vendredi 27 avril 2018
Jean-Claude Moulevat, Jefferson
https://www.actualitte.com/article/livres/jefferson-herisson-detective-le-miroir-de-la-fable/88587
mardi 24 avril 2018
Éric Todenne, Un travail à finir, Editions Viviane Hamy
https://www.actualitte.com/article/livres/fantomes-du-passe-ou-espoirs-a-venir-cherchez-et-vous-trouverez/88544
A nu, à vif
L'on
prend ses
mille
courages
à
mille mains,
les
doigts clignotent
les
poignets roulent,
les
pieds s'installent
et
tournicotent
comme
le chien qui
ronde
1,
2, 3, 4, 5
sur
son panier
dodo
coincoin,
avant
de
se
lover en
sécurité.
Mais
l'on n'est pas un
toutou,
juste
tout comme
avant,
non
de se coucher
mais
de se
décacheter.
L'on
s'ouvre et
l'on
ôte l'enveloppe,
les
masques,
tous
les habits,
les
uns par-dessus
l'autre,
année
après année,
oignon
humain
bien
au chaud
que
seul
météorite
ou
le
monde tête en bas
pourrait
désarçonner.
Les
couches et
recouches
repoussent
et
protègent.
Voilà
donc cet
instant
où
l'on
met bas
les
masques,
l'enfant
qui se cache
sans
doute,
ou
pas :
qui
se cache
oui !
Mais !
peut-être
pas
l'enfant.
Peut-être
le vif
du
fin fond
seulement.
On
le met à jour et
le
vif
est
mangé d'un
trou
noir.
Cramé.
Craqué.
Crevé.
Le
vif
du
fin fond
est
loinloin
couché
dans
les
entrailles,
sous
les couches autant qu'il y a
d'années.
Bien
sûr qu'on
le
recouvre
et
qu'on recommence
encore
et encore
ce
qui semble
insensé,
ces
bêtises humaines,
ces
colères,
ces
folies,
ces
beuveries,
insensées
mais
qui cachent
adroites
le
trou noir
du
vif du
fin
fond.
Le
trou noir est
indécrottable !
C'est
un trou noir enfin !
Vous
ne savez donc rien
de
ces affreux-là !?
« Débarrasse-t-en ! »
s'exclame l'ami.
Quelle
drôle d'idée !
Il
se pourrait… ?
Il
se pourrait que le… ?
Alors
chaque année,
le
vif grandirait,
sans
couche
à
renvelopper
rerenvelo...
rererenve…
Le
vif
ne
serait plus
la
honte
la
haine
handicapeuses.
Le
trou noir
dans
un coin,
tout
petit coincoin
ou
très loinloin,
ou
plus point rien.
Youpif !
Le
vif
et
grand soleil.
samedi 21 avril 2018
Benedict Wells, La fin de la solitude- Editions Slatkine et Cie
https://www.actualitte.com/article/livres/freres-et-s-urs-intimes-etrangers-mondes-imparfaitement-paralleles/88499
mardi 17 avril 2018
Le grand vélo du tous les jours
Le
tous les jours
est
un grand vélo.
Une
immense bicyclette,
qui
roule tout autour
de
la terre.
Deux
roues
comme
son nom l'indique
pratique,
étroites
comme
Tour
de France
mais
tour du monde
tous
ensemble
chaque
jour.
Chacun
maillon
de
la chaîne.
Chacun
morceau
du
cadre.
Chacun
rayon
du
cycle.
Chacun
tout petit bout
de
l'entier.
Le
grand vélo
du
tous les jours
sur
une nouvelle piste
flairant
le nouveau
trip.
La
terre et sa myriade
de
pistes
infinies.
A
chaque soleil et chaque lune
ses
hauts et bas,
ses
est en ouest,
montagne
et mer,
pas
de caprice,
désert
et jungle tropicale,
tout
y peut
passer,
toutes
les routes passent
par
tous.
Et
puis,
à
côté,
roulottent,
roulettent
russement,
pas
sûrs de rien du tout,
les
petites bicyclettes
dépareillées.
Pas
des morceaux du tout
entier.
Des
minicycles
éparpillés.
Ne
parviennent pas
à
rouler
dans
le même sens
ou
même
cadence
ou
tous
ens-
emble.
Les
désossés,
les
désaxés,
les
désertés.
Ils
ne prennent
jamais
la même
route,
ne
suivent pas la même
piste,
ne
flairent pas les mêmes
airs.
