans appel.
Ils pourra ou pourraient leur sembler, à eux Aaron et Béka, étrange d'être mis dans le même panier comme on dit. Ils pourraient se récrier. Je ne parle en vérité que de ce que je pouvais et peux comprendre d'eux. Je ne prétends pas en avoir compris les arcanes les plus secrètes. Je les ai connus comme personne dans ma vie, dans une intimité silencieuse qui jamais ne se répète. Mais je reste inobjective et ce sont mes yeux qui ont vu et voient toujours ces deux êtres appartenir à cet ordre des Guerriers de l'Ombre, diplomates en puissance. Je crois que l'avenir me donna en partie raison mais j'espère ne pas les offenser en affirmant avoir tout compris. Je n'ai et personne ne devrait avoir cette prétention répugnante de penser connaître quelqu'un. Personne ne connaît personne et il n'y a pas de remède à cela si ce n'est l'empathie et le respect. Toute réclamation sera en tout cas entendue si les intéressés en éprouvent le besoin.

Anne-Laure Bondoux, Le temps des miracles, Editions Bayard Je Bouquine

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La fabuleuse Gomme-fée

Je rêve
Soleil flambant
Comme neuf
D’effacer
Toute l’histoire,
Cette farce bouffonne
Et
Toujours
Crevassante.

La main saisie
De la
Fabuleuse
Gomme-fée,
Je nettoie
Poisson
Grand nettoyeur
Lécheur de vitrines
Javel
À toute épreuve.
Même le temps
N’a pas raison de la
Gomme-fée.
Elle est grande,
Beaucoup trop
Pour ma main
De simple
Homo sapiens.
Elle a la taille
D’une patte d’éléphant.
Je ne commence pas
Par la fin,
Je ne commence non plus
Au début.
Je commence par
Les lézardes de lave,
Bouillonnantes
Et tordues.
Je gomme
Jusqu’à la plus petite
Nervure.
Puis vient le gros
Oeuvre :
Éradiquer la mer,
Toute la mer
Et retrouver
Le vierge.
Passe après passe,
La Gomme-fée
Oublie tout.
Je la glisse dans
Tous les recoins,
Tous les pans même
Lisses et propres.
Elle doit
Finir
L’histoire.

Je ne regarde que
Le soleil flambant
Neuf,
La nuit,
Je baisse les yeux
Pour ne pas
Sentir
Peser les
Etoiles.
Je suis sans passé,
Sans mémoire,
Prête à tout.
La Gomme–fée
À défaut de
Fouet façonneur
De festin.
Parce qu’aucune recette
N’a fait de ma farce bouffonne
Une fable vivante.


samedi 21 juillet 2018

À toutes jambes

Dos au matelas,
Les jambes cessent
La gigotaille,
Petits spasmes
Supportables.
Des jours qu’elles
Appellent
Sans réponse.
Le jour,
Plus libres
Marchons
Courons
Allons enfants
Pas besoin de patrie
En revanche,
Elles s’en contrefoutrichent.

Elles agacent.
Taisez-vous bordel !
Tapage nocturne
J’appelle les flics !
Mais elles
S’agacent.
Elles sortent
Les nerfs,
Claquent,
Giflent,
Pour tous les
Prisonniers
Entravés.
Prêtes à donner des
Coups.
Prêtes à balancer
Tous leurs
Pieds.
Honnir ce lit.
Honnir ce nid.
Honnir ce trou.
Elles tremblent
Pour pas crever
Bordel !
De ces quatre murs
De fier sédentaire.
Pas de peur,
Pas de douleur.
Mais pédaler !
Pédaler dans un
Lit immobile
Pour voyager
Quand même.

