mercredi 26 février 2014

Impitoyable descendance

Quoi en penser de ces aïeux
borgnes
sourdingues ?
On ne les connaît que vieux et déglingués.
Ils veulent nous faire entendre leur brillant,
en haut de l’affiche
il y a des décennies.
Mais à huit ans,
on n’en a pas même
bouclé une de décennie.
Alors, les grands-parents sont des toujours vieux
toujours pourris.
Je me dis que c’est de leur faute
si je ne suis pas bien normale.
Ils sont tellement coulés,
vieux camemberts,
L’odeur et tout,
Plus rien de net,
Plus rien de sortable.
Et ils se montrent.
L’une se pavane encore comme une
pompom girl,
désuète,
débile pour tout dire.
L’autre déblatère continument ses théories
en chœur avec la girl,
le self made man
regarde de haut
le reste du monde,
sera bientôt cloué de force
au lit,
comme les plus humbles.
T’es plus qu’un vieux mon vieux !
La troisième
Se pelotonne dans ses jours gris,
Le corps et l’âge enfin se mettent au pas
De la douleur.
Elle a attendu toute sa vie d’être enfin vieille et ridée,
A l’extérieur comme à l’intérieur,
La vie n’était pas si laide, dit-elle.
Tu parles !
La looseuse qui ne veut pas finir
encore pire.
Et puis the last but not least
le clown blanc
en costard sale jour et nuit,
ni chic ni fun
un ennuyeux
et y a pas d’âge pour ça.
Correct et dépositaire d’exactitude,
il s’impose.
Il croit qu’il y a des choses
dans la vie
qui ne se périment pas.
Si usé et si naïf encore.
On a seulement huit ans mais on fait
Pffff !
Aux chiottes le vicoque !

.
Il faut attendre des trentaines d’années
des centaines de lumières
des milliers d’impressions
des milliards d’imperceptibles drames et miracles,
et on se rend à l’évidence.
On a été
impitoyable descendance.

mardi 25 février 2014

Jambes en l'air

Les bras en tombent
avec cheveux
ça dégringole
les mains molles
pas finies
impuissantes
qui bientôt se recroquevilleront
en un poing
hermétique.
Les jambes tiennent bon
parce que pas le choix.
Mais elles fondraient
en gros savon
mousseux
inconséquent
que ça les soulagerait bien.
Elles ne porteraient plus rien,
allongées toute la vie,
plus d’érection à tenir,
rouler,
s’étendre,
rerouler
s’étirer.
Et pas davantage.
C’est toujours à elles de tout prendre
en charge,
ployer,
et se redresser coûte que coûte.
et en rythme messieurs dames !
Voilà qui devient trop dur.
Il y a bien le dos qui est toujours là pour elles.
Mais lui, c’est un dur au mal.
Il ne pige pas tout à la psychologie des femmes.
Alors, on propose quoi ?
Marcher sur les mains,
histoire que les autres prennent le relais.
Bien entendu,
on rétorque : 
« c’est pas l’ordre des choses voyons. »
Eh bien, messieurs dames les bien lotis,
l’ordre est parfois un désordre.
Qd on tient le haut du pavé, c’est facile.
Quand on patauge dans les déchets, vas-y donc !
Ils sont loin des réalités
triviales
ces beaux mondes-là,
ces haut perchés.
Et pourtant,
Pas sûr qu’ils seraient contre un petit
renversement
parfois.
Mais Dame Nature a dit
non et non non.
Et l’équilibre ne se rétablit pas
même si on dit que c’est ça l’équilibre.
Qui qui se retrouve dans un fauteuil roulant ?
Ben c’est jamais les bras.
Ils sont ménagés eux.
Les jambes
elles turbinent.
Elles parlent pour le cerveau
d’ailleurs.
Quand ca ne va plus là-haut,
on trébuche
immédiat.
C’est le B du A.les émotions,
Ça fait plonger.
Pour réfléchir,
c’est-y pas qu’on s’assoit ?
Qu’on s’arrête ?
Ou qu’on piétine 
au contraire ?
Bref,
J’aurais besoin de tuteurs
jambières
quand la mayonnaise tourne dans la cocotte.
J’ai plus qu’envie d’être
tronc.
Je les replierais,
comme les griffes de chat.
Ca me gonflerait du haut
Ou il y aurait des poches
exprès.
J’aurais un fauteuil
et on croirait que je suis handicapée
du postérieur et ses branches,
pas de l’énergie et de la boussole.
Alors que oui,
c’est les deux-là qui yoyottent
archi plein.
La première est toute flasque,
elle devrait s’appeler ramollie.
La seconde a la tremblotte,
Or, les aiguilles sont faites pour être exactes.
C’est toujours mieux de faire penser
qu’on a le moteur
en panne
plutôt qu’on est à sec sans direction.
Bien sûr que je veux plus tenir debout
aujourd’hui !
mais vaille que vaille,
le ronron des rouages
en cadence
m’ont extirpée du logis
et menée malgré moi,
au cœur de la bataille.