Ils
ont chacun leur
minicycle
et
près
du précipice,
trois
fois la distance,
épuisés,
au
bord de,
non
à bord.
Les
cyclistes
d'à-côté
ont
raté
le
premier
chargement
dans
le grand vélo
du
tous les jours
et
ne rattraperont
qu'en
faire semblant,
tout
petits
là
juste
à côté,
faux
dignes
prêts
à
rouler
boulets
du
tous les jours.
lundi 16 avril 2018
Darina al-Joundi/Mohamed Kacimi, Le jour où Nina Simone a cessé de chanter - Editions Actes Sud (janvier 2008)
Liban, coincé entre toutes les parties de cette guerre qui ne cessera donc jamais !
Liban hétéroclite.
Liban mosaïque de confessions et croyances.
Liban rattrapé par une haine collante, prédatrice.
Liban si beau de ce kaléidoscope de fois n’a pas droit à cette tolérance.
N’a plus le droit et se soumet car la tolérance est dangereuse.
La tolérance devient un extrémisme.
Le monde est sens dessus dessous.
Les images normales qui collent à la peau une fois la lecture achevée, de ces rues bombardées, de cet appartement troué en son plein milieu, de ces chants d’armes lancinants, les mitraillettes qui bercent et les bombes qui endorment, au loin. Comme les chants d’oiseau en été annoncent les heures du jour et rythme la vie. C’est ainsi que peut apparaître au lecteur le pays qui nous est ouvert dans Le jour où Nina Simone a cessé de chanter.
On connaît le Liban indirectement, trop peu, comme un acteur secondaire, un deuxième violon. Il prend ici toute son ampleur dans son Histoire retracée à travers les yeux, non pas les yeux ! Que dis-je ! À revers le corps tout entier de l’héroïne, son corps de fille puis de femme. La sensorialité est au coeur de ce récit et les yeux et leur intellectualité ne suffisent sûrement pas à le décrire. Darina grandit avec les bombes. Elle ne fait pas que les regarder et témoigner. Bien sûr que sa parole à valeur de témoignage et que le lecteur l’entend ainsi. Mais elle nous fait sentir ce pays et le tourbillon dans lequel il roule et danse. La guerre devient avec les mots de Darina un art de vivre, presque une addiction, une adrénaline permanente, jouissive au final pour ne pas en crever. La guerre semble comme un cocon, un étrange nid où la jeune femme trouve sa place. Elle y trouve aussi la beauté, la poésie. Et l’on écarquille les yeux parce qu’on ne peut pas comprendre si l’on n’a pas connu la guerre. On se contente d’assister au monde la tête en bas. L’absurde finit par poindre.
La tolérance est un extrémisme et la liberté d’une femme est une folie. On ne peut plus que fuir et c’est encore le plus courageux. L’on mesure comme la folie n’est qu’affaire d’interprétation sociale et éducation, parfois. Quand le réel partagé reste le même, que le délire n’est pas de mise, l’individu à enfermer ne fait que dépasser une limite arbitraire. Il en va de même dans chaque société mais on ne le perçoit que dans les autres que la sienne propre. La société et sa culture ont raison de nous le plus souvent. Pas de Darina qui ne se plie à aucun diktat et reste fidèle à son père féministe.
Darina et son père entretiennent une relation qui ne peut qu’interpeller. Elle est son étendard de liberté et son amazone. Il l’entraîne à combattre sans relâche le monde tête à l’envers qui ne pense plus et guerroie, il ne sait même plus pour qui pour quoi. Contre la difficulté d’accepter l’étranger et l’insoumis sans aucun doute. Pour la simplicité d’une pensée binaire, machinale, (s’agit-il réellement d’une pensée d’ailleurs ? On dirait plutôt que le pulsionnel dicte l’animal qui n’est plus social.) et apaisante de bêtise. Ce père féministe, en aucun cas émasculé, est un personnage extraordinaire qui veut faire de sa fille une femme extraordinaire. Où et quand a-t-on vu un tel père ? Dans nos sociétés soi-disant libérantes ? Qui a lu ou vécu un tel père ? L’amour qui lie ces deux êtres est désarmant. Une intimité qui fait de cette jeune femme la continuité véritable de son parent. Elle le porte en lui. Il l’a façonnée en lui interdisant les interdits insensés, en lui louant la douce folie de la pensée libre. Sa mère donne l’exemple. Mais c’est bien le père de Darina qui s’insurge haut et fort pour ses filles et par là même pour la cause des femmes. Mais Darina n’est-elle pas aussi prisonnière de cette exigence de liberté qui la définit ? Elle ne peut jamais baisser les bras ni se reposer. C’est ce qui en fait une héroïne pour sûr. Est-on si libre de devoir être libre ?
