vendredi 27 avril 2018

Jean-Claude Moulevat, Jefferson

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https://www.actualitte.com/article/livres/jefferson-herisson-detective-le-miroir-de-la-fable/88587

mardi 24 avril 2018

Éric Todenne, Un travail à finir, Editions Viviane Hamy


Actualitté
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A nu, à vif

L'on prend ses
mille courages
à mille mains,
les doigts clignotent
les poignets roulent,
les pieds s'installent
et tournicotent
comme le chien qui
ronde
1, 2, 3, 4, 5
sur son panier
dodo
coincoin,
avant de
se lover en
sécurité.
Mais l'on n'est pas un
toutou,
juste tout comme
avant,
non de se coucher
mais de se
décacheter.
L'on s'ouvre et
l'on ôte l'enveloppe,
les masques,
tous les habits,
les uns par-dessus
l'autre,
année après année,
oignon humain
bien au chaud
que seul
météorite
ou
le monde tête en bas
pourrait
désarçonner.
Les couches et
recouches
repoussent et
protègent.
Voilà donc cet
instant où
l'on met bas
les masques,
l'enfant qui se cache
sans doute,
ou pas :
qui se cache
oui !
Mais !
peut-être pas
l'enfant.
Peut-être le vif
du fin fond
seulement.
On le met à jour et
le vif
est mangé d'un
trou noir.
Cramé.
Craqué.
Crevé.
Le vif
du fin fond
est loinloin
couché dans
les entrailles,
sous les couches autant qu'il y a
d'années.
Bien sûr qu'on
le recouvre
et qu'on recommence
encore et encore
ce qui semble
insensé,
ces bêtises humaines,
ces colères,
ces folies,
ces beuveries,
insensées
mais qui cachent
adroites
le trou noir
du vif du
fin fond.
Le trou noir est
indécrottable !
C'est un trou noir enfin !
Vous ne savez donc rien
de ces affreux-là !?
« Débarrasse-t-en ! » s'exclame l'ami.
Quelle drôle d'idée !
Il se pourrait… ?
Il se pourrait que le… ?
Alors chaque année,
le vif grandirait,
sans couche
à renvelopper
rerenvelo...
rererenve…
Le vif
ne serait plus
la honte
la haine
handicapeuses.
Le trou noir
dans un coin,
tout petit coincoin
ou très loinloin,
ou plus point rien.
Youpif !
Le vif
et grand soleil.











samedi 21 avril 2018

mardi 17 avril 2018

Le grand vélo du tous les jours

Le tous les jours
est un grand vélo.
Une immense bicyclette,
qui roule tout autour
de la terre.
Deux roues
comme son nom l'indique
pratique,
étroites comme
Tour de France
mais tour du monde
tous ensemble
chaque jour.
Chacun maillon
de la chaîne.
Chacun morceau
du cadre.
Chacun rayon
du cycle.
Chacun tout petit bout
de l'entier.
Le grand vélo
du tous les jours
sur une nouvelle piste
flairant le nouveau
trip.
La terre et sa myriade
de pistes
infinies.
A chaque soleil et chaque lune
ses hauts et bas,
ses est en ouest,
montagne et mer,
pas de caprice,
désert et jungle tropicale,
tout y peut
passer,
toutes les routes passent
par tous.

Et puis,
à côté,
roulottent,
roulettent
russement,
pas sûrs de rien du tout,
les petites bicyclettes
dépareillées.
Pas des morceaux du tout
entier.
Des minicycles
éparpillés.
Ne parviennent pas
à
rouler
dans le même sens
ou
même cadence
ou
tous ens-
emble.
Les désossés,
les désaxés,
les désertés.
Ils ne prennent
jamais la même
route,
ne suivent pas la même
piste,
ne flairent pas les mêmes
airs.
Ils ont chacun leur
minicycle
et
près du précipice,
trois fois la distance,
épuisés,
au bord de,
non à bord.
Les cyclistes
d'à-côté
ont raté
le premier
chargement
dans le grand vélo
du tous les jours
et ne rattraperont
qu'en faire semblant,
tout petits
juste à côté,
faux dignes
prêts à
rouler boulets
du tous les jours.



lundi 16 avril 2018

Darina al-Joundi/Mohamed Kacimi, Le jour où Nina Simone a cessé de chanter - Editions Actes Sud (janvier 2008)

Liban, coincé entre toutes les parties de cette guerre qui ne cessera donc jamais !
Liban hétéroclite.
Liban mosaïque de confessions et croyances.
Liban rattrapé par une haine collante, prédatrice.
Liban si beau de ce kaléidoscope de fois n’a pas droit à cette tolérance.
N’a plus le droit et se soumet car la tolérance est dangereuse.
La tolérance devient un extrémisme.
Le monde est sens dessus dessous.
Les images normales qui collent à la peau une fois la lecture achevée, de ces rues bombardées, de cet appartement troué en son plein milieu, de ces chants d’armes lancinants, les mitraillettes qui bercent et les bombes qui endorment, au loin. Comme les chants d’oiseau en été annoncent les heures du jour et rythme la vie. C’est ainsi que peut apparaître au lecteur le pays qui nous est ouvert dans Le jour où Nina Simone a cessé de chanter.