lundi 24 février 2014

David et Goliath

On les pose côte à côte
Flan à flan
Les david contre les goliath,
Juste pour la forme.
Pas de combat épique
Pour les deux couples
En match mixte.
Impossible mixage
Précisément,
L’un ne va pas avec l’autre de l’autre.
Ils ne sont compatibles qu’avec celui avec lequel ils sont.
On pourrait parfois
Regarder ses grands-parents
En les mélangeant osément.
Ca peut être rebondissant
Même trivial
Et bizarre.
Qui penserait à mélanger ses aïeux. Peut-être qu’on y pense et que personne ne dit ?
Peut-être aussi qu’on voudrait pas mouliner les racines,
Argument incestueux
Et imagination débordante
D’autres êtres
Que soi
Jamais on aurait existé
Jamais de la vie
On n’aurait été.
Alors, pour rigoler
Quand même,
On les fait chevaucher l’autre de l’un
Et vice-versa.
Bref, on mitonne les vieux croûtons
Comme des jeunes pousses
Et ça fait bidonner tout les petits-enfants.
Je dis pas qu’on en parle entre nous
Mais on y pense.
Ils s’accordent
Comme l’as de pique
Rien n’est assorti
Rien ne sonne juste.
Un david avec une goliath
Un goliath avec une david
Un david avec un goliath
et le reste.
Possible plan à trois,
Attention au david seul contre les deux géants.
En plus,
Ce sont des david
Pas malins comme le vrai,
Petits c’est tout,
Et malingres.
Tout comme les géants ne sont
Pas méchants comme le vrai,
Je dirais pas moins dangereux. Mais ce n’est pas exprès,
Comme on dit.
Et dire qu’on m’a rabâché rabâché qu’heureusement que tu ne le fais exprès, manquerait plus que ça !
Et après me l’avoir ôté de la bouche,
On me le ressert mâché digéré
Pour excuser les pauvres vieillards.
Je dis non et non en tapant du pied.
Na !
Cette partouse quadrilatère
Ne mène à rien.
Le spectacle n’aura pas lieu.
Enfin, tout de même,
En ce jour d’officielle rencontre familiale,
Les quatre alternés
En pentes à-pics,
Ça fout les yeux en vrac.
On nous apprend les grandes marées
Au plus jeune âge,
Après on sera paré pour la vie
Et ses épreuves.
Le jour et la nuit
Et toutes les saisons
Sur le même tableau
Et tout le monde trouve ça normal.
Permettez-moi,
Jeune innocente
En jupe culotte
De m’insurger
Contre l’incohérence adultique.
Mais on prend le parti d’en profiter pour comparer
Et rire
Du grand écart
Clownesque
Des deux clans.
On se croirait dans un roman Balzac,
(attendu que les jeans troués aient pris le relais pour penser à ça)
Faux et re-faux.
Mais ils sont palpitants
Ces vieux rigolos.
Personne ne se permet rictus
Ni compagnie.
C’est le cirque en personnes.
Peut-être qu’après-coup,
On s’émerveillera
Et jonglera.

Ah si ! ils sont les mêmes
En un point

Ce sont des extrémistes de
L’infiniment
Grand
Infiniment
Petit.
Les deux pour les quatre.
Dieu et les gouttes d’eau et noix de beurre pour les david.
L’Everest et la bouchée de caviar et 0,00000001% pour les goliath.
Empereurs de l’hors-normes.
Ca donne pas des banals
Cette palette-là.
Vive les fourmis de l’intersidéral !

samedi 22 février 2014

Partages, de Gwenaëlle Aubry

J'avais gardé Partages pour la fin. Je pressentais quelque chose peut être avec ce titre et cette image de couverture. Bien sur, un peu circonspecte aussi, avec un thème aussi sensible que celui-ci. Beaucoup de précautions et d'attente qui auraient pu nuire à cette lecture.
Et pourtant, rien de tout cela n'a réussi à gâcher ma lecture, de loin la plus puissante entre ces trois premiers ouvrages de la sélection. Le fond comme la forme m'ont convaincue. Non que j'aie été transportée. Et tant mieux. Puisque ces livres qui transportent, souvent il ne m'en reste rien au bout d'un mois. Grenadille Aubry attaque bien plus profondément que cela. Les questions qu'elle pose sous couvert d'histoires et d'Histoire sont laissées en suspens et laisse le lecteur à sa perplexité. N'est-ce pas l'un des objectifs de la lecture que de 's'interroger sur l'humain à travers 
Des personnages et leurs tribulations ? Pour moi, c'est certainement le principal objectif et j'ai été comblée avec Partages. Ces questions implicites sur la subjectivité de chaque place et rôle, et sur l'impossibilité parfois de penser clairement les situations les plus complexes et les plus violentes... J'en ressors avec davantage et recul, davantage de richesse et un horizon de voyages et de réflexion qui s'est ouvert.

