mercredi 28 février 2018

cachée à tout prix

    C'est un peu délicat. Comment expliquer ça correctement... A l'époque, la haine que je nourrissais en moi, fruit d'années de honte et de peur, prenait toute la place à laquelle les émotions ont droit. Elle ne laissait aucune autre exister. Et j'en étais tout à fait contente, comme d'un nouveau joujou dont on ne se lasse pas. Je la trouvais très confortable, aussi étrange que cela puisse paraître. J'étais au moins en partie en paix. L'autre moitié restait nouée à quadruple tour et indémêlable mais au moins une partie de moi vivait enfin. C'est en tout cas, le sentiment que j'eus alors. La haine c'était d'abord la haine de moi. Je ne profère qu'une banalité en disant cela. La haine de tout ce que j'étais. 

La vraie haine.
Celle qui brille dans les yeux.
Celle qui fait pointer les crocs.
Celle qui fait couler la bave.
Celle qui fait pleurer jours et nuits puis,
plus rien.
Pus rien,
Tout est tari et pourtant il faut marcher
en bon petit soldat,
qui voudrait bien
mourir sans plus de combat crever bordel mais
que tout s'arrête.
La haine qui
fait vendre son âme, qui
autorise toutes les vengeances,
tous les massacres.
La haine qui te mène n'importe où, aux recoins les plus infâmes du monde, à ceux les plus splendides aussi.
La haine qui te fait tout oser.
La haine de toi,
de chaque centimètre,
millimètre,
nanomètre de toi,
des autres,
de tes plus proches,
surtout,
de ce que tu as touché,
approché,
de ta vie entière,
de la vie,
de la conscience,
le désir irrépressible de devenir un légume,
un ver de terre,
de ne plus jamais crier des profondeurs
comme un pauvre dégénéré flamboyant
méphistophélique de haine et de rancoeur,
à la voix de gosse coi,
con comme un coin.
Je me rêvais le revers de ma médaille, le verso, enfin. Que le recto tombe à jamais dans l'oubli, que j'aie droit à cette deuxième naissance, moi fille de Janus, choisir mon camp. Tout me révulsait. J'étais en perpétuelle convulsion contre moi-même, les yeux et la langue retournées de détestation. Je voulais en finir avec cet être-là. Je voulais être l'autre putain côté de la pièce. Plus jamais ne me retourner ou alors mourir. Plutôt mourir que de poursuivre avec cette face-là. Pile, verso, simple envers même. Tout mais plus ça.
Et la haine a permis cela, de tuer à petits feux les profondeurs, toutes les plus petites parcelles de l'être que l'on voudrait voir ne plus jamais resurgir quand on rouvre les yeux, au réveil et de remplacer tout cela par un être qui me plaisait. Je n'adorais pas ce nouvel être mais au moins, il était différent et je l'avais construit moi-même. Je n'étais plus une poupée cassée, une gamine en retard, une handicapée qu'on pousse et tire comme un boulet dont on n'arrive pas à se défaire. De culpabilité surtout. Tu n'imagines pas Flo combien immense peut être la haine de soi. Je ne sais pas, peut-être que je me trompe et que je ne te connais pas assez, qu'en fait tu connais ça, mais je ne crois pas. Nous appartenons à une engeance qui se reconnaît à l'instinct et de très loin. Je n'ai jamais senti ça chez toi.

Il fait non de la tête.

Je me doutais. Alors je dois t'expliquer ce à quoi mène tout cela. On ne vit pas de drame. Tout se passe calmement et personne ne s'effraie. On y tient d'ailleurs pour pouvoir se métamorphoser en toute tranquillité. On bosse dur et puis, on finit par croire son travail achevé. On est bien devenu quelqu'un d'autre. Sauf que les maux de tête récurrents depuis l'enfance et qui s'accentuent, les manies qui font toujours autant sourire les autres, les tout petits gestes absolument uniques, les infimes attitudes qui font dire à la mère ou au frère « elle a toujours fait ça », la mémoire que l'on retrouve toujours, les rêves et leur crudité qui ne rusent qu'apparemment mais heurtent en pleine artère et font gicler tout ce qu'ils peuvent. Il hurlent un démenti, tous. On le voit, on est obligé de le voir, une seconde. Parfois le rêve poursuit toute la journée. Il jaillit brutalement au bout milieu d'une phrase. Il ne laisse pas en paix. Il rappelle à l'ordre, bien au contraire. Il entend se faire écouter. Et l'humeur est sombre parce qu'on croit que les vieux démons refont surface.
Il ne s'agit en réalité absolument pas de vieux démons ou autres fantômes sans queue ni tête. Il s'agit de l'Authentique qui toque à la porte, de temps en temps, parce que le recto ne s'efface pas. On a beau jouer Janus en tout sens., le recto demeure et le verso recouvre ou au mieux s'accouple et se mélange. Mais combien d'années plus tard ! Le verso est un masque salvateur. Il est tout ce qu'on veut et il n'est pas faux alors, que dans ce mensonge, l'on puisse tout ce que l'on veuille. Mais la haine est là qui donne toutes les forces et tous les pouvoirs les plus incroyables. Le masque berce, on ne dort pas paisiblement mais on dort. On se sent moins détestable qu'avant. Et ce n'est pas gagné mais c'est toujours mieux. Et finalement, on perfectionne le verso, on se prend au jeu et on réussit. Une vraie et propre réussite. Enfin propre. Alors non, je ne suis pas triste ou déçue ou frustrée qu'on me prenne pour une autre. J'ai acquis grâce à tout ça à apaiser un peu la haine. Mais je ne crois pas encore et je doute que le jour arrivera où je serais fière du recto et capable de l'assumer. Je vais être vraiment honnête avec toi : je ne peux pas être recto parce que personne n'aime ce recto. Je sais que je ne suis pas tout le monde et que je ne peux pas savoir, que chaque regard est différent, blablabla. Je ne conçois pas qu'on aime cet être-là. Alors je le grime encore. Mais maintenant j'aime au moins le masque. Flo, qui aime cette personne-là derrière ? Qui ? Je te le jure, personne ne peut l'aimer. Tu ne l'aimerais pas. Ma mère elle-même ne l'aimerait pas. Mes amis ne l'aimeraient pas. Parce que je sors un peu moins couverte avec ceux qui me sont proches. Mais je ne suis jamais ce vrai recto. Jamais. Et n'y compte pas. Je te jure que vous vous enfuiriez tous. On ne peut pas aimer ça.