Rien que pour ce portrait de père, l’homme féministe, Le jour où Nina Simone a cessé de chanter est à découvrir. Un autre monde, une autre vie. Des choix cruciaux, à chaque coin de rue. Ce livre est à lire en ces temps où le monde arabe brûle et doit nous interroger encore et encore dans toute sa complexité.
Liban hétéroclite.
Liban mosaïque de confessions et croyances.
Liban rattrapé par une haine collante, prédatrice.
Liban si beau de ce kaléidoscope de fois n’a pas droit à cette tolérance.
N’a plus le droit et se soumet car la tolérance est dangereuse.
La tolérance devient un extrémisme.
Le monde est sens dessus dessous.
Les images normales qui collent à la peau une fois la lecture achevée, de ces rues bombardées, de cet appartement troué en son plein milieu, de ces chants d’armes lancinants, les mitraillettes qui bercent et les bombes qui endorment, au loin. Comme les chants d’oiseau en été annoncent les heures du jour et rythme la vie. C’est ainsi que peut apparaître au lecteur le pays qui nous est ouvert dans Le jour où Nina Simone a cessé de chanter.
On connaît le Liban indirectement, trop peu, comme un acteur secondaire, un deuxième violon. Il prend ici toute son ampleur dans son Histoire retracée à travers les yeux, non pas les yeux ! Que dis-je ! À revers le corps tout entier de l’héroïne, son corps de fille puis de femme. La sensorialité est au coeur de ce récit et les yeux et leur intellectualité ne suffisent sûrement pas à le décrire. Darina grandit avec les bombes. Elle ne fait pas que les regarder et témoigner. Bien sûr que sa parole à valeur de témoignage et que le lecteur l’entend ainsi. Mais elle nous fait sentir ce pays et le tourbillon dans lequel il roule et danse. La guerre devient avec les mots de Darina un art de vivre, presque une addiction, une adrénaline permanente, jouissive au final pour ne pas en crever. La guerre semble comme un cocon, un étrange nid où la jeune femme trouve sa place. Elle y trouve aussi la beauté, la poésie. Et l’on écarquille les yeux parce qu’on ne peut pas comprendre si l’on n’a pas connu la guerre. On se contente d’assister au monde la tête en bas. L’absurde finit par poindre.
La tolérance est un extrémisme et la liberté d’une femme est une folie. On ne peut plus que fuir et c’est encore le plus courageux. L’on mesure comme la folie n’est qu’affaire d’interprétation sociale et éducation, parfois. Quand le réel partagé reste le même, que le délire n’est pas de mise, l’individu à enfermer ne fait que dépasser une limite arbitraire. Il en va de même dans chaque société mais on ne le perçoit que dans les autres que la sienne propre. La société et sa culture ont raison de nous le plus souvent. Pas de Darina qui ne se plie à aucun diktat et reste fidèle à son père féministe.
Darina et son père entretiennent une relation qui ne peut qu’interpeller. Elle est son étendard de liberté et son amazone. Il l’entraîne à combattre sans relâche le monde tête à l’envers qui ne pense plus et guerroie, il ne sait même plus pour qui pour quoi. Contre la difficulté d’accepter l’étranger et l’insoumis sans aucun doute. Pour la simplicité d’une pensée binaire, machinale, (s’agit-il réellement d’une pensée d’ailleurs ? On dirait plutôt que le pulsionnel dicte l’animal qui n’est plus social.) et apaisante de bêtise. Ce père féministe, en aucun cas émasculé, est un personnage extraordinaire qui veut faire de sa fille une femme extraordinaire. Où et quand a-t-on vu un tel père ? Dans nos sociétés soi-disant libérantes ? Qui a lu ou vécu un tel père ? L’amour qui lie ces deux êtres est désarmant. Une intimité qui fait de cette jeune femme la continuité véritable de son parent. Elle le porte en lui. Il l’a façonnée en lui interdisant les interdits insensés, en lui louant la douce folie de la pensée libre. Sa mère donne l’exemple. Mais c’est bien le père de Darina qui s’insurge haut et fort pour ses filles et par là même pour la cause des femmes. Mais Darina n’est-elle pas aussi prisonnière de cette exigence de liberté qui la définit ? Elle ne peut jamais baisser les bras ni se reposer. C’est ce qui en fait une héroïne pour sûr. Est-on si libre de devoir être libre ?