Un jour,
En pleine nuit,
Alors qu’elles ne
Sauront plus
S’apaiser,
Elles sauteront
Hors du nid,
Furieuses
Folles de cette attente
Incomprise.
Elles sauteront
Sans un bruit,
Légères comme des plumes,
Gaies comme des pinsons,
Ridicules de bonheur,
Elles prendront leurs cliques
Et leurs clacs,
Elles fonceront
Quitte à marathoner
Jusqu’à la gare,
En pleine nuit,
N’importe où,
Elles monteront dans le
Premier
Et elles en surgiront
Quand il s’arrêtera
Vers leur
Aéroport.
Tout sera simple,
Elles auront droit d
Tout courir.
Elles devront se tenir
Tranquilles
Pourtant dans
L’avion ronron.
Elles ne dormiront pas.
Elles courront dans leur tête.
Dès que les portes
S’ouvriront,
Elles dévaleront
L’escalier au tarmac
Et danseront la polka
Comme des bonbonnées
De vodka,
Bousculeront
Tout le monde,
Il n’y aura plus qu’elles.
Elles traverseront
Flash sans back
Disjoncteuses de radars
Les frontières
Absurdes.
Elles seront
Stoppées net par la
Moiteur brûlante de Séoul,
Enivrées folles par les
Parfums paradis de Saint-Denis,
Asphyxiées claque par la
Bise stalactite de Stockholm,
Abattues molle par la
Chaleur sans âme de Sanaa
Vivifiées tendre par l’
Air pacifiquin de Seattle,
Étonnées étroitement par les
Montagnes cerclées de Santiago.
Et elles ne feront que commencer.
Reste tout
L’alphabet,
Le monde entier.
Elles tremblaient de
Leur liberté.

vendredi 20 juillet 2018

Quand les grands gens sérieux tombent les yeux d'enfant

Les gens sérieux.
Visage placide
Sévère
Sans âme
Banquier
Comptable
Médecin
Notaire.
Plongeons donc dans
Les clichés,
Ils ont un fond de vérité.

Les gens sérieux,
Des hommes ou femmes,
Pas de sexisme.
Ils sourient
D’intelligence
D’ironie
D’intérêt.
Ils sourient des lèvres.
Les yeux
Restent
Secs
Et
Mats.
Le nez ne bouge
Pas.
Frémir
N’est que de peur
Et encore
Sans un
Pli
Sans un
Cri.
La peur de perdre,
Entendons-nous.

Ces gens sérieux,
Politiques
En premier lieu,
Rois de cette savane-là,
Sont des invivants.
Sauf
Les excités du bulbe,
Déconsidérés,
Par trop authentiques
Peut-être.
Mon Dieu les voilà
Déviants
Variants
Impré-
Visibles
Apparemment...
Goals volants
Voleurs,
Rien de nouveau sous le soleil.

Mais le plus fou
Fabuleux
Formidable,
Reste le jour où
L’homme sérieux
Laisse la chemise
Baver du pantalon,
Un coin en liberté
La cravate mollir
La veste est tombée
La première,
Et
Le corps en faire fi ;
Et le sourire
Enfin.
Le sourire qui
Bouleverse
Toutes les symétries
Apprises
Conquises
Exquisition
Déshumaine.

C’est peut-être
Juste un moment,
Quelques secondes,
Ou le temps d’une soirée,
D’une victoire
Qui fait sauter les
Bouchons
Les homme
Les femmes
Les costumes
Les bulles sont de sortie.
Et l’on rit
L’on rit de cet abandon
Débraillé
Braillard
Brouillon
Branlant
Bourré,
Pourquoi pas ? mais pas obligé.
L’on rit et l’on sent
Gigoter
Le gamin en gorge,
Comme un chat
En plus chatouilleux
Encore.

L’homme sérieux
S’est
Évaporé.
Évanoui.
Envolé.
On le regarde
Droit dans les yeux,
Dans tous son corps,
Sur tous ses gestes,
Jusqu’au bout des doigts,
Le bassin devant derrière qui
parle pour tous,
Et c’est un autre.
Le sourire n’a plus
Les mêmes dents
Ni lèvres.
Les joues ne rendent
Plus pareil.
Les yeux des inconnus.
Mais le gamin en gorge
Les reconnaît.
Ils se montrent
Là,
Toujours en éveil
Mais souvent interdits,
Ils tombent sous les feux
De la rampe,
En bord de scène,
De tout en haut,
Sans filet,
Ils éclairent tout
Pirouette en réception,
Bien plus l’habitude de la vie,
Que le bonhomme sérieux.
Les yeux d’enfant.