Les portraits de familles, par touches, au long du récit, m'ont semblé subtils et intrigants, et j'avoue tellement justes. Ce poids des générations, ce sens des prénoms, les morts qui nous suivent partout, même si l'on n'est pas une adolescente dans la bande de Gaza. C'en est d'autant plus touchant que le contexte donne aux morts une place presque monstrueuse. On sent vivement la démesure de ces morts géants qui écrasent les vivants.

J'ai beaucoup apprécié tous les passages mettant en scène le corps et ses expressions. Les maladies et les douleurs qui suintent dans le corps souffrant. Ces symboles si véridiques de la vie intérieure de chacun et de toute son histoire, peut-être même dépositaire de celle des ancêtres. 
Dans la même idée, les moments de flou dans la narration où en tant que lectrice, j'ai perdu mes repères, j'ai dû revenir quelques paragraphes en arrière pour être sûre que ce n'était pas ma distraction qui m'avait joué un tour. Mais non, le flou est bien parfois celui qui convient quand les sens prennent les rênes et que la tête se perd. Ce n'est que la confusion des sens qui, somme toute, nous est bien familière. Pas tant que ça dans une narration assez classique où l'on trouve rapidement ses marques. Cela rythme le récit comme l'est le quotidien par ces pics d'adrénaline et autres substances naturelles qui nous transforment. 

La sobriété et en même temps la délicatesse de la langue de Partages m'ont plu. J'ai, je l'avoue, trouvé le style un peu trop classique au début mais je n'avais pas encore perçu les multiples couches qui construisent ce roman. Je me suis d'abord dit que c'était trop simple. Et puis, les images, les symboles, les flash de sensations sont apparues. Je retiens aujourd'hui l'intensité du contenu grâce aux mots mais sans les mots. J'en ai oublié pour ainsi dire la matérialité des phrases pour me rappeler un monde. J'ai été particulièrement sensible au jeu de ponctuation habilement mené.

Les miroirs dans toutes leurs formes animent Partages. Je ne les ai pas tous trouvés. Le miroir des deux jeunes filles, en face l'une de l'autre, tout près, puis carrément confondues, m'a troublée. Gwenaelle Aubry orchestre parfaitement ce parallèle, puis superposition, qui sombre finalement en confusion. J'en suis arrivée à me demander si depuis le départ, je ne me faisais pas emmener par le narrateur sur le chemin d'une seule personne qu'il avait dédoublée. Passionnante mise en perspective. La structure narrative et même concrétisée dans la mise en page à la fin sourient ces miroirs en réflexions décuplées. Une émotion esthétique pour moi à ce moment-là. 
D'une manière générale, la construction narrative est vraiment intéressante.

La fin reste sur l'ineffable et tout ce que chacun de nous en fait comme miel, chacun à sa manière. 

mercredi 19 février 2014

Matinale affairée (43)

