mardi 28 mars 2017

La mise à mort (3)

Le Nouveau Monde
pourtant
est béni.
Il ne se cache plus
derrière une cité
soi-disant
d'or.
Plus de masques
à sourires
inamovibles,
grimaçants
à moitié,
ces vieux masques
de tradition
qui sourient
et montrent les crocs
tout de même.
On dit :
« T'es parano ma pauvre fille ! 
Arrête ces idées bizarres ! »
Elles ne font que déranger
ceux qui ne pensent
pas
bien fort.
Pas d'idiots à
accuser.
Les vrais idiots
sont rares
et précieux.
Des pense-vides
oui.
Le Nouveau Monde
est une bénédiction,
Prières entendues,
exaucées,
on peut ne pas
sourire.
Soulagée du bon ton,
des bonnes manières,
de la cité d'or,
de paille oui !
Pfff...
Quelle douceur
de voir la jungle
plus réelle
et plus juste que
toutes les cités
d'hommes,
reprendre ses droits.
Elle a tu-
é l'humaine.
Elle est renée
en fauve et haine.

En sous-marin

Il est calme,
il sourit
quand on s'énerve
ou qu'on s'excite.
Il est ancré au sol,
son sol
et n'en démordra pas.
Gare à celui qui s'y aventurerait.
Nul besoin de le préciser.

Il est tranquille,
presque impassible,
tout est risible,
pour rien au monde
une rate court bouillonnée,
tout est possible à
pirouetter,
même le plus grave.

Sauf les enfants,
peut-être.

Il est,
en fait,
en sous-marin.
Il vogue sous la surface des eaux,
là où l'on laisse tomber,
là où il peut cacher
ce qui se trame
derrière les
rires
et
sou-
rires.

Il est requin,
baleine,
dauphin,
tout à la fois,
en tout cas,
de grande mer,
aussi invisible qu'il le veut.
Pour le trouver,
il faut chercher,
il faut plonger,
il faut ne pas abandonner.

Il est
en sous-marin,
il glisse des doigts,
des mains,
il s'évapore
ne dérange
ni ne demande
rien.

Sauf pour les enfants,
et l'injustice.

Quand il sort
sur les flots,
attention à tous les profiteurs,
malhonnêtes,
hypocrites,
beau-parleurs.
Il hurlera gros comme
baleine,
croquera acéré comme
requin,
retournera le monde comme
cachalot,
étouffera les plaintes comme
pieuvre
gigantesque.

Gare à la colère du sous-marinier.
Bienheureux celui qui gagne sa confiance
ardue.
Il ne lâche ni la proie
ni l'aimé
à jamais.

samedi 25 mars 2017

La toute petite main

Parfois,
pas si rarement,
cette image,
ce mot,
ce geste,
qui reviennent.
Comme des flashs
traumas
gangréneurs.
Mais des flashs
traumas
nourrisseurs.
L'image,
le mot,
le geste,
marqués en moi,
tatoués.
Bien plus profondément
que ceux qui se dessinent
sur la peau.
Tatoués dans mes organes,
dans mes entrailles,
jusqu'au noyau
infrangible.

Ce geste
par exemple,
dans son extrême douceur,
presque insupportable,
d'un inconnu
ou presque,
d'une douceur ineffable,
deux minuscules secondes
qui ne s'effacera jamais,
je le sais.
Parce que
ce jour-là,
dans ce tout petit geste,
il a donné
son être.
Sans le vouloir
sans doute.
Sans le savoir,
sûrement.
Un geste sans importance,
sans conséquences,
oublié de tous,
sauf de moi-même,
parce qu'il était
parfaitement
entier,
parfaitement
vrai,
sans aucun artefact,
plein d'une infinie tendresse
qui ne m'était pas
adressée,
qui devait se donner
au premier venu
quel qu'il soit,
pour survivre ;
j'étais sur le passage.
Plein aussi d'une douleur
meurtrière,
sans bouclier,
qui devait se donner,
sortir de cette main
pour ne pas tuer
de l'intérieur.
Inoffensive pour moi,
mais dotée de ce pouvoir
d'ouvrir n'importe quel cœur
digne de ce nom.
N'importe qui aurait senti ?
Je n'en sais rien,
je ne suis que moi.
Mais ce jour-là,
pendant deux secondes,
il s'est introduit,
sans rien violer,
dans mes profondeurs.
Sans le savoir,
sans le vouloir,
il a tout dit,
tout vomi,
d'un coup,
sous ses airs de
conquistador.
Il était ce tout petit
mains ouvertes,
juste les yeux pour
appeler.
Dans ce corps d'adulte,
sûr de lui,
sans complexe et sans peur,
a surgi
toute l'histoire de l'enfant
crevant de solitude.
J'ai eu envie,
un désir puissant
de le prendre dans mes bras.
J'ai cru au désir
sensuel,
celui auquel il croit
lui-même.
C'était bien autre chose.
C'était tout à la fois.
C'était ne plus jamais
le laisser
souffrir,
seul.
C'était le rattraper
et hurler contre
son déguisement
parfait lui aussi.
Rôdé.
Sur mesure.
Exaspérant de charme.
De charme sans fond.
De charme fatal.