jeudi 19 juillet 2018

La folle des profondeurs

Elle danse
Toutes les
Gigues
Valses
Swings
Salses
Du coin.
Elle diagonale
De long en large
Du nord au sud
Ronde
Rosace.
Ses pieds encrés
Entrelacent
Arabesquent
Un message
Vaudou.
L’harmonie est
Insensée
Inhumaine
Galactique.
Elle ne s’arrête
Jamais.
Elle danse
Elle volte
Elle vire
Elle vibre
Elle se cambre
Comme un bébé
Diarrhéique
Comme un schiz’
Délireux
Comme un élu
De la transe
Comme une poupée
Diablique
Comme un épileptique
Détiré
Distendu
Hurlant aussi fort
Que Munch
Dit Le Cri.
Elle a la bouche
Cavernique.
Elle se remet d’aplomb,
Popotin évident,
Tape du pied,
Tourne la tête,
Son cou est hibou
Cliquetis
Marionnette.
Elle est
De toutes les fêtes
Dans toutes les têtes.
Mais parfois elle
Danse trop fort
Et son
Grand hurlement intime
Sort par les yeux.
Les tripes
Dribblent de
Douleur.
Elle a dansé
Trop loin.
La folle du peuple de
Nos profondeurs.

mercredi 18 juillet 2018

Toile Etoile

Que mes mots
Sonnent
Tonnent
Violent,
Résonnent
Et
Tremblent
Mes pairs.
Que mes mots
Haïssent
Ravissent
Bannissent
Frémissent
Et
Tissent ma toile.
Toiler
Et
Etoiler,
Travaux solitaires
Arachnoïdes
Poïètiques.
Mais
Toile étoile
Belles comme le jour
Belles de nuit
Nulles
Et
Non avenues
No future
Sans astronaute
Sans proie au piège.
Les toiles étoiles
Flétrissent
Sans compagnons,
De guerre ou
D’amour.
L’ennemi est aussi un
Sauveur.
Il ravive
L’éclat
Et resserre
Le tressage.
Les fils,
Les branches,
Toile
Etoile
Brillent
Et trouvent
Un nom
Pour ne pas
Mourir
Seule.
On a beau aimer ca...




mardi 17 juillet 2018

L'enfant poubelle

petite fille muette,
propre,
à quatre épingles,
souvent ridicule.
Mais rien là de
fatal.
petite fille muette
petite poubelle
à pattes.
enfant sans majuscule,
la plus invisible 
possible,
muette c'est parfait,
écoute les Grands
ils sont intelligents.
Encore plus Ridicules 
que moi mais avec
majuscules
les fumiers.
petite fille muette
fais-ci fais-ça,
fais un câlin,
fais un bisou,
hein tu m'aimes,
tu me remercieras,
tu verras
comme je suis bon pour toi !
comme tu as de la chance !
moi ooooh quand j'étais jeune…
ouvre la bouche
et zou,
poubelle !
oh oui bien sûr
vous pouvez vous aussi
petite mais costaude.
elle contiendrait 
les ordures d'un 
pays entier !
elle est formidable cette 
petite.
ouvre la bouche…
voilà…
et hop, dans le mile !
elle va l'avaler,
ne vous inquiétez pas,
elle avale tout,
même vos plus francs
étrons.
les couleuvres depuis longtemps
n'ont plus aucun
secret pour
elle. 
ma fille est 
la pou belle,
pardon, ma langue a fourché
vous avez compris.
je vous la prête mais bien entendu,
c'est gratuit,
et elle n'est pas difficile,
elle mange de tout
en plus d'attraper vos
déchets.
Honnêtement,
c'est très écologique.
elle ne paye pas de mine
mais c'est la
poubelle du siècle !
pas un mot plus haut que l'autre,
elle recycle toutes
vos ordures.
Bon,
c'est vrai nous en avons une
utilité
intense.
Donc si vous pouviez ne pas trop la
garder…
Après,
nos déchets s'accumulent
et voyez-vous,
cela ne nous arrange 
pas.
elle,
elle tend le bec 
comme un canard,
et pouf, 
ni vu ni connu !
Peur de … ?
Non elle n'est pas si grosse
vraiment
et pas d'odeurs
je vous jure.
c'est fantastique.
elle est heureuse en plus.
La poubelle 
I-
Dé-
À le.
Je vous l'avoue,
je me sens libérée
depuis qu'elle est née !
Un vrai soulagement.
Faites des gosses !
Vous verrez avec un peu
de chance.
Mais entre nous, c'est aussi une question
d'éducation.
Si besoin...





La Vache

Elle a d'immenses cils
de princesse,
longs comme des jours sans pain,
longs et mascaradés
par l'intervention du Saint-Esprit,
elle-même ne le
sait pas.
Elle a de grands yeux
doux,
grands de dessins animés
nippons
débridés
débrideurs.
Elle a les énormes yeux occidentaux
dont certains rêvent
que d'autres pleurent
maquillés à l'égyptienne.
Madame la Vache est
une belle qui
s'ignore.
Placide,
douce,
s'il faut courir elle s'y colle
et l'on en reste
baba.
Elle coure vite
la grande bête
machouillante.