Rien que pour ce portrait de père, l’homme féministe, Le jour où Nina Simone a cessé de chanter est à découvrir. Un autre monde, une autre vie. Des choix cruciaux, à chaque coin de rue. Ce livre est à lire en ces temps où le monde arabe brûle et doit nous interroger encore et encore dans toute sa complexité.
vendredi 13 avril 2018
L'inconnu à lunettes
L’inconnu
Ôte ses lunettes,
Non sans mal.
Jamais il ne les quitte,
Jamais elles ne le quittent,
Qui sait qui fait quoi ?
Il garde
Bien baissée
La tête,
Les yeux à l’ombre
De leurs cils
Et de quelques mèches de
Cheveux
Câlines.
Il reste
L’inconnu
Quelques instants
Suspendus.
Je le regarde
Les yeux tout ouïe.
Ils savent
Que le moment est
D’or.
Il relève
Peut-être douloureusement
Le chef.
Il reste encore
Quelques instants
Suspendus
Les yeux bas.
Puis,
Le regard parfaitement
Clair,
Pas le moins du monde
Trouble,
L’homme à lunettes.
Il n’a jamais aussi bien
Vu
Ou bien alors
Il voit
Là
Ce qui n’a pas
Besoin
D’un oeil.
Je ne vois plus
Que ça,
Ses iris
Comme une ville
Comme une carte
Comme un vieux
Qui laisse l’Histoire
Le traverser.
Je vois
Ce qu’il cache
Jour et nuit,
Sauf peut-être
A la minute entre les deux,
Les yeux ouverts dans le noir
Qui se doit
D’être
Complet.
Mais personne ne les
Voit.
Les iris
Grandissent
Et l’inconnu n’est plus
Que
Deux énormes
Yeux
Qui jurent de
Ne dire que la vérité
Rien que la vérité.
Ils ne jurent rien.
Il suffit de les
Entendre
Raconter toute
L’histoire.
Je plonge en eux,
L’un après l’autre
Comme dans deux
Palpitantes
Géodes
Où le film repasse
Dès le
Commencement.
Je vois tout,
Tout ce qui reste,
Tout ce qui encre.
Sans ses lunettes,
Nu comme un ver.
Je ressors
Ébouriffée.
Combien de temps ?
Une année ou seconde,
Je ne peux rien
En dire,
Le monde est
Bouleversé.
L’inconnu s’est fait
Âme sœur,
Ineffable.
Il rechausse ses lunettes.
Mais rien n’est plus
Pareil.
Son visage,
Ses mains,
Tout son corps
Sont criblés
De cicatrices et
De peintures.
Grottes de Lascaut.
Grand brûlé.
Guernica.
Guerre vivante.
Il a pris corps.
L’inconnu
Est mort.
Ôte ses lunettes,
Non sans mal.
Jamais il ne les quitte,
Jamais elles ne le quittent,
Qui sait qui fait quoi ?
Il garde
Bien baissée
La tête,
Les yeux à l’ombre
De leurs cils
Et de quelques mèches de
Cheveux
Câlines.
Il reste
L’inconnu
Quelques instants
Suspendus.
Je le regarde
Les yeux tout ouïe.
Ils savent
Que le moment est
D’or.
Il relève
Peut-être douloureusement
Le chef.
Il reste encore
Quelques instants
Suspendus
Les yeux bas.
Puis,
Le regard parfaitement
Clair,
Pas le moins du monde
Trouble,
L’homme à lunettes.
Il n’a jamais aussi bien
Vu
Ou bien alors
Il voit
Là
Ce qui n’a pas
Besoin
D’un oeil.
Je ne vois plus
Que ça,
Ses iris
Comme une ville
Comme une carte
Comme un vieux
Qui laisse l’Histoire
Le traverser.
Je vois
Ce qu’il cache
Jour et nuit,
Sauf peut-être
A la minute entre les deux,
Les yeux ouverts dans le noir
Qui se doit
D’être
Complet.
Mais personne ne les
Voit.