Il n'en sait
ni n'en saura jamais
rien.
Peut-être ne le
reverrai-je jamais
d'ailleurs.
Là n'est pas la
question.
Mais moi je sais
que j'emmènerai dans ma tombe
cette main anodine,
passée nonchalamment
dans mon dos
pour m'écarter.
Et
sans doute,
bêtement peut-être,
je prierai pour lui
et pour qu'il
enfin
trouve
celui ou celle
avec qui
il pourra
mettre à bas
son masque trop magique.


mercredi 22 mars 2017

Je crois, tu crois, il croit

Croire que là dehors,
Le monde est hostile,
Prêt à en découdre.
Ou croire que là bientôt,
derrière la porte,
La chaleur t'enveloppera.

Croire que la jungle,
Ses prédateurs
Te mangeront cru
Au premier regard.
Ou croire que ce beau jardin
T'accueillera
Comme quelqu'un
Qui a le droit.

Croire que tu seras
Chassé, méprisé, écrasé,
A peine sorti de l'œuf
Et du lit.
Ou croire que tu seras
Attendu, respecté, aimé
Comme presque tous les jours
Que Dieu fait.

Croire que tu seras
mis à mort
Pour une broutille,
Prétexte,
Ébouillanté de douleur.
Ou croire que tu seras
Le plus vivant
Et que tu te battras
Pour toujours mieux.

Croire que presque tout
est impossible
Et que,
Quoi que tu fasses...
Ou croire que tu choisis
Parmi une infinité
D'horizons
Interrogateurs.

Je crois, je ne sais pas
Tu crois, tu ne sais pas
Il croit, il ne sait pas
Nous croyons, nous ne savons pas
Vous croyez, vous ne savez pas
Elles croient, elles ne savent pas.

La jungle des croire.





lundi 20 mars 2017

La mise à mort (2)

Le Nouveau Monde
interdit
les faiblesses passées.

Le Nouveau Monde
interdit
les hontes d'enfant.

Le Nouveau Monde,
est sans pitié.

Tu lèveras la tête.
Tu regarderas droit dans les yeux.
Tu soutiendras les regards.
Tu n'auras peur d'aucun.
Tu n'auras plus peur.
Tu auras droit.
Tu prendras droit.
Tu défieras
si nécessaire.
Tu te révolteras
si nécessaire.
Tu brandiras les armes
haut par-dessus ta tête.
Tu sera fière.
Tu souriras aux provocations.
Tu resteras narquoise
et tu te vengeras.
De la plus petite blessure.
Tu vengeras ceux que tu aimes.
Tu haïras les lâches.
Tu seras courageuse
jusqu'à mourir.
Tu ne cèderas
sous aucun prétexte.
Tu gagneras
tous les bras de fer.
Tu ne te vanteras pas.
Tu seras fière de toi,
en silence.
Tu te tairas,
le plus possible.
Tu laisseras les autres
parler pour ne rien dire.
Tu riras de leur temps
perdu.
Tu riras de leur malaise
face à ton silence
sans pitié,
ni pour eux
ni pour toi.
Tu te regarderas toi aussi
aussi droit dans la glace
qu'eux dans les yeux.
Tu ne te détourneras pas.
Tu penseras mieux que
tous
mais !
tu n'hésiteras pas.
Tu tueras
s'il le faut.

Dans le Nouveau Monde,
la vie est la jungle
sans apparât
ni faux-semblant.