Pourtant,
comme elle en bave
chez Monsieur le Français
la belle Dame
Vache.
L'on s'exclame
La vache !
évitant soigneusement d'être
vulgaire
m'enfin
l'on n'en est pas loin
quand même.
On l'expectore comme
une improbabilité.
Y a-t-il plus probable qu'une
vache
dans tous nos paysages ?
Alors pourquoi la cracher
comme une exception
presque grossière.
Ah oui, c'est une sacrée
costaude.
Mais jamais ne pète plus
haut que son
cul.
Elle ne fait pas la poule,
elle.
On peu s'imaginer
au lieu de taper du poing sur
la table,
lancer une vache à terre de toute notre
hauteur :
la vache !
Absurde et non-sens,
basta.
Mais bon, peut-être rejoint-on cette
fâcheuse idée
de lourde un peu
godiche ;
elle serait plutôt grande charpente
anguleuses
les fesses carrées mais pointues
et les pattes fines.
Tout ça parce que ce n'est pas une
nerveuse,
sauf de la queue batifoleuse ?
Sans aller jusqu'à la
somptueuse maigrichonne
Holstein,
au squelette acéré qui
pourtant
pourrait nous noyer sous
son lait,
pas d'obésitude en vue,
de rondeurs
bouliques
de la tête aux sabots.
Elle mange toute la journée
c'est vrai,
mais toujours la même chose !
que voulez-vous demander
de plus ?
Ecologique la fille !
et ce n'est pas du chewing-gum comme de
nombreux mal-intentionnés
at pour autant très sûrs d'eux
enseignants
le crient avec colère
dans leur classe
d'adolescents apathiques.

Tout ça,
c'est comme
T'es qu'une grosse vache.
Mais pourquoi donc ?
T'es qu'un gros bœuf,
jamais
La vache plein la tronche
oui elle a le gros pif.
Ok ok,
pour le nez aquilin
faudra revenir.
m'enfin tout de même !
elle n'est pas grosse
Madame la Vache.

On continue plus méchamment avec
les yeux bovins…
pas de sélection sexiste sur ce coup
mais ces beaux yeux-là
moi je les veux bien
franchement.
Ah bien sûr vous n'avez pas fait
Normal Sup'
quand vous avez des pis
qui pendent.
Mais est-ce ce qu'on vous demande ?
Bon alors !
Ca c'est trop injuste.

Le plus incompréhensible de tous
reste :
Quelle vache celle-là !

J'aimerais ne rien en dire
mais je ne suis pas là
pour ça.
Quoi que…
Bref,
que celui qui a assisté à la moindre scène
de cruauté d'initiative
bovine
se manifeste !
Personne ?
Non personne puisque
ce ne sont pas
pour ainsi dire
les plus grandes belliqueuses
du monde.
On les voit mal
kalachnikov en joue.
Sans doute
quand on me dit
que je suis
vache,
ce qui ne m'est pas adressé,
hormis par la bouche des
jeunes vieux et vrais vieux
et de quelques connaissances
de la bouche desquelles ne sort jamais
un tout petit
merde,
je dois prendre un air
qu'ils appelleraient
bovin.
Parce que je ne comprends pas
ce que la vache a à voir
la pauvre !
dans mon
intransigeance.

Là où les mots rattrapent sans doute
davantage
la réalité,
bon c'est quand
il pleut comme vache qui pisse.
Ici,
l'image parle,
fait rire.
Cependant, encore une petite
objection :
quelle vache irait se
soulager sur vous ?
Ca ne semble pas être
une pratique reconnue de
l'espèce.
Remarquez,
y aurait-il au Ciel
des vaches qui
nous pisseraient dessus ?
On ne sait pas
tout.