         On connaît le Liban indirectement, trop peu, comme un acteur secondaire, un deuxième violon. Il prend ici toute son ampleur dans son Histoire retracée à travers les yeux, non pas les yeux ! Que dis-je ! À revers le corps tout entier de l’héroïne, son corps de fille puis de femme. La sensorialité est au coeur de ce récit et les yeux et leur intellectualité ne suffisent sûrement pas à le décrire. Darina grandit avec les bombes. Elle ne fait pas que les regarder et témoigner. Bien sûr que sa parole à valeur de témoignage et que le lecteur l’entend ainsi. Mais elle nous fait sentir ce pays et le tourbillon dans lequel il roule et danse. La guerre devient avec les mots de Darina un art de vivre, presque une addiction, une adrénaline permanente, jouissive au final pour ne pas en crever. La guerre semble comme un cocon, un étrange nid où la jeune femme trouve sa place. Elle y trouve aussi la beauté, la poésie. Et l’on écarquille les yeux parce qu’on ne peut pas comprendre si l’on n’a pas connu la guerre. On se contente d’assister au monde la tête en bas. L’absurde finit par poindre.

       La tolérance est un extrémisme et la liberté d’une femme est une folie. On ne peut plus que fuir et c’est encore le plus courageux. L’on mesure comme la folie n’est qu’affaire d’interprétation sociale et éducation, parfois. Quand le réel partagé reste le même, que le délire n’est pas de mise, l’individu à enfermer ne fait que dépasser une limite arbitraire. Il en va de même dans chaque société mais on ne le perçoit que dans les autres que la sienne propre. La société et sa culture ont raison de nous le plus souvent. Pas de Darina qui ne se plie à aucun diktat et reste fidèle à son père féministe.

       Darina et son père entretiennent une relation qui ne peut qu’interpeller. Elle est son étendard de liberté et son amazone. Il l’entraîne à combattre sans relâche le monde tête à l’envers qui ne pense plus et guerroie, il ne sait même plus pour qui pour quoi. Contre la difficulté d’accepter l’étranger et l’insoumis sans aucun doute. Pour la simplicité d’une pensée binaire, machinale, (s’agit-il réellement d’une pensée d’ailleurs ? On dirait plutôt que le pulsionnel dicte l’animal qui n’est plus social.) et apaisante de bêtise. Ce père féministe, en aucun cas émasculé, est un personnage extraordinaire qui veut faire de sa fille une femme extraordinaire. Où et quand a-t-on vu un tel père ? Dans nos sociétés soi-disant libérantes ? Qui a lu ou vécu un tel père ? L’amour qui lie ces deux êtres est désarmant. Une intimité qui fait de cette jeune femme la continuité véritable de son parent. Elle le porte en lui. Il l’a façonnée en lui interdisant les interdits insensés, en lui louant la douce folie de la pensée libre. Sa mère donne l’exemple. Mais c’est bien le père de Darina qui s’insurge haut et fort pour ses filles et par là même pour la cause des femmes. Mais Darina n’est-elle pas aussi prisonnière de cette exigence de liberté qui la définit ? Elle ne peut jamais baisser les bras ni se reposer. C’est ce qui en fait une héroïne pour sûr. Est-on si libre de devoir être libre ?

          Rien que pour ce portrait de père, l’homme féministe, Le jour où Nina Simone a cessé de chanter est à découvrir. Un autre monde, une autre vie. Des choix cruciaux, à chaque coin de rue. Ce livre est à lire en ces temps où le monde arabe brûle et doit nous interroger encore et encore dans toute sa complexité.

vendredi 13 avril 2018

L'inconnu à lunettes

L’inconnu
Ôte ses lunettes,
Non sans mal.
Jamais il ne les quitte,
Jamais elles ne le quittent,
Qui sait qui fait quoi ?
Il garde
Bien baissée
La tête,
Les yeux à l’ombre
De leurs cils
Et de quelques mèches de
Cheveux
Câlines.
Il reste
L’inconnu
Quelques instants
Suspendus.
Je le regarde
Les yeux tout ouïe.
Ils savent
Que le moment est
D’or.
Il relève
Peut-être douloureusement
Le chef.
Il reste encore
Quelques instants
Suspendus
Les yeux bas.
Puis,
Le regard parfaitement
Clair,
Pas le moins du monde
Trouble,
L’homme à lunettes.
Il n’a jamais aussi bien
Vu
Ou bien alors
Il voit

Ce qui n’a pas
Besoin
D’un oeil.