mardi 27 février 2018

Pourquoi tu l'aimes ?

Pourquoi tu l'aimes ?
Oh ben en voilà une question !
C'est une question qu'on ne pose pas.
Bien sûr qu'on ne la pose puisqu'on aime sans raison.
Ahhh... Donc demain tu peux ne plus aimer ?
Non sûrement pas ! Mais c'est quoi cette question de merde !

Pourquoi tu l'aimes ?
C'est ma princesse.
Oui mais pourquoi ?
Ben parce qu'elle est belle.
Ok... C'est tout ?
Bien sûr que non ! Elle est sympa, sa famille est top et tout quoi !

Pourquoi tu l'aimes ?
Il me fait vibrer.
C'est-à-dire ?
C'est un peu intime comme question dis !
Oui désolée mais tu veux bien me répondre quand même ?
Oui. Il m'excite.
Ok... C'est tout ?
Non... il est aussi beau, galant, il brille en société, tout le monde l'aime.

Pourquoi tu l'aimes ?
Parce qu'elle m'aime tellement que je ne peux que l'aimer.
Euh... je comprends pas...
Qu'est-ce que tu comprends pas ?
Tu l'aimes parce qu'elle t'aime ?
Oui. Comme ma mère par exemple. C'est pareil la famille quand t'es tout bébé.

Pourquoi tu l'aimes ?
Parce qu'il me fait rêver.
Rêver à quoi ?
Il m'offre la vie dont j'ai toujours rêvé.
Il me construit mon rêve.
C'est son rêve aussi ?
Bien sûr, quelle question ! T'es conne toi !

Pourquoi tu l'aimes ?
Parce qu'elle est la femme idéale.
Et donc tu aimes tout ce qu'il est ?
Ah non pas du tout !
Ah bon ?
Ben qu'est-ce que tu crois  ? T'as jamais été mariée toi, ça se voit !
Mais elle a quelque chose de parfait que j'aime plus que tout.
Ah ok. Quoi ?
Un truc que j'arrive pas à dire. Un truc que j'attendais.
Et elle ?
Elle dit pareil, c'est drôle.


Et toi pourquoi tu l'aimes ? Tu dois le savoir puisque tu poses la question.
On a réponse à toutes les questions qu'on pose ? Première nouvelle.
Fais pas ta philosophe-là, t'es chiante.
Bien sûr que je suis chiante.
Allez ! Pourquoi tu l'aimes toi ?
Euh...
Aaaaah, tu vois, toi non plus tu sais pas quoi répondre.
C'est pas ça, c'est que ça va être long.
Eh ben synthétise.
Ok. Je peux dire Tu, ce sera plus facile.
Si tu veux, tant que tu réponds à cette foutue question.
Super. Alors...
Tu me fais rire sans rien faire tu fais sautiller mon feu follet
ça danse dans la poitrine,
ça danse avec des figures pire que Dirty Dancing,
les Jeux Olympiques à l'intérieur ;
Tu brilles,
pas dans la nuit,
dans la mienne,
tu brilles de n'être comme personne.
Tu es un farfelu
l'énergumène qui ose,
le jamais vu qui regarde droit dans les yeux
et amadoue les hargneux dans
leurs connards de starting blocks,
tout en rires et pirouettes,
ou simple politesse.
Tu penses ce que les autres ne veulent pas,
tu t'imposes rigoureusement,
parfois cruellement,
l'intégrité totale
et tu souffres de ne pas
en être.
Mais qui en est ?
Moi bien sûr,
j'aime cette ligne droite d'honnêteté
qui dévie
souplement tant que rien n'est menti.
Tant que rien n'est menti.
J'aime plus que tout
ce respect des gens, des bêtes et des choses
qui te fait vivre et te battre,
ce respect sans œillères,
autant qu'humain le peut
et cette humilité d'animal social,
parmi les autres,
ni plus ni moins,
dont le cerveau ne fait pas la valeur,
mais qui ne cesse jamais de le faire tourner en bourrique,
dont le physique n'est pas un honneur,
dont la force est dans cette estime de tout ce qui n'est pas
mépris et arrogance.
Et pourtant,
tu es toi-même
le presque dernier que tu respectes,
parfois,
le presque dernier que tu estimes,
souvent,
le presque dernier que tu admires,
toujours.
Aime-toi autant que je t'aime.