Dans le Nouveau Monde,
on sait que la vie est survie.

dimanche 19 mars 2017

La mise à mort (1)


Un jour,
un éclair,
et le tonnerre qui
l'accompagne.
Le fracas
qu'on espérait
jamais venu.
Un immense fracas
intestin
silencieux
mais l'horizon s'est ouvert
d'un coup.
Finalement,
on ne l'avait jamais vu
l'horizon.
Alors,
obligé de sourire.
Le bout du monde...
Un autre bout,
Un autre monde.
Enfin,
Les vannes sont libérées,
le verrou sauté.
Un sentiment de jamais vu,
jamais venu
jamais sauvée.
Le sentiment de prise.
Je la tiens,
je la retiens,
je la barre,
dès aujourd'hui,
je la vire,
ma vie.
L'infirmité ne s'est pas envolée.
La boiterie,
la douleur
sont tenaces
et voraces.
Réalisme
dans l'espoir
brutal,
pour l'instant.
Mais
vous allez voir ce que vous allez voir !
Dans la voiture,
regardant passer
l'habituel,
un orage s'est réveillé,
sourd,
il sera aveugle,
il sera fou,
sans pitié,
mais il sera vivant
et solide.
Bienvenue dans le Nouveau Monde.




dimanche 12 mars 2017

Moi moi moi je te hais

Il y a ces gens
vous savez bien ces gens-là
qui jamais.
Vous croyez que ça n'existe pas.
Mais si,
jamais ils ne.
Jamais rien ne.
Toujours vous vous.
En silence.
Bien sûr.
Parce que tout cela ne sert à rien.
Parce que vous ne voulez pas faire de scandale.
Mais vous avez envie de.
Oui de,
et fort.
Vous vous en gardez.
Ce serait mal vu.
Et toujours,
ça ne servirait à rien.
Vous enragez.
Vous avez vraiment envie de.
Et ça s'arrête même avant de dépasser les lèvres.
Même vous n'en dites rien,
parce que ça non plus,
ça ne sert à rien.
Vous avez dit et redit.
Vous avez crié.
Vous avez maudit.
Vous avez haï.
Et ça n'a servi à rien.
Rien n'a changé.
Les mêmes erreurs,
le même rouage face à vous
toujours
quoi que la vie prépare,
quoi que la vie répare,
quoi que.
Le même rouage
qui ne cessera qu'avec la mort.
Que peut-être on espère pour
qu'enfin
la colère s'arrête aussi.
Cette colère
que vous ne maîtrisez
décidemment
pas,
qui reprend toute la place
qui vous dit que
Putain, c'est pas possible !
Mais qui n'accepte pas
que si,
tout cela demeure,
et demeurera.
Certaines choses restent
inchangés.
Certaines personnes
jamais
ne changeront.
Egoïstes,
moi moi moi
jusqu'au bout de la vie.


samedi 11 mars 2017

J'écris

J'écris
des heures.
J'écris
Je me remplis.
J'écris
je suis vivante.
J'écris
je suis quelqu'un.
J'écris
sans avoir.
J'écris
je comprends.
J'écris
j'apprends.
J'écris
toujours une autre.
J'écris
encore plus loin.
J'écris
je plonge.
J'écris
je n'ai plus peur.
J'écris
et j'ai le droit.
J'écris
mes pieds se posent.
J'écris
mon souffle s'apaise.
J'écris
et j'ai confiance.
J'écris
voilà ma chance
J'écris,
j'avance.

dimanche 5 mars 2017

Sur la cîme, sans un pli


L'arête,
tout en haut,
sans un pli ;
la cîme,
pointue
aiguë.
Elle est là,
sous nos pieds.
Elle est sans politesse,
sans pitié.
On est au cirque,
sur un fil,
pas tant que ça quand même !
Mais pas loin.
Bouger sera choisir.
Pas de demi-tour,
pas d'arabesques,
aucune danse
d'aucune sorte,
pas de Mmmmmh attendez,
avec force gigotage.
Tout ça est terminé.
Sur ce sommet,
on ne tourne pas en rond
ni en aucun autre sens.
On ne tourne plus.
On ne voltige plus.
On ne s'amuse plus.
On ne gâche plus.
On ne tergiverse plus.
On ne procrastine plus.
On est face à soi-même.
Et on n'échappe pas.

On peut redescendre à reculons.
Avec tous les prouesses techniques
imposées
par cette figure,
à travers les pierres imprévisibles,
à l'aveugle.
On peut.
On peut toujours,
même le plus improbable.
L'humain est doué de ressources
insolites et extraordinaires.

On peut aussi descendre de l'autre côté.
En face.
Paraît plus facile ?
De loin,
sans aucun doute.
Paraît plus logique ?
Bien sûr,
avec juste la tête.
Trop fastoche avec juste la tête.
Sur l'arête
tout là-haut,
la tête n'est que la moitié,
peut-être même moins.
N'est-ce pas à souhaiter d'ailleurs ?
On peut descendre
mais,
on ne l'a pas dit,
il fait un immense
brouillard.
Vous savez
ce doux et frais brouillard
qui monte qui monte qui monte !
Ce brouillard dans lequel
on aurait envie
de
se lover.
Il est beau
mais l'esthétique n'est pas de mise
à cette altitude.
On joue sa vie.
Bien sûr qu'on joue sa vie !
Ne pas exagérer ?
Certainement pas !
On joue sa vie,
son avenir
tout son être.