Les iris
Grandissent
Et l’inconnu n’est plus
Que
Deux énormes
Yeux
Qui jurent de
Ne dire que la vérité
Rien que la vérité.
Ils ne jurent rien.
Il suffit de les
Entendre
Raconter toute
L’histoire.
Je plonge en eux,
L’un après l’autre
Comme dans deux
Palpitantes
Géodes
Où le film repasse
Dès le
Commencement.
Je vois tout,
Tout ce qui reste,
Tout ce qui encre.
Sans ses lunettes,
Nu comme un ver.
Je ressors
Ébouriffée.
Combien de temps ?
Une année ou seconde,
Je ne peux rien
En dire,
Le monde est
Bouleversé.
L’inconnu s’est fait
Âme sœur,
Ineffable.
Il rechausse ses lunettes.
Mais rien n’est plus
Pareil.
Son visage,
Ses mains,
Tout son corps
Sont criblés
De cicatrices et
De peintures.
Grottes de Lascaut.
Grand brûlé.
Guernica.
Guerre vivante.
Il a pris corps.
L’inconnu
Est mort.
Jean Teulé, Mangez-le si vous voulez, Editions Julliard (mai 2009)
Mangez-le
si vous voulez. Quoi ? Non qui ? dois-tu demander. Car
c'est bien d'un homme dont il est question. Un concitoyen. Un ami. Un
bienfaiteur. Sans histoires. Plutôt assez fade même. Un gentil
gars, c'est avec lui que le récit commence avec ce personnage, le
gentil gars. Peut-être même un peu niais... On se dit que ce que
l'on a lu et qui annonçait l'histoire ne doit pas le concerner ou de
loin. Il est sûrement secondaire dans tout ce drame. F'rait pas
d'mal à une mouche ! Qui lui en voudrait ? Alors, on part
confiant mais tout de même mal à l'aise parce qu'on sent le
traquenard quelque part. Pourquoi le narrateur nous parlerait si
précisément de lui d'emblée s'il était véritablement
insignifiant. Bon, prudent mais pas trop, moi lectrice je m'avance,
sans trop de bruit pour ne rien provoquer, pas trop vite non plus car
la fuite reste un très bon moyen de se protéger. Et même, est-ce
que je poursuis mon aventure dans ces pages ? Ai-je envie de
savoir ? Non, en toute honnêteté je n'ai pas envie de savoir.
Mais ma couardise me pique au vif et un regain de fierté me pousse à
continuer. Pour regarder les choses en face et parce que je sais déjà
que ce narrateur-là ne fera pas de cadeau. Il n'aura pas de pitié.
Pourquoi en aurait-il d'ailleurs ? Son récit est bien celui de
la cruauté pure.
C'est
une histoire d'une crudité douloureuse que met en scène Jean Teulé
dans Mangez-le si vous voulez. Sans
fard, dès les premières lignes il annonce cette simplicité. Au
fur et à mesure la simplicité prendra la forme d'une sécheresse
polie. Celle de la violence à nu, sans aucune raison, sans aucune
raison acceptable. Indigne. Répugnante. A vous donner des nausées.
Pourtant, pas de tangage maritime. La mer est d'huile. Mais le feu la
prend d'un coup en un cercle finement circonscrit, dans le temps,
dans l'espace, qui s'éteindra aussi vite qu'il a pris. Le politesse
des mots, leur raffinement d'époque, qui nous plonge d'ailleurs dans
ces temps qui ne sont plus les nôtres, rend le spectacle d'autant
plus ignoble. Le narrateur adopte un ton journalistique, neutre,
clair et net. Pas de lyrisme cathartique pour le lecteur qui
faciliterait l'épreuve. Ce dernier n'a qu'à avaler les mots et
faire avec. Chaque chapitre est précédé d'une carte qui donne à
voir où ont lieu les opérations et chaque étape du martyre
d 'Alain de Monéys, le gentil gars des premières lignes.
Cet
ouvrage nous met face à nous-mêmes et à notre manière de
supporter l'insupportable. Il nous met au défi de le lire jusqu'à
sa dernière ligne. Il suscite en nous écœurement et incrédulité.
L'on se dit au bout d'un moment que l'auteur exagère et que cela n'a
pas pu se passer ainsi, que l'Histoire n'a pas pas pu s'écrire
ainsi. Mais, cette incrédulité se dissipe quand la tension retombe
et alors, ce récit nous pousse à comprendre, chercher. Que s'est-il
passé ? Quelle folie s'est emparée de cette foule qui a sombré
dans l'innommable ? Le narrateur reste égal à lui-même. Il
n'offre aucune réponse, aucune porte de sortie facile. Il témoigne.