Ah ouais...
Pourquoi tu fais chialer les gens toi ?
Parce que je sors les tripes. Et parce qu'on doit le dire ou on a tout perdu.
Tout menti.

lundi 26 février 2018

Je a disparu

Tu parles
il parle
elles parlent
vous parlez.
Je se tait.
Je reste à la troisième personne.
Je se cache.
Je s'enfuit.
Je se terre.
Je voudrait disparaître.
Il tourne en rond dans sa tête
qui se vide
peu à peu.
Il ne sait plus être Je,
voudrait tellement être Tu.
Je n'est plus rien.
Je fait mal partout.
Rien d'autre.
Ce Je qui a tant appris,
qui a tant grandi,
qui a acquis le vrai
langage,
a tout perdu,
les jambes flageolantes,
comme au premier jour,
Je ne sert à ren.
Les autres continuent de
Jerer.
Ils ne perdent pas ça.
Du moins,
peu.
Je est parti dans les confins
du monde
pour surtout ne pas être retrouvé.
Il est pourtant le seul qui peut
sauver la mise,
que le cœur ne s'arrête
pas,
que le cerveau
s'irrigue.
Mais il a peur,
bien trop peur,
acculé dans son
loin coin des antipodes ou
du grand intérieur,
on ne sait jamais avec lui,
il est indébuscable.
Il est caméléon,
il est le plus doué des
transformistes.
Ce don est un fléau.
Parce que Je sait qu'il
peut,
s'il veut,
disparaître,
qu'il peut toujours.
Et ne pas relever la
tête.
S'enrouler.
Et ne pas se remettre debout
Je tremble de peur
et personne ne comprend.
Je dois sortir
au moins le museau
pour quelques mots
qui font renaître.

samedi 24 février 2018

Reprendre c'est voler : amour à mort

L'amour est donné,
il est trop tard pour le
reprendre.
Et puis,
donner c'est donner et reprendre c'est voler !
Alors comme on ne veut pas
être traité
de traître voleur,
on continue d'aimer.
Et puis,
pour soi,
on n'arrête pas ça comme on veut
d'un claquement de doigt.
Toujours cette exception du psychopathe
ou de l'ado très limite,
au hachoir
à la machette
cul-sec.
C'est efficace.
Mais bon, on ne peut pas tous
faire comme ça.
Ou sans doute,
la température du globe
descendrait
très terriblement.
La solution au réchauffement
climatique est peut-être
ici.
Sait-on jamais.
Nous disions donc,
je ne veux pas être un
voleur
donc je ne reprends pas mon bien,
puisque ça n'est plus le mien.
Enfin, je garde tout de même mon esprit,
merci bien.
Mais en réalité,
quel est le fin mot de l'affaire...
Le très fin mot...
C'est que l'on ne peut ni ne veut
reprendre ce bien auquel,
à raison d'un grand procès business,
on finisse par
le récupérer.
On n'en ressort qu'avec un objet déformé,
une boule de colère qui se débat et brûle les doigts,
réveille la nuit,
pire qu'un gosse,
je vous jure !,
bien plus qu'une
jolie
pomme d'amour qu'on croyait
récupérer,
mettre au frais pour la prochaine
fois.
Mais non !
Puisque de toute façon,
toutes ces avocateries
et duels en témoins
ou pas d'ailleurs,
ne rendent pas le bien.
L'amour est donné,
il est trop tard pour le
reprendre.
Il ne se retire pas.
Il ne se soustrait pas.
On le regrette,
on se félicite.
On n'y peut plus grand-chose une fois l'offre
actée.
On devrait toujours
s'en féliciter,
on a toujours
eu de bonnes raisons.
Et après-coup,
on aura beau placé,
devant celui qui brandit le présent
d'hier,
tous les filtres de
haine
et de dégoût qu'on veut,
le présent reste d'aujourd'hui.
Jusqu'au dernier souffle putain !
Pas de romantisme à deux balles !
On ne récupère jamais
le bout de soi qu'on a donné à
celle
celui
qu'on a aimé(e).
On se recompose et
peau neuve.
On se cache souvent,
très souvent,
qu'on ne veut ni ne peut
reconquérir son bien.
L'amour donné
court
même quand on croit qu'on
l'a enturbanné
d'indifférence.
Il dort,
paisible ou pas.
Mais c'est sûr,
il ne se reprend
pas.
Et on meurt riche
de tous ceux,
tous,
que l'on a chéris,
bien,
mal,
bêtement,
démesurément,
formidablement.
Mais pourquoi s'infliger de
mourir
les mains cramées,
le corps en feu,
de ces follets
menteurs ?
On ne fait que se
voler soi-même,
auto-traître voleur ;
'peu con quand même !