Je ne vois plus
Que ça,
Ses iris
Comme une ville
Comme une carte
Comme un vieux
Qui laisse l’Histoire
Le traverser.
Je vois
Ce qu’il cache
Jour et nuit,
Sauf peut-être
A la minute entre les deux,
Les yeux ouverts dans le noir
Qui se doit
D’être
Complet.
Mais personne ne les
Voit.
Les iris
Grandissent
Et l’inconnu n’est plus
Que
Deux énormes
Yeux
Qui jurent de
Ne dire que la vérité
Rien que la vérité.
Ils ne jurent rien.
Il suffit de les
Entendre
Raconter toute
L’histoire.
Je plonge en eux,
L’un après l’autre
Comme dans deux
Palpitantes
Géodes
Où le film repasse
Dès le
Commencement.
Je vois tout,
Tout ce qui reste,
Tout ce qui encre.
Sans ses lunettes,
Nu comme un ver.

Je ressors
Ébouriffée.
Combien de temps ?
Une année ou seconde,
Je ne peux rien
En dire,
Le monde est
Bouleversé.
L’inconnu s’est fait
Âme sœur,
Ineffable.

Il rechausse ses lunettes.
Mais rien n’est plus
Pareil.
Son visage,
Ses mains,
Tout son corps
Sont criblés
De cicatrices et
De peintures.
Grottes de Lascaut.
Grand brûlé.
Guernica.
Guerre vivante.
Il a pris corps.
L’inconnu
Est mort.


Jean Teulé, Mangez-le si vous voulez, Editions Julliard (mai 2009)


Mangez-le si vous voulez. Quoi ? Non qui ? dois-tu demander. Car c'est bien d'un homme dont il est question. Un concitoyen. Un ami. Un bienfaiteur. Sans histoires. Plutôt assez fade même. Un gentil gars, c'est avec lui que le récit commence avec ce personnage, le gentil gars. Peut-être même un peu niais... On se dit que ce que l'on a lu et qui annonçait l'histoire ne doit pas le concerner ou de loin. Il est sûrement secondaire dans tout ce drame. F'rait pas d'mal à une mouche ! Qui lui en voudrait ? Alors, on part confiant mais tout de même mal à l'aise parce qu'on sent le traquenard quelque part. Pourquoi le narrateur nous parlerait si précisément de lui d'emblée s'il était véritablement insignifiant. Bon, prudent mais pas trop, moi lectrice je m'avance, sans trop de bruit pour ne rien provoquer, pas trop vite non plus car la fuite reste un très bon moyen de se protéger. Et même, est-ce que je poursuis mon aventure dans ces pages ? Ai-je envie de savoir ? Non, en toute honnêteté je n'ai pas envie de savoir. Mais ma couardise me pique au vif et un regain de fierté me pousse à continuer. Pour regarder les choses en face et parce que je sais déjà que ce narrateur-là ne fera pas de cadeau. Il n'aura pas de pitié. Pourquoi en aurait-il d'ailleurs ? Son récit est bien celui de la cruauté pure.
C'est une histoire d'une crudité douloureuse que met en scène Jean Teulé dans Mangez-le si vous voulez. Sans fard, dès les premières lignes il annonce cette simplicité. Au fur et à mesure la simplicité prendra la forme d'une sécheresse polie. Celle de la violence à nu, sans aucune raison, sans aucune raison acceptable. Indigne. Répugnante. A vous donner des nausées. Pourtant, pas de tangage maritime. La mer est d'huile. Mais le feu la prend d'un coup en un cercle finement circonscrit, dans le temps, dans l'espace, qui s'éteindra aussi vite qu'il a pris. Le politesse des mots, leur raffinement d'époque, qui nous plonge d'ailleurs dans ces temps qui ne sont plus les nôtres, rend le spectacle d'autant plus ignoble. Le narrateur adopte un ton journalistique, neutre, clair et net. Pas de lyrisme cathartique pour le lecteur qui faciliterait l'épreuve. Ce dernier n'a qu'à avaler les mots et faire avec. Chaque chapitre est précédé d'une carte qui donne à voir où ont lieu les opérations et chaque étape du martyre d 'Alain de Monéys, le gentil gars des premières lignes.
Cet ouvrage nous met face à nous-mêmes et à notre manière de supporter l'insupportable. Il nous met au défi de le lire jusqu'à sa dernière ligne. Il suscite en nous écœurement et incrédulité. L'on se dit au bout d'un moment que l'auteur exagère et que cela n'a pas pu se passer ainsi, que l'Histoire n'a pas pas pu s'écrire ainsi. Mais, cette incrédulité se dissipe quand la tension retombe et alors, ce récit nous pousse à comprendre, chercher. Que s'est-il passé ? Quelle folie s'est emparée de cette foule qui a sombré dans l'innommable ? Le narrateur reste égal à lui-même. Il n'offre aucune réponse, aucune porte de sortie facile. Il témoigne. Et s'en lave les mains. Que nous doit-il en effet ? Lui en vouloir ? Il est encore le plus honorable de tous.