Et s'en lave les mains. Que nous doit-il en effet ? Lui en
vouloir ? Il est encore le plus honorable de tous.
Après
cette lecture, l'on saute sur le plus politiquement correct des
bouquins qui nous tombent sous la main, croyant apaiser la plaie qui
s'est ouverte. Mais c'est peine perdue. C'est la plaie que nous
cachons tous tout au fond de nous, la plaie de notre cruauté, de
notre impitoyable soif de vengeance, de notre folie, chaque jour
maîtrisée, contrôlée, bien en cage, mais bien vivante. Et
difficile après cette lecture d'imaginer que l'on est une exception
ou que ces gens-là, plus qu'ordinaires, en seraient. La cage a cédé
et la bête a mangé son même, son reflet, son mal. L'homme s'est
mangé lui-même. Et sa violence, véridique, n'est plus de l'ordre
du mythe. Il s'agit de l'Histoire et de nos pairs humains. Voilà nos
idées de jolie réalité remise en place : plongeon
spectaculaire dans le plus brûlant des enfers.
Lisez
et pour sûr vous en apprendrez sur vous, sans doute bien davantage
d'ailleurs que ce que vous n'auriez voulu.
mercredi 11 avril 2018
Où l on apprend le rôle joué par une epingle à cravate, Juan José Millás, Editions Plon
https://www.actualitte.com/article/livres/la-farfelue-et-virevoltante-resurrection-de-damian-lobo/88145
mardi 10 avril 2018
Les jours sans livre
Les
jours sans livre,
sans
feuille
sans
plume,
sans
bille,
sans
tip tap
du
clavier,
sont
des jours
le
nez dans
le
guidon,
la
truffe dans
le
bitume,
le
pif pas
en
l'air,
le
pif en plein
boum,
les
mains dans
le
cambouis,
la
tête au
carré,
règles
du réel,
face
contre
terre.
Les
jours sans livre,
sans
feuille
sans
plume,
sans
bille,
sans
tip tap
du
clavier
sont
des jours
sans
espace,
sans
envol,
sans
élan,
sans
avance,
vlan !
le plancher
des
vaches.
Quand
réapparaissent
livres,
feuilles,
plumes,
billes,
tip
tap
des
claviers,
les
ailes s'ouvrent
et
les pieds poussent
le
sol trop solide
pour
s'éventer,
s'évader,
s'évanouir,
s'évaporer
même,
et
mieux re-
venir
le
nez,
la
truffe,
le
pif,
purs
et
prêts à
flairer
tenter
tâter
frapper
le
pavé du réel.
mardi 3 avril 2018
Une vie minuscule, Philippe Krhajac : le “cœur giflé à la naissance” : la grande épopée d'un enfant minuscule
https://www.actualitte.com/article/livres/le-c-ur-gifle-a-la-naissance-la-grande-epopee-d-un-enfant-minuscule/87998
Jesse le héros, Lawrence Millman : voyage au cœur de l'enfant psychopathe
https://www.actualitte.com/article/livres/jesse-le-heros-voyage-au-c-ur-de-l-enfant-psychopathe/88142
Le silence et le rire
« et
donc après
blablabla
blablabla
bliblablo !
Tu
vois? »
Le
silence me répond
« Badaboum »
sans
un bruit.
Temps
d'arrêt,
sans
l'image
à
la recherche du son,
mais
toutes les
communications
sont
coupées,
plus
de 5/5 nulle part,
youhouuuuu !
Qui
est là ?
…
C'est
le loup.
Je
me réponds à moi-même
et
le miroir
du
silence
le
plus puissant
qui
soit,
digne
d'une Géode
ou
d'une gigantesque
boule
à facettes,
réflexion
éblouissante.
Le
menton se replie sur la gorge et
l’œuf
se referme.
Je
regarde mes pieds.
La
boucle est bouclée.
Auto-sens,
sens
coûte
que coûte,
décensurée
et
rire franc
avec
ma pomme.
Je
suis les autres
et
moi,
le
monde dans mon œuf
et
je peux rire
de
mon infortunée
solitude-surprise.
Robinson
ou Vendredi
ne
riraient pas,
eux.
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