vendredi 28 novembre 2014

La vache et la pomme

Et il regonfle
reprend son ampleur
se pavane
et me nargue
sous moi.
Il s’étale.
Je suis une bombe
à retardement.
Je vais exploser
de dégoût
et de haine
contre lui
qui cette fois
encore
se permet.
Je le hacherais en morceaux.
J’en mourrais s’il le fallait.
Je serais la kamikaze
sans peur ni honte
sans foi ni loi.
Je n’aurais plus rien à perdre.
puisque je serais moi-même
à détruire,
dans le viseur
de ma propre arme.

Le kamikaze
et la
ne sont pas fous.
On n’est pas fou parce qu’on est
kamikaze.
On n’est pas kamikaze parce qu’on est fou.
On kamikaze quand on est
vide,
qu’on est vide de tout
sauf
sauf !
d’une immense colère
comme l’océan.
Une rage
qui ne tient pas
dans un corps d’homme.
La rage des grands
félins,
la rage prête à tuer,
la rage prête à tout.
Le jeu de sons était
trop facile,
je l’entendais déjà
dans ma tête.
Vous savez bien cette
rage-là ?
N’est-ce pas vous savez
bien ?
N’est-ce pas ?
Vous savez bien
non ?
Oh merde !
Encore des sages qui
ne savent pas
ce que je baragouine.
je vais encore
me faire
jeter
dans la cage aux fous.
Remarquez que
c’est sans doute
bien plus marrant
que tous ces conciliabules
officiels
reconnus.
Je kamikaze,
c’est mon issue,
quand le corps
dégringole.
Non non !
Il ne dégringole pas.
Il se bidonne.
Il gonfle.
Il s’arrondit
comme une femme
prise
par le têtard
que tout le monde attend.
Pas moi 
surtout pas moi.
Il se prend
pour un grand
un gros
un bœuf
et je suis une grosse
vache
brusquement,
aussi lourde
et sans armes,
sans mamelles,
et sans lait.
Le simple volume
bovin.
Et tout le sens
que chacun
et chacune
y met bien.
Les yeux
perdus
dans la
bêtise.
Comme si
d’un coup,
je me muais
en imbécile,
parce que mon corps
me boudinait.
Il mène la danse !
Danse ironique de
la vache
en sabot
et bedon.
Ma tête devient une
pomme,
verte
et luisante,
hors de toute probabilité
d’humanité.
Inacceptable.
Les cheveux retournent
à l’enfance,
longs et filasses,
presque invisibles.
L’être se loge
seul
dans le cerveau,
circonscrit
à l’impalpable
électricité
neurale.
Mais cet être
redevient
un handicapé
connu.
Il a été mon kamikaze
des jeunes années.
L’être qui toque à
toutes les
portes
du crâne.
L’être qui ose avaler toutes les
nourritures
d’école,
toutes et même plus,
pour grandir et
surpasser
la vache qui lutte
pour prendre le pas
sous lui.
L’être qui a déserté
son corps,
qui n’en reconnaît plus les atomes,
maladie auto-immune
anti-corpspropre
car il est
sale
précisément.
Loin de la
bouse
qui remplit
la cache du dessous,
de l’étage
des simplets.
Mais l’étage d’évidence aussi,
l’étage iné-
vitable,
le passage obligé
par le corps
propre
sale
et véreux.
La tête est une pomme
verte
une Granny Smith
à l’air un peu
benêt
mais elle n’est pas
creusée
de vers
et
vermines

ordurières.
Un peu idiote mais
propre.
Elle pédale la
pomme verte.
Elle ne
s’affaisse pas
sur le bord de la route
laissant filer
sa vie.