vendredi 23 février 2018

Mister Connard

Monsieur Connard lui,
c'est autre chose .
On lui en décollerait bien une
grande volée
mais il est bien trop
costaud.
Il roule des mécaniques,
il sait.
Alors il se montre.
Il sait surtout.
Il a compris.
Il a tout compris.
Plus rien à apprendre.
Comme le monde est triste !
Plus rien à corriger.
Il sait
et il sait que les autres ont
fauté.
Il sait que les autres sont
les cons.
Il sait qu'il a tout bien fait
comme il faut.
Il sait qu'il est
propre sur lui.
Propre.
On ne le salit pas de
reproches,
il les renvoie aussitôt en
boomerang.
Est-il juge ?
Est-il DG ?
Est-il carrément
Superman ?
Est-il Dieu ?
Eh non !
Il suffit d'être Monsieur Connard
pour tout savoir.

jeudi 22 février 2018

Madame Connasse

Madame Connasse égale à elle-même.
Elle laisse sur son passage une bave
de mépris,
recouverte ensuite par le venin
qui lui répond.
Ce mélange qu'on imagine amer
n'a souvent pas de mots et
Madame Connasse peut avancer sans
se retourner.

Puis,
petit accroc dans le rouage,
vient le jour où
Madame Connasse se fait héler
de l'autre bout du couloir
et demander des comptes
sur cette bave répugnante
dont elle salit
impunément
les locaux.
Madame Connasse regarde bien.
Elle ne voit fichtre rien.
De son ton habituel, elle demande :
"Mais de quoi parlez-vous ma chère ?"
On dirait une poule outragée.
L'autre s'avance,
se plante devant elle.
Et la toise.
Elle ose sans aucune gêne.
Madame Connasse se tortillonne de l'intérieur,
pourquoi se fait-elle agresser
ainsi,
Mon Dieu ?!
Elle n'a rien dit.
Après l'avoir fixé durement,
Madame Connasse sait qu'elle provoque ça.
mais elle n'aime pas l'émotion
alors voilà qui est mieux,
l'autre lui dit :
"Cette bave de mépris que vous étaler
sans vergogne à tout vent !
Quand cesserez-vous ?"
L'autre cherche,
plisse les yeux.
Elle semble
vraiment
ne pas comprendre.
"Youhou !
Madame Connasse,
vous êtes là ?
- D'où vous permettez-vous ?
- C'est votre nom non ? Le vrai j'entends.
Je ne vous permets pas.
Mais je permets seule, ma chère."
Madame Connasse fulmine,
se hausse sur ses talons,
déjà très hauts,
Louboutin ou plus.
Mais Madame Face-à-Face
est beaucoup
beaucoup
plus grande qu'elle.
Elle s'ancre bien solidement dans son sol.
"Qu'en est-il donc ?
- De quoi enfin ?!
- Du ménage, je crois que nous en sommes là.
- Je ne suis pas une femme de ménage, moi.
- Moi non plus.
- Peut-être plus que moi.
- Vous voilà telle que vous êtes Madame Connasse.
Et l'autre hurle et crache, en plus de la bave au plancher :
- Je vous interdis ! Vous êtes insultante et injuste. C'est répugnant.
- Miroir Madame C. Miroir et regardez-y bien ce que vous venez de
dire."

Madame Connasse a les larmes aux yeux.
Elle s'en va d'un pas décidé.
Elle tient tête.
Elle passe la porte et les épaules s'affaissent.
Elle doit maintenir le cap jusqu'au bureau.
Elle l'atteint,
sans encombre,
pas de rencontre importune.
Elle aurait dû se montrer désagréable,
elle n 'aime pas ça.
Elle s'enferme à clef dans son bureau.
Elle pleure
à chaudes larmes.
Pourquoi pleure-t-elle
presque tous les jours ?
Elle est faible.
Elle ne sais pas se défendre.
Elle se laisse faire,
comme toujours.
Elle n'arrivera donc jamais à se faire
respecter.
Même ses gosses lui chient dans les bottes.
Et elle pleure
une heure.

Et demain recommencera,
identique,
aussi sourd qu'aujourd'hui.
Monsieur Silence a encore frappé.
et avec sous son bras,
Monsieur Imperméable.





mercredi 21 février 2018

Sourire et Larmes en roue libre

Mister Sourire s’en est allé.
Loin pour la journée,
Ne reviendra pas avant tard
Peut-être demain,
Même,
Ne comptez pas sur moi.
Il est parti
Un jour de RTT
Bien mérité.
Il avait déjà commencé
Le repos
A l’au revoir,
Il était grave.
Pas franchement sombre.
Mais tranquillement sérieux.
Plus dans le costume
Du jovial encaisse-tout.
Il est parti,
Sans fanfare,
Mais sans grand préavis.
Il a pris non
La poudre d’escampette
Mais oui sacs clics et claques.
Pas pour toujours.
Mais dites,
Ça fait un sacré vide
Quand même.

