mardi 9 décembre 2014

Stérile

L’enfant sera ma mort.
Sans lui
ni elle,
je reste bien
et belle vivante.
Dès qu’il pointera
son nez
translucide
têtardesque
adoré de tous les humaine
en norme,
je succomberai.
Je ne ferai pas de bruit.
Je retournerai à l’enfant sage
trois décennies plus tôt
qu’on oublie sous la table
dans son livre,
idiote
pleurnicheuse
surtout honteuse de n’être pas autre.
Hommes et femmes
dans un chaos de réjouissances,
un chaos qui les envole
et me réduit
en poussière.
Mon accouchement sera ma mort.
Tout comme
certains mots tuent
face à certains visages.
Les faciès se fissurent.
Mon corps s’ouvrira pour
laisser vivre mon enfant
mais se déchirera jusqu’au sommet crânien.
Le jour de sa naissance,
je serais morte en deux.
Il ne doit pas savoir.
elle ne doit pas porter.
Mieux vaut restée fermée.
Et je ferme les jambes.
Je serre les cuisses.
Je croise les pieds
et les orteils pour toutes les chances
de mon côté.
J’enroule en quatre les
membres bas.
Le pied en serrure sûre
de coffre-fort.
Ou alors,
gigoteuses aliénées
instoppables
en qui-vive,
prêtes au kick.
Le jour où germera
l’enfant
en perfidie,
celui qui aura décrypté
le labyrinthe
blindé de pièges
et méchantes énigmes,
mon noyau vif débutera
sa descente.
Mon étoile intérieure commencera de mourir.
Mes mains seront vidées
de tout ce que je suis
de tout ce que j’ai été.
Je serai dépossédée
de tout
et même de rien.
Je serai un néant
en voie d’étrécissement.
Décélération brutale,
sortie d’autoroute
en épingle à cheveux,
sans autre issue.
Et le surplace
jusqu’à l’espace
raccourci sur lui-même.
Fermeture éclair d’une vie.

Ne t’aventure donc pas,
petit humain,
dans ce ventre
malfamé,
qui déjà te maltraite,
avant même
que
tu ne te hisses des limbes.
Mon corps sera ta tombe.
Tu n’auras pas mon cœur.
Ou bien, tout au contraire,
tu l’auras entièrement.
C’est toi qui me le mangeras.
Mon cœur sera le tien.
Je ne vivrai donc plus.
S’il te venait l’idée,
saugrenue et tarée,
de toquer à ma porte,
écoute bien le silence,
qui t’accueille sans pitié.
Je ne donnerai ni plus
ni mieux.
Je crèverai dans le sang
et tes cris d’oxygène.
Détourne-toi de ma folie
et mes gènes défectueux.
Oublie jusqu’à
mon existence.
Je suis une mort annoncée,
une faucheuse en herbe
sans ombre
car je l’ai avalée,
avec la première goutte.
Ote-toi de ma route.
Je suis une crève-la-vie.
Une poubelle en ovaires.
Mes organes sont des leurres,
des mirages déments,
rendus fous par l’angoisse
et la faim.
Evite leur miroir.
Tourne-toi vers les vraies,
vcelles qui te choieront,
celles qui n’attendent que toi.
Ne boude pas les stériles
en désir.
Ouvre leur destinée
tout comme elles le prient.
Et laisse-moi en paix,
suppliant, moi, les cieux,
pour perdre
mon talent
de génitrice fertile.
Les foudres des mères et
femmes qui poussent
s’abbattront fort sur moi.
Elles ne me tueront pas.
Elles ne me voleront rien.
Elles me sont bien égales.
Je ne les ligature pas.
Qu’elles me laissent libre aussi
dans mon corps de sables
déjà
bien trop mouvants.

Obstrue tous les conduits.
Blesse mon utérus.
Que j’excrémente tous les
procréateurs.
Qu’ils tombent inertes et calmes
au fond de la cuvette.
Que je sois blanche d’eux.
pour être noire de moi.
Que je sois un désert
de goudron et de livres.
Que je sois une immense
tour de verre,
miroiteuse sans point de mire.
Kaléidoscopique.
Sans faux sens.
Sans filet.
La baleine bouche bée
est mon amie,
ma maîtresse
ma fidèle.
Inhumaine.
Indomptable.
Je ne suis pas un nid.
Je suis cloutée
viciée.
Vade retro petits enfants.

1 commentaire:

  1. Waouh! Cà faisait longtemps et tu me manquais!
    Quel courage et quelle puissance!
    Je t'embrasse fort
    Michèle

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