mardi 25 novembre 2014

Météo à 20h

Comme un film de science fiction,
les murs surgissent
d’un coup.
poussent de terre
en une milliseconde.
Journée
presque ou
parfaitement ennuyeuse
devient
parcours du
combattant.
Pas que je geigne
pleure
et tape du pied
en gueulant.
Pas que je sois
la petite malheureuse
qui voit s’effondrer
chaque petit jour
tranquille.
C’est ce qu’on croirait
avec tous ces poèmes
glauques.
Meuh non !
C’est cet étonnement
qui ne s’arrête
jamais
même pur un parano.
L’érection
absolument
subite
et subie,
sans faire joujou
débile avec les momots
de l’émotion
dans un désert
d’heures.
On croit que
ce n’est que du film,
Arrête ton cinéma
et Cie.
Meuh non !
encore une fois !
C’est juste
un sur le cul
devant
les surprises
géologiques
paysagiques
et
météorologiques
quotidiennes.
On dit
et pense
très fort
et tout haut
que la Météo
est une
usurpatrice.
La Météo-institution
j’entends.
Pas la vraie discipline que
personne
n’a jamais touché
du doigt
dans tous les
médisants.
Comme souvent.
Bref,
la Météo est une
institution
car dans
des temps reculés,
ne fallait-il pas expliquer,
pouvoir comprendre
un tant soit peu
les sautes d’humeur
des Puissants
et de
l’humanité en prime.
La Météo
est un trésor
d’apaisement.
N’y saisissant plus rien,
on s’en remet
au temps
et à ses frasques
pour élucider tous ces mystères
de l’angoisse.
Cela me
revient à dire
que la Météo,
l’institution,
nous offre
les raisons tant
espérées
de nos malheurs
doutes
et oppressions.
On en arrive toujours au
temps.
Toujours et
re toujours.
c’est un fait.
Consultez les archives
pour voir donc
si je me trompe.
J’en ai déjà
fait le tour.
La Météo explique
la science fiction
de notre réalité.
on veut aplanir
toutes ces anormalités
et autres
aliénutudes.
On ne veut pas voir
qu’on est déglingués
de tiout
et pazrtout
et qu’on est fait
pour ça.
et que ça a son charme.
Et que peut-être
les sourds
et les manchots
sont les vrais normaux de
notre désert
aux normes.
Enorme
bigleux
que l’homme
et ses grands chevaux.
Plutôt de tristes
et
chétifs poneys
en vadrouille
dans leur
tout petit
champ
tout vert
et sec,
dessous la terre.
N’allez pas mettre les mains dans la
terre.
vous y perdriez
votre joie.
L’herbe est bien belle.
Souriez au poney.

lundi 24 novembre 2014

Temps (3)

