jeudi 5 février 2015

Les quatre morts et enterrés

Les quatre sont morts et enterrés.
Ils sont au trou et ils pourrissent.
Des  mauvaises herbes
ou
des jolies fleurs
les entourent.
c’est ce que disent
les poèmes.
Surtout des gravillons
et
une grosse pierre,
en réalité.

Je préfère les imaginer en haut,
flotteurs en âme.
Ils voguent,
ils planent.

Je ne les imaginais plus.
J’en avais fini avec.
Les quatre sont morts et enterrés.
La vie va pouvoir avancer.
Les boulets au placard.
Le sang se régénère.

Et pourtant,
rien n’a été plus léger,
sinon le père soulagé
de ses deux vieux éléphants
étrangleurs.

Rien n’a été plus simple.
Encore leurrée par le spectre
sucré de la mort.
Jusqu’alors,
l’élimination
était toujours
ma solution.

J’ai continué de
ne pas les aimer
comme s’ils
étaient vivants.
J’ai continué de
ricané et puis
tourner le dos.
J’ai continué d’être une
enfant.

Ils sont réapparus
tout doucement
à pas de loup
mais sans surprise.
Ils se sont installés
au-dessus
de mes yeux.

Je leur ai fait leur place,
comme le veut
le respect des aïeux
dont j’avais tellement
ri.
Et j’ai constaté
l’ampleur
du désastre.
Ils avaient perdu leur
matière.

Non pas qu’ils étaient morts.
J’avais tout évidé.
Arraché toute la chair,
tous les membres,
même aux fantômes.
Mes yeux
éberlués
n’ont fait qu’un tour,
et ont relevé les manches.

J’ai passé trente années
à me débarrasser
de tout ce que
je contenais.
J’ai dû faire
mes poubelles
et raccroché
tous les minuscules
bouts.

Le puzzle s’est vite
avéré
déglingué :
une pièce pour mille,
pas davantage.
Ma construction
de pauvre.

Alors,
j’ai saisi le stylo
pour remplir
les trouées.
Ecrire sur tous les
pans
éviscérés.
Ecrire même dans les
boucles des lettres à
jambage et
courbettes.
une spectaculaire
chirurgie
esthétique.

Et j’ai dû
inventer
le fil
et les lignes.
Et j’ai dû
emprunter
au cœur
aux yeux
à tous les autres,
les miens,
pour
achever
l’ouvrage.

Au-dessus de mes yeux,
le chantier
pousse
comme une cathédrale.

Les quatre morts
deviennent
quatre fantastiques.

1 commentaire:

  1. Tu pourrais le mettre en conclusion du bouquin, ce poème. Quand est-ce qu'on le lit, d'ailleurs ?

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