Secrètement,
un petit espoir que
Le vide soit
Comblé.
Mais celles qui pourraient bien sûr,
Puisque la place est libre
Et que les regards en coin
Se tournent vers elles,
Ne viennent pas.
Les larmes ne sont pas des
Ignares.
Elles ont bien pigé la
Manœuvre
Mais justement,
Elles ne se laissent pas héler
Comme des chiennes.
Elles restent bien
Emmitouflées,
L’humidité vous savez bien,
C’est traître,
À jouer aux cartes,
Strip poker ou autre.
Ne nous illusionnons pas sur la vie des larmes.
Le bridge et la patience ?
Très peu pour elles.
Bref,
Les larmes ne bougent pas
D’un poil,
Les cils sont secs,
Les lèvres inertes.
Pas paralysées quand même,
Les mots passent bien.
Toujours toujours toujours,
Les rois du faux semblant.
Mais elles, les lèvres, sont comme
Épuisées.
Plus du jus.
Plus de nerf.
Et les larmes qui ne viennent même pas
A la rescousse.
Quelles petites pestes celles-là !
Et l’autre bouffon qui promène son cul
Dans la campagnes
Pour prendre l’air.
Comme si sa vie était dure,
Passons.
Sieur Sourire et Dames Larmes
Font languir.
Et le vide
Alors
N’est pas
Humain.

mardi 20 février 2018

Monsieur Silence et Monsieur Parlotte

Monsieur Silence rencontre Monsieur Parlotte.
Le nain psychopathe prend le grand bonhomme
de haut ;
de haut,
sans que personne ne
sache
où il trouve ses échasses
de fat.
Monsieur Parlotte tente
de
reprendre contenance
et d'imposer
sa voix.
Mais l'autre minuscule fou à lier
le gagne
et le mange bientôt.
Une gangrène
mutique
mutante
qui mûrit
de tout temps et terrain.
Monsieur Parlotte
regimbe,
s'insurge :
"Que faites-vous donc espèce de salopard ?
Laissez-moi m'exclamer,
m'expliquer,
m'extasier,
bruyamment,
la bouche pleine de mots !
Non mais pour qui vous prenez-vous ?
- Je ne prends pour personne mon cher.
Je suis Monsieur Silence,
le Grrrrand Môôôôôsieur Ssssssilenccccce.
- Vous êtes ridicule !
- Ah oui ?! Et alors pourquoi suis-je déjà en train de
vous
clouer le bec ?
- Parce que...
parce que...
- Vous ne savez pas pourquoi.
Parce que je ne respecte aucune
de vos règles
éthiques,
morales
et tous vos tralalas.
Je n'ai que
mes
règles et
ma
foi. 
Donc vous
ne savez pas pourquoi.
- Vous êtes un fou dangereux. Grand schizo parano !
- Pas du tout. Vous vous trompez. Je suis un splendide
psychopathe.
Je brille de ma propre source
et me nourrit de moi-même,
j'avoue,
aussi de vous,
avec délice
Parlotte mon cul !"
Et il éclate d'un rire suraigu
sifflant
et pétrifiant.
Il pue la mort.
Parlotte en gerbe.
Mais n'en crève pas !
Monsieur Parlotte a plus d'un tour
dans son sac.

lundi 19 février 2018

Sale gosse ?

Depuis la nuit des temps,
l'enfant a fait ce qu'il fallait.
Il a ri,
joué,
pleuré,
s'est tu,
caché,
trouvé,
quand il le fallait.
Quand on l'attendait de lui.
Il a tout fait en artiste,
force et équilibre.
Clou du spectacle,
il a réussi à faire croire que
tout ça
c'était lui.
Il a été parfait.
Il mérite tous les applaudissements.
Se tourne dans tous les sens
mais les entend de trop loin.
Il doit tendre l'oreille
et n'en voit 
goutte.
Il continue,
coûte que coûte,
il est fier,
se sent fort.
Il dit que ça viendra,
plus tard.

Pourquoi y a-t-il toujours
un Mais ?
un Sauf ?
un Encore ?
un Bon...?
un Ssssssilenccccccce ?

Il s'acharne.
Tant pis.
Ce ne sont pas les mots qui comptent.
Il se bat.
Il gagne.
Il réussit.
Il se hisse très haut,
là où il peut.
Et il ne sent rien du goût
de la
victoire.
Il est seul comme un mort.

Un jour,
il vocifère
puis tombe
et lâche tout,
se relève pour
la grande descente sans les mains
et il rit
enfin.
Seul mais en vrai plaisir.
Il ricane aussi,
et les laisse loin
très loin
derrière.

Mais que s'est-il donc passé ?
Cet enfant est instable,
je l'ai toujours su.