            Le temps a été jusqu’alors comme un énorme pavé dans la mare, une énorme pierre, le boulet qu’on ne peut pas tirer ni pousser, qui parfois bouge sans raison évidente, sans direction cohérente. Du moins, c’est ce qu’on croit absolument.
J’ai toujours détesté le temps. Mon absolue incohérence car je ne suis rien sans lui. Mais ça a peut-être été très longtemps ma façon de m’en accommoder. Une donnée incontournable, que je n’ai pas affrontée, autour de laquelle j’ai fait le satellite sans contact, en observation aigrie. J’en ai fait mon ennemi puisqu’il fallait bien faire avec. (Il l’est encore la plupart du temps.) C’était mieux que de nier. Et c’était douloureux. Et la douleur c’est mieux que la mort. C’est encore du vivant. Et pas de cynisme là-dedans. Une réalité humaine.
Le temps a été la pierre qui me tirait vers le fond, vers le noir et la tristesse. Je le voyais ainsi. Une plaie.
Ma plaie.
Ma tyrannie.
Les minutes à compter.
Les minutes qui ne passent pas.
Les secondes qui s’étirent, prennent tout leur temps pour s’éveiller.
Les heures auxquelles on ne préfère pas penser.
Bien sûr que mon temps est traumatisé.
Je l’ai torturé. Je ne l’ai pas laissé reposer à ma cheville tranquillement en prisonnière modèle. Je l’ai fait obéir et il s’est alourdi toujours plus chaque jour, me renvoyant en boomerang mon combat. Ni lui ni moi n’avons rien gagné à cela. J’ai voulu l’asservir. J’ai voulu asservir toutes mes contingences à ma volonté d’acier, brillante, aux crocs acérés et découverts.
Asservir l’espace et ne tenir que la place que je voulais prendre, pas plus pas moins, Exactement cette place dans l’espace, si précise qu’elle tenait aussi en une toute petite seconde et qu’il fallait se battre pour sauter de seconde en seconde. Les gens sont des êtres d’heures et d’années. J’étais devenue un être de seconde, un point, sans épaisseur et sans rythme. Tout me résistait et je résistais à tout. Mon espace-temps était devenu mon adversaire. Au lieu de le subir, je me suis retournée et séparée de lui pour le frapper et le boxer sans arrêt au moyen de l’immobilité sans épaisseur. La morte-vivante. Les deux, morte et vivante. Impossible à dénouer dans ces deux visages. Utiliser la mort pour rester en vie. La plus immense apparente incohérence. Et pourtant si fréquente quand on y regarde de plus près.
Asservir le corps et tous ses besoins. L’empêcher de s’asseoir dans son espace et son temps. Lui interdire le droit de séjour dans la vague des heures.
Tu seras un être de seconde.
Tu seras un être pointu et aiguisé.
Tu seras ce que je te dirai.
Tu seras acéré comme un sommet de montagne.
Aussi digne que cela.
Aussi seul et unique que cela.
Aussi inatteignable et dangereux que cela.
Et le temps sera vaincu.
Le temps qui ne doit être qu’une circonstance est devenu un objectif. Le temps est une conscience sourde. Il a toujours été relativement bruyant pour moi. Il est devenu criard lorsque je l’ai pris entre quatre yeux. Il n’a pas supporté le face à face. Moi non plus, mais j’ai lutté pour croire que j’y gagnerai le trophée.