Après cette lecture, l'on saute sur le plus politiquement correct des bouquins qui nous tombent sous la main, croyant apaiser la plaie qui s'est ouverte. Mais c'est peine perdue. C'est la plaie que nous cachons tous tout au fond de nous, la plaie de notre cruauté, de notre impitoyable soif de vengeance, de notre folie, chaque jour maîtrisée, contrôlée, bien en cage, mais bien vivante. Et difficile après cette lecture d'imaginer que l'on est une exception ou que ces gens-là, plus qu'ordinaires, en seraient. La cage a cédé et la bête a mangé son même, son reflet, son mal. L'homme s'est mangé lui-même. Et sa violence, véridique, n'est plus de l'ordre du mythe. Il s'agit de l'Histoire et de nos pairs humains. Voilà nos idées de jolie réalité remise en place : plongeon spectaculaire dans le plus brûlant des enfers.
Lisez et pour sûr vous en apprendrez sur vous, sans doute bien davantage d'ailleurs que ce que vous n'auriez voulu.

mardi 10 avril 2018

Les jours sans livre

Les jours sans livre,
sans feuille
sans plume,
sans bille,
sans tip tap
du clavier,
sont des jours
le nez dans
le guidon,
la truffe dans
le bitume,
le pif pas
en l'air,
le pif en plein
boum,
les mains dans
le cambouis,
la tête au
carré,
règles du réel,
face contre
terre.

Les jours sans livre,
sans feuille
sans plume,
sans bille,
sans tip tap
du clavier
sont des jours
sans espace,
sans envol,
sans élan,
sans avance,
vlan ! le plancher
des vaches.

Quand réapparaissent
livres,
feuilles,
plumes,
billes,
tip tap
des claviers,
les ailes s'ouvrent
et les pieds poussent
le sol trop solide
pour
s'éventer,
s'évader,
s'évanouir,
s'évaporer même,
et mieux re-
venir
le nez,
la truffe,
le pif,
purs
et prêts à
flairer
tenter
tâter
frapper
le pavé du réel.

mardi 3 avril 2018

Une vie minuscule, Philippe Krhajac : le “cœur giflé à la naissance” : la grande épopée d'un enfant minuscule


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https://www.actualitte.com/article/livres/le-c-ur-gifle-a-la-naissance-la-grande-epopee-d-un-enfant-minuscule/87998

Jesse le héros, Lawrence Millman : voyage au cœur de l'enfant psychopathe




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https://www.actualitte.com/article/livres/jesse-le-heros-voyage-au-c-ur-de-l-enfant-psychopathe/88142
 

Le silence et le rire

« et donc après
blablabla
blablabla
bliblablo !
Tu vois? »
Le silence me répond
« Badaboum »
sans un bruit.
Temps d'arrêt,
sans l'image
à la recherche du son,
mais toutes les
communications sont
coupées,
plus de 5/5 nulle part,
youhouuuuu !
Qui est là ?
C'est le loup.

Je me réponds à moi-même
et le miroir
du silence
le plus puissant
qui soit,
digne d'une Géode
ou d'une gigantesque
boule à facettes,
réflexion
éblouissante.
Le menton se replie sur la gorge et
l’œuf se referme.
Je regarde mes pieds.
La boucle est bouclée.
Auto-sens,
sens
coûte que coûte,
décensurée
et rire franc
avec ma pomme.
Je suis les autres
et moi,
le monde dans mon œuf
et je peux rire
de mon infortunée
solitude-surprise.
Robinson ou Vendredi
ne riraient pas,
eux.