lundi 16 juillet 2018

Crack de livres

L'ami
l'aimant
me sourit et
joyeux
montre du doigt
qui la petite boutique,
qui l'énorme librairie,
qui le simple rayon.
Joyeux
et moi les yeux cois,
car il elle se contrecarre
ou se fout gentiment
des livres ;
pas de vocation
pas de caprice biblique
en vue ;
mais elle il est si
gaigai
car sait
que mes mains vont
claper
que mes mires vont
briller.
Il ne m'en faut pas plus
pour que la rage
me prenne.
Le manque monte
mine
creuse
craque
tout
et lutte comme
une camée
stade quatre
pour conjurer le
cinq et
contrarier
l'addiction.
Je respire,
je ferme les yeux,
je passe sans un mot,
le cou bien recte.
Mais
des images de
saccages
de
pillages
de brassées
illégales de
livres
accumulées,
de
carnages livresques,
cruelle et carnassière,
j'éjecte le premier qui
m'empêche
avec la force des
vrais accrocs.
Je catapulte
tous les jolis comptoirs
bien alignés.
Je crée une
mer de livres
dans laquelle je
m'écrase
sans fracas,
ils sont tous là sous
à côté
devant
derrière,
et caquète
comme une folle
en plein trip.
En vrai,
je modère mes
ardeurs
et me contente d'un
"Vaut mieux pas, je vais tout acheter."
Un dernier flash
me traverse :
les crocs luisants,
je sucerai le sang
de ces livres
la nuit venue.

dimanche 15 juillet 2018

On a tous un grincheux

Il grogne,
il muffle,
il ronfle,
il ronche
il chonche,
plus souvent il que
elle
quoi que,
quoi que !
déformation myopique
qui ne voit que de près
avant de
se retrouver presbyte,
la peste de l'époque
les yeux pleins de buée.
Disons il,
simplif'.
Jamais aimable,
jamais courtois,
jamais d'accord.
Surtout non que non !
jamais d'accord.
C'est l'ours mal léché du coin,
le mal baisé,
le schtroumpf Grognon,
le nain Grincheux.
Qui n'a pas le sien ?
Chaque famille
et chaque village,
de tous les temps,
de toutes les œuvres.
Il se cache derrière ses sourcils
broussailleux.
s'il n'en a pas,
pas de chance,
il y a toujours un
bien-aimé couvre-chef
remarquez.
Il se cache,
on ne voit pas ses yeux.
Qui regarde ses yeux ?
De toute façon,
il ne les livre pas.
ils sont sa perle
rare,
son précieux secret,
ils virevoltent,
sautent du coq à l'âne,
ils sont insaisissables.
Ces yeux-là,
il faut avoir la patience
de les
attendre
immobile et
patte blanche.
Alors le petit miracle
peut
éclater
et les pupilles se posent
entre les vôtres :
ils sont clairs
ou foncés,
cela n'y change rien,
ils sont faits de
velours.
Ils sont ourlés dans de grands cils
de biche,
faciles comme dans du beurre.
Ils ne sont pas
fragiles.
Ils sont moelleux.
Comme un chamallow
mais pas rose !
bien attention à cela !
L'ours mal léché du coin est
le plus tendre d'entre
tous.
Depuis la nuit des temps.
Sa confiance est
sacrée
et sans rondeur.
Mais elle n'a ni lieu ni âge.
Elle est de toutes
les aventures
et quel qu'en soit le
prix.
Il grogne,
il muffle,
il ronfle,
il ronche
il chonche.
Et il fait croire la main de fer,
il faut bien donner le change,
mais c'est en vrai
un nounours d'antan
qui ronronne 
sans un mot.