Est demeuré depuis toutes ces années ce litige d’une violence inouïe avec le temps. Ma rage parfois contre ses heures qui me retiennent et m’ennuient à en mourir m’emplit et déborde. Je mange pour l’endiguer. Pour lutter encore. Pour ne pas accepter de me laisser toucher. Parce que cela m’écœure.
Parce que j’en vomirais toutes mes viscères et vide, je serais encore moins.
Parce que je ne serais plus qu’un bout de peau flasque inutile.
Parce que l’épaisseur aujourd’hui acceptée serait aspirée brutalement.
Elle est transparente ma bataille avec le temps. Elle ne se voit en rien. Avec l’espace, j’en ai un peu fini. Celle-là s’est vue. C’était sa belle particularité.
La bataille avec mon temps passe à la trappe si les mots ne la pose pas quelque part. Elle s’évanouit effacée par le temps lui-même, ce traître.

Et puis, je perçois peu à peu que le temps n’existe pas vraiment. J’en ai fait un monstrueux paquet, parfaitement carré. Un énorme colis plein de béton et d’acier, complètement compact. Devant mes pieds, devant mes pas.
Mais non ! il y a mon temps et c’est tout. J’ai banni mon temps de mon esprit. Je ne pouvais pas m’inscrire en lui et m’accoupler avec lui. Puisque c’est bien cette impression de pénétration qui m’a tant fait reculer et lutter.
Le temps serait l’homme qui me pénètre malgré moi.
Le temps serait un violeur.
Le temps serait mon dominateur incontestable. Je me retrouverais à nouveau prise au piège comme dans cette enfance honnie.
« Le temps est un enchanteur et pervers. Il tourne autour et caresse pour attraper et violer. Le temps est mon ennemi juré. Jamais ô grand jamais tu ne lui cèderas, femme fragile ! Jamais tu ne seras à nouveau une poupée, une plante qui se tait et supporte.»

J’ai accepté d’être avec l’autre, avec un autre. Pas seulement à côté, mais seule surtout, quand je veux comme je veux. Fais que je veux !
En adulte qui croit toujours ne pas savoir dire non.
En adulte qui croit que les autres sont plus forts.
En adulte qui croit que les autres nous mangent.
En adulte qui croit que laisser toucher c’est se laisser mourir.
En adulte encore toute petite fille qui n’est pas passée au suivant.
J’ai désormais accepté d’être touchée jusqu’au noyau infrangible de mon être. Il n’appartient qu’à moi mais il n’est plus fermé à double tour. Je croyais déjà avoir tout ouvert. Et le temps restait mon ennemi douloureux. Je ne comprenais plus ce qu’il fallait ouvrir.
La pudeur.
La colère.
La honte d’aimer.
L’impression du ridicule du sourire au visage de l’autre.
Voilà celles qu’il fallait ouvrir. Comme souvent, je n’y avais pas même pensé : elles m’étaient parfaitement constitutives. Et finalement, je suis davantage que cela. Je suis un être d’heures et d’années qui s’ignorait jusqu’à peu. Je suis, sans avoir besoin de savoir et comprendre par quelle mystérieuse révolte.
Etre est un fait. je crois que je croyais ne pas être vraiment.