Un lendemain gueule de bois pour la minus rouquine. Elle ne prendra jamais un jour de RTT pour ça. C’est une question de dignité. Elle ne se laissera pas faire. Les vingt-huitards ne la feront pas céder.
Jamais.
Le matin des 29, elle accuse le coup, sans aucun doute. On lui demande souvent si elle n’a pas fait un peu trop la fête par hasard. Elle sourit mystérieusement. C’est en tout cas ce que beaucoup aiment à voir. Elle sourit ironiquement en réalité tellement elle n’a pas fait la fête hier soir. Enfin, les diables se sont bien amusés chez elle, mais ce n’est pas vraiment elle-même vraie. Il y en a bien auxquels elle ne pourra pas cacher grand-chose : Patrick le premier. Elle ne sait pas si ça lui fait plaisir ou déplaisir.
Avant cette étape du grand dehors, elle va procéder à toute la démarche de préparation post-28. La Loi prescrit le déroulement des événements. C’est pratique et confortable. Elle se lève un peu plus tôt parce qu’il y a des choses à faire, dans l’ordre et avec correction. Elle aime ce moment. Même s’il fait encore nuit, même si elle est la seule à être debout. Surtout parce qu’elle est la seule à être debout. Elle est tranquille pour s’organiser, personne à qui penser, personne à retenir loin d’elle. Tout le monde est mort pour encore une bonne heure. Sauf les boulangers. Mais ils travaillent. Ils s’en fichent d’elle. Et puis, elle n’en connaît aucun.
Elle va encore une fois s’étirer et ouvrir son corps crispé toute la veille. La nuit a nécessairement été mauvaise et c’est une joie que de se déplier. Parce qu’elle s’est enroulée sous les draps toute la nuit bien entendu. Entre deux spasmes. Elle a spasmé pendant 8h. C’est fatigant et agaçant. Ce serait pire sans les étirements des 3h. Heureusement, elle a ses stratégies désormais. Et la Loi, son pilier. Elle devrait dire ses piliers, avec un seul, elle ne serait pas bien avancée. Mais ça sonne mieux au singulier. Et c’est plus facile à adorer comme ça. Partager ses vœux, c’est trop dur. Elle a été élevée dans le monothéisme et elle ne peut pas se change comme ça. Non pas qu’elle y soit réfractaire. Ca lui aurait certainement fait du bien de changer d’air et de principes. Mais elle a été construite en monostyle, ce serait trop chamboulement que de se revenir à cette base-là. Avec la folie déclarée, bien sûr elle est retournée très loin en arrière même avant la naissance, mais tout n’était pas à refaire. Elle visitait ce qu’elle avait perdu de vue. En décalé mais c’était obligé. Elle n’a pas pu s’y soustraire. Elle ne regrette pas ça. Bien au contraire. Même s’il lui manquait un guide qualifié. Elle n’a pas tout compris à l’expo, la sienne pourtant. Mais ce qui nous appartient s’appartient en soi d’abord, en auto-tourbillon, et elle n’a pas pu le tenir en main. La scénographie lui a sans doute échappé. Elle en comprend des flash a posteriori, maintenant, depuis peu. Pourtant, le pèlerinage date bien de dix grandes années. Il a fallu tout ce temps. Finalement, le vrai changement, c’est maintenant, dans les 30. les 20, c’est plutôt vertige et vomissures, la tête en bas, ca donne rien. Démesuré. Il paraît qu’il faut en passer par là. Elle continue de se demander. Enfin, elle le répètera toujours, rien à regretter. Presque rien. Peut-être certaines bagarres ? Peut-être certaines haines trop longues ? Peut-être quelques plaquettes de chocolat ? Et puis non ! pas ça ! Mais peut-être quelques coups de cutter ?
A chacun sa jeunesse.
Les 30 ans, c’est l’occasion pour elle de tout refaire comme elle le souhaite vraiment, comme elle le décide elle-même. Pas exactement les même choses mais c’est pratique ces décennies successives. On a plein de chances renouvelées.
Après les étirements, elle s’ébroue. Elle ne le montre ni dit à personne personne. Même la mère n’en sait rien. Même la tante non plus. La Mémé, elle, s’en fout. Elle est au-dessus de ça. Leur condition, à elles trois femmes élues, est sa préoccupation, leur existence et leur beauté. Alors, connaître son emploi du temps et ce qu’elle fait de ses pattes, elle s’en tamponne. Tant qu’elle n’en sait rien du moins. Si cela lui venait aux oreilles ou autre, elle aurait sans doute son mot à dire. Elle a toujours un mot à dire, même si le sujet est un inconnu.
Elle s’ébroue et c’est merveilleusement agréable. Ce n’est pas qu’elle aime à prononcer ce genre de termes d’aïeule émue bourrée, mais c’est la sensation à ce moment-là. Elle n’y peut rien. Elle ne trouve pas d’autres qualificatifs. Rien ne convient comme celui-là. Elle en prend son parti, et tant pis. Si c’est du bon, on profite et on n’attend pas d’assentiment. D’ailleurs, elle ne voit pas qu’on l’autorise ou félicite à s’ébrouer. C’est tout de même non conforme. Comme tellement d’autres choses qu’elle dit et fait. Après, toute la subtilité réside dans non-conforme et indécent. Sont indécentes pour elle de nombreux gestes conformes et vice-versa. Mais elle sait qu’elle a un autre genre de cerveau que ses pairs.
Elle a toujours trouvé étranges « ces pairs ». : elle les sent plutôt tiers. Mais ce n’est pas comme ça qu’on dit ou pense.
            La douche attendra bien 2 bonnes heures.
Tout une épopée à accomplir auparavant.
Prochain chapitre, Messieurs Dames lectriteurs.