samedi 14 juillet 2018

Pierre Lemaître, Les couleurs de l'incendie, Editions Audiolib

Bien sûr, un livre lu par son auteur respire du souffle parfaitement adéquat.
Ses contemporains disaient de Proust que sa prose reflétait son phrasé d'asthmatique. Encore faut-il l'avoir connu ou le savoir pour en effet entendre le chuintement et les pauses imposées par le corps haletant. Cela ne peut se deviner. Puisque chacun lit avec son propre rythme et ses propres respirations. Pierre Lemaître nous offre en prêtant sa voix et sa tonalité si particulière le rythme et le souffle avec lesquels il a écrit Les couleurs de l'incendie. Vous me direz que c'est l'objectif de la lecture par l'auteur lui-même. Certes. C'est indéniable. Mais la voix de l'auteur n'est pas toujours aussi accessible, aussi évidente. L'on peut tâtonner quelque temps avant de savoir sur quel pied danser. Ici, l'ambiance est clairement posée. La voix de Lemaître plante le décor et l'éclairagiste, l'ingénieur du son n'ont plus qu'à remballer. L'on est embarqué ni une ni deux.
L'on parle du style de l'écriture. Il a fait couler de sérieuses quantités d'encre. Il ne paraît pas que l'objectif de Pierre Lemaître dans cet ouvrage tout comme dans Au revoir là-haut soit de se poser en novateur linguistique. Ce qui n'implique pas qu'il partagerait son style avec quiconque, puisque cela est tout simplement impossible. Son style est à lui, oui. Mais pas d'entreprise stylistique à proprement parler. Semble-t-il. Peut-être qu'il me contredira sur ce point. Mais lorsqu'on entend Pierre Lemaître lire son ouvrage, le style est bel et bien là. Pas dans les formulations ou dans la suite des mots. Dans leur façon d'être dites, dans sa façon de les dire et de leur donner vie. C'est là qu'il impose son style. L'interprétation de son propre livre par l'auteur m'a donné l'impression de faire partie du livre lui-même et j'ai pensé qu'il serait idéal de toujours pouvoir entendre la voix de celui qui a tracé les mots. L'on peut après cette écoute se rendre compte que ne pas entendre l'écrivain raconter son œuvre nous prive d'un élément de style notoire. On pourrait affirmer que la voix de l'auteur et la nôtre, celle de lecteur, ne peuvent pas coexister. Je ne vois pas la difficulté. Les subjectivités se rencontrent et peut-être justement que notre véritable voix, physique, charnelle, même tue car astucieusement inhibée par notre formidable lobe frontal, se réveille et vient enrichir la voix intérieure de la lecture. Les neurologues pourraient développer sans doute considérablement cette réflexion embryonnaire.

Venons-en à la matière des Couleurs de l'incendie. C'est un univers à lui seul qui ne branle pas. Solide, dans lequel le lecteur peut plonger en confiance. Le narrateur est sûr et nous guide dans ses eaux. Il nage dans son élément et l'on se laisse entraîner quoi qu'on en dise, pris dans le conte. Il connaît ses personnages, il n'en dévoile pas tout. Il préfère nous les faire voir parler et agir pour que l'on en comprenne les rouages. C'est une vraie vie qui s'agite là. Et le narrateur rit de son propre récit car l'humain prête à rire et qu'il nous le fait bien entendre.
L'on retrouve comme un ami de longue date la fresque sociale classique de nos grands Zola et Balzac. J'ai beaucoup pensé à Balzac et aux tableaux qu'il dresse de sa société derrière une plume ironique en écoutant ce roman de Pierre Lemaître. Il y a en effet ce calme dans la narration, ce fleuve tranquille qui pourtant brasse des drames. Mais la lecture en est à coup sûr un plaisir, une baignade sans noyade, méditerranéenne, aussi agréable que cela... Une petite mer plutôt qu'un fleuve oui c'est cela. Une petite mer, grande car mer mais pas océanique, qui ne touche pas aux limites, qui ne nous déclare aucune guerre. La guerre est celle que mène les personnages.
Justement les personnages sont gros, presque enceints d'Histoire et d'autres personnages qui les ont précédés dans leurs livres. Toute une littérature serait comme contenue dans Les couleurs de l'incendie. Les personnages sont pourrait-on dire archétypaux mais ce n'est pas rendre hommage à leur vivacité que de les figer ainsi dans un rôle connu et reconnu. Parfois l'on sait à qui ils nous font penser et s'ouvre l'intertextualité qui permet tous les possibles : André Delcourt serait Julien Sorel, Paul Péricourt l'enfant maudit qui prend sa revanche sur la vie etc. Parfois on l'ignore. Mais l'on entend bourdonner le chant des personnages croisés et suivis lors d'autres lectures, certaines très vieilles.
Le personnage de Madeleine est particulièrement captivant et c'est bien elle l'héroïne modeste de toute l'histoire. C'est elle qui se révèle comme on ne l'aurait jamais crue et qui se battra bec et ongles jusqu'à la mort s'il le faut pour protéger son nom et son enfant. Comme dans les innombrables romans théâtres des grand huit des ascensions et déboires sociaux de leurs protagonistes, Madeleine et Paul en premier lieu mais aussi André et Gustave, Léonce, nous donnent à voir, une fois de plus s'il en était besoin que l'apparence et la place sociales ne valent qu'en elles-mêmes. Elles servent ou freinent les ambitions mais que jamais elles ne traduisent le vrai Je tapi derrière elles. C'est le conte et son conteur qui le font, pas la soi-disant réalité, sociale.
L'on ne geint pas. L'on ne se pâme pas. L'on observe les acteurs jouer leur existence, dessiner leur trajectoire et construire leur avenir, sans en avoir conscience. L'on rit avec le narrateur et son ironie discrète. On ne les aime pas vraiment tous ces personnages. Il ne s'agit pas de s'y retrouver ou de s'y attacher. Ils sont à observer. En entomologiste raffiné. Souvent le sourire aux lèvres.
Tout en calme et justesse.