De l’eau tout autour de mon corps. Les membres qui glissent en elle. Ni sur. Ni contre, quoi que, pourquoi pas contre. Les ondulations qui se plient à moi. Moi qui me plie aux règles de l’eau. Cette si chère image de l’eau maternelle régressive. Pas envie de l’avouer. Mais cette douceur est bien celle d’un autre temps, quelque chose de puissamment vivant. L’eau maternelle à laquelle s’adjoint à un moment, alors que je suis allongée, les yeux au ciel (le plafond carrelé de la piscine…), mon temps. Ce n’est plus le temps et sa terrible abstraction. Il s’agit là de mon temps, le mien et pas le leur. C’est-à-dire mon temps singulier et ma mort. je ne suis qu’une vie. le temps comme un boulet et énorme colis m’empêchait de mourir. Il m’empêchait aussi de vivre. Si je veux vivre, je dois être dans mon temps et ma mort jusqu’au bout. Elle sera toujours là. c’est le boulet de mon temps.

vendredi 21 novembre 2014

Temps (2)

            Limites de l’existence à deux. Limites de l’autre qui m’arrêtent dans mon questionnement effréné des conventions sociales. Je hais ces règles qu’on dit sociales, que je trouve tout aussi religieuses que les sacrées. C’est une foi immense et faussement rationnelle qu’on voue à la fidélité dans le couple, à l’éternel engagement, et j’en passe. Bien entendu qu’elle a été jusqu’à très récemment chrétienne. Je crois qu’elle l’est toujours. Et qu’on a beau se dire athée et loin du monde de Dieu, on a foi en la fidélité quand on se marie pour la vie à une unique personne. Une foi qui n’est pas nécessaire.
Elle n’est en rien nécessaire, si l’on prend le recul angoissant d’un relativisme même minime.
Il en allait ainsi pour moi jusqu’à récemment. Et puis, je me retrouve à admettre ces limites que j’ai tant décriées.
Que les limites protègent et endiguent les débordements internes désastreux pour tout le monde, je n’en doute plus depuis longtemps. Je m’en suis fixée moi-même, des absolument restrictives pour être sûre d’être bordée au plus près. Cela n’a pas été heureux, maladroit, immature et j’y ai eu exercé ma liberté. Ce n’est qu’avec quelques années de recul que j’ai compris combien ces limites avaient été salutaires. Elles ont fait tuteur alors que j’étais prête à exploser d’angoisse et de rage.
Donc, est acquis depuis belle lurette le pouvoir apaisant des limites, même ! et surtout, dirais-je presque, fixées par les autres. Non pas que je me sois muée en une sacrée masochiste. Mais quelle délivrance de ne pas avoir à me soumettre à ma propre volonté qui est la pire des sorcières que je connais quand on lui octroie un quelconque pouvoir. Une folle ! Celle des autres est souvent bien plus raisonnable et la mienne se calme au vu du troupeau très loin là-bas de ses exigences maladives à elle. Et elle sait, d’expérience, que si elle n’en fait vraiment qu’à sa tête, cela finira mal.
Mais, en cours d’acquisition (la vie et l’école, cela vaudrait la peine d’une immense réflexion, d’autant plus dans le pays de l’Education Nationale et ses décalages presque psychotiques) la valeur libératrice de ces limites. Je n’étais pas prête à être libérée et me trouvais mieux prisonnière jusqu’à présent, c’est tout à fait possible. Ou alors, je préférais ma propre tyrannie plutôt que les règles strictes mais saines venues des autres.
Ma tyrannie m’est connue, ma tyrannie m’appartient encore. Elle est davantage que moi que tout ce que l’autre m’imposera. Ce que l’autre m’impose m’est d’emblée tyrannie. Qui plus est quand il s’agit d’une règle. Tout est mieux venant de moi plutôt que venu de l’autre. Je n’attrape que du bout des doigts ce que les autres me font partager comme valeurs et règles de vie, je ne me fie à rien ni à personne.
Aucun de mes congénères n’est digne de confiance.
Sommeille en chacun d’eux un répugnant dictateur.
Je ne m’approche pas de la bête.
Je reste à la surface de ses valeurs et principes.
J’approfondis tout le reste si l’on veut.
Je disparais si l’on m’explique la vie et ses règles.
Je m’évanouis abracadabrante si on me suggère de belles lois
Jusqu’au jour où on s’aperçoit qu’on est tyran pour les autres, soi aussi.
On ne voulait pas le croire.
On se disait trop consciencieuse, comme toujours.
Trop coupable.
Trop exigeante une nouvelle fois.
Mais quelqu’un d’avisé me l’a dit.
Sans colère.
Désolée.
Et surtout déçue
Le coup de massue.
Les étoiles qui valdinguent tout.
On s’était juré de ne jamais être de ceux-là.
On avait juré sur sa propre vie de n’être jamais un autoritaire.
On avait cru que c’était possible.
On s’est monumentalement crouté.
Non pas que je préfère être victime que bourreau après avoir découvert ma répugnante hétéro-dictatrice. (Contre moi-même, je la pratique depuis trente et quelques années. Elle m’est familière.) Mais signe que je ne suis pas moins dangereuse que les autres. Par conséquent, ils ne sont pas si dangereux que j’ai continué de le dire depuis que je suis en colère. (Ca fait un bail…) Egalisation du terrain, nivellement de la dangerosité supposée des divers individus.
Alors, quand j’ai accepté (c’est tout frais) de me laisser manipuler par l’autre, j’ai cru m’enfoncer dans le même trou que l’enfant-poupée, l’enfant-objet que j’ai toujours eu le sentiment d’être. J’ai en réalité passé un tunnel inquiétant, rétrécissement de la route, un moment d’étroitesse et diminution momentanée d’oxygène. Mais non de l’horizon à la sortie du noir. Non plus du ciel. Oui sans doute rétrécissement de l’infinité, toujours à perte de vue à chaque pas. Mais à perte de vue à chaque pas, c’est le désert et l’égarement au final. Des portes et des murs qui structurent un espace et l’animent, même s’ils sont aussi des contraintes. La liberté sans obstacles est une monstrueuse contrainte : la dépression et l’estomac brûlant.