mardi 18 février 2014

Gymnastique nuitamment (42)

On croirait qu’ensuite les dilemmes et combat s’évanouissent. Que nenni mes bonnes gens ! La nuit du 28 est une nuit d’agité. Elle n’est pas encore laissée tranquille par les affreux du jour. Ils mettent le masque du dodo et youp la boum c’est reparti pour la nouba. C’est plus fou et c’est  moins précis mais ça la réveille exactement toutes les 28 minutes. Elle n’en revient pas elle-même de cette régularité. Et encore, elle s’en étonne oui mais ça lui ressemble bien cette exactitude arithmétique. Parfois, elle sent son corps qui s’habitue à ce rythme nocturne. C’est mieux que pas de rythme du tout. Finalement, avec leurs airs de bouffon aviné, les rois de la nuit sont mieux organisés que prévu. C’est les mois d’été qui passent mieux que les autres. Son corps se montre toujours plus docile. Il prend rapidement le pli (au bout de 2h environ) des traites de 28 minutes. L’hiver, ce n’est pas la même chanson. Le corps râle et vieillit à vue d’œil, se renfrogne et résiste. Il faudrait qu’elle aille vivre où il n’y a pas d’hiver. Parce que, mine de rien, cela lui brise une bonne semaine. Plus jeune, elle pouvait danser toute la nuit (elle l’a souvent fait au lycée) sans en subir les conséquences qui assagissent. Mais aujourd’hui, elle a pris un coup de canne à vieillard. Et puis, il ne faut pas oublier les pilules et gouttes. Elles font la paire toutes les deux. Elle pourrait en faire un vrai plat, juste avec elles. On écrase les comprimés, on ouvre les gélules (elle oublie toujours de mentionner les gélules, elle les trouve obscènes à vrai dire, d’autant plus quand elles coulent leur poudre) et on saupoudre de gouttelettes à la pipette. La couleur n’est pas fameuse mais c’est le cocktail du siècle. Elle aime à s’amuser à s’imaginer raconter cela. Elle a bien essayé un jour mais il aurait fallu avouer l’énormité de son pilulier. Et ce n’était pas autre chose que très intime. Cela ne sortait ni ne sortirait de l’étriquée salle de bain du studio parisien. Bon, bien sûr, si elle déménageait, elle transfèrerait le mystère d’une salle de bain à l’autre. Pas davantage. Pourtant son idée de bolée aux psychotropes la fait hurler de rire. La mère, elle sait donc elle aurait pu lui raconter depuis longtemps mais elles n’’ont jamais eu le même humour. Si tant est que la mère en ait eu un jour. Ce qu’elle est triste cette génitrice tout de même ! Ca donne pas la joie de vivre un enterrement pareil tous les jours que Dieu fait. C’est bien ce qu’elle se disait adolescente. Elle la laissait dans son coin, après avoir tenté toute son enfance de la ranimer. Elle n’est pas folle la mère. Pas elle. Mais franchement, à se demander si c’est mieux. Tout est une question de point de vue. Elle, Anna, elle sait parfaitement qu’elle est déglinguée. Ce n’est pas toujours facile, elle ne doit pas être malhonnête mais ce n’est pas si terrible. Oui la psychiatrie, Mon Dieu ma pauvre chérie. Pas tant que ça ! Sale odeur d’hôpital et beaucoup de chamailleries mais dans un tel microcosme, c’est obligatoire. Les premiers jours abyssaux. Aussi, beaucoup de gens qui ne se formalisent pas de choses extravagantes. On prend un peu pour un débile, parce que, allez savoir pourquoi, fou et débile c’est assez proche voire identique pour la plupart des gens. Bref, ça lui a permis de me reposer. Elle a un peu abusé, elle a profité. Toujours tirer profit de sa position dans la vie. Quelque chose d’immuable dans sa personnalité, sauf toutes les fois où elle a craché sur ses pères. Elle, on la dorlotait, elle a fait la neuneu. Pas non plus trop longtemps, ils ne ses ont pas fait avoir jusqu’au bout. Pas tous du moins.
Cette nuit-là, elle repense à tout ce qui s’est passé, toujours un peu les mêmes histoires, auxquelles elle ne pense jamais autrement. C’est automatique. Comme s’il y avait une case qui ne s’ouvre qu’avec le mot de passe « 28judas ». Compris n’’est-ce-pas ? Elle cligne pas de l’œil parce qu’elle ne sait pas faire et que de toute façon elle ne s’adonne pas à ce genre de grimaceries. Mais c’est tout comme.