dimanche 18 février 2018

Révélation

« Tu viens chez moi ? »
Flo manque de retomber à terre une seconde fois dans la journée. Il ouvre les yeux comme des soucoupes et il grogne un « Hein !? » poitrinaire.
« Tu viens chez moi alors ? Oui ou non ? 
- Ben bien sûr que je viens ! T'es folle toi !
Ils sortent du bâtiment en silence. Flo la regarde vraiment pour la première fois de la journée. Comment a-t-il pu ne pas remarquer ! Le mot qui lui vient à l'esprit est « débraillée ». Mais c'est un peu dur. C'est-à-dire que tout est relatif. Par rapport à ce que Jana donne à voir à l'accoutumée, elle est aujourd'hui très peu soignée. Elle reste belle et appétissante. Les hommes et les femmes, comme toujours, se retournent sur son passage mais lui voit bien qu'il manque la perfection du quotidien habituel. Il cherche, sans trop la dévisager tout de même, ce qui manque. Il trouve des choses en plus : des boucles d'oreille plus grandes, des anneaux noirs alors qu'elle n'a toujours que des petites perles de toutes les couleurs ; une grosse écharpe qui enveloppe son cou ! Pas de rouge à lèvre c'est ça ! Et peut-être même pas de mascara sur ses longs cils, beaucoup moins longs de fait. Le teint est plus laiteux et uniforme. On voit apparaître des taches de rousseur, en-dessous des yeux et sur le nez. Quand il s'aperçoit de ça, Flo qui est assis face à Jana dans un coin à quatre personnes du métro 14 sent sa bouche s'ouvrir.
« Tu joues au poisson maintenant ?
Elle a parlé en s'efforçant de sourire mais elle semble très crispée. Flo n'a pas fait attention tant il était pris par son observation pointilleuse de la jeune femme.
  • Comment ça je joue au poisson ?
  • Tu vas bientôt faire des bulles !
  • J'ai fait quoi ?
  • Rien Flo. Tu as ouvert la bouche rond comme un poisson. C'était drôle. Mais maintenant que je t'explique, ça n'est plus drôle.
  • Ah...
  • Pourquoi tu me regardes comme ça depuis tout à l'heure ?
  • Merde ! Je croyais être discret.
  • Ah... J'ai des yeux partout tu sais bien, dit-elle en riant.
  • Oui c'est vrai. En fait, je te trouve différente aujourd'hui.
  • Oui.
  • Oui ? Tu es différente.
  • Nous sommes là tous les deux en train d'aller chez moi. Ca change un petit peu de l'habitude non ?
Les yeux plissés, ironiques, plus félins que jamais le toisent.
  • C'est pas ça Jana.
  • C'est quoi alors ?
  • Oh fais pas l'innocente ! T'es pas crédible.
  • Ok.
  • Tu as la dose de taches de rousseur ?
  • La dose ?
  • Oh tu connais pas ?! C'est peut-être de chez moi ça. Tu en as plein.
  • Oui.
Et alors s'épanouit comme un miracle une rougeur sur ses joues.
  • Oh pardon, tu n'aimes pas ça ?
  • Non pas du tout.
  • Ok. C'est dommage. Moi j'aime bien. CA te donne un air plus juvénile.
  • C'est notamment ça que je n'aime pas.
  • Pourquoi ?
  • Parce que quand tu es une femme et que tu as l'air jeune, on te prend pour une débile.
  • Tu devrais rajouter et qu'on est très belle.
  • Et qu'on correspond à ce qui plaît physiquement oui. Le reste est subjectif.
  • Tu ne te trouves pas belle ?
  • Hein ?
  • Euh, tu es sûr de vouloir parler de ça ici ?
  • Mais il n'y a personne qui nous entend.
  • Si tu le dis.
  • Alors ?
  • Toi quand tu veux savoir quelque chose, tu ne cèdes pas ! Un vrai chien de chasse !
  • C'est flatteur merci bien !
  • C'est une image.
  • Oui je sais, t'inquiète pas. Bon alors ? Ma proie va-t-elle me répondre ?
  • Pas spécialement.
  • Tu fais encore le poisson. Qu'est-ce que tu as avec ta bouche aujourd'hui. Tu manques d'air ? Tu veux un peu de ventoline non ?
  • Tu en as ?
  • Oui. Je suis asthmatique depuis toujours.
  • Non !!!!
  • Siiiiii !!!!
  • Putain, mais comment tu peux cacher tout ça.
  • Je ne le fais pas exprès.
  • Mon c... oui !
  • Je ne le fais plus exprès. Le pli est pris.
  • Bref, je reviens à nos moutons : …
  • Oui chef !
  • Tu ne te trouves pas belle ? Tu ne sais pas que tu es belle ?
  • Flo, ce n'est pas toi homme des nuances et paradoxes à qui je vais apprendre que tout cela est parfaitement subjectif et que je ne vois pas la même chose que toi.
  • Non, attends, y a-t-il une seule personne au monde qui t'ait dit que tu n'étais pas belle ?
  • Bien sûr Flo ! Qu'est-ce que tu crois ?!
  • Ah bon ?!
  • Oui bien sûr.
  • Qui ? Et puis tu le sais bien, les gens se retournent pour te regarder dans la rue.
  • Mais que regardent-ils ? Tu le sais ? Peut-être pas ce que tu crois. En tout cas, ils ne voient certainement pas la même personne que toi, c'est certain.
  • Ils te regardent car tu es belle Jana, tu ne peux pas le nier.
  • Je ne le nie pas. Je le reformule : je correspond à ce qu'on attend physiquement d'une femme dans la société française d'aujourd'hui.