Se laisser manipuler au sens propre et à tous les sens figurés.
Se laisser tirer par les ficelles en essayant au maximum de relâcher ses muscles.
Se laisser manipuler, d’abord, par le kiné. Je le paye, je serais sans doute moins méfiante.
Se laisser manipuler par la personne qu’on aime.
Et tenter de faire vraiment confiance.
De poser les organes, tous et toutes, dans leur place attitrée, sans décalage crispé ou contrôleur.
Et là, lorsque tout le monde s’imbrique, tout est plus lourd et plus léger.
Le sentiment d’être et que le temps n’est qu’une idée.
Il n’est pas qu’une idée mais tellement être qu’il n’a plus d’importance.
Lui aussi, le temps, est aux plus lourd et léger.
Il s’assoit entre deux dents de fourchette et vogue plus souplement, sans cul serré puisqu’il sait qu’il sera bien arrêté quand il le faut.

Demain

Quelque chose
s’achève
se clôt
s’encercle.
On dit que la boucle est bouclée.
Mais c’est une tromperie
Messieurs Dames,
prenez vos jambes à votre cou en
entendant cette hérésie.
Une boucle est par essence
ouverte.
la boucle ne sera jamais bouclée
ou toujours bouclée au contraire,
c’est-à-dire,
prête à reboucler encore
sans jamais se boucher.
Une boucle en appelle une autre
sans jamais s’arrêter.
Les cheveux bouclés pourraient
l’être jusqu’aux pieds et
même
au-delà.
On les coupe parce que
précisément
ils ne s’arrêtent pas.
Tout le monde est d’accord
pour dire de l’arabesque
qu’elle est une forme suspendue.
personne ne le dit vraiment,
mais cela se pense
dans la plupart des cerveaux
de ce bas-monde.
Eh bien, c’est encore
une chose admise et fausse.
un principe irréfléchi
impensé
et bien pensable pourtant.
Pas vraiment si virtuose
de sentir l’infinitude de la boucle
autant que de l’arabesque.
Tout ça pour dire que je n’emploierai pas
cette expression idiote.
Je disais donc,
que
quelque s’achève,
se clôt,
s’encercle.
Le cerceau est entier,
rond
parfait,
il laisse mon estomac tranquille.
Je peux permettre à ce dernier
de reposer sur son gros compère
intestin.
Pas besoin pour ce jour de sautiller
en nauséeux
dans mon œsophage encombré.
Pas besoin non plus pour lui de
crier
au feu
toute la journée
et de réclamer
révolutionner
son monde
de 7h à minuit.
Les choses sont simples :
le cercle s’encercle et boîte ;
je laisse l’estomac reposer en bonne pâte ;
il se fait silencieux et calme ;
les poumons prennent le large ;
et pouf, voilà les gros seins.
Bref,
j’ai peut-être un petit peu
extrapolé le phénomène.
Mais,
pour sûr !
l’englobement est acté.
Je sens
je crois
j’espère
que demain,
après la nuit qui achèvera
définitivement cette ère,
commencera
un nouveau rythme
un nouveau cœur.
Pas absolument nouveau
mais une couleur en plus,
un ton plus haut.

Et j’en profite pour rêver une vie à venir.

mercredi 19 novembre 2014

Métamorphose du temps

Le temps
si maigrichon
et raide,
obsessionnel
et impeccable
s’est transformé.
C’était un grand-père
ennuyeux.
Le barbifiant
raseur.
Celui qui ne rira
ou dansera sous
aucun prétexte.
Eh bien,
celui-là même
a pris
le large.
Il a étendu les bras
comme un
Jésus Christ
accueillant.
Il a regardé le ciel
et ses oiseaux,
au lieu
de coller
à la terre
et ses poussières.
Le temps s’est métamorphosé.
Il a dû se faire
psychanalyser.
c’est ironique,
direz-vous.
Je vous l’accorde,
c’est un serpent
qui se mord la
queue.
Mais la vie
ne serait pas
presque toujours
en train de se mordre
la queue ?
A condition,
bien entendu,
d’être un serpent.
Bref,
c’est à se demander
ce qui l’a
bouleversé
le vieux grincheux
en costumes sales.
Quoi qu’il en soit,
le temps
est aujourd’hui
un décoincé.
Pas hippie
là d’emblée.
Il prend le
large,
s’étale
dans son nouveau
grand
fauteuil
moelleux.
Il avait toujours choisi
les anciennes
chaises de bois
qui piquent.
Mieux vaut tard que jamais.

Et le temps,
le fameux,
m’écoute
et me regarde
déblatérer
impunément
sur son compte.
Il a le sourire
de ceux qui
n’ont rien à craindre.
Il ne rit pas.
Il est trop grave pour
ça.
Mais il sourit
de mon combat
dans mon propre
filet.

mardi 18 novembre 2014

Temps (1)

Le temps  qui bat chaque minute lentement désespérément. Je regarde et sens chaque longue minute se finir.
Et la suivante commencer.
Et s’enrouler sans fin comme un énorme papier toilette. Ceci dit, combien on aimerait que le papier toilette n’en finisse jamais. Ne s’épuise jamais. Et qu’en revanche, les minutes et secondes  courent ou traînent comme on veut. J’éprouve le temps, j’ai toujours éprouvé le temps, comme infiniment identique. D’aucuns le voient filer, d’autres le trouvent long. Il se faufile dans les failles d’une vie.
J’ai toujours blâmé le temps comme une divinité puissante et asservissante. De manière quelque peu excessive et consciente de l’être. Je me sentais bien un peu païenne et antique dans ce fantasme récurrent. Mais cela me correspondait trop pour que je l’évince.
Je me suis toujours sentie persécutée par le temps.
Cela m’a toujours permis de ne surtout pas me confronter plus d’une milliseconde au gouffre de l’éternité.
Cela m’a permis de me croire lente à vivre et mourir.
Le cours de philosophie consacré au temps a été le plus détestable. J’ai presque tout aimé de cet enseignement. Sauf le Temps. Et la Liberté. Allez comprendre !
Ou pas, puisque c’est évident.