Au beau milieu de sa chevauchée nocturne, la princesse rousse fait une pause, aux alentours des opaques trois heures. Elle est belle et solitaire, hirondelle et cavalière (puisqu’elle est en chevauchée bien entendu). Ce moment d’intimité avec la Lune est une douceur dans cette vie de rudesse, parmi les hommes et leurs violences. Elle penche tendrement la tête sur son épaule, se recueille, elle prie son Seigneur jésus mort en croix. Elle se défait de son épée malfaisante et redevient la vierge immaculée de l’enfance. Elle retrouve dans ce voyage céleste ses parents morts, qu’elle a tant aimés sans les avoir jamais connus, orpheline humiliée. C’est leur amour qui l’a sauvée et elle s’y replonge une fois par mois en ces 28 bénis.

Ca aurait pu mais non.

Anna ne s’attendrit pas, généralement. Elle savait faire avant. Ca se passe comme suit :
-          réveil à 3h de ce putain de matin
-          fourmis dans les jambes
-          footing obligatoire aux quatre coins de l’appartement
-          étirements (pour ses 29lendemains difficiles)
-          la tête en bas longues minutes
-          ne pas trop respirer
-          pas de mouvement de tête sur les côtés, surtout aucun car reprend le tic tac fou du cou
-          durée : 48 minutes 29 secondes
-          le sommeil de retour, un brutal celui-là
-          et saut agile au lit dans les 10 secondes, sinon le marchand passe

Tout un programme. Mais oui ! pour Anna, tout est un programme.
Même la folie lui était programmée.

lundi 17 février 2014

Fière minus

Elle
Se targue
Toise
Tape du poing
Tord le cou
Tire la couverture
Torture les hommes
Titille le désir
Triture les fiertés
Tance les plus grands
Talonnades cavalières

Enterre les faiblesses
Les siennes
Bien sûr.

Son business c’est le tapin.


Elle
Se blinde
Balaie sur passage
Blottit son cœur
Bravoure et sans pitié
Bubulle avec son pouce
Brandit l’immense magnificence
Boulotte découillue
Brise glace et tonnerre
Bombarde l’univers
Big bangue tout ça.

S’embue les idées
Pour oublier
Bien sûr.

Son business c’est sous le bureau.


Elle
Se déteste
Dilue sa vanité
Débouchonne tous les litres
Divinise le faux
Discrédite les ennemis
Diffère le Connais-toi toi-même
Décadence le corps
Danse à tue-tête
Dégoûte les juges intérieurs
Détruit ses trésors.

Endure les mensonges
Pour se cacher
Bien sûr.

Son business c'est la duperie.


Elle
Se cramponne
Crie comme un veau
Crache sur elle et les autres
Crétins humains
Croit en diable
Chrétien
Crevard comme elle
Crâne encore quand
Craque et
Croule.

Encrasse loin loin la haine
De soi
Bien sûr.

Son business c’est criminel.


Elle
S’immerge
S’immondice
S’immole
Dans ses déchets.

Elle
S’ouvrage
S’outre
S’ouvre
S’oublie
Comme le Mal.

Son business c’est la souffrance.

dimanche 16 février 2014

Femme moderne

Femme en fils
Sans forme
Sans fin
Immense
Bâton
Presque
Érectile
Dirait-on,
Si on était une mauvaise langue.
Une langue
Sale
Aphtée
Malade
D'acides
Qui brûlent les graisses.
Femme
En guerre
De courbes
En quête
D'angles
Droits
Ou gauches.
Mais tout sauf
L'incurvé
Accueillant.
Dure et
ferme.

Femme enfile
Tenue
Virile
Sexy
Sexe
En habits
Brillants
Coquille
Habile
Masque
Du manque
Des trous
Honteux
Soumis
Affamés.
Sans voir
L'infini
Pouvoir
De l'enveloppe
En chaleur
Sans chichis
Ensorcelle
Et finalement ferre
Sa proie
Englobeuse
Puissante
Pas d artifices
Et feux.
Définitive
L'enferme.

jeudi 13 février 2014

Trognon de bonhomme

gris laid nain
enfoncé dans son rôle
de rabat-joie
tenu dans la nasse
du faire bonne figure.
figure
d’administré
sérieux
notaire
consciencieux
calculateur
pingre
rassis
cireux
jauni
Comme une vieille photo
pas soignée.
Celui qu’on éloigne.

un vieux avant l’heure
vieux pain rassis
acide
bleui en roquefort
ébloui par perfection
Etrangleuse.
étranglé
au col boutonné,
sans majuscule,
sans décorum,
sans récompense.
l’invisible bibliothécaire
perdu derrière
l’ordre et
les collections,
le petit gars
renfrogné.
Celui qui grogne.