  • Parce que les étrangers ne réagissent pas eux ?
  • Arrête de chipoter ! Et en plus, c'est vrai, les Asiatiques me sourient toujours mais je ne vois aucune admiration chez eux. Je leur paraît très normale. Tu vois ?!
  • Ok super, Janouch...
  • Tu me demandes, je réponds.
  • Oui oui. Bon, et qui donc t'as dit que tu n'étais pas belle ?
  • Ma mère. Ma grand-mère. Mon frère mais c'est de bonne guerre entre frère et sœur.
  • Tu plaisantes là ?
  • Pas du tout.
  • E qu'est-ce qu'elles disent aujourd'hui ?
  • Ma grand-mère est morte et ma mère ne dit plus rien. Mais elle n'en pense pas moins je crois.
  • Désolé pour ta grand-mère.
  • Oh ça m'est égal ! C'était une vieille sorcière tyrannique.
  • C'est mieux comme ça ?
  • Oui exactement. C'est mieux sans elle. Depuis qu'elle est morte, ma mère a cessé de me dire que j'étais ceci cela, pas comme il faut. Il pince les lèvres et se tait. Toute seule, elle n'arrive à rien dire. Pas vraiment courageuse. Mais elle n'est pas méchante. Elle a été élevée comme ça. Pour le reste, elle est plutôt sympa.
  • Dis donc, tu as du recul.
  • Oh oui ! Je n'ai pas été maltraitée quand même. C'est ce truc-là qui pose problème chez nous, c'est tout. Sinon, ma mère est sympa je te dis. Elle m'a laissée faire du judo alors qu'elle n'y voyais aucun intérêt, avec mon père, ils m'ont suivie sur les études. Ils n'ont jamais grand-chose à me reprocher, c'est vrai mais ils auraient pu. On peut toujours.
  • Mais attends. Je suis pas sûr de comprendre. Ta mère et ta grand-mère te disaient que tu étais moche ?
  • Oui Flo. Tout simplement. Trop maigre, trop petite, les cheveux trop noirs et trop fins (ils ont changé avec l'adolescence, c'est pour ça), le teint pâle, les dents de travers. Il n'y a que les yeux qui ne laissaient pas trop à redire. Sauf que tout le monde a les yeux marrons dans ma famille proche et que ça paraissait très louche. Ma mère m'en voulait je crois. Comme si je l'avais trahie.
  • Trahie de quoi ? Excuse-moi mais c'est super bizarre comme raisonnement.
  • Oh c'est ma famille. Tu vas comprendre au fur et à mesure.
  • Je vais comprendre quoi ? Qu'une mère en veut à sa fille d'avoir les yeux bleus ? Je vois pas ce qu'il y a à comprendre.
  • Tu vas voir. Tu vas comprendre, je te promets. Et tu verras, Monsieur le défenseur de a veuve et l'orphelin que la situation est plus complexe que tu ne le crois.
  • Tu n'es pas la fille de ton père ?
  • Tout de suite. Tu n'aurais pas des parents psy toi par hasard ?
  • Oh non !
  • Et si ! Hihi ! Je suis bien la fille de mon père. Ce n'est pas un problème de tromperie, ou trahison de ce genre dont j'aurais payé les pots cassés.
  • Ok. Mais t'es sûre ?
  • Oui je suis sûre Flo. Si tu voyais mon père, tu ne poserais même pas la question.
  • Pourquoi ?
  • Parce qu'à part les yeux, on se ressemble énormément.
  • Ah alors c'est pour ça !
  • C'est pour ça ?
  • Que ta mère t'en veut !
  • Ah peut-être. Je n'avais pas pensé à ça. Mais au fond, je ne crois pas. J ene sais pas remarque. C'est une bonne question.
  • Mais Jana en fait, tu te poses ce genre de questions ?
Elle ouvre aussi grand les yeux qu'il a ouvert grand la bouche quelques minutes auparavant.
  • Non mais je sais pas. Tu as l'air tellement sûre de toi et sans entraves.
  • Ouh là ! Sans entraves !
  • Oui tu n'as l'air arrêtée par rien.
  • Vas-y continue qu'on rigole un peu !
  • Tu sais où tu vas et personne ne t'en empêche, du moins tu ne laisses personne t'en empêcher. Tu es une costaude. J'imagine bien que tu as tes fragilités. Mais sûre de toi, je n'arrive pas à te voir autrement.
  • Et bien ça commence aujourd'hui. Je ne peux pas te dire que je ne suis pas sûre de moi. Je sais ce qui fonctionne et quelles stratégies adopter pour obtenir ce que je veux. Et c'est vrai que je supporte mal qu'on me mette des bâtons dans les roues, comme on dit je crois...
  • Tu crois ? … Ah oui, je découvre quelqu'un d'autre là...
  • Oui je crois. Passons. Je sais comment et quoi faire, comme être et qui montrer pour ne pas être arrêtée, c'est ça, et avancer comme je le désire. Mis il y a toujours au moins un emmerdeur comme toi qui va chercher le fin mot de l'histoire. Vous êtes les pires et les meilleurs.
  • Oh ! Me voilà touché au cœur Mademoiselle !
  • Je suis sérieuse.
Il lève les sourcils, interrogateur.
  • Je suis sérieuse Flo. Merde alors !
  • Oh un gros mot Princesse Jana !
  • Ne m'appelle pas comme ça !
  • Euh... c'était pour rire.
  • Ça n'est pas drôle.
  • Désolé, c'était vraiment pour rire.
  • Eh bien, ce n'est vraiment pas drôle. Ça aussi tu comprendras.
  • Quoi ?