Aujourd'hui,
je ne reculerai pas.
Je suis,
sans vraiment le comprendre,
arrivée sur la cîme.
Surprise,
je suis restée immobile.
J'ai attendu de
mesurer
l'ampleur de l'événement.
Puis,
j'ai souri,
fière.
Fière de mon ascension
parfois insupportable.
Et sans un pli,
je m'apprête à choisir.
Je bouge mon premier pied
et m'embarque sur cette
nouvelle pente.
Je glisserai sans aucun doute.
Mais le brouillard me consolera.
Je pourrai rire de mes
zouip le pingouin.
Et je me serai fidèle.
La traîtresse à elle-même
s'éteindra peu à peu,
avec la peur et la rage.



mercredi 1 mars 2017

Patate impitoyable

Sans pitié seulement quand elle était seule et invisible. Bien vivante, plus vivante que jamais mais indéchiffrable. Elle n'osait pas penser quand elle était en présence de tous les autres. N 'importe lesquels. Elle n'osait pas penser ce qu'elle avait envie de penser. Ca, elle ne se rendait pas compte, mais c'était ça qui la tuait à petits feux et qui lui faisait croire qu'elle exploserait un jour en milliers de morceaux de verre tranchants pour se reformer ou plutôt se former enfin vraiment. Être une vraie, pas une hybride sans.
Dans sa tête, elle retenait ses pensées.
Dans sa tête, elle était un horrible maton.
Dans sa tête, c'était elle la sadique.
Dans sa tête, elle ne supportait aucun
pas le moindre
petit
écart.
Dans sa tête, Patate était un tyran.
Elle croyait qu'on l'entendrait penser.
Elle croyait que cela sauterait forcément aux yeux.
Que même son odeur la trahirait.
Surtout son odeur.
Elle croyait dur comme fer à tout cela.
Tellement dur qu'elle ne savait pas qu'elle y croyait.
Mais elle sentait qu'elle ne pourrait pas toujours vivre ainsi et qu'un jour dans sa tête, les plombs sauteraient, qu'il y aurait le court-circuit du siècle. Peut-être en l'an 2000. Peut-être avant, 1999 c'était bien aussi. Il y aura un miracle ou une tragédie ou les deux à la fois. Elle le savait. Et elle avait en cela tout à fait raison.
Arriva ce jour, un 24 août. Bien sûr c'est un grand saut en avant que nous faisons là. Bien sûr ce sont des années plus tard. Mais c'est important, c'est essentiel parce que tout prend sens. Parce que Patate prend sens. Parce que Carotte et Petite Poisse, Piment et toutes les autres volent en éclats avec elle et elle, en plein vol, inhumaine, à nouveau embryonnaire ou alors enfin née, tire à vue sur tout ce qui bouge, et se retourne sur ces années. Patate virevolte, salto multipliés, de toute façon, elle ne retombe pas tout de suite, et elle bombarde le passé. Elle extermine tout ce qui a eu lieu, elle troue la poitrine de tous ces êtres qu'elle déteste alors ouvertement. Elle épargne Piment. Ce n'est pas la même chose. Elle déchire les autres et elle se déchire elle-même en tout premier lieu pour être sûre de ne plus rien craindre, de n'avoir aucune représailles. Elle se ravage déjà donc plus besoin de rien faire de ce côté-là. Mais les autres, Patate l'observera au cours des mois suivants ce 24 août, ne se vengent pas. Les autres sont bien moins puissants que ce qu'elle pensait. Elle s'est complètement trompée. Ils restent bouche bée, terrifiés et désolés aussi et la regardent sans bouger. Au début du moins.
Ce jour-là, elle dit : « Plus jamais je ne serai ce que j'ai été. Plus jamais vous, vous tous ne pourrez me mépriser et m'enterrer comme vous l'avez fait jusqu'à présent. A partir d'aujourd'hui, je vous imposerai le respect et vous demeurerez loin de moi pour ne pas vous blesser. Non pas pour ne pas vous salir, comme avant. Mais parce que vous aurez peur. Enfin, à votre tour vous aurez peur de moi et je cesserai de vous craindre jusque dans mes rêves. A partir d'aujourd'hui, je suis Patate-ninja. Tous les sacrifices, je les accepte, même celui de ma vie, pour exister enfin correctement. Vous n'aurez plus jamais le droit. Plus jamais. »
Et elle avait réussi son pari. Son pari, c'est ce qu'on dit de l'extérieur. Sa survie, sa renaissance, c'est que Patate vous dirait. Mais à quel prix ?