personne
n’imagine
quelque chose
derrière façade
polluée
en même temps vide
qui paraît sale
et morte vivante
pleine de microbes aussi
riche
bactériale.
façade complexe
sous l’ennui
et platitudes
trompeuses.
rien qu’à décrire,
c’est infaisable
alors qu’apparaît
si insipide.
Celui qui répugne.

en fait,
prisonnier
de ses remparts
exclu
et sinistré
déserté
et meurtri.
pas aimé
pas aimable,
respecté
et pas plus.
pluvieux
en tout temps
pour ne pas
pleurer
en deuil depuis
des décennies
croque-mort.
Celui qui saigne.

saigne
en silence
sans congénères
sans fraternel
un ours
frileux
frigidifiant
désolé
d’avoir tout oublié.
il se rappelle
quelques câlins
familiaux
et puérils.
Celui qui ne rechigne
plus.
Celui qui ne s’indigne
plus.
Celui qu’on dédaigne.
Celui qu’on grigne
sans vergogne.
Le gris besogne.
Humain rogné
grognon
et méconnu.
Trognon de bonhomme.

mercredi 12 février 2014

Coucher serein (41)

Elle doit encore tenir quelques minutes, parce que 22h28 est l’heure du commencement de la préparation au coucher. Ce n’est pas l’heure où l’on ferme les yeux. Enfin. Encore quelques instants interminables de lutte. A ce moment-là, remarquez, elle a presque comme un sursaut d’énergie. Elle s’en surprend toujours, toute seule. C’est sensationnel
Ascensionnel
Scancionnel
Sanctionnel
Sempiternel
la vie quand même. Pour peu que vous n’ayez plus rien à travailler
soulever
traquer
frapper
chasser
abattre
étrangler
poignarder, les forces reviennent et se bousculent même comme aux portes du spectacle qui ouvre. Elles renaissent parce que c’est pour un simple pic et que la flemme de plus ! faut pas pousser Mémé dans les orties, qu’elles disent. Ce sont des rustres et Anna, elle n’essaye pas vraiment de négocier avec elles. Elle sait que c’est peine perdu. Elles sont bornées et même si elles pourraient, elles ne feront pas l’effort. Elles décident ce qu’elles veulent. Et puis basta. Donc, elle fait avec.
22h28, heure pointue, elle est en équilibre après son harassante montée sur la pente du début de soirée. Elle sautille en funambule
fumeuse
enfumée
floue
fantôme
la descente s’annonce. Manège à sensations, ces soirs-là puisque la résistance a été si forte. Pas les douces roulades sur l’herbe moelleuse. Le train de l’enfer qui descend à pic fond caisse jusqu’aux confins de la vallée. On n’en voit pas le bout parce qu’avant d’avoir touché le bout, on sera enterré par Morphée. Morphée le terrorriste
le trapéziste
le droguiste
drogueur
drogué
vieux camé qui camisole le monde une fois son oppresseur Soleil disparu pour quelques heures. Elle le hait et elle l’attend depuis ce matin au réveil. Elle sait que comme Mesdames les forces, il est maître de son cycle et de son influence. Elle n’y pourra jamais rien. Elle se bat autant comme autant contre lui. Et tous les autres. Dont on ne parlera pas maintenant. Sinon le texte n’en cessera jamais, il y a
la rage
la femme
la poule
et la pute
l’amour
la honte
la norme…
non mais ! arrête-toi !  on a dit pas maintenant ici, c’est pas le moment. Quand il est parti celui-là ! Le problème avec tous ces adversaires, c’est bien qu’ils se présentent chaque jour comme si de rien n’était de la veille. Ils se régénèrent comme des salauds de phœnix. Elle soupçonne Morphée d’être leur pourvoyeur de dope. Elle ne voit pas autrement puisqu’ils devraient avoir lâché la grappe depuis le temps. Elle y met du cœur à les écrabouiller. Purée le soir avant l’attaque du dernier assaillant. Mais dignes et érigés le lendemain frais dispos. Ca l’énerve.
Ca l’énerve
Ca l’énerve.