J’ai découvert hier la clef de quelque chose. Je ne m’y attendais pas donc je ne sais pas ce qu’elle ouvre véritablement.
Sinon qu’elle desserre l’étau du temps.
Des limites, une heure et puis une autre et à l’intérieur tu le laisses faire, tu ne le retiens pas ni le jettes nulle part. Ta fourchette et tes deux extrêmes et entre les deux, advienne que pourra et voudra.
C’est-à-dire, soyons clair :
Non à toutes les limites que je ne comprends pas intensément. (Et moi non plus je ne sais pas précisément ce que signifie dans ma bouche « comprendre intensément ». Mais il y a une pointe d’exhaustivité là-dedans, c’est sûr.)
Non à toute contrainte qui m’empêche de penser. (Même si elle pourrait éviter de m’angoisser, disent certains. Ce qui revient à une absurdité puisque ce n’est pas que je pense en vue de m’angoisser. Idée très répandue, n’est-ce pas ? Je pense pour apaiser l’angoisse. L’angoisse était là bien avant. Alors laissez-moi donc penser pour être au calme. Bref.)
Non à toutes ces règles sociales, de soi-disant respect qui sont de purs principes, de purs arbitraires. (C’est vrai, je l’avoue, j’en ai pris un sacré coup et j’ai été grandement soulagée, aussi, lorsque j’ai appris que l’on parlait de l’arbitraire du signe langagier. Je ne saisis qu’aujourd’hui, quinze années plus tard pourquoi. Aujourd’hui, j’en accepte certaines parce que mon autre me le demande, parce que son amour en dépend. (J’ai d’ailleurs aussi toujours affirmé que je ne changerai rien à ma pensée, mes valeurs et tout le tralala par amour ; oui à l’issue d’un raisonnement, sûrement pas par amour. Là encore, je reviens sur ce fait.) )
Voilà comment j’ai attrapé le réel jusqu’à présent, sans jamais être une révoltée. C’étaient des tas de Non dans ma tête et mes actes, sans m’en rendre compte. Je n’ai remué aucune merde vraiment sciemment. Je n’ai soulevé au-dessus des têtes et menacer qu’à la force de ma colère, vite retombée.
Et me voilà donc, j’en arrive à ce fameux sujet de la fourchette et de ses dents. La dissection, la séparation (et sans aucun doute la mort dans ma tête, raccourci bien simpliste ; je m’en veux), la délimitation. Et absolument tout ce qui en découle : l’organisation, la rectitude, la ponctualité, la fidélité, l’honnêteté, la confiance… L’ordre d’une vie tient dans une fourchette.
Je me suis toujours rapprochée prudemment des cuillères, beaucoup plus accueillantes.
Bien moins matures.
Mais j’ai compensé ardemment, à coups de mots et écritures.
Depuis hier, me voici planant vers la fourchette et son intransigeance. (Là encore, soyons précis : l’intransigeance des limites et de la fourchette sont absolument visibles ; la cuillère  et ses rondeurs plus suaves, non moins intransigeantes.)
Parce que, pourquoi ? parce que depuis hier, j’ai  trouvé une clef : j’ai lâché la laisse du toutou indomptable. Et il ne s’est pas échappé ni ne m’a assommé de ses lourdes secondes. Pas que j’en avais peur, pas du moins consciemment. (Mais cela devait bien quelque part au lointain me terrifier subtilement.) Mais je n’avais jamais pensé à le laisser en liberté. (Ca sert à quoi donc de penser tout le temps si c’est pour omettre l’obvie !) (On en revient au point de départ des cours de philosophie.)
Il s’est ébroué et déjà mes nerfs ont dansé la java. Le thorax s’est ouvert, comme la Mer Rouge, aussi miraculeux. oui oui Messieurs Dames, pas moins que ça !