  • Patiente ! Oh c'est pas vrai celui-là !... Tu fais partie de ces rares personnes qui ne se contentent pas d'un mur lisse, froid et beau. Beaucoup s'en réjouissent et en profitent. Et c'est bien humain. Cela m'arrange beaucoup tu penses bien.
  • Oui, c'est surtout ça que je pense.
  • Et tu ne penses pas que j'apprécie ou même que j'attendrais peut-être qu'on vienne me chercher derrière le mur ?
  • Je sais pas. Je ne te connais pas.
Elle accuse le coup.
  • C'est vrai. Je fais tout pour.
  • Oui tout.
Elle baisse la tête, la mine contrite.
  • Enfin, Jana c'est pas un drame galactique non plus. Chacun fait comme il peut et veut pour se défendre.
  • Une petite théorie sur les mécanismes de défense Monsieur le psy ?
  • Ah non ! A moi de m'insurger ! Ne m'appelle pas comme ça !
  • Et pourquoi ?
  • Parce que tu me prends pour quelqu'un que je ne suis pas.
  • Ok. Je ne peux que comprendre ça.
  • Ce que je voulais dire c'est qu'on ne fait pas tout ce qu'on veut.
  • Oui. On s'adapte.
Il sourit. Elle se lève en trombe et l'attrape par la manche et le tire vers la sortie en bousculant le monde arrivé entre temps. Ils sortent de justesse de la rame.
  • On a raté l'arrêt précédent.
  • On peut marcher non ?
  • Oui oui. Ce n'est pas loin.
Ils reprennent leur souffle. Elle surtout. Maintenant qu'il sait qu'elle est asthmatique...
  • On va par où ?
  • Suis-moi.
Leur conversation a été coupée en plein élan. Ils marchent dans Paris en silence 2 ou 3 minutes.
  • Tu habites le quartier depuis longtemps ?
  • Oh oui ! Au moins 5 ans.
  • C'est pas énorme si ?
  • Moi, ça me paraît long.
  • Tu as souvent déménagé.
  • Ah ça oui !
  • Pourquoi ?
  • Pour l'école, pour le travail de mon père, pour la santé de ma grand-mère, bref, pleins de bonnes raisons.
  • Et tu as toujours vécu à Paris ?
  • Ah non pas du tout !
  • donc ?
  • J'ai grandi à Toulouse un bout de temps, puis on a déménagé à Marseille, et puis à Lyon, après la mer pour ma grand-mère donc direction Bretagne, Vannes. En gros...
  • Donc tu es une fille du Sud toi ?
  • Oui c'est vrai que je me sens plus du Sud que du Nord. Mais à Paris, tout est plus facile.
  • Tout est plus facile ?
  • Il y a plus de choses...
  • Tu veux dire pour sortir et pour la culture ?
  • Oui et puis le reste.
  • Ok. Je n'aurais pas plus d'infos j'imagine.
  • Oh mais c'est pas vrai ! Attends un peu !
  • Ok ok.
Ils finissent le trajet en silence. Flo frustré. Jana se crispe à nouveau. Ils arrivent devant la porte d'un vieil immeuble. Elle compose le code. Ses doigts tremblent, imperceptiblement. Ils passent la grande porte cochère.
« Janouch, t'inquiète pas.
  • Si je m'inquiète au contraire. A ma place, tu t'inquiéterais aussi.
  • Oki, j'ai rien dit. Juste, je vais pas m'enfuir en courant.
  • C'est ce qu'on va voir.
Il doit regarder l'expression de son visage pour être sûr qu'elle plaisante bien. Mais même là, il n'est pas certain qu'elle blaguait. Il ne saurait pas dire.
Ils montent l'escalier , « pour deux étages, on peut monter à pied. CA ne te dérange pas ?
  • Non, pas de problème. C'est bon pour le cœur.
  • C'est ça.
Sur le palier, elle s'enfonce jusqu'au fond du couloir à gauche. Elle cherche ses clefs. Doucement puis frénétiquement. Flo ne dit rien. Il ne veut pas mettre le feu aux poudres. Elle les saisit :
  • Enfin !
  • Ah cool !
    Elle tremble de plus belle et se penche pour insérer la clef dans la serrure. Elle n'y voit rien avec ses longs cheveux qui lui tombent sur le visage. Elle finit par les rassembler d'une main et les enrouler dans son cou. Ce geste lui a coûté. Elle ne se touche jamais les cheveux, c'est vrai. Flo s'est déjà fait la remarque.
    Dos à lui, surgit un morceau pâle dans la chevelure sombre. « T'as un truc dans les cheveux Jana, attends !
  • Non !
    Elle a presque hurlé.
Flo ne bouge plus.
  • Pardon, c'est normal, c'est rien. Ne touche pas.
  • Ok. Pas de problème.
Il lève haut les mains pour prouver ses bonnes intentions.
Ils entrent l'un derrière l'autre. Il la suit précautionneusement.
Elle reste immobile un instant puis fait volte-face et attache ses cheveux en un épis chignon.
Il la regarde. Il ne peut pas ne pas le voir.
Jana a l'attitude d'une petite fille à nu.
Il ne dit rien.
Le silence est total.
Le temps s'arrête.
« Pourquoi tu n'as pas dit Jana ?, arrive-t-il à articuler.
  • Tu t'enfuis ou pas ?
  • T'es folle ou quoi ?
    Des larmes remplissent ses yeux qui disparaissent complètement.
    Flo s'approche de son amie et répète : « Pourquoi tu n'as rien dit Jana ? Pourquoi ?
  • Pour avoir l'impression d'être normale.
    Il la prend dans ses bras et la serre très fort contre lui. Elle pleure sans un bruit ; lovée comme une enfant qui s'est tellement cachée.