Les ablutions accomplies proprement, elle plonge dans le vide. Elle s’entraîne pour Euro Disney, elle pourra peut-être bientôt faire les trains looping.
Le corps parfaitement immobile.
Anna qui dort est une morte en sursis.
Ce soir-là, ce 28-là, a été trop dur, elle doit l’admettre. Elle était vibratoire toute la journée. Elle laisse la victoire facile à Morphée l’enculé. Elle se contente de l’insulter. Elle n’a plus la colère qu’il faut ce soir.

mardi 11 février 2014

Crépuscule tortueux (40)

Elle lutte la nuit pour ne pas s’endormir avant 22h28. Il faut résister et maintenir les paupières à pinces à linge.
Exercices palpébrales braux
En rythme
En mesure mais pas trop non plus
La pulsation anesthésie
On se laisse bercer
Si pas piquante.
Alors, elle calcule habilement son enchaînement
Ruptures cubistes et mélanges des genres
A intervalles irréguliers.
Télévision qui doit attiser le désir et nourrir le plaisir. Ouvrir l’appétit de la suite jusqu’à 22h28 au moins. Quand le combat se fait trop rude, elle se remémore les séances d’orthoptiste et se muscle les miradors, obligée d’être en alerte. Elle se pose des défis oculaires. Le pot de fleurs dans l’angle tout à gauche presque hors d’atteinte ; le pied du lit tout au fon derrière tous les obstacles fondu dans le mur. Bon, c’est certain, la télévision est un peu délaissée pendant ces interludes sportifs. Mais elle peut s’arranger pour les caler au moment des publicités. Parfois, elle doit rajouter des sessions entre les plages pub. Le pire du pire ; c’est 20h27. Il reste plus de 2h et le film n’a pas même commencé. Il faut s’agripper à un documentaire ou une série idiote qui donne très envie de lâcher le morceau. Ce n’est pas que les documentaires l’ennuient, loin de là. Mais déjà que les yeux sont en berne, les neurones ne suivent pas tout seuls. Il leur faut des globules en béton. Les documentaires qui fonctionnent ces jours et soirées-là, ce sont les jungles et guerres. Pas guerre en noir et blanc, là c’est le somme assuré. Mais guerre avec giclage et description des tortures. Là encore, ne nous leurrons pas. Ce n’est pas qu’elle aime cela. Mais elle ne peut pas s’assoupir devant ce genre de courses à l’ennemi. Ca lui en dit trop l’ennemi. Le monde est un nid d’ennemis. Elle les voit défiler sous son front qu’elle sent gigoter. Comme si des petites bêtes se déplaçaient sous la frange. Heureusement qu’elle a une frange, on ne pourrait pas la voir, elle est seule mais si cela se mettait à arriver en pleine réunion. Nul ne sait… Ca gigote parce qu’il y a tellement d’images qui se bousculent, plus vraies que nature ! Y en a, c’est l’abdomen qui gonfle. Elle c’est les sourcils and Co.
Mal de mer
Haut le cœur
En sommet de corps
Front chaviré
Perdu la barre
Les oreilles maintiennent cap
Coûte que coûte
Les yeux s’écroulent
s’encroutent
sous les lourdasses
qui font les couvertures.
Mais j’ai pas froid aux yeux !
Je veux pas de réchauffement !
Elle gueule
Comme un veau
ça a le mérite de
rendre les paupières furibardes.
Elles se mettent à chanter en vibratos,
shocking my dear !
Mais au moins les pupilles sont libérés
d’infantilisation.
La camisole de l’âge.
On se trompe toujours sur celui qu’on accuse
d’ailleurs.
Le bel âge et le grand âge
pour pas dire le sale.
Elle trouve ça plutôt ingrat
en début de carrière.
Bref, tous ces événements réveillent bien, les réflexions alambiquettes qui vont avec. Partie des yeux qui se ferment, elle en arrive à une philosophie des âges. Mais il ne faut pas que cela dure trop. Elle pourrait prendre le rythme là encore. Elle s’inspire des techniques de torture. Non et non ce n’est pas qu’elle veut se faire du mal. Psychologie à la noix. Heureusement qu’elle est un peu plus compliquée que ça quand même. Parce que dans la torture, on empêche le bonhomme de s’habituer, d’avoir le temps de trouver un compromis. On le trimballe d’univers en univers. Un Super Mario réel, à chaque plateforme ses monstres et ses dangers. Elle peut aussi dire qu’elle s’inspire de Mario, c’est vrai. Mais c’est moins parlant. Et puis, c’est peut-être pour ça, mais c’est pas de tout repos de s’empêcher de dormir. Elle a des petits instants d’inconscience, elle sombre. Mais sa volonté est une folle et elle aura toujours le dernier mot. Donc, elle se reprend très vite, en se faisant fouetter sans concession. Ca claque dans la tête. Et hop ! elle se redresse. On dirait un jeu à ressorts.
Coucou
Coucou
Douiiiiing 
Buuuuuuup
Ennnnnn march !
Tac
Clac
Piiiiiin.
22h28 approche et ce qui se passé ensuite sera contée
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