vendredi 13 juillet 2018

Dragon désir

Le désir bout
Et à terre
Se tait,
Il tourne en rond
Dans son bocal,
Grand dragon
Réduit à
Poisson rouge.
Toute ma considération pour
Messieurs et Dames Les
Poissons rouges
Mais le désir
Guerrier
Conquérant
Combattant
Déchiqueteur
De territoire,
Davantage
Gros croco
Grand dragon
Rien à dire de plus !
Merde alors !

Le désir
Étouffé,
Il pourrait voler
Proprement,
C'est un vrai dragon
Et que ceux qui disent que cela n'existe
Pas
...
Oh qu'ils se taisent eux aussi !
Ce sont eux qui font
S'enterrer le
Dragon-désir !
S'encapsuler,
Se draper dans ses immenses ailes
Jusqu'asphyxie.

Mais la grande bête
Ne peut
S'éteindre.
Blessée immortelle.
Elle ralentit,
En grotte,
Elle diffuse son feu.
Elle brûle de l'intérieur
Et le corps
Comme une vieille sorciere
Increvable
Se couvre de
Pustules
Suppurantes.
La lave du
Dragon désir
Bave
Par tous les pores.
Impossible poisson rouge.




jeudi 12 juillet 2018

Renverser l'univers

Faire valser le monde
d'un revers de main
forte comme un bœuf
herculéenne,
horizon absolu
toutes les voies
vierges 
à ciel et tombeaux 
ouverts
rouler à quatre mille pneus
courir à mille mille pattes
voler de toutes les ailes,
tous les avions du monde 
attendent,
prêts à toutes les
destinations.
Plus rien ne bouche
la vue
la vie,
tous les avions du monde
et les bras d'abord ballants
débiles tout mous 
trop l'habitude 
d'étriquer
puis en jésus
accueillants stupides
charité chrétienne
et blablabla
mais non mais non !
pas du tout !
c'est moi qui
vais faucher
tout l'univers,
de grands coups de bras
de droite et gauche
et amasser
toutes les richesses
à nu,
leur grotte s'est écroulée,
le sésame explosif
a tout catapulté
ou bien était-ce
la mienne,
ma grotte,
confortable de peurs et de 
règles :
qui était plus caché que l'autre ?
tous mes oiseaux turbos
truffe au vent,
naseaux alertes,
l'œil chasseur,
dans les starting blocks,
l'incroyable
à portée
de main.


Grand voyageur

Exilé
autoproclamé,
en bottes de sept lieues,
de villes en déserts,
vu de la lune,
une vraie puce
qui saute qui saute qui saute
sur sa baballe bleue.
15 ans,
il s'est fait la malle,
sac au dos (question pratique),
il a calmement
fermement dit au
revoir ou pas
à tout le monde.
Et il est parti
dans son 1er avion.
Tous les autres
cois
sur le cul
cons
disons-le.
Certains pleurent,
pas forcément la mère,
il y a des mères qui ne pleurent
pas,
même l'enfant en vayance.
Lui,
depuis ses 15 ans,
il saute,
grimpe,
nage,
rampe,
dort,
aux quatre coins du monde.
Il veut
avant la mort
avoir tout vu.
Il rêve qu'il veut.
Il s'exile
encore et encore,
toujours ailleurs,
toujours peut-être
chez lui.
Il traverse
les coulées
lave
terre
les chutes
pluie
vagues
les horizons
dunes
mer
les murs
roches
glace.
Il transperce,
respire de l'entraille
chaque sol.
Il s'ancre,
s'y laisse
envelopper.

L'exilé
l'oiseau
à tire-d'ailes
de miette en miette
de monts en vaux
le bec au vent
la tête nerveuse,
jamais entre les mains,
jamais niché,
toujours glissant
filant
volant ou
sautillant,
véloce,
partout ailleurs
toujours ici,
l'exilé
peut-être
le plus terrien
volatile.